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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 11 octobre 2016, n° 16/00461

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

ICF Sud-Est Méditerranée (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Conseillers :

M. Wachter, Mme Dumurgier

TGI Dijon, du 24 févr. 2016, n° 15/02375

24 février 2016

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon jugement réputé contradictoire rendu le 6 juillet 2011, le tribunal d'instance de Dijon a constaté la résiliation de plein droit du bail liant la société ICF Sud Est Méditerranée à Monsieur Richard C., au 20 décembre 2010, a ordonné l'expulsion de Monsieur C. des lieux loués [...], ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec, si besoin est, le concours de la force publique, et a condamné solidairement Monsieur C. et Madame Christelle G. épouse C. à payer au bailleur une somme de 498,16 € au titre des loyers et charges impayés à la date de résiliation du bail, outre une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer outre les charges normalement exigibles à compter du 29 décembre 2010 et une indemnité de procédure de 200 €, le tout sous le bénéfice de l' exécution provisoire.

Par acte d'huissier du 23 juin 2015, il a été procédé à l'expulsion de Monsieur C. des locaux situés [...], il lui a été fait sommation d'avoir à retirer ses meubles dans un délai d'un mois et il lui a été délivré assignation d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution de Dijon à l'audience du 8 septembre 2015 afin de voir statuer sur le sort des meubles qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience.

Ce procès-verbal d'expulsion a été signifié à la personne de l'intéressé.

Devant le juge de l' exécution , Monsieur C. a indiqué ne pas être en mesure de récupérer ses biens.

La société ICF Sud Est Méditerranée a maintenu ses demandes en sollicitant en outre l'allocation d'une indemnité de procédure de 1 000 €.

Par jugement rendu le 24 février 2016, le juge de l' exécution de Dijon a :

- dit que les biens inventoriés dans le procès-verbal d'expulsion du 23 juin 2015 ayant une valeur marchande seront mis en vente aux enchères publiques et que les biens n'ayant aucune valeur marchande sont déclarés abandonnés à l'exception des papiers et documents de nature personnelle,

- autorisé la société ICF Sud-Est Méditerranée à reprendre possession du logement situé [...],

- condamné Monsieur Richard C. à supporter les frais de l'enlèvement et de la destruction des biens abandonnés,

- rejeté la demande formée par la société ICF Sud-Est Méditerranée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur Richard C. aux dépens.

Après avoir relevé que la requérante justifiait d'un titre exécutoire ordonnant l'expulsion du locataire, qu'un commandement de quitter les lieux avait été notifié à ce dernier le 6 mai 2013, qu'il avait été procédé à l'information du représentant de l'Etat dans le département par courrier recommandé distribué le 14 mai 2013 et qu'un procès-verbal d'expulsion avait été établi le 23 juin 2015 après réquisition de la force publique, le premier juge a considéré que la procédure d'expulsion était régulière et a constaté que Monsieur C. n'avait pas retiré ses meubles en temps voulu pour faire droit à la demande présentée par le bailleur en application des dispositions des articles L433-1 et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution .

Monsieur C. a régulièrement interjeté appel de ce jugement, par déclaration reçue au greffe le 17 mars 2016.

Dans ses dernières écritures notifiées le 11 août 2016, l'appelant demande à la Cour de :

- annuler le jugement déféré,

Statuant sur les demandes initiales de la société Sud Est Méditerrannée,

- l'en débouter intégralement, ainsi que de toutes ses demandes formulées en appel,

- condamner la société Sud Est Méditerrannée à lui payer les sommes suivantes :

* 3 000 € à titre de dommages-intérêts,

* 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 18 juillet 2016, la société ICF Sud Est Méditerrannée demande à la Cour au visa des articles L 433-1 et suivants et R 433-1 du code des procédures civiles d' exécution , et 559 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement rendu le 24 février 2016 par le juge de l' exécution près le tribunal de grande instance de Dijon,

Y ajoutant,

- débouter Monsieur Richard C. de l'intégralité de ses demandes en paiement,

- condamner Monsieur Richard C. à lui payer la somme de 3 500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- condamner Monsieur C. à lui payer la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Monsieur C. aux entiers dépens.

La clôture de la procédure est intervenue le 12 août 2016.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions susvisées.

SUR QUOI

Attendu qu'au soutien de son appel, Monsieur C. argue de l'irrégularité de la procédure d'expulsion et notamment du procès-verbal d'expulsion au motif que l'inventaire de ses biens dressé par l'huissier instrumentaire ne mentionne pas les papiers et documents de nature personnelle lui appartenant, et ce nonobstant le fait qu'il ait été signifié à sa personne ;

Qu'il ajoute que tous ces documents n'ont pas été placés sous scellés comme l'impose l'article R433-6 du code des procédures civiles d' exécution ;

Qu'il précise qu'il n'a pu emporter, le 23 juin 2015, qu'un sac d'habits, laissant sur place la totalité de ses documents personnels, qu'il n'a pas pu récupérer depuis, en dépit du jugement rendu le 24 février 2016, puisque ces documents n'ont pas été inventoriés ni placés sous scellés ;

Qu'il en déduit que le jugement déféré est entaché de nullité ;

Que d'autre part, il reproche à l'intimée d'avoir poursuivi l' exécution du jugement déféré sans le signifier préalablement comme l'exigeait expressément la décision, et ce alors qu'il avait porté à sa connaissance la décision de la commission de surendettement ayant déclaré sa demande recevable qui emportait suspension et interdiction des procédures d' exécution , et de ne pas s'être inquiétée du sort de ses affaires et documents personnels alors que le jugement entrepris ne l'autorisait pas à s'en débarrasser ;

