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Décisions

CA Lyon, 6e ch. civ., 24 septembre 2009, n° 08/01929

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société Structur' Hair (SARL)

Défendeur :

Mme Casteillo- Balley

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dumas

Conseillers :

Mme Guigue, M. Consigny

Avoués :

SCP Aguiraud-Nouvellet, SCP Dutrievoz

Avocats :

Me Esque, Me Chalendar

TGI Saint Etienne, du 3 mars 2008, n° 20…

3 mars 2008

EXPOSÉ DU LITIGE

Par ordonnance du 5 septembre 2007, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a condamné la société STRUCTUR HAIR au paiement de la somme de 1100 euros à titre de loyers commerciaux au 30 juin 2007, a constaté la résiliation de plein droit du bail commercial et a autorisé la propriétaire Madame Renée CASTEILLO-BALLEY à faire procéder sans délai à l'expulsion de la locataire.

Cette ordonnance de référé a été signifiée par acte d'huissier du 24 septembre 2007 avec commandement de quitter les lieux délivré le même jour.

Selon procès-verbal du 5 novembre 2007, Maître REY, huissier de justice, a procédé à la reprise des locaux.

Par acte d'huissier du 15 novembre 2007, la société STRUCTUR HAIR a assigné Madame Renée CASTEILLO-BALLEY devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne en nullité du commandement de quitter les lieux signifié le 24 septembre 2007, nullité de la procédure d'expulsion ayant abouti au procès-verbal de reprise, réintégration dans les locaux et indemnisation des préjudices économiques, financiers et commerciaux.

Par jugement du 3 mars 2008, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a rejeté l'exception de litispendance et la demande de sursis à statuer, a débouté la société STRUCTUR HAIR de ses demandes, a débouté Madame Renée CASTEILLO-BALLEY de sa demande de dommages et intérêts.

La cour renvoie, pour plus ample exposé, aux fait relatés dans le jugement frappé d'appel par la société STRUCTUR HAIR.

Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR, déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 14 mai 2008, est intervenu volontairement dans l'instance.

Par dernières conclusions, Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de prononcer la nullité du commandement d'avoir à quitter les lieux du

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24 septembre 2007 et de la procédure d'expulsion subséquente, d'ordonner la restitution des locaux commerciaux sis [...] sous astreinte définitive de 1000 euros par jour de retard pendant une durée de quinze jours qui commencera à courir à compter de la signification de l'arrêt, de condamner Madame Renée CASTEILLO-BALLEY au paiement de la somme de 55 400 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR soutient que la procédure d'expulsion est nulle en ce que :

-le commandement de quitter les lieux a été délivré par un clerc assermenté en violation des articles 61 de la loi du 9 juillet 1991, 117 et 651 et suivants du code de procédure civile dès lors que le commandement de quitter les lieux constitue l'un des actes de la procédure d'expulsion formant un tout indivisible de la procédure d'exécution forcée que constitue l'expulsion,

-l'huissier a procédé à la reprise des locaux en l'absence de la personne morale expulsée et de tout occupant de son chef, en constatant que les locaux étaient garnis de meubles meublants,

sans dresser un procès-verbal de tentative d'expulsion et requérir la force publique en violation de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 1991.

Il invoque la responsabilité de Madame Renée CASTEILLO-BALLEY pour faute quasi-délictuelle résultant de l'attitude de la bailleresse qui a obtenu un décision de référé à une date où les loyers étaient réglés, a procédé à l'expulsion abusive de sa locataire entraînant l'ouverture de la procédure collective puis a refusé toute cession du fonds de commerce privant le liquidateur d'une chance de vendre le fonds dans de bonnes conditions.

Par dernières conclusions, Madame Renée CASTEILLO-BALLEY demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de lui donner acte de ce qu'elle n'a pas repris possession des locaux, de débouter Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive outre celle de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame Renée CASTEILLO-BALLEY réplique que le commandement d'avoir à quitter les lieux a été valablement délivré par clerc assermenté selon la motivation du juge de l'exécution fondée sur l'article 6 de la loi du 27 décembre 2003 s'agissant d'un acte purement informatif distinct d'un acte d'exécution et que le procès-verbal de reprise remplit toutes les exigences de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 1991.

L'intimée conclut au débouté de la demande d'indemnisation au motif qu'elle a entendu bénéficier légitimement de la résiliation du bail sans opposer aucune obstruction fautive aux demandes du mandataire judiciaire qui entendait se prévaloir du maintien du bail pour le céder.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu qu'il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire de Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR.

Sur la demande de nullité du commandement de quitter les lieux

Attendu que l'article 6 de la loi du 27 décembre 1923 relative à la suppléance des huissiers blessés et à la création des clercs assermentés dispose que « Tous actes judiciaires et extrajudiciaires, à l'exception des procès-verbaux de constats et d'exécution et des ventes mobilières judiciaires ou volontaires, devront, à peine de nullité, être signifiés par huissiers

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ou par clercs assermentés. Les procès-verbaux de constats et d'exécution et les ventes mobilières judiciaires ou volontaires resteront de la compétence exclusive des huissiers. » ;

