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Décisions

ADLC, 3 août 2023, n° 23-DCC-165

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice entre les sociétés Select Service Partner et Aéroports de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de Mme Margaux Sage-Passant, M. Pierre Larcher, M. Nicolas Lluch, rapporteurs et l’intervention de M. Étienne Chantrel, rapporteur général adjoint, par M. Benoît Cœuré, président, Mme Irène Luc, M. Henri Piffaut, Mme Fabienne Siredey-Garnier et M. Thibaud Vergé, vice-présidents, Mme Valérie Bros, Mme Julie Burguburu, M. Jérôme Pouyet et Mme Catherine Prieto, membres.

ADLC n° 23-DCC-165

3 août 2023

L’Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 28 octobre 2022, déclaré complet le 28 novembre 2022, relatif à la création d’une entreprise commune de plein exercice entre les sociétés Select Service Partner et Aéroports de Paris, formalisée par un contrat de cession des actions et des droits de vote de la société Extime Food & Beverage Paris du 4 novembre 2021 ;

Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Vu la décision n° 23-DEX-01 du 9 janvier 2023 d’ouverture d’un examen approfondi en application du dernier alinéa du III de l’article L. 430-5 du code de commerce ;

Vu les observations présentées par les représentants des sociétés Select Service Partner et Aéroports de Paris le 9 juin 2023 en réponse  au rapport des services d’instruction du 17 mai 2023 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Select Service Partner et Aéroports de Paris entendus au cours de la séance du 27 juin 2023 ;

Adopte la décision suivante :

Résumé1

Aux termes de la décision ci-après, l’Autorité a procédé à l’examen de la création d’une entreprise commune de plein exercice, Extime Food & Beverage Paris (ci-après, « Extime »), entre les sociétés Select Service Partner (ci-après, « SSP ») et Aéroports de Paris (ci-après, « ADP »).

La société ADP est une société anonyme contrôlée par l’État français. Elle est chargée d’aménager, d’exploiter et de développer un ensemble d’installations aéroportuaires dans la région Île-de-France (principalement Paris-Charles de Gaulle, ci-après « Paris-CDG », Paris-Orly et Paris-Le Bourget).

La société SSP est une filiale du groupe SSP. Elle a pour activité principale la restauration commerciale, notamment dans les infrastructures de transports. Elle est ainsi active dans les aéroports, les gares, sur les aires d’autoroutes et dans le métro parisien.

Extime est une filiale à 100 % du groupe ADP qui gère une dizaine de points de restauration dans l’aéroport de Paris-Orly. À l’issue de l’opération, elle sera chargée, progressivement, de la quasi-totalité des points de restauration des aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly.

L’Autorité a mené son analyse sur un marché amont de la restauration de concession spécifique aux aéroports délimité au niveau national. De même, elle a identifié pour la première fois un marché aval de la restauration commerciale distinct de celui du marché amont et défini localement au niveau de chacun des aéroports parisiens.

Il ressort de l’instruction que l’opération notifiée est susceptible d’engendrer des effets horizontaux sur le marché aval de la restauration commerciale en aéroport et des effets verticaux sur le marché amont de la restauration de concession.

Afin d’apprécier les effets d’une opération de concentration sur la concurrence, l’Autorité compare les conditions de concurrence qui résultent de la transaction avec celles qui auraient prévalu en l’absence de l’opération (soit le scénario « contrefactuel »). Si, dans la plupart des cas, les conditions de concurrence existant au moment de la concentration constituent le point de comparaison pertinent pour évaluer les effets de l’opération, l’Autorité conduit une analyse prospective et intègre dans son analyse les évolutions anticipées de la structure du marché lorsque ces dernières revêtent un caractère suffisamment certain.

À cet égard, l’opération s’inscrit dans un contexte particulier dès lors qu’ADP a décidé de regrouper les baux des points de restauration et d’en confier la gestion à Extime indépendamment de la mise en œuvre de l’opération et que, par ailleurs, Extime a commencé à exploiter les points de restauration gérés antérieurement par les autres opérateurs et dont les baux sont arrivés à échéance.

Aux termes de son analyse, l’Autorité a considéré qu’en l’absence de l’opération, le scénario le plus probable est celui de la reprise par ADP seul, via Extime, de la gestion de la quasi- intégralité des points de restauration. ADP dispose non seulement de la capacité juridique mais également des moyens techniques et de l’expérience nécessaire pour assurer cette gestion. De plus, les incitations d’ADP à confier à un opérateur unique sur lequel il pourra exercer un contrôle la quasi-intégralité de l’activité de restauration sont également plausibles et établies par un ensemble d’éléments concordants.

Dans ces conditions, l’opération notifiée n’emporterait pas passage d’une situation d’oligopole à une situation monopolistique puisque, à défaut de réalisation de l’opération, les points de restauration présents au sein des aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly seraient, quoiqu’il en soit, exploités par un seul opérateur, Extime. Partant l’Autorité considère que l’opération notifiée est sans incidence sur la structure de la concurrence sur le marché aval de la restauration commerciale en aéroport.

L’Autorité a également écarté tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux sur le marché amont de la restauration de concession.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité a autorisé l’opération sans engagements.

I. Les entreprises concernées et l’opération

A. LES ENTREPRISES CONCERNÉES

1. Aéroports de Paris SA (ci-après « ADP ») est une société anonyme contrôlée par l’État français. Aux termes de l’article L. 6323-2 du code des transports, ADP est chargé d’aménager, d’exploiter et de développer un ensemble d’installations aéroportuaires dans la région Île-de-France (principalement Paris-Charles de Gaulle, ci-après « Paris-CDG », Paris-Orly et Paris-Le Bourget). Le groupe ADP exploite 28 aéroports dans le monde. ADP est actif sur l’ensemble de la chaîne de valeur des aéroports, depuis les études préalables aux aménagements des infrastructures jusqu’à leur exploitation. Il met notamment ses infrastructures à la disposition des compagnies aériennes pour que ces dernières puissent assurer leurs activités (entre autres le décollage et l’atterrissage des avions, l’accueil des passagers et le traitement des bagages). ADP assure des missions de service public aéroportuaire, qui donnent lieu au versement de redevances, des prestations de sûreté et de sécurité et gère les parcs et accès routiers aux aéroports. Il exploite également des emplacements commerciaux (boutiques et restaurants) situés dans les aéroports dont il a la charge.

2. Select Service Partner SAS (ci-après « SSP ») est une filiale à 100 % de SSP France Financing, elle-même exclusivement détenue par SSP Group PLC. Le groupe SSP a pour activité principale la restauration commerciale, notamment dans les infrastructures de transports. SSP est ainsi active dans les aéroports (en France à Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris-CDG et Paris-Orly), dans les gares (notamment, en France, la gare de Lyon et la gare Montparnasse), sur les aires d’autoroutes et dans le métro parisien.

3. ADP et SSP contrôlent conjointement la société Epigo, société créée en 2015 qui exploite des points de vente de restauration au sein de l’aéroport de Paris-CDG.

4. Extime Food & Beverage Paris, anciennement BTA France (ci-après « Extime »), est, antérieurement à l’opération, une filiale à 100 % de la société Extime Food & Beverage, elle-même filiale à 100 % du groupe ADP. Elle a, à ce jour, pour activité la gestion d’une trentaine de points de restauration dans les aéroports de Paris-Orly et Paris-CDG2.

B. L’OPÉRATION

5. Selon les éléments figurant au dossier, l’opération consiste en la conclusion de deux contrats de concession entre ADP et Extime, attribuant à terme à cette dernière un droit d’exploitation sur 77 points de vente de restauration à Paris-CDG et 32 points de vente à Paris-Orly. Cette attribution sera progressive, dans la mesure où, si certaines surfaces sont nouvelles, d’autres sont actuellement exploitées soit par des tiers, soit par ADP, soit par Epigo, soit par SSP.

Extime gérera à l’issue de ce processus la quasi-totalité des points de restauration de chacun de ces aéroports3

6. Il est prévu que SSP procède à l’acquisition de 50 % du capital et des droits de vote d’Extime, étant précisé qu’ADP a effectué un appel d’offres pour l’attribution de cette participation, à l’issue duquel la société SSP a été retenue4.

7. Ce partenariat entre ADP et SSP est conclu pour une durée comprise entre 10 et 15 ans. En effet, les conventions d’autorisation d’activité dans les aéroports de Paris-CDG et de Paris- Orly signées entre ADP et Extime à la suite de l’appel d’offres remporté par SSP prendront fin au plus tôt le 31 janvier 20335. Extime pourra bénéficier d’un renouvellement de ces conventions pour une durée de 60 mois maximum, selon des critères de qualité de service et de performance économique. En effet, l’ article 11 des deux contrats de concession susvisés prévoit, d’une part , une clause de performance économique, qui permet d’accroître, pour une durée de 40 mois au maximum, la durée de la concession si « un objectif de surperformance économique exprimé en objectif de chiffre d'affaires HT annuels par passager départ du terminal considéré » est atteint, d’autre part un objectif de surperformance qualité, « exprimé en objectif de notation de la perception de la qualité des cafés, bars, sandwicheries et restaurants dans l'enquête de satisfaction ASQ réalisée par l'ACI » qui pourra donner lieu à une prolongation de la durée des contrats pouvant aller jusqu’à 20 mois6.

8. À l’issue de l’opération, Extime sera contrôlée conjointement par ADP et SSP. En effet, en sus de détenir chacun 50 % du capital de la société, ADP et SSP seront paritairement représentés au sein d’un conseil composé de huit membres, chargé notamment de l’approbation des orientations et des plans stratégiques de la société, de ses plans d’affaires et de ses projets d’investissements ainsi que de la révocation du président et du directeur général de la société. Les décisions du conseil seront prises à la majorité des cinq-sixièmes. Ainsi, compte tenu des règles de vote, ces décisions stratégiques ne pourront être adoptées qu’avec l’accord de représentants des deux sociétés-mères. De plus, le président et le directeur général d’Extime seront désignés par ADP après accord de SSP. Compte tenu de ces éléments, ADP et SSP exerceront donc, conjointement, une influence déterminante sur Extime.

9. L’opération se traduit donc par la création d’une entreprise commune, Extime, entre ADP et SSP, à laquelle les mères apportent des actifs qu’elles détenaient auparavant.

10. En l’espèce, Extime est une entreprise de plein exercice. En effet, elle a un caractère durable, le partenariat ayant vocation à perdurer au moins 10 à 15 ans. De plus, elle accomplit toutes les fonctions d’une entité économique autonome afin d’opérer de façon indépendante sur le marché. Elle dispose d’une autonomie fonctionnelle et financière, puisqu’elle emploie son propre personnel, a des ressources propres et sera seule responsable de sa politique commerciale et d’achat. Elle sera notamment autonome dans la sélection de son portefeuille d’enseignes et titulaire des contrats de franchise qui lui permettront de déployer son activité de restauration commerciale. En outre, Extime disposera de son propre accès au marché puisqu’elle exploitera des espaces de restauration commerciale au sein des aéroports de Paris-Orly et de Paris-CDG, dont le nombre a par ailleurs vocation à augmenter, ce qui lui permettra d’accroître sa présence sur le marché (voir paragraphe 4 ci-dessus). Enfin, les statuts d’Extime n’excluent pas la possibilité pour cette dernière de développer ses activités en dehors du périmètre des seuls aéroports gérés par ADP. En effet, son objet social n’est pas circonscrit à une zone géographique ou à des établissements particuliers7.

