CA Metz, 3e ch., 4 juin 2019, n° 18/02243
METZ
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Le 11 avril 2011, la société H. PLASTIQUES a conclu avec la société E MOBIL PARK gérée par Monsieur K., un bail commercial portant sur un local situé [...].
Par jugement du 9 juillet 2016, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de SARREGUEMINES a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société E MOBIL PARK.
La SELAS K. et associés a été désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société E MOBIL PARK.
Par lettre en date du 16 mars 2016, Maître K. ès qualité a résilié le bail commercial conclu entre le société H. PLASTIQUES et la société E MOBIL PARK.
Monsieur K. s'étant toutefois refusé à quitter les locaux commerciaux, la société H. PLASTIQUES a fait assigner le mandataire liquidateur ès qualité de représentant de la société E MOBIL PARK devant le juge des référés de SAREGUEMINES afin d'obtenir l'expulsion de tous occupants sans droit ni titre des locaux dont le bail a été résilié.
Par ordonnance du 31 mai 2016, le juge des référés de SARREGUEMINES a constaté la résiliation du bail commercial conclu entre la société H. PLASTIQUES et la société E MOBIL PARK et a ordonné l'expulsion de tous occupants sans droit ni titre des locaux commerciaux.
Cette ordonnance a été signifiée le 30 juin 2016 et un commandement d'avoir à quitter les lieux a été adressé le même jour à la société E MOBIL PARK représentée par son mandataire liquidateur.
Le 25 août 2016, Maître C. huissier de justice a dressé un procès-verbal d'expulsion dans lequel elle a répertorié le mobilier retrouvé dans les locaux commerciaux précisant que sans revendication des meubles par les parties dans le délai d'un mois, celles-ci seraient convoquées le 29 septembre 2016 devant le juge de l' exécution en application du code des procédures civiles d' exécution . Elle a en outre réceptionné les clés du portail donnant accès à l'usine remises par Monsieur K..
Monsieur K. a précisé par la suite que les effets se trouvant dans les locaux commerciaux n'appartenaient pas à la société E MOBIL PARK.
Par acte du 23 août 2016, il a saisi le juge de l' exécution de SARREGUEMINES dans un premier temps pour solliciter des délais d'évacuation puis pour obtenir la nullité de l'ordonnance d'expulsion prise le 31 mai 2016 par le Président du tribunal de grande instance de SARREGUEMINES, sa réintégration dans les locaux de la société H. PASTIQUES, objet du contrat de bail ainsi que la restitution de ses effets personnels et professionnels.
Mr K. est en outre intervenu volontairement à la procédure initiée devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de SARREGUEMINES, dont l'audience avait été fixée à l'initiative de Maître C. au 29 septembre 2016 à l'occasion de laquelle la société H. PLASTIQUES a sollicité que soit ordonné à l' huissier de justice instrumentaire de lui remettre les clés des locaux commerciaux lui appartenant, Maître K. ès qualité ne s'y étant pas opposé.
Monsieur K. se prétendant titulaire d'un bail d'habitation sur les locaux non inclus dans le périmètre du bail commercial résilié, a sollicité à cette occasion par écritures du 28 septembre 2016, la réintégration dans son logement [...] sous astreinte de 300 euros par jour de retard, la condamnation de la société H. PLASTIQUES à lui payer une somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour voie d' exécution abusive et à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il a demandé en outre que soit ordonné à la société H. PLASTIQUES de lui restituer l'ensemble de ses effets personnels et professionnels qu'elle aurait évacués de l'immeuble sis [...] à ses propres frais.
Les deux instances ont été jointes devant le juge de l' exécution .
Par jugement du 11 mai 2017, le juge de l' exécution a sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue à l'issue de la procédure de tierce opposition introduite par Mr Manuel Eliseo K. devant le président du tribunal de grande instance de SARREGUEMINES statuant en référé sur la question de la validité de l'ordonnance de référé du 31 mai 2016.
Par ordonnance du 19 janvier 2017, le juge des référés a débouté Mr K. de l'intégralité de ses demandes au motif que celui ci n'ayant pas été partie à la procédure diligentée devant le président du tribunal de grande instance, seule la voie de la tierce opposition lui était ouverte pour faire réformer ou rétracter la décision critiquée.
