CA Colmar, 3e ch. civ. A, 28 juin 2021, n° 20/03627
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Commune de Weiterswiller
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mme Fabreguettes, M. Frey
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par ordonnance de référé du 28 janvier 2019, le président du tribunal de grande instance de Saverne, constatant qu'il occupe sans droit ni titre des terrains de la commune de Weiterswiller soit la parcelle 98 de la section I, les parcelles 42,43, 44, 45,52 en partie, 53 et 54 de la section III ainsi que le chemin rural le long des parcelles 54 (appartenant à la commune), 55,56 et 57 (toutes trois appartenant à des particuliers) de la section III, a ordonné l'expulsion de Monsieur F. et de tous occupants sur ces lieux et notamment de ses bovins de race « Highlanders » et ce par tous moyens, a autorisé la commune de Weiterswiller à procéder à l'enlèvement des clôtures et matériaux installés par le défendeur sur les terrains communaux, a condamné Monsieur F. à payer à la commune la somme de 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux entiers dépens.
Cette ordonnance de référé a été signifiée à Monsieur F. en date du 14 mars 2019 en même temps qu'un commandement de payer aux fins de saisie vente.
Après avoir obtenu le concours de la force publique l'expulsion, en l'espèce l'enlèvement de divers matériels et des sept bovins a eu lieu le 25 octobre 2019 et ces bovins ont été confiés à la société Socobeval.
Le même jour il a été procédé par l'huissier instrumentaire à un procès-verbal de saisie vente portant sur ces animaux, acte signifié à Monsieur F. en date du 31 octobre 2019.
Le procès-verbal d'expulsion portait assignation de Monsieur F. à comparaître devant le juge de l' exécution aux fins de voir statuer sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés.
Devant ce juge, la commune de Weiterswiller a réclamé la condamnation de Monsieur F. au paiement de la somme de 3257,52 euros correspondant au montant des factures qu'elle a payées à la société Socobeval pour enlèvement, frais de pension , frais vétérinaires et d'euthanasie des animaux saisis.
Monsieur F. a demandé au tribunal de prononcer la nullité du procès-verbal d'expulsion et d'ordonner la restitution des objets et des bovins saisis. Il a sollicité la condamnation de l'adversaire à lui payer un montant de 5000 € de dommages intérêts en exposant que trois animaux étaient morts postérieurement à la saisie.
Par jugement en date du 28 septembre 2020, le juge de l' exécution de Saverne a autorisé la mise en vente des meubles de Monsieur F. , y compris ceux qui sont insaisissables par leur nature, dans les conditions précisées à l'article R433-5 du code des procédures civiles d' exécution , a dit que les meubles qui n'auront pas pu être revendus ou qui ne sont pas susceptibles de l' être seront déclarés abandonnés, dans les conditions précisées par l'article R433-6 du code des procédures civiles d' exécution , a condamné Monsieur F. à payer à la commune la somme de 3257,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, l'a condamné aux dépens et à payer à la commune un montant de 1000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision n'a pu être valablement notifiée par le greffe à Monsieur F. et la commune a été invitée à la lui faire signifier.
Toutefois il n'est pas justifié d'une signification.
Monsieur F. a interjeté appel suivant déclaration en date du 27 novembre 2020.
Par dernières écritures notifiées le 22 février 2021, il conclut à l'infirmation de la décision entreprise et demande à la cour, statuant à nouveau :
- de prononcer la nullité du procès-verbal d'expulsion,
- d'ordonner la restitution des objets saisis et des bovins saisis,
- de condamner la demanderesse à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts outre intérêts au taux légal à compter du jour du jugement intervenir,
- de débouter la commune de l'intégralité de ses demandes y compris de sa demande additionnelle,
- de la condamner aux dépens des deux instances.
Au soutien de sa demande de nullité du procès-verbal d'expulsion, l'appelant fait valoir qu'il ne permettrait pas d'objectiver que les animaux ont bien été saisis alors qu'ils se trouvaient sur des parcelles communales et non pas sur les parcelles 55,56 et 57 appartenant à des tiers, alors qu'aucune clôture n'existe sur les lieux. De même il relève que selon l'annexe adverse 6.2, il existait une remorque citerne sur les parcelles 55,56 57, laquelle citerne est mentionnée comme saisie alors qu'elle ne se trouvait pas sur des parcelles communales.