11. En ce qu’elle se traduit par la création d’une entreprise commune de plein exercice entre ADP et SSP, l’opération constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

12. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires hors taxes total au plan mondial de plus de 150 millions d’euros (ADP : environ 2,8 milliards d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021 [≥ 250 millions] au sein de l’Union européenne ; SSP : [≥ 150 millions] d’euros pour l’exercice clos le 30 septembre 2021 dont [≥ 250 millions] au sein de l’Union européenne). Chacune de ces entreprises a réalisé en France un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (ADP : environ [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021 ; SSP : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 30 septembre 2021). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne relève pas de la compétence de l’Union européenne8. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430- 2 du code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

13. ADP et SSP sont présents sur les marchés de la restauration de concession et de la restauration commerciale en aéroport.

LES MARCHÉS AMONT DE LA RESTAURATION DE CONCESSION

1. MARCHÉS DE SERVICES

a) Pratique décisionnelle

14. Les autorités française et européenne de concurrence définissent la restauration de concession comme l’activité qui consiste à fournir un service de restauration dans des zones affectées principalement à une autre activité : le transport (aéroport, gares, autoroutes, etc.), les loisirs ou le sport (musées, cinémas, parcs d’attraction, stades, etc.), le commerce de détail (galeries marchandes, grands magasins, etc.) et autres lieux dits publics9. La restauration de concession se caractérise par le fait que le prestataire verse une rémunération au concédant en contrepartie du droit d’exploiter pour son propre compte une partie de la zone concédée10.

15. La Commission européenne (ci-après « la Commission ») a identifié un marché de la restauration de concession dans les lieux de transport, tout en laissant ouverte la question d’une délimitation plus étroite du marché de la restauration de concession par type de lieu de transport11. La Commission a notamment envisagé l’existence d’un marché de l’attribution de concession de services de restauration sur autoroute distinct du marché de l’attribution de concession de services de restauration dans les aéroports et dans les gares12.

16. L’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») a quant à elle également identifié un marché de la concession de services de restauration correspondant à l’externalisation des besoins de restauration dans les lieux de transport, sans toutefois identifier un segment propre aux concessions de services de restauration en aéroport13.

a) Position des parties

17. Les parties notifiantes considèrent que les segmentations envisagées par la pratique décisionnelle ne sont pas pertinentes. En particulier, elles contestent la délimitation de marché selon les lieux concernés (aéroport, gare, galerie commerciale par exemple) dans la mesure où les conditions de concurrence s’exercent selon elles de manière similaire dans ces différents endroits. Les parties notifiantes précisent que les opérateurs de la restauration de concession qui exercent leurs activités dans des aéroports sont également présents dans d’autres types de lieu comme les gares ou les aires d’autoroutes et peuvent donc adapter leurs offres aux caractéristiques spécifiques précisées dans les avis de concession. Elles soulignent également que la concession des points de restauration est généralement attribuée à l’issue de procédures d’appels d’offres, auxquelles l’ensemble des entreprises spécialisées dans la restauration de concession a la possibilité de soumissionner.

18. Dans ces conditions, les parties notifiantes considèrent que le marché pertinent de services correspond au marché des concessions pour la fourniture de services de restauration concédée, où l’offre est représentée par les concessionnaires d’infrastructures (concédants) et la demande par des entreprises ou des consortiums d’entreprises ayant un intérêt à se voir attribuer les concessions (prestataires).

19. En toute hypothèse, les parties notifiantes estiment que, dans la mesure où l’opération ne soulève selon elles pas de difficulté de concurrence, quelle que soit la segmentation retenue, la définition exacte du marché peut être laissée ouverte.

a) Position de l’Autorité

20. Les différents éléments recueillis au cours de l’instruction, exposés ci-après, ont confirmé l’existence d’un marché de la restauration de concession spécifique au secteur des transports.

21. D’une part, les contrats dans la restauration de concession dans le secteur des transports sont établis à l’issue de procédures d’appel d’offres lancées par les gestionnaires d’infrastructures (autoroutes, gares et aéroports)14. Le processus de sélection des opérateurs apparaît plus disparate dans les autres secteurs de la restauration de concession, pour lesquels des négociations de gré à gré peuvent être conduites entre bailleurs commerciaux et opérateurs de restauration de concession15. D’autre part, les opérateurs de restauration de concession du secteur des transports, peu nombreux, ne sont que très marginalement présents dans les autres secteurs d’activité tels que les loisirs ou le commerce de détail, où le nombre d’acteurs est plus important16.

22. Dans la mesure où la Commission a envisagé l’existence d’un marché amont limité aux autoroutes, différent de celui des gares et des aéroports, l’instruction a également, par parallélisme, analysé dans quelle mesure il y avait lieu de distinguer un marché amont spécifique à la restauration de concession limité aux aéroports. En l’espèce, les éléments recueillis démontrent que l’exploitation des points de restauration dans les aéroports présente des spécificités propres telles qu’un encadrement juridique plus contraignant se traduisant, entre autres, par la soumission des personnels et des marchandises à de lourds contrôles17, matérialisés, notamment, par les postes d’inspection et de filtrage et la présence de la police de l’air et des frontières. Il en résulte une logistique plus complexe, résumée par ADP de la manière suivante : « [il y a] la nécessité d’un personnel badgé en zone réservée (badge rouge qui fait qu’on ne peut pas avoir de solutions de substitution si un personnel ne vient pas le matin car c’est long d’obtenir un tel badge) et d’ordre logistique car la marchandise doit être sécurisée, avec une démarche de fournisseur connu (processus avec les douanes qui n’ont rien à voir avec le processus standard) »18.

23. Il apparaît en outre que l’offre pour la restauration en aéroport est, à ce jour, plus limitée que pour les autres secteurs du transport. Alors que SSP, Areas19, Lagardère et Autogrill sont actifs sur le marché de la restauration de concession dans les lieux de transport, l’offre au sein des aéroports est organisée principalement autour de deux acteurs, SSP et Areas. En effet, Autogrill n’est pas actif sur ce marché et Lagardère n’y est présent que de façon marginale.

24. Il ressort toutefois des tests de marché et des auditions réalisés que les opérateurs spécialisés dans la restauration de concession en aéroport sont susceptibles d’être confrontés à une pression concurrentielle sensible des opérateurs actifs dans la restauration de concession dans les autres lieux de transport. En particulier, si Autogrill France n’est plus actif en aéroport depuis la cession de ses actifs à la société SSP en 2017, les aéroports constituent l’activité la plus importante du groupe Autogrill au niveau mondial20. De surcroît, il apparaît qu’Autogrill France continue à être attentif à l’activité de restauration concédée en aéroport en France. D’une part, cette entreprise, même si elle n’a pas finalement soumissionné21, a néanmoins pris connaissance du dossier de consultation transmis par ADP pour Extime et a fait les visites des sites d’exploitation22. D’autre part, Autogrill France était également présent pour les visites de sites organisées par l’aéroport de Marseille Provence dans le cadre de son appel d’offres lancé en 2023 et dont l’objet était d’exploiter onze points de restauration dans le terminal 1 de cet aéroport23. Dans ces conditions, les services d’instruction considèrent qu’un opérateur présent dans le secteur de la restauration de concession dans les autres lieux de transport est susceptible d’exercer une pression concurrentielle, à tout le moins potentielle, sur les opérateurs du marché de la restauration de concession en aéroport.

25. La question de la définition exacte du marché peut en tout état de cause être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse étant identiques, quelle que soit la délimitation retenue. En l’espèce, pour les besoins de la présente opération, l’analyse a été menée en retenant l’hypothèse la plus conservatrice, à savoir celle d’un marché amont de la restauration de concession en aéroport.

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

a) Pratique décisionnelle

26. Les autorités de concurrence ont envisagé une dimension nationale des marchés de la restauration de concession, notamment en raison des différences de réglementation entre États (marchés publics et droit du travail), des préférences nationales (en termes de qualité et de prix) et des différences alimentaires nationales24.

27. La Commission a également envisagé, tout en laissant la question ouverte, des marchés de dimension européenne, voire mondiale, dans la mesure où la plupart des concessions sont soumises à des appels d’offres ouverts à des opérateurs internationaux25.

b) Position des parties

28. Les parties notifiantes considèrent que le marché de la restauration de concession est de dimension mondiale26. Elles souscrivent à l’analyse de la Commission selon laquelle la plupart des concessions sont soumises à des appels d’offres ou à d’autres procédures compétitives ouvertes à des opérateurs internationaux, qui seraient indifférents à l’emplacement ou à la dimension de l’aéroport pour lequel ils soumettent une offre, dans la mesure où ils poursuivent pour la plupart une stratégie de développement international.

29. Les parties notifiantes soulignent ainsi que les principaux concurrents de SSP sont tous actifs à l’échelle mondiale et présents dans plusieurs aéroports localisés dans différents pays voire différents continents27. Elles ajoutent que le marché de la restauration de concession exige une importante flexibilité géographique de la part des opérateurs, compte tenu de la nature temporaire des concessions. En tout état de cause, elles considèrent que le marché doit être analysé au moins au niveau européen28.

c) Position de l’Autorité

30. À l’issue de l’instruction, il apparaît que le marché amont de la restauration de concession limité aux aéroports est de dimension nationale. En effet, il ressort des tests de marché, d’une part, et des auditions réalisées dans le cadre de l’instruction, d’autre part, que si les opérateurs de la restauration de concession sont effectivement actifs à l’échelle internationale, le marché de la restauration de concession en aéroport est géographiquement limité par des contraintes légales et réglementaires.

31. Selon les éléments transmis par les opérateurs consultés dans le cadre de l’instruction, les normes nationales en vigueur, notamment en termes de droit du travail ou d’exigences en matière de formation à l’hygiène alimentaire pour le personnel29 constituent des obstacles à l’entrée d’opérateurs étrangers sur ce marché. Un opérateur de la restauration de concession interrogé dans le cadre de l’instruction indique ainsi : « le savoir-faire du pilotage des flux dans un aéroport a des similitudes [d’un pays à un autre] mais au quotidien il s’agit d’un pilotage humain avec des contraintes différentes d’un pays à un autre et une complexité en termes de réglementation sociale, en termes d’hygiène, de construction. Il y a un cumul de complexité »30.