Postérieurement Mr K. a formé tierce opposition à l'ordonnance constatant la résiliation du bail et prononçant l'expulsion de tout occupant sans droit ni titre prise le 31 mai 2016.
Par ordonnance de référé du 9 janvier 2018, le président du tribunal de grande instance de SARREGUEMINES a déclaré cette tierce opposition irrecevable, a débouté la SAS H. PLASTIQUES de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et condamné Mr K. au paiement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 27 juillet 2018, le juge de l' exécution de SARREGUEMINES a notamment : - déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mr K. afin d'obtenir la restitution des clés de l'immeuble et le transport des meubles en un lieu approprié,
- dit n'y avoir lieu à autoriser l'huissier de justice à restituer les clés de l'immeuble à la société H. PLASTIQUES,
- dit n'y avoir lieu à ordonner le transport des meubles restés dans l'immeuble ,
- rejeté les demandes correspondantes du bailleur,
- débouté Monsieur K. de toutes ses demandes,
- débouté la société H. PLASTIQUES de sa demande en dommages et intérêts,
- condamné Mr K. à verser la somme de 4000 euros à la société H. PLASTIQUES en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration adressée par voie électronique et enregistrée au greffe le 13 août 2018, la société H. PLASTIQUES a relevé appel de cette décision , étant seules contestées expressément les dispositions ayant rejeté ses demandes de restitution des clés de l'immeuble, de transport des meubles ainsi que sa demande en dommages et intérêts.
Par déclaration adressée par voie électronique et enregistrée au greffe le 14 août 2018, Mr K. a également interjeté appel de cette décision qu'il conteste en ce qu'il a été débouté de ses demandes tendant notamment à obtenir la restitution des clés, sa réintégration dans son logement, le paiement d'une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts et la condamnation de la société H. PLASTIQUES à lui restituer l'ensemble de ses effets personnels et objets professionnels.
Les deux procédures ont été jointes sous le n° RG 18/02243 par ordonnance du 16 octobre 2018.
En ses dernières écritures notifiées le 2 novembre 2018, la société H. PLASTIQUES demande à la cour de :
1.confirmer le jugement du 26 juillet 2018 rendu par le juge de l' exécution de SARREGUEMINES en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de Mr Manuel Eliséo K. dans le cadre de l'instance tendant à obtenir la restitution des clés de l'immeuble sis [...] et le transport des meubles en un lieu approprié,
- débouté Mr K. de toutes ses demandes,
- condamné Mr K. à payer à la société H. PLASTIQUES la somme de 4000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mr K. aux dépens de la procédure.
2. infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à autoriser l'huissier à restituer les clés de l'immeuble à la société H. PLASTIQUES,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner le transport des meubles restés dans l'immeuble,
- rejeté les demandes correspondantes de la société H. PLASTIQUES,
- débouté la société H. PLASTIQUES de sa demande en dommages et intérêts
3. statuant à nouveau :
- autoriser Maître C. à remettre à la société H. PLASTIQUES les clés de son bien immobilier situé [...],
- autoriser la vente aux enchères des meubles restants et l'abandon des biens sans valeur,
- condamner Mr K. à verser des dommages et intérêts de 10 000 euros à la société H. PLASTIQUES pour procédure abusive,
- condamner Mr K. au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure.
Elle fait valoir à titre principal qu'en application de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel contient les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité; qu'en l'espèce, Mr K. n'ayant pas critiqué la disposition par laquelle le juge de l' exécution a déclaré son intervention volontaire irrecevable , les demandes formées à l'occasion de celle ci doivent nécessairement être rejetées.