Il ajoute que les frais de l' exécution en l'espèce la mise en pension des animaux auprès de la société Socobeval n'était pas nécessaire puisqu'il avait signé lui-même une convention d'occupation précaire en date du 6 juillet 2019 lui permettant de placer utilement ses animaux et avait sollicité de la préfecture dès le 1er septembre 2019 l'autorisation de faire une transhumance de son troupeau vers la Petite Pierre.
Faisant valoir que les bovins, qui ne seraient pas des meubles, ne pouvaient donner lieu ni à saisie vente ni à vente forcée, il prétend que les frais de gardiennage incombent à la commune qui n'a pas rendu possible leur restitution .
Il estime que la responsabilité du décès de trois des animaux saisis incombe à la commune qui n'a pas veillé à leur conservation.
Par dernières écritures notifiées le 12 avril 2021, la commune de Weiterswiller conclut à la confirmation de la décision entreprise et au débouté des prétentions de Monsieur F. dont elle réclame la condamnation aux dépens ainsi qu'à lui payer une somme de 6491,52 euros au titre des frais de gardiennage et de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que le procès-verbal d'expulsion contient toutes les mentions légales prescrites à peine de nullité ; que le procès-verbal établi par Maître D., dont les mentions à cet égard valent jusqu'à inscription de faux, est particulièrement clair ; qu'il est produit un relevé des propriétés avec localisation des parcelles concernées et des biens tels qu'ils ont été saisis ;
que la tonne à eau dont fait état Monsieur F. n'est pas mentionnée dans le procès-verbal d'expulsion, ce qui prouve bien que l'huissier ne s'est pas rendu sur la parcelle concernée ; qu'il ne peut être fait droit à la demande de restitution dès lors que les bovins sont rendus indisponibles par l'effet de la saisie-vente et que le débiteur disposait d'un délai d'un mois pour les vendre à l'amiable, ce qu'il n'a pas fait ; que le régime applicable aux animaux saisis est celui des biens prévu à l'article 515-14 du code civil ; que s'agissant des autres biens Monsieur F. n'a pas usé du délai légal d'un mois pour les retirer de sorte que ces biens ont vocation à être vendus ou être réputés abandonnés ; que sa responsabilité dans le décès de trois animaux postérieurement à la saisie n'est pas établie ; que tout au plus l' éventuelle perte de valeur qui pourrait résulter du décès de ces trois animaux lèserait le créancier saisissant quant au prix qu'il pourra retirer de leur vente et non pas le débiteur ; que le montant de 5000 € mis en compte n'est pas justifié ; que les frais de prise en charge des animaux par la société étaient indispensables.
***
L'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile.
MOTIFS
Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile
Sur l'annulation du procès-verbal d'expulsion
En vertu de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
En l'espèce, Monsieur F. n'indique pas sur quel texte de loi il se fonde pour solliciter la nullité du procès-verbal d'expulsion.
Au surplus, ce procès-verbal d'expulsion ne souffre pas de difficultés quant à l'identification du lieu où paissaient les bovins litigieux avant leur embarquement, soit sur des terrains appartenant à la commune intimée et précisément sur la parcelle numéro 54, l'huissier précisant bien, par des mentions qui valent jusqu'à inscription de faux, s'être transporté sur les parcelles 98 de la section I ,42, 43, 44, 45, 52 en partie 53 et 54 de la section III et sur le chemin rural le long des parcelles 54 appartenant la commune de Weiterswiller, 55, 56 et 57, toutes trois appartenant à des particuliers de la section III, afin de procéder à l'expulsion de Monsieur F. et de tous occupants sur ces lieux et notamment de ses bovins.
Monsieur F. n'apporte en tout état de cause aucun élément propre à démontrer que ses bêtes, comme il le prétend, auraient été appréhendées au titre de l' exécution de l'ordonnance d'expulsion alors qu'elle se trouvait sur des terrains n'appartenant pas à la commune.
Le moyen de nullité du procès-verbal d'expulsion n'apparaît donc pas fondé.
Sur la demande de restitution des objets saisis et des bovins saisis
En vertu de l'article 515-14 du code civil, les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens.
Aux termes des articles 527 et 528 du code civil tous les biens sont meubles ou immeubles et sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre.
Il résulte de ces textes que les bovins appartenant à Monsieur F. entrent dans la catégorie juridique des biens meubles dont le sort en cas d'expulsion est réglé par les dispositions des articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution .
En l'espèce, il y a lieu de constater que malgré sommation d'avoir à les retirer dans le délai d'un mois, Monsieur F. n'a pas retiré les biens matériels inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion, soit une épave de véhicule sans valeur marchande, une remorque en bois à deux essieux sans valeur marchande, deux remorques bétaillère en bois sans valeur marchande, un van en mauvais état apparent ayant une valeur marchande, un ratelier à foin ayant une valeur marchande, deux électrificateurs de clôture autonomes n'ayant pas de valeur marchande, cent-sept barres métalliques faisant fonction de piquets ayant une valeur marchande et du fil électrique permettant de relier ces piquets sans valeur marchande.
Monsieur F. qui n'a pas usé de la faculté de retirer ses meubles depuis le 31 octobre 2019, date de la signification du procès-verbal d'expulsion, ne démontre pas être en capacité matérielle de récupérer les biens sus-inventoriés.
Il y a donc lieu de confirmer la décision déférée qui a autorisé la commune à mettre en vente ceux des biens inventoriés ayant une valeur marchande dans les conditions précisées à l'article R433-5 du code des procédures civiles d' exécution et a dit que les meubles qui n'auront pas pu être vendus ou qui ne sont pas susceptibles de l'être seront déclarés abandonnés dans les conditions précisées par l'article R 433-6 du code des procédures civiles d' exécution .
S'agissant des bovins, leur propriétaire ne pouvait pas déférer à la sommation de les retirer dès lors que la commune a, concomitamment aux opérations d'expulsion, fait procéder à leur saisie vente en exécution de l'ordonnance de référé qui condamnait Monsieur F. au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Au demeurant le procès-verbal de signification indique clairement que la sommation de retirer les bêtes est faite sous réserve du sort de la saisie vente antérieurement pratiquée rendant indisponibles les biens objets de ladite mesure.
Les bovins ne peuvent être restitués dès lors qu'ils sont rendus indisponibles par l'effet de la saisie-vente et doivent ou devaient être vendus aux enchères publiques dès lors que leur propriétaire n'avait présenté aucune offre d'achat dans le délai légal d'un mois à compter de la signification de l'acte de saisie.
La demande de restitution ne peut donc être accueillie.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par Monsieur F.
Il y a lieu de réouvrir les débats de ce chef et d'inviter les parties à conclure sur le moyen pris du défaut de pouvoir du juge de l' exécution et partant de la cour, statuant comme juge de l' exécution , pour statuer sur la demande indemnitaire de Monsieur F..
Sur la demande en paiement des frais d' exécution
En vertu de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , les frais d' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.
En l'espèce, il apparaît que la commune de Weiterswiller, qui disposait de la faculté de faire procéder à la vente forcée des bovins qui faisaient l'objet d'un procès-verbal de saisie vente en date du 25 octobre 2019, dès l'expiration du délai d'un mois suivant la signification dudit procès-verbal, faute de vente amiable et de contestation relative à la propriété des biens saisis, réclame à Monsieur F. paiement de frais de pension du 25 octobre 2019 au 31 décembre 2020 pour un montant global de plus de 6000 €.
Il convient de réouvrir les débats sur ce point pour permettre à la commune de présenter ses explications sur ce point.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a autorisé la mise en vente des meubles de Monsieur F. tels que visés au procès-verbal d'expulsion y compris ceux qui sont insaisissables par nature, dans les conditions précisées à l'article R 433-5 du code des procédures civiles d' exécution et en ce qu'il a dit que les meubles qui n'ont pas pu être vendus ou qui ne sont pas susceptibles de l'être seront déclarés abandonnés dans les conditions précisées par l'article R433-6 du code des procédures civiles d' exécution ,
Y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur F. de sa demande en nullité du procès-verbal d'expulsion et de sa demande en restitution de ses bovins,
ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats pour le surplus ,
INVITE les parties à présenter leurs observations de fait et de droit sur le moyen tiré de l'incompétence du juge de l' exécution et partant de la cour statuant comme juge l' exécution pour prononcer une condamnation à dommages intérêts du fait de la mort de trois bovins,
INVITE la commune à s'expliquer sur la circonstance qu'elle n'a pas fait procéder à la vente des bovins après l'expiration du délai d'un mois suivant le procès-verbal de saisie vente et réclame de ce fait des frais de pension du 25 octobre 2019 au 31 décembre 2020,
RENVOIE la cause devant le magistrat chargé la mise en état à l'audience du 14 septembre 2021 à 14heures 15 étant précisé que les parties devront avoir présenté leurs observations pour cette date,
RÉSERVE à statuer pour le surplus.