32. Il est à cet égard notable que, selon les responsables des aéroports interrogés dans le cadre de l’instruction, aucune entreprise installée en dehors du territoire national n’ait récemment soumissionné à un de leurs appels d’offres31. De surcroît, il peut être relevé que les entreprises qui ont soumissionné à l’appel d’offres d’ADP l’ont fait via leur filiales françaises (en l’espèce SSP et ACTAIR, filiale du groupe Areas) et qu’aucune entreprise qui n’était pas déjà implantée en France n’a candidaté. Areas souligne à ce titre que « l’activité de restauration de concession demeure une activité de nature locale [et que] les activités de tous les groupes mondiaux sont en réalité exercées dans chaque pays par des filiales locales qui fonctionnent de manière très autonome […] la stratégie des groupes est très variable en fonction des pays et de la situation de leur filiale locale dans chaque pays »32. Compte tenu de ces éléments, les services d’instruction considèrent que le marché de la restauration de concession en aéroport est de dimension nationale.

33. En conséquence, l’analyse concurrentielle sera menée sur le marché amont de la restauration de concession en aéroport en France.

B. LES MARCHÉS AVAL DE LA RESTAURATION COMMERCIALE EN AÉROPORT

1. MARCHÉS DE SERVICES

a) Pratique décisionnelle

34. À ce jour, les marchés de la restauration commerciale en aéroport n’ont été définis ni par la pratique décisionnelle de la Commission ni par celle de l’Autorité. Les autorités de concurrence ont en revanche analysé l’activité de restauration commerciale sous différents prismes, rappelés ci-dessous.

35. L’Autorité et la Commission ont tout d’abord analysé l’activité globale de restauration commerciale.

36. L’Autorité a ainsi défini un marché de la restauration commerciale qui comprend (i) le marché de la restauration rapide à bas prix (constitué des « fast-foods », des « self-services » et de la vente à emporter/livraison à domicile) et (ii) celui de la restauration plus sophistiquée incluant, notamment, un service à table33.

37. La Commission a, quant à elle, envisagé de retenir un marché de la restauration « sur le pouce » comprenant les établissements de restauration rapide (appartenant à une chaîne ou indépendants), les pizzerias, les cafés, les « coffee shops », les sandwicheries et les enseignes de vente à emporter et de livraison à domicile.

38. Par ailleurs, la Commission et l’Autorité34 ont également identifié un marché de la restauration autoroutière distinct de la restauration classique en s’appuyant sur les éléments suivants. D’une part, au plan de la demande, la clientèle est à la fois spécifique (seuls les usagers d’autoroutes peuvent avoir accès à une telle prestation) et captive (la majorité des usagers ne sortent pas de l’autoroute lorsqu’ils souhaitent prendre un repas). D’autre part, au niveau de l’offre, l’activité de restauration autoroutière est caractérisée par une très forte variation du chiffre d’affaires selon les jours de l’année, une très grande importance des services annexes fournis à la clientèle, une ouverture sept jours sur sept et selon des horaires très larges et un encadrement juridique particulièrement contraignant, en raison notamment des obligations imposées par l’autorité publique35.

39. Selon la Commission et l’Autorité, trois marchés de produits peuvent être distingués dans le secteur de la restauration autoroutière :

- la restauration stricto sensu ;

- les prestations de restauration légère ;

- la vente de produits alimentaires36.

40. Enfin, la Commission a retenu, à côté du marché de l’attribution de concession de services de restauration pour les autoroutes (concurrence pour le marché), un marché des services de restauration sur les aires d’autoroutes (concurrence sur le marché)37. L’Autorité relève, à cet égard, que l’approche de la Commission dans le secteur de la restauration de concession sur autoroute n’est pas spécifique à ces infrastructures. Ainsi, dans le cadre de l’analyse de marchés liés au secteur des prestations commerciales au sein des aéroports, la Commission a distingué l’analyse des effets de l’opération sur le marché amont de l’octroi des concessions et sur le marché aval de la prestation de services aux consommateurs. Elle a notamment identifié un marché de la fourniture de services de vente au détail dans les aéroports distincts du marché de l’octroi de concessions pour la gestion des points de vente en aéroports38.

b) Position des parties

41. Dans la notification, les parties notifiantes font le constat qu’il n’existe aucune pratique décisionnelle, européenne ou française, ayant délimité un marché distinct de la fourniture de services de restauration en aéroport. Elles estiment par ailleurs que l’identification d’un tel marché pour ce qui concerne la restauration sur les aires d’autoroutes est la conséquence d’une situation spécifique à ces infrastructures qui ne devrait, selon elles, pas conduire à envisager de segmenter le marché des services de restauration commerciale en fonction du type de lieu concédé (gares, aéroports, etc.).

42. Dans une étude économique remise au cours de la procédure, elles se sont en revanche appuyées sur la pratique décisionnelle française relative à la restauration commerciale. Elles ont ainsi concentré leur analyse sur le marché de la restauration rapide, identifié dans la décision n° 18-DCC-172 précitée, en relevant simplement qu’il existait, de leur point de vue, une différenciation entre les différentes offres de restauration.

c) Position de l’Autorité

43. À titre liminaire, l’Autorité considère pertinent d’opérer une distinction entre le marché amont de l’octroi de concession et le marché aval de la restauration de concession en aéroport.

44. Ensuite, l’Autorité observe que les éléments ayant permis à la Commission de délimiter un marché de la restauration autoroutière se retrouvent dans le secteur des aéroports.

45. Au niveau de la demande, il ressort de l’instruction que la clientèle des aéroports est spécifique dès lors qu’il s’agit en grande majorité de personnes dont l’objet est le déplacement en avion. Plusieurs répondants au test de marché ont par ailleurs indiqué que la clientèle était entièrement captive39, ce qui a été confirmé par les parties notifiantes dans l’une des études économiques remises à l’occasion de l’examen approfondi de l’opération40.

46. Au regard de l’offre, plusieurs opérateurs de restauration concédée ont indiqué que les services de restauration en aéroport nécessitaient un savoir-faire particulier en raison des contraintes réglementaires qui s’appliquent à la zone réservée41.

47. En ce qui concerne la délimitation des prestations de service de restauration décrite au point 39 ci-avant, l’instruction n’a pas permis de confirmer ou d’infirmer si une telle délimitation s’appliquait aussi à la restauration commerciale en aéroport.

48. Pour autant, l’Autorité constate qu’à l’issue de l’opération ADP, via le contrôle exercé sur ses entreprises communes, exploitera la quasi intégralité des services de restauration à Paris- Orly et Paris-CDG, à l’exception des épiceries et des supermarchés gérés par des entreprises tierces42 et des services de distribution automatique43. En ce qui concerne les prestations de restauration stricto sensu ou légères44, la quasi-intégralité des points de vente sera gérée par Extime45. De même, la restauration dans d’autres points de vente que les points de restauration, tels que les boutiques, sera gérée par Relay@ADP, la filiale commune créée avec le groupe Lagardère qui exploite les magasins Relay, ainsi que par la filiale Extime Duty Free Paris, également en partenariat avec Lagardère.

49. Dans ces conditions, l’analyse concurrentielle sera identique selon que le marché des prestations de services de restauration est ou non segmenté de la même façon que celui de la restauration autoroutière. L’analyse des effets de l’opération de concentration portera ainsi sur le marché de la restauration en aéroport dans sa globalité (incluant donc les prestations en boutique).

2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES

a) Pratique décisionnelle

50. Ainsi qu’il l’a été rappelé au point 34 ci-avant, ni la Commission ni l’Autorité n’ont eu à se prononcer sur la délimitation géographique du marché de la restauration en aéroport.

51. Toutefois, dans ses décisions relatives aux prestations de services de restauration sur autoroutes, la Commission a considéré, sans pour autant se prononcer définitivement sur la délimitation exacte du marché, que, du point de vue de la demande, le marché présentait des particularités locales46. Cette approche locale est cohérente avec celle retenue par les autorités de concurrence en matière de restauration commerciale, pour laquelle plusieurs zones de chalandises, de dimensions distinctes, ont été retenues47. Dans la pratique décisionnelle française, ces zones sont de :

- dix minutes à pied pour les restaurants situés dans Paris intra-muros et dans les dix villes les plus peuplées de France ;

- dix minutes en voiture pour les restaurants situés dans le reste de la France (hors Corse) ;

- trente minutes en voiture pour les restaurants situés en Corse.

52. S’agissant par ailleurs de l’activité aéroportuaire, la Commission a estimé, tout d’abord, dans plusieurs décisions, que les services commerciaux annexes étaient circonscrits à l’aéroport ou, éventuellement, à ses alentours48. Ensuite, concernant le marché de la vente au détail dans les aéroports, la Commission a considéré que, du point de vue de la demande, le marché géographique pertinent le plus étroit à prendre en considération était constitué du seul aéroport49.

53. Enfin, dans sa décision n° 16-DCC-16750, l’Autorité a considéré que, à l’exception du marché amont des concessions pour la fourniture de services de vente de détail en aéroport, les marchés géographiques pour l’ensemble des services fournis au sein des installations aéroportuaires se limitaient à chaque aéroport.

b) Position des parties

54. Dans la notification, les parties notifiantes rappellent que, sans pour autant avoir tranché la question, la Commission a indiqué qu’une dimension nationale du marché ne pouvait être exclue du fait de l’homogénéité des prix, des habitudes de consommateurs et de la présence sur le marché de nombreux acteurs d’envergure au moins nationale. À ce titre, elles présentent l’analyse concurrentielle au niveau du marché français et, à titre indicatif et surabondant, au niveau respectivement des aéroports Paris-CDG et Paris-Orly.

55. Toutefois, dans une étude économique remise ultérieurement, les parties notifiantes ont reconnu que les consommateurs des points de restauration en aéroport étaient, dans une certaine mesure, captifs et que le marché de la restauration commerciale en aéroport était de dimension locale. Reprenant la pratique décisionnelle antérieure de l’Autorité relative à la restauration commerciale, elles indiquent, dans cette étude, que « la distance que les consommateurs sont prêts à parcourir en aéroport est relativement limitée. Le temps de trajet de 10 minutes à pied évoqué dans la pratique décisionnelle pour les grandes villes est donc un maximum »51.

56. Cette analyse serait justifiée par la faible mobilité des consommateurs (voyage en famille, avec des bagages et des étapes sources d’anxiété) et les contraintes de circulation au sein des aéroports, liées notamment aux contrôles de sécurité et des titres de transport52. Cette configuration empêcherait les consommateurs d’arbitrer entre l’ensemble des points de restauration de l’aéroport et viendrait structurellement limiter la concurrence. Dans ce contexte, les parties ont procédé à une analyse des effets de l’opération dans des « espaces au sein duquel les consommateurs peuvent librement arbitrer entre les points de restauration, sans difficultés majeures, et en parcourant un trajet de 10 minutes à pied au maximum entre deux points de restauration »53.

57. Enfin, les parties font également valoir que certaines formes de restauration telles que celles proposées par les compagnies aériennes (restauration embarquée ou en salon [« lounge »]), exerceraient une pression concurrentielle sur la restauration commerciale en aéroports, sans pour autant faire partie du marché pertinent.

c) Position de l’Autorité

58. L’Autorité considère que l’analyse des effets anticoncurrentiels de l’opération doit être menée au niveau de chaque aéroport géré par ADP.