Que le commandement de quitter les lieux, qui ne réalise aucune contrainte sur les biens ou les personnes, qui n'est qu'un préalable nécessaire à l'expulsion, n'est pas lui-même un acte d'expulsion, voie d'exécution; qu'en application du texte sus-visé, il peut être délivré par un clerc assermenté sans encourir de nullité ;

que Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR doit être débouté de sa demande de nullité du commandement de quitter les lieux délivré à la requête de Madame Renée CASTEILLO-BALLEY par acte d'huissier du 24 septembre 2007 ; que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur la demande de nullité des opérations d'expulsion

Attendu qu'aux termes de l'article 21-1 de la loi du 9 juillet 1991, ajouté par l'article 120 de la loi du 29 juillet 1998, les dispositions des articles 20 et 21 de la loi ne s'appliquent pas en matière d'expulsion ;

Qu'il résulte de ces dispositions, lesquelles ne font aucune distinction selon qu'il s'agit de locaux à usage d'habitation ou de locaux à usage commercial, que, en l'absence de la personne à expulser ou de tout occupant de son chef, l'huissier de justice ne peut ni procéder à l'ouverture des portes ni pénétrer dans les lieux en présence de l'un des témoins visé par l'article 21 précité ; que dans ce cas et sous réserve de l'exception prévue par l'article 21-1 sus-mentionné pour constater la libération volontaire des lieux, l'huissier instrumentaire n'a d'autre choix que de dresser procès-verbal de tentative d'expulsion et de difficulté et de requérir le concours de la force publique ;

Qu'en l'espèce, il résulte du procès-verbal d'expulsion du 5 novembre 2007 que l'huissier de justice a pénétré dans les locaux loués à la société STRUCTUR HAIR en l'absence du preneur à bail commercial ou d'une personne mandatée par lui, en présence de deux témoins, alors que les locaux étaient garnis en meubles meublants de sorte que la libération volontaire des locaux ne pouvait être constatée ;

que l'huissier mandaté par Madame Renée CASTEILLO-BALLEY a donc opéré de manière irrégulière privant ainsi le débiteur d'une formalité substantielle, d'ordre public, dont l'omission fait grief à la société STRUCTUR HAIR qui n'a pu bénéficier ainsi d'une garantie du bon déroulement des opérations d'expulsion, la présence de deux témoins apparaissant insuffisante au regard des intérêts de la personne expulsée ;

Qu'en conséquence, l'expulsion doit être déclarée nulle de ce chef;

Sur les demandes de la liquidation judiciaire de la société STRUCTUR HAIR

Attendu que cette irrégularité, qui affecte les modalités de mise en oeuvre de l'expulsion et la procédure subséquente, ne peut avoir pour sanction la réintégration de la personne expulsée en vertu d'un titre exécutoire puisque la société STRUCTUR HAIR était occupante sans droit ni titre par l'effet de l'ordonnance de référé du 5 septembre 2007, régulièrement signifiée par acte d'huissier du 24 septembre 2007 avec commandement de quitter les lieux délivré le même jour ;

que Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR sera donc débouté de sa demande de réintégration dans les locaux ;

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Attendu que sur le fondement de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ;

Que cependant, Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR demande des dommages et intérêts en réparation de préjudices liés non pas à l'exécution dommageable de l'expulsion, mais à la décision qui a ordonné son expulsion ; que le mandataire liquidateur ne peut obtenir de dédommagement pour les préjudices liés à la cessation brusque de l'activité du salon de coiffure, dès lors que la société STRUCTUR HAIR pouvait l'éviter en quittant volontairement les lieux et en organisant le transfert de son activité ;

que Maître CHRETIEN es qualité ne rapporte pas la preuve d'un comportement fautif de Madame Renée CASTEILLO-BALLEY au titre d'un refus de cession de bail dès lors que la bailleresse disposait d'un titre exécutoire constatant la résiliation du bail et a exprimé par écrit, pièces 35 à 37, son accord pour la conclusion d'un nouveau bail à des candidats acquéreurs du fonds de commerce ;

que Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR HAIR ne peut donc se prévaloir ni d'une perte d'exploitation ni de la perte d'une chance de vendre le fonds dans de bonnes conditions ;

qu'en outre, l'argumentation sur la poursuite abusive de la procédure d'expulsion au motif que les loyers étaient payés remet en cause le titre exécutoire dont dispose la bailleresse à l'encontre duquel la société STRUCTUR HAIR n'a pas interjeté appel après la signification de l'ordonnance, acte dont la nullité n'est pas demandée, le mandataire judiciaire se contentant d'alléguer de la délivrance un jour de fermeture du commerce; que l'absence de concours de la force publique a causé à la société STRUCTUR HAIR un préjudice évalué par la cour à la somme de 1500 euros de dommages et intérêts ;

Attendu que Madame Renée CASTEILLO-BALLEY qui succombe ne peut prétendre à dommages et intérêts pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Déclare recevable l'intervention volontaire de Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR 'HAIR ;

Infirme le jugement entrepris mais seulement en ce qu'il a débouté la société STRUCTUR HAIR de sa demande de nullité du procès-verbal d'expulsion du 5 novembre 2007 et d'indemnisation et l'a condamnée aux dépens;

Et statuant à nouveau sur les chef infirmés :

Déclare nul le procès-verbal d'expulsion dressé le 5 novembre 2007 ;

Condamne Madame Renée CASTEILLO-BALLEY à payer à Maître CHRETIEN agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société STRUCTUR' HAIR la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Confirme le jugement pour le surplus;

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Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Madame Renée CASTEILLO-BALLEY aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP AGUIRAUD & NOUVELLET, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.