Elle développe à titre subsidiaire l'argumentation suivante :
- le bureau situé à côté de l'usine , inclus dans le périmètre du bail commercial conclu avec la société E MOBIL PARK n'a pas fait l'objet d'un prêt à usage par définition gratuit au sens des articles 1875 et 1876 du code civil au profit de Monsieur K., en l'absence de volonté des parties en ce sens et en considération du paiement par la société E MOBIL PARK d'un loyer commercial,
- il n'y a pas lieu à réintégration dans les locaux objet du bail commercial d'un occupant sans droit ni titre,
- Maître C. ayant mentionné dans son procès-verbal de constat du 12 septembre que Mr K. avait pu récupérer tous ses objets personnels et sociaux, sa demande en restitution doit être rejetée,
- l'expulsion de Mr K. ayant été régulière, celui est mal fondé en sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de son expulsion prétendument injustifiée.
Elle souligne que la procédure visée aux articles L 433-1et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution a été parfaitement respectée , que toutefois le juge de l' exécution n'a pas statué ainsi que l'y invitait Maître C. , huissier de justice, sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés au jour de l'audience en ordonnant la mise en vente aux enchères publiques de ceux présentant une valeur marchande et en déclarant abandonnés les biens dépourvus de valeur marchande ni autorisé leur destruction en application de l'article L 433-2 du code des procédures civiles d' exécution ; que dès lors elle est fondée à solliciter devant la cour l'autorisation de mettre en vente aux enchères les meubles non revendiqués par la société E MOBIL PARK et de déclarer abandonnés ceux qui ne peuvent être vendus.
Elle précise ne pas comprendre les motifs ayant conduit le premier juge à rejeter sa demande de restitution des clés alors que la procédure d'expulsion est régulière et que Maître K. ès qualité avait expressément indiqué en ses écritures de première instance être favorable à toutes les mesures relatives à l'expulsion de la société E MOBIL PARK.
Elle soutient que la présente procédure apparaît comme l'ultime tentative de Mr K. de reprendre possession d'un bien sur lequel il n'a plus aucun droit, du fait de le la liquidation judiciaire de sa société et présente un caractère manifestement abusif à l'encontre de la société H. PLASTIQUES qui ne peut jouir de son bien.
Elle relève ainsi que Mr K. a multiplié les procédures à son encontre ayant intenté à cinq reprises une action avec le même objet et que par ailleurs il a fait preuve de mauvaise foi en présentant des pièces factices et notamment de prétendus baux en date du 4 octobre 2010.
En ses dernières écritures notifiées le 12 novembre 2018, Monsieur K. demande à la cour de:
- recevoir son appel et le déclarer bien fondé,
- y faisant droit en infirmant le jugement entrepris et statuant à nouveau après avoir rejeté le recours de la société H. PLASTIQUES,
Vu les articles 1875 et suivants du code civil,
- ordonner la restitution à Mr K. de l'ensemble des clés des locaux du [...] qui ne sont pas concernés par le bail commercial ainsi que sa réintégration dans ces mêmes locaux le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour de l'arrêt à intervenir,
- ordonner à la société H. PLASTIQUES de restituer à Mr K. l'ensemble de ses effets personnels et objets professionnels qu'elle a évacué de l'immeuble situé [...] et ce à ses propres frais,
- condamner la société H. PLASTIQUES à payer à Mr K. la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par lui du fait de l'expulsion injustifiée dont il a fait l'objet,
- condamner la SAS H. PLASTIQUES aux entiers dépens de première instance et d'appel outre le paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient à l'appui de ses prétentions que l'absence de critique apportée à la disposition du jugement ayant déclaré son intervention volontaire irrecevable est sans emport dans la mesure où celle ci avait été réalisée dans le cadre de la procédure diligente par la société H. PLASTIQUES contre son locataire commercial, la société E MOBIL PARK , procédure à laquelle il demeure effectivement étranger; que pour autant il est fondé à critiquer le jugement qui n'a pas fait droit à ses demandes notamment à celle tendant à obtenir sa réintégration à titre personnel dans le local d'habitation.
Il expose à cet égard avoir habité pendant six années la maison sise [...] jouxtant le bâtiment industriel au vu et au su de la société H. PLASTIQUES sans aucune opposition de sa part, cette occupation paisible et non équivoque conduisant à retenir qu'il a bénéficié d'un prêt à usage ou commodat conformément aux articles 1875 et suivants du code civil en sorte que la société H. PLASTIQUES était malvenue à solliciter brutalement son expulsion contrevenant ainsi aux dispositions des articles 1888 et 1889 du code civil.