59. En premier lieu, ainsi que le confirme notamment l’Autorité de régulation des transports (ci- après « ART ») dans son étude thématique sur les systèmes de caisse dans le secteur aéroportuaire54, les usagers d’un aéroport sont captifs et les activités commerciales, dont la restauration, ne sont pas soumises à une pression concurrentielle extérieure à l’aéroport. En particulier, une fois les contrôles passés, les voyageurs sont dans l’impossibilité de se restaurer en dehors des points de restauration présents dans leurs zones d’attente. La majorité des aéroports ayant répondu au questionnaire du 28 janvier 2022 ont d’ailleurs indiqué que leur offre de restauration à destination des passagers n’était pas soumise à la concurrence d’offres de restauration situées à l’extérieur de l’aéroport.

60. En ce qui concerne la pression concurrentielle qui serait, selon les parties, exercée par les autres formes de restauration, l’instruction a clairement mis en évidence que ces dernières ne constituent pas une alternative pour les clients. La restauration dans les salons n’est accessible que pour un nombre restreint de clients ou à des conditions tarifaires très restrictives55. Quant à la restauration embarquée, elle ne fait pas partie des paramètres pris en compte dans la détermination de la politique tarifaire de l’offre de restauration en aéroport, ainsi que l’ont confirmé les opérateurs de restauration56. Ces formes de restauration ne peuvent donc être considérées comme exerçant une pression concurrentielle suffisante sur les opérateurs de restaurations commerciales en aéroport pour discipliner la nouvelle entité.

61. En second lieu, il ressort des éléments fournis par les enseignes dans le cadre de l’instruction que ces dernières, ou leurs franchisés, ont pour pratique de différencier leur politique commerciale en fonction du lieu d’implantation, et notamment de l’aéroport57. Ce point ressort également des éléments communiqués par les parties notifiantes, par exemple un tableau référençant les changements d’indices de prix de la marque Starbucks en 2022, qui montre des indices spécifiques pour les aéroports Paris-Orly et Paris-CDG58.

62. Par ailleurs, les opérateurs de la restauration de concession ont dans leur majorité déclaré suivre une politique spécifique en fonction du site d’implantation.

63. Ainsi, Areas a déclaré : « [o]pérationnellement, il est donc possible que, dans une même enseigne, il y ait des prix différents pour une même carte selon le site dans lequel se trouve l’enseigne »59. Les éléments internes communiqués par ses soins démontrent, effectivement, une prise en compte de la situation spécifique des aéroports d’ADP dans l’élaboration des tarifs60.

64. SSP a également déclaré que certaines marques prévoyaient des recommandations tarifaires en fonction de zones locales, parmi lesquelles chacun des aéroports d’ADP61.

65. Il résulte de l’ensemble des éléments exposés ci-dessus que les conditions de concurrence sont propres à chaque aéroport, spécifiquement pour ce qui concerne les aéroports parisiens exploités par ADP.

66. En revanche, l’Autorité estime que l’analyse des parties notifiantes selon laquelle il y a lieu de procéder à une analyse des effets de l’opération à un niveau encore plus fin en fonction du parcours passager tel que présenté dans l’étude économique citée au paragraphe 5562 doit être écartée.

67. Il ressort en effet des éléments recueillis lors de l’instruction que les opérateurs présents au sein des aéroports ADP ne définissent pas la politique tarifaire de leurs points de restauration au niveau du terminal ou de la zone (publique ou réservée) mais pour l’ensemble de l’aéroport où ils disposent de points de vente. Cela est dû, en particulier, à la charge que représenterait le fait de rentrer des prix différents par produits par site dans les outils informatiques des gestionnaires de point de restauration63 .

68.  L’Autorité note que ce constat est admis par les parties. Ainsi, ADP a déclaré concernant la politique tarifaire d’Epigo64 : « [n]ous visons un prix unique pour une même enseigne au sein de tous nos aéroports. Si on change de politique selon les terminaux, ce serait très mal perçu ». De manière similaire, Areas a déclaré65 : « [n]ous regardons la concurrence qu’il y a en général dans l’aéroport mais la concurrence s’exerce davantage au niveau du terminal pour les petits aéroports. Pour les gros aéroports c’est différent. Il y a des marques sur plusieurs terminaux donc le même niveau de prix. Pour CDG et Orly nous avons une approche par aéroport ». De même, SSP a indiqué qu’en ce qui concerne l’élaboration de leur politique tarifaire « pour une marque donnée, nous avons une approche homogène par plateforme. Nous ne différencions pas selon la zone où est le point de vente. Il y a des opérateurs qui ont une approche différente. D’un point de vue éthique, je ne pense pas qu’on puisse avoir une politique tarifaire différenciée une fois que le client a passé les contrôles ou non. Pour nous, les prix sont identiques par enseignes en zone réservée et en zone publique ou par terminal »66.

69. Compte tenu de ces éléments, pour ce qui concerne les aéroports de Paris-CDG et Paris- Orly, il n’apparaît pas pertinent de segmenter le marché géographique de la restauration commerciale en aéroport plus finement, notamment au niveau des terminaux.

70. Au regard des développements qui précèdent, les marchés géographiques pertinents sont constitués de chacun des aéroports gérés par ADP concernés par l’opération, à savoir Paris- CDG d’une part, et Paris-Orly d’autre part.

C.  CONCLUSION

71. L’opération notifiée est susceptible d’engendrer des effets sur le marché de la restauration de concession en France ainsi que sur les marchés de la restauration commerciale dans les aéroports de Paris-CDG et de Paris-Orly.

III. Analyse concurrentielle

A. ANALYSE DU SCÉNARIO CONTREFACTUEL PERTINENT ET DES EFFETS SUR LE MARCHÉ AVAL DE LA RESTAURATION COMMERCIALE EN AÉROPORT

72. Pour apprécier les effets sur la concurrence d’une opération de concentration, l’Autorité compare les conditions de concurrence qui résultent de la transaction avec celles qui auraient prévalu en l’absence de l’opération (« contrefactuel »). À cet égard, l’Autorité tient compte des conditions de concurrence existant au moment de la concentration67.

Dans ce cadre, l’Autorité tient également compte des évolutions envisageables plausibles de ces conditions de concurrence. Les lignes directrices de l’Autorité relatives au contrôle des concentrations précisent ainsi que l’Autorité « doit caractériser [les risques concurrentiels d’une opération] à partir d’une analyse prospective tenant compte de l’ensemble des données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible. En effet, seule la situation antérieure à l’opération est observable et les effets probables de la concentration doivent être présumés. Cette analyse s’appuie sur les caractéristiques du marché pertinent et du fonctionnement de la concurrence sur celui-ci, telles qu’elles existent au moment du contrôle mais aussi compte-tenu des évolutions envisageables. Lorsqu’elle détermine le scénario économique plausible qu’elle utilise pour apprécier les effets d’une opération de concentration, l’Autorité intègre dans son analyse les évolutions anticipées de la structure du marché, lorsque celles-ci revêtent un caractère suffisamment certain »68.

73. En l’espèce, l’opération envisagée s’inscrit dans un contexte particulier, dès lors qu’ADP a indiqué avoir décidé de regrouper, à terme, les baux des points de restauration concernés par l’opération au sein d’Extime et cela indépendamment de la mise en œuvre de l’opération69, ce qu’il a, par ailleurs, déjà commencé à faire, Extime ayant repris l’exploitation des points de restauration dont les baux sont arrivés à leur terme.

74. Une analyse approfondie est donc nécessaire pour déterminer le scénario contrefactuel pertinent. Deux scénarios peuvent être envisagés.

75. Le premier correspond à la situation existant à la date de l’opération, caractérisée par la présence de plusieurs opérateurs70 dans les aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly.

76. Le second, qui est celui présenté par les parties, correspond à une situation dans laquelle l’activité de restauration au sein des aéroports de Paris-CDG et de Paris-Orly serait regroupée autour d’un opérateur quasi-unique, en l’occurrence Extime qui, en l’absence d’opération, demeurerait une filiale à 100 % d’ADP71.

77. Les conclusions de l’analyse concurrentielle diffèrent sensiblement selon le contrefactuel retenu. En effet, si le second scénario était retenu, cela signifierait qu’en l’absence d’opération l’ensemble de l’activité de restauration serait en tout état de cause regroupée sous l’égide d’un opérateur unique. En ce cas, l’opération serait sans effet sur la structure de la concurrence, le seul changement étant la nature du contrôle sur cet opérateur unique.

78. Il convient donc d’identifier le scénario qui serait le plus à même de se produire en l’absence d’opération. Pour ce faire, l’Autorité a analysé la crédibilité du scénario présenté par les parties.

1.  POSITION DES PARTIES NOTIFIANTES

79. Afin de justifier leur scénario contrefactuel en l’absence de l’opération, les parties notifiantes font valoir les éléments suivants. .

a) ADP dispose de la capacité d’exploiter seule la quasi-intégralité des services de restauration

80. S’agissant de la capacité juridique, les parties notifiantes rappellent qu’ADP dispose d’un contrôle légal sur ses emplacements commerciaux et peut, dans ce cadre, décider de leurs modalités d’exploitation. En effet, aux termes de la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports (ci-après « la loi du 20 avril 2005 »), ADP détient en pleine propriété les terrains et installations aéroportuaires. Il peut ainsi décider d’exploiter tout ou partie des surfaces en propre ou via une ou plusieurs concessions et, dans le cadre d’une concession, avec ou sans prise de participation72. Selon les parties, ADP aurait en l’espèce décidé en tout état de cause de regrouper l’ensemble des points de restauration au sein d’une concession unique dans le cadre de l’entreprise Extime, dont il détient à date le contrôle exclusif. La prise de participation de SSP dans Extime ne permettrait ainsi qu’une exploitation plus efficace de cette concession unique.

81. Les parties notifiantes soulignent qu’ADP a d’ores-et-déjà amorcé l’internalisation de l’activité de restauration. Elles précisent que, dans la mesure où un emplacement commercial revient mécaniquement sous le contrôle d’ADP à l’expiration de son contrat de bail, 29 points de vente auparavant gérés par d’autres opérateurs sont à date exploités par Extime73, sur les 109 points de vente qui devraient être exploités à échéance 203274.

82. S’agissant de la capacité technique, d’ADP a indiqué lors de la séance du 27 juin 2023 avoir

(i) mis en place de nouveaux outils informatiques et comptables et (ii) inauguré à Paris-Orly un nouveau lieu de logistique et de production pour Extime, qui lui permettra de faire face à la croissance du rythme de production.

b) ADP est incité à exploiter seul la quasi-intégralité des services de restauration

83. Les parties soutiennent qu’ADP sera incité à poursuivre le regroupement des points de restauration sous l’égide d’Extime, indépendamment de la mise en œuvre de l’opération, dans la mesure où ce scénario (i) serait plus rentable et plus efficace qu’un scénario multi- opérateurs, notamment dans un contexte de « dépôt de bilan virtuel »75 de la restauration de concession et où (ii) il lui permettrait de s’assurer de la préservation de la qualité de service en matière de restauration, objectif primordial pour ADP.

