CA Nîmes, 1re ch. civ., 8 novembre 2018, n° 17/04767
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grand Delta Habitat (SA)
Défendeur :
Association Gardoise de Protection des Majeurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Blume
Conseillers :
Mme Hebrard, Mme Toulouse
EXPOSE DU LITIGE
Par acte d'huissier du 8 août 2017, la Sa Grand Delta Habitat a fait assigner M. Thierry L. devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Nîmes afin qu'il soit statué sur le sort des meubles garnissant le logement dont il a été expulsé.
Suivant jugement contradictoire du 8 décembre 2017, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Nîmes a débouté la Sa Grand Delta Habitat de ses demandes au motif que le délai des articles L.433-1 et R433-1 du code des procédures civiles d' exécution n'avait pas couru, M. Thierry L. n'ayant pas accès à ses meubles.
La Sa Grand Delta Habitat a relevé appel de cette décision par déclaration du 22 décembre 2017.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 mars 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et de dire que M. Thierry L. a toujours eu accès à ses meubles, que le délai des articles L 433-1 et R 433-1 du code des procédures civiles d' exécution a bien couru, de constater la reprise de ses meubles par l'intimé, et de le condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l' article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris notamment les frais de déménagement et de gardiennage sur le fondement de l' article L.111-8 du code des procédures d' exécution .
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 avril 2018, M. Thierry L. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il expose que le bailleur connaissait ses difficultés et qu'il n'a pas eu accès à ses meubles, stockés à plus de 50km de son lieu de résidence. Il estime qu'il demeure curieux que l'acte d'expulsion ait été signifié au Mas Careiron et que l'ensemble des actes antérieurs l'a été à son domicile. Il affirme qu'il n'était pas en outre notifié le coût du gardiennage, ni même du déménagement, lesquels ne sont d'ailleurs pas justifiés.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 3 septembre 2018.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le sort des meubles
Aux termes de l'article R 433-1 du code des procédures civiles d' exécution , si des biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient, en outre, à peine de nullité :
1° Inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande;
2° Mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ;
3° Sommation à la personne expulsée, en caractère très apparent, d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés seront, sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés selon le cas ;
4° Convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution du lieu de la situation de l'immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l'expiration du délai imparti au 3°, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience. L'acte reproduit les dispositions des articles R 121-6 à R 121-10.
Par ailleurs, l' article R 433-2 du code des procédures civiles d' exécution dispose que le délai prévu par l' article L 433-1 est d'un mois non renouvelable à compter de la signification du procès-verbal d'expulsion.
Enfin, aux termes de l' article R 433-6 du code des procédures civiles d' exécution , les biens n'ayant aucune valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice. Avis en est donné à la personne expulsée, comme il est dit au dernier alinéa de l' article R 433-5. À l'expiration du délai prévu au premier alinéa, l'huissier de justice détruit les documents conservés et dresse un procès-verbal qui fait mention des documents officiels et des instruments bancaires qui ont été détruits.
Agissant en vertu d'une ordonnance de référé rendue par le président du tribunal d'instance d'Uzès en date du 11 août 2016 et après la signification le 30 août 2016 d'un commandement de quitter les lieux resté infructueux, réitéré le 10 novembre 2016, la Sa Grand delta Habitat a fait signifier à M. L. le 8 août 2017 un procès-verbal d'expulsion daté du 30 juin 2017, à sa personne alors qu'il était hospitalisé au Mas Careiron établissement psychiatrique dans lequel il séjournait.
Il ressort des mentions du procès-verbal d'expulsion que les biens garnissant les lieux qui ont fait l'objet d'un inventaire en l'absence de la personne occupante des lieux, ont été transportés à Sud Occasion [...] où ils demeuraient accessibles ; que les meubles cassés ont été emmenés à la déchetterie et les objets de la cave à la ferraille ; qu'il a été fait sommation à l'expulsé d'avoir à retirer ses meubles dans le délai d'un mois à compter de l'acte, avec la précision qu'à défaut, les biens qui n'auraient pas été retirés seraient sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnées, et qu'il leur a été donné à cette fin assignation à comparaître le 8 septembre 2017 devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Nîmes.
Contrairement à ce que soutient M.L., l'huissier de justice qui a procédé aux opérations d'expulsion, a fait un inventaire de ses biens, puisque le procès-verbal d'expulsion dressé comporte une liste détaillée des meubles garnissant les lieux et du lieu où ils ont été entreposés et a indiqué que les objets cassés, sales et inutilisables ont été emmenés à la déchetterie.
Cependant, le procès-verbal d'expulsion, qui mentionne avoir été rédigé le 30 juin 2017 mais avoir été remis le 8 août 2017à M.L., dont l'état de santé justifiait à cette période une hospitalisation à temps plein et le placement sous mesure de sauvegarde le 10 juillet 2017 en vertu du certificat du Dr B. du 27 juin 2017, se borne à énoncer, sans autre indication quant aux conditions d'accès au local, que le mobilier a été transporté à 'Sud Occasion [...]' ne répond pas aux exigences du texte sus-visés.
De plus, ce procès-verbal d'expulsion comporte la sommation à M. L. d'avoir à retirer les meubles lui appartenant dans le délai d'un mois ' à compter de ce jour' soit le 30 juin 2017 alors qu'il n'en a eu connaissance que le 8 août 2017 date de la signification et de surcroît dans un lieu le centre de soins alors que sa compréhension des choses pouvait être altérée.
Le strict respect de cette formalité et mention du délai, formellement prévus à peine de nullité par les textes et seuls à même de garantir efficacement au fond le respect du droit de propriété de l'expulsé, constitue une irrégularité grave qui lui fait nécessairement grief.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il est établi la nullité du procès-verbal d'expulsion dressé le 30 juin 2017 et les demandes formées par la Sa Grand Delta Habitat fondées sur acte nul ne peuvent prospérer.
Le fait que M.L. ait finalement pu récupérer ses meubles personnels est indifférent à la solution du litige.
Le premier juge qui a rejeté les demandes de la Sa Grand Delta Habitat sera ainsi confirmé.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant en son appel, la Sa Grand Delta Habitat supportera la charge des dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant publiquement par arrêt rendu par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la Sa Grand Delta Habitat de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux entiers dépens d'appel.