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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 10 juillet 2017, n° 15/04642

PAU

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Diximier

Conseillers :

M. Darracq, Mme Janson

TI Bayonne, du 13 août 2014

13 août 2014

EXPOSE DU LITIGE

Faits et procédure

M. Jérôme S. et M. Franck A. étaient locataires d'un appartement appartenant à M. et Mme G., situé à [...]

Par jugement du 13 août 2014, le tribunal d'instance de Bayonne a validé le congé pour vendre délivré par les bailleurs le 3 juin 2013 pour le 27 janvier 2014, et a ordonné l'expulsion des locataires.

Un procès-verbal d'expulsion a été dressé les 14 août 2015. En application de l'article R 433-1 du code des procédures civiles d' exécution , ce procès-verbal comportait une convocation des locataires à comparaître devant le juge de l' exécution du tribunal d'instance de Bayonne, afin qu'il soit statué sur le sort des biens à retirer.

Par jugement du 30 novembre 2015, le juge de l' exécution a :

- déclaré abandonnés, à l'exception des papiers et documents à caractère personnel, les effets mobiliers inventoriés par la société civile professionnelle BES-RAMONFAUR-ELLISALDE-JUNQUA-LAMARQUE dans son procès-verbal du 14 août 2015,

- rappelé que l'huissier procédera conformément aux dispositions de l'article R 433-6 du code des procédures civiles d' exécution ,

- condamné MM. S. et A. au paiement de la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts, outre les dépens, ainsi que la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 15 décembre 2015, MMs. AINTESPES et A. ont interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 15 mars 2017, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.

Prétentions et moyens des parties

Selon dernières conclusions du 4 mars 2016, MM. S. et A. demandent à la cour de :

- dire que M. et Mme G. n'ont pas respecté les conditions de la loi pour procéder à l'enlèvement du mobilier du local loué, et les condamner au paiement de la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts au bénéfice de chacun d'eux, du fait des conditions abusives dans lesquelles ces derniers ont mis en place la procédure d' exécution concernée,

- prendre acte de leur réserve quant à une demande de dommages et intérêts additionnelle qu'ils entendent formuler devant la cour dans l'instance portant le numéro RG 14/3431 pour le préjudice que leur a causé l'intervention intempestive contraire aux usages du 17 août 2015,

- condamner M. et Mme G. aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement à chacun de la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Les appelants soutiennent que :

- M. et Mme G. ont procédé à l'enlèvement des meubles le 17 août 2015, sans avoir attendu le délai d'un mois prévu dans leur propre assignation,

- les bailleurs ont également fait fi de leur saisine du premier président le 4 août 2015 en arrêt de l' exécution provisoire attachée au jugement du 13 août 2014 ; ils ont dû se désister de leur demande à ce titre, en raison de la procédure d'expulsion intervenue,

- compte-tenu de leur situation financière, ils sont dans l'incapacité de récupérer leurs meubles auprès du garde-meuble,

- du fait des conditions abusives dans lesquelles la procédure s'est déroulée, ils sont bien fondés à solliciter des dommages et intérêts.

* * *

Selon dernières conclusions du 3 mai 2016, M. et Mme G. demandent à la cour de :

- débouter MM. S. et A. de leurs demandes,

- confirmer la décision entreprise,

- condamner MM. S. et A. au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts,

- les condamner aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

* * *

Les intimés font valoir que :

- la procédure d'enlèvement des meubles a été parfaitement respectée,

- la saisine du premier président en arrêt de l' exécution provisoire est intervenue tardivement,

- le comportement particulièrement procédurier et agressif des appelants, dont la mauvaise foi a été reconnue par le juge du surendettement, justifie qu'il leur soit accordé des dommages-intérêts.

MOTIVATION

Il résulte de l'article L433-1 du code des procédures civiles d' exécution qu'en cas d'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité, les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. A défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l' exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire.

Selon l' article R433-1 du même code , si des biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient, à peine de nullité :

1° Inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent avoir ou non une valeur marchande ;

2° Mention du lieu et des conditions d'accès au local où ils ont été déposés ;

3° Sommation à la personne expulsée, en caractères très apparents, d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois non renouvelable à compter de la signification de l'acte, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés pourront être, sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés selon le cas ;

4° Convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution du lieu de la situation de l'immeuble à une date déterminée qui ne peut être antérieure à l'expiration du délai imparti au 3°, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience. L'acte reproduit les dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10.

Selon l' article R. 433-6, les biens n'ayant aucune valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice.

Il résulte du procès-verbal d'expulsion dressé le 14 août 2015 que MM. S. et A. n'ont pas indiqué à l'huissier d'adresse où faire transporter les biens garnissant les lieux. L'officier ministériel a précisé dans le procès-verbal que les meubles étaient provisoirement laissés sur place, et qu'ils seraient transportés à compter du 17 août 2015 dans les entrepôts DESSE à Tarnos, lieu où ils demeureraient accessibles pendant un mois.

Le 17 août 2015, les meubles ont été enlevés en présence des locataires, qui ont à cette occasion récupéré leurs affaires personnelles, ainsi qu'une télévision et un vélo.

Malgré leur engagement de récupérer les meubles et de payer les frais du garde-meuble dans l'attente, MM. S. et A. n'ont jamais rien réglé, et ont finalement signé une décharge afin que les meubles soient donnés ou détruits, ainsi que cela résulte d'un courrier de l'huissier du 16 février 2016.

Il résulte de ces éléments que MM. S. et A. ont bénéficié d'un délai très largement supérieur au délai légal d'un mois prévu par l'article R433-1 du code des procedures civiles d' exécution . La procédure a donc été parfaitement respectée.

S'agissant de la demande d'arrêt de l' exécution provisoire, formée le 4 août 2015, elle a effectivement été présentée particulièrement tardivement au regard de la date à laquelle le jugement validant le congé a été prononcé ( le 13 août 2014), et il ne peut être fait grief aux bailleurs d'avoir poursuivi la procédure d'expulsion.

Il n'existe donc aucun abus de procédure de la part de M. et Mme G., de sorte que c'est à juste titre que le jugement déféré a débouté MM. S. et A. de leur demande de dommages et intérêts.

Il est en revanche avéré que :

- MM. S. et A. se sont maintenus durant 18 mois dans les lieux donnés à bail en dépit du congé pour vendre qui leur a été délivré, et ce sans payer d'indemnité d'occupation, ce qui a conduit le juge d'instance de Bayonne à déclarer irrecevable pour mauvaise foi la demande de surendettement présenté par M. A.,

- ils ont manifesté tout au long de la procédure à l'égard des bailleurs un comportement provocateur, agressif, et injurieux, provoquant chez M. G., décrit comme une personne fragile et en situation de handicap, une véritable situation de détresse, ainsi que cela résulte de l'attestation établie par l'association Handissiad 47 du 17 mars 2014.

L'attitude des locataires a incontestablement causé un préjudice moral aux bailleurs, qu'il convient d'indemniser à hauteur de la somme de 5 000 €, réformant de ce chef le jugement déféré.

Les appelants, qui succombent dans le cadre de la présente procédure, seront condamnés aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris, sauf à porter à la somme de 5 000 € le quantum des dommages-intérêts que MM. S. et A. devront régler à M. et Mme G.,

Et y ajoutant,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. S. et A. à payer à M. et Mme G. la somme de 1 200 €,

Condamne M. et Mme G. aux dépens d'appel.