Sur les avantages d’un regroupement des points de restauration dans un contexte de dépôt de bilan virtuel allégué de la restauration de concession

84. Pour justifier le choix du regroupement de l’activité de restauration commerciale en aéroports, les parties notifiantes mettent en avant l’impact économique de la crise sanitaire liée au Covid-19 qui aurait durablement affecté cette dernière.

85. D’une part, elles soulignent que le trafic de passagers n’a pas retrouvé son niveau d’avant crise, précisant notamment dans leurs observations au rapport des services d’instruction que le trafic 2023 de Paris CDG et Paris-Orly devrait être compris entre 85 % et 95 % du trafic de 2019, qui ne serait atteint qu’entre 2024 et 2026. Selon les parties, cette baisse de trafic affecte la fréquentation des aéroports et donc des commerces qui y sont situés.

86. D’autre part, elles pointent la situation financière difficile des exploitants en place en raison des dettes accumulées pendant cette période et le fait que cela puisse conduire à leur sortie du marché. Au soutien de cet argument, ADP met en avant une présentation en juillet 2020 en comité des engagements76 qui prévoyait des flux de trésorerie cumulés négatifs pour les opérateurs de restauration entre 2020 et 2027 (- 154 M€), voire jusqu’en 203177. Les parties notifiantes concluent ainsi au caractère durablement déficitaire de cette activité78 qui serait en réalité en « dépôt de bilan virtuel »79. Le morcellement de l’exploitation entre plusieurs opérateurs serait alors, selon les parties, « financièrement intenable » pour les opérateurs80.

87. Du point de vue d’ADP, à organisation constante, le seul levier d’action serait de baisser le taux de redevance, pour « aider les opérateurs à assainir leur situation financière et à retrouver le chemin de la rentabilité »81. Une telle situation ne serait toutefois pas acceptable, dès lors qu’elle signifierait une baisse de revenus pour ADP.

88. Dans ce contexte, les parties notifiantes considèrent, simulations financières internes à l’appui82, que le retour à la rentabilité de l’activité de restauration dans les aéroports parisiens passe par le regroupement des points de vente sous l’égide d’un opérateur unique, qui permettra d’abaisser les coûts d’exploitation , (amélioration du pouvoir de négociation avec les franchiseurs, optimisation des coûts d’achat, baisse des coûts d’exploitation par la mutualisation des surfaces de stockage et de production, etc.)83, et ce sans nécessité de diminuer les taux de redevance.

L’internalisation pour améliorer la qualité de service et partant l’attractivité des zones commerciales des aéroports vis-à-vis des compagnies aériennes et des passagers

89. Les parties notifiantes font par ailleurs valoir que dans la mesure où (i) les compagnies aériennes représentent la première source de revenus d’ADP et où (ii) ADP est en concurrence avec ses homologues européens tels que les aéroports d’Amsterdam, de Francfort, de Londres et de Madrid pour attirer les passagers et les compagnies aériennes sur ses plateformes, une amélioration de l’attractivité de la zone commerciale de ses aéroports et en particulier de son offre de restauration lui permettrait d’attirer les voyageurs et d’inciter les compagnies aériennes à maintenir leurs liaisons avec les aéroports de Paris, voire à les renforcer, au lieu de les reporter sur un aéroport concurrent84.

90. Or, selon les parties notifiantes, qui ont produit une étude économique relative au « caractère biface de la gestion aéroportuaire »85, l’attractivité pour les passagers des activités commerciales d’ADP contribue à l’attractivité pour les compagnies aériennes des aéroports parisiens. À cet égard, les indicateurs de qualité clients résultant de l’enquête Airport Service Quality de l’Airports Council International seraient directement influencés par la qualité de l’offre de restauration au sens large (tarifaire et extra tarifaire). Dès lors, l’amélioration de cette offre, qualitativement ou sur le plan tarifaire, participerait de l’attractivité des aéroports du point de vue des voyageurs (première face du marché)  pour la restauration mais de manière plus générale pour toutes les activités commerciales dont la vente hors taxes  et du point de vue des compagnies aériennes (seconde face du marché), engendrant un « effet volume » profitable sur les deux faces.

91. Le regroupement envisagé des points de restauration autour du contrôle d’ADP permettrait donc de renforcer la performance de l’offre de restauration d’ADP et d’améliorer l’attractivité de ses aéroports vis-à-vis des compagnies aériennes et des voyageurs puisqu’elle lui permettrait de « garder la maîtrise des opérations et de la qualité de service de son offre de restauration ». Il permettrait, en outre, d’internaliser les effets de réseau qui peuvent exister entre les activités commerciales et aéronautiques d’ADP et que seuls des exploitants contrôlés, exclusivement ou conjointement, par ADP sont incités à prendre en compte.

92. Les parties indiquent enfin que cette configuration représente le scénario le plus cohérent avec la « stratégie d’hospitalité » « Extime », où Extime Food & Beverage constitue « le nouveau maillon de la stratégie globale et transversale « Extime », tournée vers la qualité de service »86.

2.  POSITION DE L’AUTORITÉ

93. À titre liminaire, l’Autorité constate que la situation concurrentielle actuelle qui prévaut au sein des points de restauration des aéroports gérés par ADP se caractérise par la présence de plusieurs opérateurs. Pour autant, dans le cadre des conventions d’autorisation d’activité entre ADP et Extime87, cette dernière s’est vu confier la gestion de l’intégralité des points de restauration dans les aéroports de Paris-Orly et de Paris-CDG. Compte tenu des durées de conventions antérieurement conclues, le monopole d’Extime sera pleinement réalisé au cours de l’année 203288.

94. L’Autorité considère que, pour déterminer le scénario contrefactuel approprié, il est nécessaire de vérifier si l’exploitation par un opérateur unique contrôlé par ADP de la totalité des points de restauration apparaît, au moment où l’Autorité se prononce, comme l’éventualité la plus plausible. Le scénario d’un opérateur unique géré par un tiers ne peut constituer un contrefactuel pertinent que s’il est étayé d’éléments le rendant suffisamment plausible et crédible89.

95. Au cas d’espèce, l’Autorité considère que le scénario avancé par les parties notifiantes est rendu crédible par la démonstration, d’une part, de la capacité d’ADP à regrouper et gérer  effectivement l’activité de restauration et, d’autre part, de ses incitations à confier à un opérateur unique, contrôlé par ADP, la gestion de cette activité.

a) Sur la capacité d’ADP à exploiter seul la quasi-intégralité des services de restauration

Capacité juridique

96. L’Autorité constate qu’en tant que propriétaire des emplacements commerciaux, ADP dispose effectivement de la capacité juridique de regrouper et d’exploiter de manière autonome ces espaces en monopole. En effet, conformément à l’article 2 de la loi du 20 avril 2005 précitée, « les biens du domaine public de l’établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l’État […] sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. »

97. Dans ces conditions, ADP peut organiser librement et unilatéralement la configuration de ses espaces commerciaux (par exemple, leur nombre, leur périmètre ou leur destination), mais également leurs modalités d’exploitation (par exemple, en direct ou par l’intermédiaire de tiers exploitants et, le cas échéant, le nombre de ces derniers).

98. L’Autorité constate que le choix d’ADP de confier la gestion de ses activités commerciales à un opérateur unique sur lequel il exercera un contrôle est opéré depuis 2011 dans d’autres secteurs :

- le commerce de passage (ou « travel retail »,) avec l’entreprise commune Société de distribution aéroportuaire90, renommée Extime Duty Free en 2022, co-contrôlée par ADP et Lagardère, pour l’exploitation de l’ensemble de ses magasins BuY Paris Duty Free, Fnac et autres magasins mono-marque de mode et de gastronomie situés dans les aéroports de Paris-CDG et de Paris-Orly91. ;

- les essentiels de voyage (ou « travel essentials »), avec l’entreprise commune Relay@ADP, co-contrôlée par ADP et Lagardère, pour l’exploitation d’un ensemble de points de vente de détail (notamment tabac, presse/livres, accessoires de voyage et produits alimentaires à emporter) à Paris-CDG et Paris-Orly92 et ;

- la publicité avec l’entreprise commune Média Aéroport Performances93, renommée Extime Media en 202394, co-contrôlée par ADP et JC Decaux, pour l’exploitation et la commercialisation de l’ensemble des dispositifs publicitaires implantés sur les aérodromes gérés par ADP en Ile-de-France.

99. Ces trois précédents permettent à l’Autorité de considérer, qu’en l’absence de l’opération, l’internalisation de l’ensemble de l’activité de restauration via Extime Food & Beverage apparaît comme un scénario cohérent avec la stratégie globale « Extime » d’ADP, où un opérateur co-contrôlé par ADP exploite l’ensemble d’une activité commerciale.

100. Au surplus, il pourra être relevé que la poursuite de l’exploitation de l’ensemble des points de restauration par Extime, contrôlée à 100 % par ADP, a été approuvée le 15 juin 2023 par le comité des engagements du groupe ADP. 95. Enfin, ADP a déclaré en séance qu’il était « inenvisageable de sortir le Food & Beverage de la stratégie Extime »96.

Capacité technique

101. L’Autorité relève qu’ADP a déjà une expérience dans la gestion de points de restauration, que ce soit dans le cadre d’un partenariat avec un opérateur de restauration de concession, ce qui est le cas avec Epigo, sa filiale commune avec SSP, ou dans le cadre d’une exploitation en direct, ce qui est le cas avec sa filiale exclusive Extime.

102. S’il doit être relevé qu’ ADP a adressé à l’Autorité le 12 décembre 2022 une demande de dérogation à l’effet suspensif, aux motifs qu’elle ne disposait pas des outils informatiques et comptables lui permettant d’opérer de manière adéquate les points de restauration dont elle avait la gestion, il apparaît qu’en dépit du refus qui lui a été opposé, ADP a malgré tout été en mesure de continuer l’exploitation des points de vente sans recourir à des prestataires tiers. De plus, ADP a déclaré en séance avoir réussi à mettre en place les outils couvrant les besoins qui faisaient l’objet de la demande de dérogation.

103. À côté de ces nouveaux outils, ADP a mis en place une structure managériale et de nouvelles ressources pour faire face au niveau important d’activité lié à l’augmentation du périmètre d’Extime. ADP a notamment déclaré en séance avoir inauguré un nouveau lieu de logistique et de production à Paris-Orly. Il a également structuré sa chaîne d’approvisionnement et lancé des initiatives pour optimiser ses achats97.En outre, l’Autorité constate qu’ADP exploite actuellement, via Extime, les 29 emplacements revenus mécaniquement sous son contrôle98.

104. En dernier lieu, ADP dispose de la possibilité, si cela est nécessaire, de faire appel à des tiers pour certaines prestations de services utiles à l’exploitation des points de restauration, telles que l’accès à des centrales d’achat ou de référencement, ce qui renforcerait la capacité d’Extime à exploiter ces points de vente.