Il ajoute que la société H. PLASTIQUES est malvenue à prétendre que les locaux litigieux consistaient en un simple bureau alors qu'en son constat d'expulsion du 25 août 2016, Maître C. a fait état s'agissant du local n°2, d'une maison individuelle comprenant une cuisine, un salon , des chambre et une salle de bains, ces locaux n'étant selon lui pas compris dans le périmètre du bail commercial lequel portait sur un bâtiment à caractère industriel et commercial comprenant un bureau, un atelier de production, un vestiaire et un WC.
Il précise qu'ayant été expulsé sans ménagement, il n'a pas eu le temps de récupérer ses effets personnels .
L'acte d'appel de la société H. PLASTIQUES ainsi que les conclusions justificatives d'appel ont été signifiées le 12 septembre 2018 par acte d'huissier de justice à la SAS K. et ASSOCIES ès qualité de mandataire judiciaire et remis à une personne habilitée à le recevoir.
L'intimée n'a néanmoins pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Vu les écritures déposées le 2 novembre 2018 par la société H. PLASTIQUES et le 12 novembre 2018 par Monsieur K. auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 4 décembre 2018.
Les appels de la société H. PLASTIQUES et de Monsieur K. sont recevables pour avoir été formés dans les délais et forme prévus par la loi.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur K. dans le cadre de la procédure introduite devant le juge de l' exécution
Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
La procédure diligentée par la société H. PLASTIQUES contre son locataire commercial la société E MOBIL PARK avait pour fins d'obtenir la restitution des clés de l'immeuble sis [...] dont elle est propriétaire et le transport des meubles n'ayant pas fait l'objet de revendication dans un lieu approprié et faisait suite à une décision du juge des référé du tribunal de grande instance de Thionville en date du 31 mai 2016 ayant constaté la résiliation du bail commercial et ordonné l'expulsion de tous occupants sans droit ni titre se maintenant dans les lieux.
Dans le cadre de son intervention volontaire à la dite procédure, Monsieur K. s'est prévalu d'un bail d'habitation portant sur un logement situé à la même adresse et a sollicité notamment sa réintégration dans les lieux.
La demande de Mr K. étant alors fondée sur un contrat de bail d'habitation, différent du contrat de bail commercial qui a fait l'objet de la résiliation dont les conséquences procédurales lui sont étrangères, c'est à bon droit que le premier juge a déclaré l'intervention volontaire de Mr K. irrecevable.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les demandes de Mr K.
Selon les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile en sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017 applicable à la cause, l'appel est limité aux seuls chefs du jugement expressément critiqués dans la déclaration d'appel sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Mr K. n'a pas critiqué le chef de décision par lequel le premier juge a déclaré son intervention volontaire irrecevable.
Pour autant l'absence de contestation de sa part sur cette disposition du jugement n'interdit pas à la cour d'examiner au fond les demandes qu'il a formées dans le cadre de la procédure qu'il a lui même introduite le 23 août 2016 devant le juge de l' exécution et tendant à voir ordonner sa réintégration dans les lieux ainsi que la restitution de ses effets personnels et professionnels et à l'octroi de dommages et intérêts, demandes qui dans ce cadre sont recevables.
Par ordonnance du 31 mai 2016, le juge des référés a constaté la résiliation du bail commercial conclu le 11 avril 2011 à compter du 16 mars 2016 et ordonné l'expulsion de tous occupants sans droit ni titre qui se maintiendraient dans les lieux situés [...], Monsieur K., gérant de la société E MOBIL PARK, ayant sur ce fondement fait l'objet d'une expulsion le 25 août 2016.