Qu'il sollicite en conséquence la réparation de son préjudice résultant de la privation de ses effets et documents personnels ;

Attendu que l'intimée objecte que la procédure d'expulsion est parfaitement régulière, le procès-verbal d'expulsion ayant été établi conformément aux exigences des articles L433-1 et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution , en précisant que l'huissier instrumentaire a dressé avec minutie l'inventaire des biens présents et qu'aucun papier ou document personnel n'a été listé car aucun ne se trouvait dans l'appartement ;

Qu'elle relève que l'appelant ne rapporte pas la preuve que ces documents de nature personnelle se trouvaient encore dans les lieux le jour où le procès-verbal d'expulsion a été établi ;

Qu'elle estime en conséquence que la procédure initiée par M. C. est abusive, en rappelant que l'intéressé a bénéficié d'un délai largement suffisant pour s'inquiéter du sort de ses affaires depuis le jugement qui a ordonné son expulsion qui lui a été signifié le 12 juillet 2011, et que les nombreux renvois sollicités en première instance par l'appelant lui permettaient de récupérer ses biens ;

Attendu qu'en application de l' article L433-1 du code des procédures civiles d' exécution , en cas d'expulsion, les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne et, à défaut, sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l' exécution , avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par l' article R433-1 du même code à un mois ;

Que, selon l' article R433-1, si des biens ont été laissés sur place ou déposés par l'huissier de justice en un lieu approprié, le procès-verbal d'expulsion contient en outre, à peine de nullité, l'inventaire de ces biens, avec l'indication qu'ils paraissent ou non avoir une valeur marchande ;

Que l' article R 433-6 prévoir que les biens n'ayant aucune valeur marchande peuvent être déclarés abandonnés, à l'exception des papiers et documents de nature personnelle qui sont placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice ;

Attendu qu'en exécution du jugement ayant ordonné l'expulsion de Monsieur Richard C., rendu le 6 juillet 2011 par le tribunal d'instance de Dijon et signifié à l'intéressé le 12 juillet 2011, Maître R., Huissier de justice à Seurre a dressé un procès-verbal d'expulsion le 23 juin 2015, contenant un inventaire des biens laissés dans l'appartement ;

Que l'appelant fait grief à cet inventaire de ne pas mentionner les documents de nature personnelle lui appartenant qui se trouvaient dans l'appartement, sans être en mesure de justifier qu'il avait laissé de tels documents dans les lieux à son départ pour le foyer Sadi Carnot dans lequel il réside depuis ;

Qu'il ne justifie pas davantage d'une réclamation de ses papiers personnels au bailleur durant le délai d'un mois dont il bénéficiait pour retirer ses meubles, ni même durant la procédure devant le juge de l' exécution de Dijon, étant observé qu'en première instance Monsieur C. s'est contenté de solliciter des renvois, par l'intermédiaire de son conseil, afin de bénéficier de temps supplémentaire ainsi qu'en attestent les notes d'audiences ;

Que le procès-verbal d'expulsion qui contient un inventaire détaillé des biens laissés dans l'appartement avec l'indication qu'ils ont ou non une valeur marchande et qui contient également sommation à Monsieur C. d'avoir à les retirer dans le délai légal d'un mois et convocation de la personne expulsée d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution à une date prévue au-delà de ce délai, afin qu'il soit statué sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience, ne souffre ainsi d'aucune irrégularité laquelle n'était en tout état de cause pas de nature à entraîner la nullité du jugement entrepris ;

Que l'intéressé ne s'étant pas manifesté afin de reprendre ses meubles et les opérations d'expulsion ayant été accomplies dans le respect des formalités prévues par les articles L433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution , c'est à bon droit que le premier juge a fait application des dispositions des articles R433-5 et R433-6 du même code et la décision critiquée sera confirmée en toutes ses dispositions ;

Attendu que Monsieur C. ne justifie d'aucun préjudice au soutien de sa demande de dommages-intérêts, étant rappelé que l'automaticité de la suspension des voies d' exécution qui s'attache à la décision de recevabilité de la demande de surendettement par la commission de surendettement ne met pas fin à la procédure d'expulsion du débiteur de son logement lorsque celle-ci est déjà engagée, cette suspension pouvant seulement être sollicitée auprès du juge de l' exécution par la commission, après le prononcé de la recevabilité, ou par le débiteur, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

Qu'il ne pourra dès lors qu'être débouté de cette demande ;

Attendu que l'appel interjeté par Monsieur C. ne procède pas d'un abus du droit d'agir en justice ;

Que l'intimée sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que Monsieur C., partie perdante, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il n'est par ailleurs pas inéquitable de mettre à sa charge une partie des frais de défense exposés en cause d'appel par la société ICF Sud Est Méditerrannée et non compris dans les dépens ;

Qu'il sera ainsi condamné à lui payer la somme 600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare Monsieur Richard C. recevable mais mal fondé en son appel principal,

Déboute l'appelant de sa demande de nullité du jugement rendu le 24 février 2016 par le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Dijon,

Confirme ce jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes de dommages-intérêts,

Condamne Monsieur C. à payer à la société ICF Sud Est Méditerrannée la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur C. aux dépens de première instance et d'appel sous réserve des règles applicables en matière d'aide juridictionnelle.