105. Compte tenu de ces éléments, l’Autorité considère qu’ADP dispose de la capacité juridique et technique de rassembler et d’exploiter l’ensemble de l’activité de restauration.

b) Sur les incitations d’ADP à regrouper et internaliser l’activité de restauration

106. En ce qui concerne les arguments avancés par les parties pour justifier l’intérêt pour ADP de confier la gestion de l’intégralité des points de restauration à un opérateur unique dont elle aurait le contrôle, l’Autorité estime que ceux relatifs à (i) l’effondrement de l’activité de restauration de concession (décrite comme un dépôt de bilan virtuel) et à (ii) la préservation de sa compétitivité vis-à-vis des autres aéroports n’apparaissent pas pertinents. En revanche, il paraît plausible qu’ADP, forte de la conviction selon laquelle le regroupement de l’activité de restauration autour d’un opérateur unique, exclusivement ou conjointement contrôlé par ADP, présente des avantages en matière de maîtrise de la qualité de services générale (iii) et de performances économiques (iv), poursuivrait, en cas de non-réalisation de l’opération, l’exploitation par Extime des 109 points de restauration concernés.

Sur le dépôt de bilan virtuel allégué

107. Concernant le trafic de passagers qui n’aurait pas retrouvé son niveau d’avant crise, l’Autorité ne souscrit pas aux arguments des parties notifiantes. En effet, le dernier communiqué financier publié par le groupe ADP relatif au trafic du mois de mai 2023 fait notamment état d’un trafic qui a presque retrouvé son niveau d’avant-crise : baisse très limitée de 3,8 % pour les deux aéroports parisiens et même hausse de 6,7 % par rapport au trafic de 2019 pour Paris-Orly99.

108. Au surplus, s’agissant de l’équilibre du modèle de la restauration de concession, et sans mettre en question l’impact de la crise sanitaire sur la rentabilité financière des opérateurs, l’Autorité constate que le caractère structurellement déficitaire des flux de trésorerie des activités des opérateurs de restauration mis en avant par ADP à la situation à date dépend en réalité pour partie du niveau de redevance appliqué par ADP aux exploitations et s’explique donc également par l’intention d’ADP d’augmenter les redevances, de l’ordre de 3 à 4 points par rapport aux niveaux réellement constatés en 2019100.

109. S’il ne peut être reproché à ADP de vouloir augmenter ses recettes, il n’en demeure pas moins que la situation non-soutenable de la restauration de concession alléguée par ADP est pour partie au moins la résultante de la politique propre d’ADP. Le dépôt de bilan virtuel allégué n’est donc pas un événement dont l’occurrence est certaine. En tout état de cause, l’Autorité relève qu’aucun des opérateurs interrogés dans le cadre du test de marché n’a manifesté de volonté de sortir de ce marché malgré leurs difficultés financières actuelles101.

110. Dans ces conditions, la volonté d’ADP de regrouper l’ensemble des services de restauration de concession n’est pas justifiée par la perspective d’une disparition de l’offre de ces services.

Sur l’absence de lien entre la qualité des prestations de restauration et l’attractivité des aéroports gérés par ADP.

111. L’Autorité considère qu’il n’est pas établi qu’améliorer la performance de l’offre de restauration d’ADP permettrait de renforcer l’attractivité de ses plateformes par rapport aux autres aéroports. Il apparaît en effet que les passagers ne réalisent pas d’arbitrage entre les aéroports parisiens et les autres aéroports en fonction de la performance de l’offre de restauration dans les aéroports.

112. S’agissant des passagers qui souhaitent se rendre à Paris tout d’abord, l’instruction a montré que ceux-ci n’arbitrent pas entre les aéroports de Paris-CDG et Paris-Orly et d’autres aéroports.

113. S’agissant du choix des compagnies aériennes, Air France a ainsi indiqué qu’ : « [u]ne compagnie américaine ou asiatique qui se pose à Paris le fait parce qu’elle vise le marché parisien ou français qui dispose d’une attractivité naturelle. Pour les hubs comme Doha ou Dubaï, l’attractivité est construite et ce n’est pas le marché qui attire les compagnies. Donc il faut voir si l’aéroport est basé sur un marché naturel ou s’il est sur un marché qui a été construit. Les aéroports parisiens bénéficient d’une attractivité naturelle, liée à l’importance du marché parisien. »102

114. Les représentants d’Emirates ont quant à eux indiqué : « [l]a destination Paris fait partie intégrale du réseau Emirates. Il n’est pas concevable de ne pas desservir Paris CDG, ce qui correspond à la demande des voyageurs et de nos clients »103.

115. Quant aux passagers en transit, plusieurs éléments doivent être mentionnés. Tout d’abord, selon les éléments recueillis lors de l’instruction, ils n’ont qu’un poids limité pour les aéroports parisiens. ADP a en effet indiqué, lors de son audition, que le trafic en correspondance correspondait à environ 30 % de son trafic104. En 2019, ce chiffre s’élevait à 41 % à Paris-CDG105. Air France a quant à elle précisé ne faire que « très peu » de correspondances à Paris-Orly. En revanche, les correspondances concernent environ 50 % de ses clients à Paris-CDG 106.

116. Ensuite, et à titre principal, il apparaît que les clients en transit n’accordent quasiment pas d’importance à la performance de l’offre de restauration pour choisir les aéroports de correspondance.

117. Premièrement, selon ADP107, la qualité de service globale d’un aéroport (confort de salle d’embarquement, propreté des lieux, etc.) arrive derrière la connectivité de cet aéroport108 et le prix du billet dans les critères de choix des passagers en transit. Interrogée dans le cadre de l’instruction, Air France a indiqué que « les prestations de restauration ne sont pas un critère de choix pour le client »109. Les réponses des compagnies aériennes au test de marché montrent quant à elles que l’augmentation ou la baisse des tarifs de restauration pratiqués au sein des aéroports d’ADP n’auraient aucune influence sur leur politique commerciale. Or, dès lors que les compagnies aériennes déploient leurs activités en fonction de la demande de leurs clients, si les critères du prix et de la qualité de l’offre de restauration ne sont pas valorisés par les premières, c’est que les seconds n’y attachent que peu d’importance dans le choix de leur lieu de correspondance.

118. Ces constations sont corroborées par les réponses de l’organisme d’audit Skytrax110 avec lequel ADP a conclu un contrat de service. Dans sa réponse à une demande des services d’instruction, Skytrax a confirmé que les tarifs et la qualité des prestations de restauration n’entraient pas en ligne de compte dans l’appréciation de l’attractivité des aéroports111.

119. Ensuite, la qualité de service spécifique à la restauration, dans sa dimension tarifaire comme extratarifaire, n’est qu’un élément, au surplus peu important, dans la perception de la qualité de service globale des aéroports par les passagers : si ces derniers mettent bien en avant, selon les éléments transmis par ADP, le « confort de salle d’embarquement » et la « propreté des lieux »112 comme les deux critères les plus importants, ces éléments ne se réfèrent pas directement aux prestations de restauration.

120. Ainsi, le premier critère de choix des passagers est essentiellement le prix du billet, qui sera dans la plupart des cas la principale dépense relative à son voyage, les dépenses de restauration ne représentant en revanche qu’un poste très marginal.

121. L’absence d’influence de la performance de l’offre de restauration d’ADP pour améliorer l’attractivité de ses aéroports n’est pas non plus remise en cause par la littérature économique relevée par les parties relative au caractère biface de la gestion aéroportuaire. Selon les articles cités, ce caractère biface s’expliquerait, tout d’abord par l’existence d’externalités engendrées par les compagnies aériennes sur les commerces, les passagers valorisant les aéroports où les compagnies aériennes proposent un grand nombre de destinations et des vols fréquents. Il en résulterait, pour l’aéroport, une croissance du trafic qui bénéficierait aux exploitants des points de restauration. Par ailleurs, s’ils mentionnent également l’existence d’externalités positives engendrées par les activités commerciales de l’aéroport au sens large et bénéficiant aux compagnies aériennes, les travaux de nature empirique présentés par les parties se sont en réalité concentrés sur l’effet de la « surface moyenne de la zone commerciale » et du niveau moyen des « frais quotidiens de stationnement [parking] » sur la demande des passagers en services aéronautiques. Les services de restauration ne sont pas spécifiquement étudiés.

122. Ainsi, la littérature mettant en avant la nature biface d’un aéroport souligne l’existence d’externalités principalement engendrées par les compagnies aériennes au bénéfice des passagers et, partant, de la restauration, les passagers valorisant les aéroports où les compagnies aériennes proposent un grand nombre de destinations et des vols fréquents. Si elle permet effectivement de conclure que l’existence ou l’importance d’une offre commerciale composée de commerces, de commerces hors taxes et de services de restauration au sein d’un aéroport peut être valorisée par les passagers et donc par les compagnies aériennes, elle ne dit rien en revanche sur l’élasticité du flux de passagers au prix et à la qualité de cette offre commerciale113 et a fortiori au prix et à la qualité de l’offre de restauration.

123. Partant, l’Autorité considère que l’incitation d’ADP à améliorer son positionnement concurrentiel vis-à-vis des autres hubs européens grâce à une meilleure performance en termes d’offres de restauration commerciale sur ses plateformes n’est pas établie.

Sur la volonté d’ADP de garantir aux usagers une qualité de service globale

124. À titre liminaire, l’Autorité note que le cahier des charges issu du décret n°2005-828 du 20 juillet 2005, impose à ADP des obligations d’amélioration et de contrôle de la qualité de service sur ses plateformes parisiennes114. Il ressort par ailleurs de l’instruction qu’ADP a, effectivement, manifesté une volonté constante et réitérée d’améliorer la qualité de service générale au sein de ses infrastructures.

125. Cette politique s’est traduite par la mise en place progressive de plusieurs stratégies et initiatives visant à améliorer la qualité générale de ses services, dans sa dimension tarifaire et extra tarifaire, telles que :

(i) L’amélioration de ses infrastructures : ADP a effectué des investissements pour moderniser et développer ses infrastructures et espaces et a mis en place un contrôle de la qualité et la performance de ses services115 (dont les services de restauration116).

(ii) La collaboration avec ses partenaires : ADP travaille notamment en étroite collaboration avec les compagnies aériennes pour améliorer la qualité de service au sein de ses plateformes. Les échanges avec les compagnies interviennent dans plusieurs cadres : la commission consultative économique d’une part, où la direction client présente ses résultats de qualité de services aux compagnies et des instances opérationnelles au sein des plateformes d’autre part, où des réunions régulières relatives à la qualité de service sont organisées117.

(iii) La mise en place d’un plafond tarifaire : ADP a mis en œuvre un plafond tarifaire dans les contrats conclus avec les exploitants pour modérer les prix pratiqués dans les points de restauration. En l’espèce, les points de restauration doivent respecter un plafond tarifaire de maximum [Confidentiel] % d’écart par article par rapport à la moyenne des prix pratiqués pour le même article dans trois points de restauration de la même enseigne en centre-ville, situés en « zone touristique » et choisis par le franchiseur118.