Monsieur K. ne soutient plus comme en première instance qu'il était titulaire d'un bail d'habitation portant sur des locaux d'habitation distincts du bail commercial portant sur des locaux commerciaux mais fait valoir qu'il a occupé la maison d'habitation appartenant à la société H. PLASTIQUES sans opposition de sa part pendant plus de six années, en sorte que cette occupation paisible et non équivoque doit être considérée en l'absence de tout bail, en prêt à usage ou commodat, l'expulsion de l'occupant ne pouvant avoir dès lors lieu sans préavis d'une durée raisonnable alors que celui-ci avait encore besoin de se servir de la chose prêtée, c'est-à-dire d'occuper la maison qui était son domicile.
La société H. PLASTIQUES soutient pour sa part que si elle avait connaissance de la présence de Mr K. dans les locaux loués pendant toute la durée du bail ce n'était qu'à titre de gérant de la société E MOBIL PARK et non à titre d'habitation. Elle conteste avoir consenti un commodat et précise que la prétendue maison d'habitation est en fait constituée d'un bureau compris dans le périmètre du bail commercial
Selon les dispositions des articles 1875 et 1846 du code civil, le prêt à usage, par essence gratuit, est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à une autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la restituer après s'en être servi.
Conformément aux dispositions de l' article 1315 du code civil devenu article 1353, il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat d'en établir l'existence et le contenu.
En l'espèce, Mr K. n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence d'un contrat de prêt à usage gratuit portant sur les locaux litigieux, la seule occupation des lieux au vu et au su de la société bailleresse étant à cet égard insuffisante alors que cette occupation pouvait résulter d'une simple tolérance liée au bail commercial et accordée à Mr K. en sa qualité de gérant de la société locataire.
De surcroît, il ne peut être soutenu que la remise du local ait été faite à titre gratuit alors que le prix de location de l'ensemble industriel et commercial a été fixé à un montant 1 500 euros par mois .
En définitive Mr K. qui prétendait en première instance occuper les locaux dont il a été expulsé au titre d'un contrat de bail d'habitation distinct du contrat de bail commercial consenti par la société H. PLASTIQUES à la société E MOBIL PARK puis a soutenu à hauteur d'appel avoir bénéficié d'un prêt à usage, ne justifie d'aucun titre d'occupation autre que celui qui découle du contrat de bail commercial consenti à la société dont il était le gérant.
Ce bail ayant été résilié, il a pu valablement être expulsé comme étant occupant du chef de la société E MOBIL PARK.
Les demandes en restitution des clés et en réintégration dans les locaux ainsi que la demande subséquente en dommages et intérêts sont ainsi mal fondées et doivent être rejetées.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur K. de sa demande de réintégration et de sa demande en dommages et intérêts subséquente.
S'agissant de la demande de condamnation de la société H. PLASTIQUES à restituer à Mr K. l'ensemble de ses effets personnels et objets professionnels qu'elle a évacué de l'immeuble situé [...] et ce à ses propres frais, il résulte du procès-verbal de constat établi par Maître C., huissier de justice le 12 septembre 2016, que sur son invitation, Monsieur K. a pris possession de divers documents personnels et sociaux.
Mr K. ne rapporte pas la preuve que l'ensemble des objets et matériels supplémentaires listés en son procès-verbal d'expulsion par Maître C. et demeurés dans les lieux soit effectivement sa propriété.
Mr K. est ainsi mal fondé en sa demande qui sera rejetée.
Sur les demandes de la société H. PLASTIQUES
Les articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution disposent que les meubles se trouvant sur les lieux sont remis aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle ci désigne , à défaut , ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l' exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire . A l'expiration du délai imparti et sur autorisation du juge, il est procédé à leur mise en vente aux enchères publiques , le juge pouvant déclaré abandonnés les biens qui ne sont pas susceptibles d'être vendus.
Il convient, la procédure d'expulsion étant régulière, d'autoriser Maître C., huissier de justice à remettre à la société H. PLASTIQUES les clés de son bien immobilier sis [...].
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La société H. PLASTIQUES ne développe aucun moyen au soutien de sa demande figurant au dispositif de ses dernières écritures , d'infirmation de la disposition du jugement querellé ayant rejeté sa demande d'autorisation de transport des meubles dans un lieu approprié au motif que l'article L 433-1 du code des procédures civiles d' exécution lui permettait, sans aucune autorisation du juge , de remettre les meubles ses trouvant dans les lieux, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle ci désigne et à défaut, de les laisser sur place ou de les entreposer en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l' exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé part voie réglementaire.
Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef étant précisé que la société H. PLASTIQUES n'a formé au dispositif de ses dernières écritures aucune demande tendant à être autorisée à procéder au transport des meubles restés dans l'immeuble.
S'agissant de la demande d'autorisation de vendre aux enchères les meubles restant et d'abandon des biens sans valeur, l'article R433-1 du code des procédures civiles d' exécution prévoit que si des biens ont été déposés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient à peine de nullité:
1° inventaire de ces biens avec indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande
2° mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ,
3° sommation à la personne expulsée , en caractères très apparents, d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auraient pas été retirés pourront être sur décision du juge , vendus aux enchères publiques,
4° convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution du lieu de la situation de l'immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l'expiration du délai imparti au 3°, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience .
Selon les articles R 433-5 et R 433-6 du même code , si les biens laissés sur place ou déposés en un lieu approprié ont une valeur marchande, le juge peut décider qu'ils seront mis en vente aux enchères publiques, les biens n'ayant aucune valeur marchande pouvant être déclarés abandonnés à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice.
Les biens n'ayant pas été retirés dans délai fixé, il y a lieu d'en autoriser la vente aux enchères pour ceux qui ont une valeur marchande et de déclarer abandonnés ceux qui n'ont pas de valeur marchande.
Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive
La Société H. PLASTIQUES sollicite de la cour qu'infirmant le jugement l'ayant déboutée de sa demande, elle condamne Mr K. à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et fait valoir à cette fin que ce dernier a multiplié les procédures à son encontre et présenté des pièces factices au soutien de ses prétentions dans le seul but de reprendre possession d'un bien sur lequel il n'a plus de droit.
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
De principe, l'exercice d'une action en justice qui constitue un droit, ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol.
En l'espèce, Mr K. qui a été physiquement expulsé des locaux qu'il occupait sis [...], a engagé différents recours à l'encontre de l'ordonnance de référé du 31 mai 2016 ayant constaté la résiliation du bail commercial liant la société dont il était le gérant et la société H. PLASTIQUES, ainsi qu'à l'encontre de l'ordonnance d'expulsion dont la société E MOBIL PARK a fait l'objet et enfin contre le jugement déféré.
Pour autant, l'exercice par Mr K. de ces actions en justice ne peut être considéré comme abusif en regard de la complexité de la situation juridique et procédurale en cause et en l'absence de démonstration d'une quelconque intention de nuire.
Par ailleurs , si le contrat de bail produit en première instance par Mr K. s'est avéré irrégulier, il n'est pour autant pas établi que ce document constitue un élément factice établi pour les besoins de la cause.
En l'absence de preuve d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de Monsieur K. d'agir en justice, la demande en dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mr K. aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante à hauteur de cour, Mr K. sera condamné aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile .
Il y a lieu en application de l' article 700 du code procédure civile d'allouer à la société H. PLASTIQUES la somme équitablement fixée à hauteur de 4 000 euros par application de l' article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant publiquement, par mise à disposition au greffe en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile
INFIRME le jugement du tribunal d'instance de SARREGUEMINES du 26 juillet 2018 en ce qu'il a :
- dit n'y avoir lieu à autoriser l'huissier à restituer les clés de l'immeuble à la société H. PLASTIQUES
- rejeté la demande correspondante de la société H. PLASTIQUES
Statuant à nouveau ,
AUTORISE Maître C. à remettre à la société H. PLASTIQUES SAS les clés de son bien immobilier situé [...].
AUTORISE la vente aux enchères des meubles restants et l'abandon des biens sans valeur .
CONFIRME le jugement pour le surplus et y ajoutant,
REJETTE toutes les demandes de Monsieur Manuel Eliséo K..
CONDAMNE Monsieur Manuel Eliséo K. à payer à la société H. PLASTIQUES SAS la somme de 4000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
REJETTE toute autre demande .
CONDAMNE Monsieur Eliséo K. aux dépens d'appel.