(iv) La mesure de la satisfaction des clients et la réalisation d’audits par des experts tiers : ADP utilise les indicateurs ASQ/ACI et l’enquête Skytrax pour évaluer ses performances et identifier les domaines nécessitant des améliorations. Ces enquêtes évaluent le niveau de satisfaction des passagers pour différents aspects de leur expérience aéroportuaire, tels que l'enregistrement, la sécurité, l'immigration, les services commerciaux ou encore la propreté. Sur cette base, un classement des aéroports internationaux y prenant part est établi. Le classement Skytrax comprend également des prestations d’audit assorties de recommandations, permettant aux aéroports de cibler leurs axes d’amélioration.

126. En dépit de l’absence de lien structurel entre la qualité des services de restauration dans sa dimension tarifaire et extratarifaire et l’attractivité des plateformes aéroportuaires, il doit être relevé qu’ADP considère la restauration en aéroport comme un élément important de la satisfaction générale quand bien même les prestations de restauration ne constituent pas un critère majeur de choix d’aéroport, que ce soit pour les compagnies aériennes ou les voyageurs.

127. À cet égard, il ressort de l’instruction qu’à la suite d’un rapport de la Cour des comptes119 qui mettait en avant le mauvais rapport qualité-prix de la restauration dans ses aéroports, ADP a entrepris le développement d’axes d’amélioration120. Par ailleurs, on observe que des discussions sur les prestations de restauration peuvent avoir lieu entre les compagnies aériennes et ADP121.

128. En outre, l’Autorité constate qu’ADP a commandé trois audits à Skytrax pour ses plateformes parisiennes en 2019, 2021 et 2022, témoignant ainsi de l’importance accordée à la qualité de service. Or, les enquêtes menées par l’organisme Skytrax accordent une importance certaine à la restauration dans le cadre de l’appréciation de la satisfaction globale des passagers122. Par ailleurs, les présentations préparées en vue de l’audit Skytrax 2023 communiquées par les parties à l’Autorité démontrent également la volonté d’ADP de se conformer aux recommandations de Skytrax123.

129. Au regard de ces éléments, l’Autorité considère que l’objectif d’ADP d’améliorer de manière constante la qualité des services offerts aux passagers par ses plateformes aéroportuaires est avéré. Cette importance accordée par ADP à la qualité de service globale est également constatée par les opérateurs du secteur. Lagardère a ainsi déclaré en audition, s’agissant d’ADP : « ils ne sont pas que dans une logique financière. Ils sont dans une logique de service, de qualité. Ainsi ADP, à Charles de Gaulle, s’est mis en tête de devenir le premier aéroport du monde en termes de qualité de service. »124

130. Dans ces conditions, dès lors que le maintien d’un haut niveau de satisfaction générale pour les passagers revêt une importance certaine pour ADP, l’Autorité souscrit à l’argumentation des parties selon laquelle la maîtrise de la qualité de service des prestations de restauration, conforme à ses objectifs affichés, pourrait passer, d’une part, par la gestion par un opérateur unique de l’ensemble des points de restauration et, d’autre part, par la persistance d’un contrôle d’ADP sur cet opérateur. Ce constat ressort clairement des éléments internes communiqués par ADP et en particulier :

- du  document  d’information  du  comité  social  et  économique  du  9  mars  2021125  :

« [n]éanmoins, ADP considère également qu’il doit être présent au capital de ce futur acteur globalisé, pour s’assurer de la qualité des opérations, de la pertinence du portefeuille de marques et de la politique prix, en lien avec sa stratégie globale sur les activités de commerce et d’hospitalité » ;

- du procès-verbal définitif du comité social et économique du 19 mars 2021126 : « [e]t forcément, quand on décide de confier tous ses œufs en un panier unique qui est cette société globale de restauration, être certain que les opérations seront en ligne avec le projet que nous souhaitons développer est quelque chose de totalement déterminant. Cela justifie à notre sens le fait que nous soyons actionnaires de cette société ».

131. Il résulte de ce qui précède que l’attention portée en interne, et exprimée publiquement, à la qualité globale des services proposés au sein de ses infrastructures contribue aux incitations d’ADP à opter pour une gestion en direct des points de restauration par le biais de sa filiale Extime et non à recourir à plusieurs opérateurs distincts.

Sur les incitations financières

132. En premier lieu, l’Autorité constate que, selon les documents internes remis par ADP, cette dernière considérait, en amont du projet de société commune, que la concentration des points de restauration auprès d’un seul opérateur était une opération bénéfique sur le plan économique. Cela ressort en particulier du procès-verbal de la séance du comité social et économique du 19 mars 2021127. Le regroupement permettrait notamment, selon ADP, de mieux amortir les frais de structure, d’optimiser les conditions d’achat et d’améliorer les relations commerciales avec les enseignes partenaires.

133. Interrogées sur ces points en séance, les parties ont communiqué une note en délibéré relative à l’analyse de la rentabilité économique de l’activité de restauration en fonction des différents scénarios128 de gestion des points de restauration. Il ressort de ce document que

134. Sur ce point, l’Autorité observe que les éléments transmis ne sont pas suffisamment étayés pour vérifier avec suffisamment de certitude les niveaux de coûts estimés dans les différents scénarios et ainsi juger de leur pertinence et de leur robustesse. Certains développements sont néanmoins crédibles sur le plan qualitatif, comme le fait qu’une exploitation des points de restauration en monopole permette d’optimiser certains coûts logistiques ou de massifier les achats d’Extime. L’Autorité note par ailleurs ainsi que cela ressort du procès-verbal de la réunion du comité des engagements d’ADP du 15 juin 2023, qu’ADP s’est fondé sur ces éléments pour adopter la décision de poursuivre, en cas de non-réalisation de l’opération, l’exploitation par Extime, filiale intégralement détenue par ADP, des 109 points de restauration concernés. Il peut donc raisonnablement être admis que, de son point de vue, le schéma du regroupement autour d’un opérateur interne apparaît plus viable pour ADP que le retour à une gestion des points de restauration par une pluralité d’opérateurs.

c) Conclusion

135. Compte tenu de ce qui précède, il apparaît qu’en l’absence de l’opération, le scénario le plus probable est celui de la reprise par ADP seul, via Extime, de la gestion de la quasi-intégralité des points de restauration.

136. En premier lieu, l’Autorité constate qu’ADP dispose non seulement de la capacité juridique mais également des moyens techniques et de l’expérience nécessaire pour assurer cette gestion.

137. En second lieu, les incitations d’ADP à confier à un opérateur unique sur lequel il pourra exercer un contrôle sont plausibles et établies par un ensemble d’éléments concordants.

138. Partant, l’Autorité considère que le contrefactuel pertinent est celui dans lequel l’exploitation des 109 points de restauration concernés sera assurée par un seul opérateur contrôlé par ADP. Dans ces conditions, l’opération notifiée ne se traduirait pas par le passage d’une situation d’oligopole à une situation monopolistique puisque, à défaut de réalisation de l’opération, les points de restauration présents au sein des aéroports de Paris-CDG et de Paris-Orly seraient, quoiqu’il en soit, exploités par un seul opérateur, Extime, à horizon 2032. En outre, le fait qu’Extime soit contrôlée intégralement par ADP ou conjointement avec SSP n’emporte pas modification des incitations de la filiale puisque cette dernière devra, quel que soit le scénario retenu, tenir compte des intérêts d’ADP. Dès lors, l’opération n’emporte pas d’effets horizontaux négatifs sur la concurrence.

139. Il s’ensuit que l’opération notifiée est sans incidence sur les paramètres de concurrence à l’œuvre sur le marché aval de la restauration commerciale en aéroport.

B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX SUR LES MARCHÉS AMONT DE LA RESTAURATION DE CONCESSION

140. Comme indiqué dans les lignes directrices de l’Autorité, une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l’accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts129. L’Autorité considère néanmoins qu’il est peu probable qu’une entreprise ayant une part de marché inférieure à 30 % sur un marché donné puisse verrouiller un marché en aval ou en amont.

141. En l’espèce, ADP, en tant que gestionnaire de ses infrastructures aéroportuaires, est présent sur le marché amont de la restauration de concession en tant que demandeur, tandis que SSP y est active en tant qu’offreur.

142. Il y a ainsi lieu d’apprécier les risques de verrouillage de l’accès à la clientèle pour les opérateurs concurrents de SSP (1). De manière similaire, l’opération est susceptible de limiter l’offre de services de restauration de concession disponible pour les autres exploitants d’aéroports en France (2).

1. SUR L’EXISTENCE D’UN RISQUE DE VERROUILLAGE DE L’ACCÈS À LA CLIENTÈLE

143. Il convient de déterminer si l’opération notifiée est susceptible de limiter l’accès aux concessions de points de restauration au sein des aéroports français pour les concurrents de SSP.

144. À titre liminaire, selon les informations transmises par les parties notifiantes, la part de marché d’ADP en nombre de points de vente est d’environ [0-5]% sur le marché amont, global, de la restauration de concession au niveau national et d’environ [5- 10]% sur un marché français limité au secteur des transports. Elle est de [40-50] % sur un marché national limité aux aéroports130.

145. En premier lieu, il apparaît que, conformément au code de la commande publique, ADP peut choisir librement d’utiliser ses propres moyens ou d’avoir recours à un contrat de concession pour répondre à ses besoins131. Comme cela a été constaté précédemment, l’opération notifiée est ainsi sans influence sur la capacité d’ADP de modifier la taille du marché amont des concessions dans les aéroports Paris-CDG et Paris-Orly, en décidant d’internaliser tout ou partie de l’activité de restauration dans ses aéroports.

146. En second lieu, la part de marché de la nouvelle entité sur le marché amont de la restauration de concession dans les aéroports, qui correspond à la segmentation la plus fine, est de [40- 50] % de sorte qu’il existe, hors ADP, une demande importante sur le marché qui restera accessible aux concurrents de SSP. En outre, il ressort des éléments réunis dans le cadre de l’instruction que le fait d’être l’opérateur retenu par ADP dans le cadre de cette opération de création de structure commune ne conférera pas à SSP un avantage concurrentiel significatif sur ce marché, lui permettant d’être systématiquement le meilleur dans les appels d’offres lancés par les autres aéroports. Les appels d’offres lancés par ADP ne présentent en effet pas de spécificités particulières pour les offreurs. L’absence de caractère incontournable des aéroports parisiens d’ADP pour les opérateurs de restauration de concession est attestée par le fait que seuls SSP et Areas ont soumissionné à l’appel d’offres permettant une prise de participation dans le capital d’Extime aux côtés d’ADP. Si le fait de remporter un tel appel d’offres était indispensable pour les opérateurs du secteur, il est très probable que Lagardère et Autogrill, qui ont tous deux pris connaissance des conditions de l’appel d’offres, auraient candidaté.

147. En outre, l’instruction a montré qu’il n’existait pas de prime au sortant lors du renouvellement des appels d’offres, dans la mesure notamment où les concédants peuvent modifier leur contenu à échéance des contrats. Interrogé sur ce point dans le cadre de l’instruction, Areas a ainsi souligné qu’« être sortant représente un avantage dans la préparation de l’appel d’offres mais ce n’est pas forcément un avantage vis-à-vis du concédant […] il est très rare de répondre à un appel d’offre identique au précédent »132. Dans ces conditions, l’opération n’aura pas d’influence sur les appels d’offres lancés par ADP, lors du renouvellement de l’appel d’offres Extime, et par les concédants tiers, puisque les appels d’offres permettent à l’ensemble des opérateurs du marché de soumissionner sans qu’un avantage concurrentiel majeur soit octroyé à l’opérateur sortant.

148. Enfin, l’opération n’est pas susceptible de modifier les incitations d’ADP à verrouiller l’accès aux concessions au profit systématique de SSP, dans la mesure où ADP est rémunéré par les opérateurs auxquels il octroie des concessions par des redevances correspondant à un pourcentage de leur chiffre d’affaires et en dividendes en tant qu’actionnaire d’Extime. ADP a donc un intérêt économique à confier l’exploitation de ses espaces commerciaux aux opérateurs qu’il estime les plus performants et les mieux à même de proposer les offres les plus intéressantes.

149. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’opération n’est pas susceptible de créer un verrouillage anticoncurrentiel au détriment des concurrents de SSP.

2. SUR L’EXISTENCE D’UN RISQUE DE LIMITATION DE L’ACCÈS À L’OFFRE DE SERVICES DE RESTAURATION DE CONCESSION POUR LES AUTRES AÉROPORTS FRANÇAIS

150. Il convient de déterminer si l’opération est susceptible de priver, en tout ou partie, les aéroports français autres que ceux opérés par ADP d’opérateurs susceptibles de leur offrir des prestations de services de restauration de concession.

151. En premier lieu, s’agissant des incitations de SSP à se porter candidate dans d’autres aéroports, l’Autorité souscrit à l’argument selon lequel elles ne seront pas modifiées du fait de l’opération. SSP a un intérêt économique naturel à continuer à soumissionner à d’autres appels d’offres où elle pourrait bénéficier de l’intégralité des bénéfices réalisés. Son intérêt économique à soumissionner à d’autres appels d’offres tient également au fait que les concessions sont temporaires. La soumission à d’autres marchés lui permet ainsi de sécuriser de nouveaux contrats. Au surplus, ainsi qu’il a été exposé précédemment, et à supposer même que la qualité de l’offre de restauration puisse constituer un paramètre de la concurrence entre aéroports, dans la mesure où les autres aéroports français ne sont pas en concurrence avec ADP pour attirer des compagnies aériennes, ADP n’aurait aucune incitation à empêcher SSP de déployer son activité dans d’autres lieux. Enfin, il ne ressort pas de l’instruction que l’opération entraînera une réduction de la capacité de SSP à proposer ses services aux autres plateformes.

152. En second lieu, malgré l’opération, les aéroports tiers seront en mesure de disposer d’opérateurs susceptibles de soumissionner aux appels d’offres qu’ils ont vocation à organiser, quand bien même SSP déciderait de ne plus candidater. En effet, outre SSP, d’autres opérateurs sont présents sur le marché, notamment Areas et Lagardère. Or, comme indiqué précédemment, le fait d’être l’opérateur qui exploite, aux côtés d’ADP, les points de restauration des aéroports Paris-CDG et Paris-Orly ne confère pas d’avantage concurrentiel significatif et n’est donc pas de nature à empêcher les autres opérateurs d’intervenir sur ce marché. Par ailleurs, les autres aéroports français seront susceptibles de nouer des partenariats avec des opérateurs actifs dans la restauration de concession dans les autres lieux de transport. Il ressort notamment des éléments exposés aux points 24 et suivants qu’Autogrill France, bien qu’il ne soit plus actif en aéroport depuis la cession de ses actifs à la société SSP en 2017, reste un concurrent crédible sur le segment de la restauration concédée en aéroport. Il a notamment manifesté son intérêt, récemment, pour l’appel d’offres Extime et pour celui organisé par l’aéroport de Marseille Provence en 2023 concernant l’exploitation de onze points de restauration sur le terminal 1 de cet aéroport.

153. Il y a enfin lieu d’analyser dans quelle mesure l’opération est de nature à avoir un impact sur la capacité des concurrents de SSP et d’Extime à remporter les appels d’offres des autres gestionnaires d’aéroports, en les privant notamment de la capacité de nouer des rapports contractuels avec les enseignes de restauration commerciale, nécessaires pour élaborer des offres concurrentielles. En effet, si les parties notifiantes font valoir que l’entreprise commune « n’a pas vocation à se développer ailleurs en France »133, l’Autorité constate que la possibilité pour cette dernière de développer ses activités en dehors du périmètre des seuls aéroports gérés par ADP ne peut être exclue. Ses statuts stipulent en effet que : « la société a pour objet, tant en France qu’à l’étranger : la gestion d’une zone de restaurants de type traditionnel et rapide ainsi que toute activité liée à la restauration ; la vente sur place ou à emporter de boissons alcoolisées et non alcoolisées ; toutes participations de quelque nature qu’elles soient à toute entreprise ou société créées ou à créer, pouvant se rattacher à l’objet social, y compris par voir de création de sociétés nouvelles, d’apports partiels d’actifs ou de souscriptions de titres, fusions, ou sociétés communes, et la gestion de ces participations ; et plus généralement toutes opérations, de nature industrielle, commerciale ou financière, pour son compte ou pour le compte de tiers, se rattachant directement ou indirectement à l’objet sus indiqué et à tous autres objets similaires ou connexes »134.

154. Les documents internes d’ADP transmis par les parties notifiantes indiquent par ailleurs qu’ « Extime Food & Beverage pourrait devenir, dans le cadre du projet de Franchise d’Hospitalité, la société du groupe certifiée par la Franchise dans la Restauration, et être amenée à opérer mondialement, chez tout franchisé intéressé »135.

155. Dans ce contexte, dans la mesure où Extime sera en quasi-monopole sur les aéroports parisiens à l’issue de l’opération, il y a lieu de s’interroger sur la capacité dont l’entreprise commune pourrait disposer à s’appuyer sur cette position dans son rapport avec les enseignes, lors de la négociation des contrats de franchise notamment. À cet égard, McDonald’s a indiqué, s’agissant de sa politique en matière d’exclusivité, anticiper « d’être plus contraint[e] avec Extime en position de monopole sur les aéroports parisiens a fortiori si ADP a la volonté d’étendre sa marque sur toute la gamme « hospitality » sur d’autres aéroports, en France ou à l’étranger »136. Il convient dès lors de déterminer dans quelle mesure Extime pourrait être en position de négocier des exclusivités avec des enseignes, qui seraient de nature à empêcher les autres opérateurs de se positionner sur les autres aéroports.

156. Il apparaît toutefois que la quasi-totalité des enseignes interrogées dans le cadre du test de marché souhaitent conserver leur autonomie et leur marge de manœuvre et n’ont pas, partant, pour politique de conclure des contrats d’exclusivité137. Or, le secteur est principalement structuré autour de marques notoires et la majorité des enseignes interrogées a indiqué que, selon elles, l’opération n’aura pas d’effet sur leur activité, en précisant notamment qu’il existait un grand nombre de sites et d’opérateurs sur les marchés concernés138. Burger King a ainsi indiqué que les conséquences éventuelles de l’opération sur le développement de ses activités seraient marginales. Il a ajouté que : « [l]’essentiel de [son] activité présente et future se situe en dehors des concessions, qui sont un marché d’image, de notoriété […] »139.

157. Dans ce contexte, l’opération n’a pas vocation à modifier les paramètres concurrentiels des contrats liant les opérateurs de restauration de concession aux enseignes, notamment en ce qui concerne l’octroi d’exclusivités.

158. Enfin, les aéroports interrogés dans le cadre de l’instruction n’ont pas formulé d’inquiétudes particulières quant à l’opération envisagée, Ils ont notamment précisé qu’il y avait assez d’opérateurs (que ce soient des groupes ou des enseignes indépendantes) pour satisfaire l’attribution des lots lors de leurs consultations140.

159. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, tout risque d’atteinte à la concurrence consécutif à l’opération lié au fait que les aéroports français autres qu’ADP se retrouvent privés, en tout ou en partie, des prestations de services de restauration de concession peut être écarté.

160. L’opération ne soulève donc pas de problème de concurrence de nature verticale.

C. CONCLUSION

161. À l’issue de son analyse, l’Autorité considère que l’opération n’est pas susceptible d’entraver la concurrence sur les marchés affectés par l’opération.

162. En ce qui concerne les marchés de la restauration commerciale en aéroport, l’Autorité est arrivée à la conclusion que le projet de concentration n’aurait pas pour conséquence un changement de la structure concurrentielle dans la mesure où, en l’absence de l’opération, Extime aurait également été seule chargée de l’intégralité des points de restauration. En outre, le fait qu’Extime soit contrôlée exclusivement ou conjointement par ADP est sans incidence sur la structure de la concurrence sur ce marché.

163. S’agissant du marché de la restauration de concession en aéroport, l’instruction a permis d’établir l’absence de risque de verrouillage d’un accès à la clientèle pour les concurrents de SSP. De même, tout risque de verrouillage de l’offre de services de SSP envers les autres aéroports français a pu être écarté.

DÉCIDE

Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 21-234 est autorisée.

NOTES

1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.

2 Si BTA exploitait initialement des points de restauration à Paris-Orly uniquement, ADP, en tant que propriétaire des espaces commerciaux, opère depuis 2022 un transfert des baux expirés à Extime. Ce transfert correspond à date à 21 points de vente. Voir le formulaire de notification, point 82, cote 754 et la note du cabinet MAPP relative à la situation contrefactuelle pertinente du 18 avril 2023, cotes 5 576 et s., point 47.

3 Cote 4 169.

4 L’appel d’offres a été organisé par ADP en mars 2021. La société SSP a été retenue en juillet 2021 pour entrer au  capital  de  la  société  BTA  France  SA,  devenue  Extime  Food  &  Beverage  Paris  SAS  depuis  le   1er septembre 2021.

5 Cotes 1 383 à 1 606.

6 Voir les annexes 10 et 11 à la notification, cotes 1 613 à 1 720.

7 L’article 2 du projet de statuts dispose que « la société a pour objet, tant en France qu’à l’étranger : la gestion d’une zone de restaurants de type traditionnel et rapide ainsi que toute activité liée à la restauration ; la vente sur place ou à emporter de boissons alcoolisées et non alcoolisées ; toutes participations de quelque nature qu’elles soient à toute entreprise ou société créées ou à créer, pouvant se rattacher à l’objet social, y compris par voie de création de sociétés nouvelles, d’apports partiels d’actifs ou de souscriptions de titres, fusions, ou sociétés communes, et la gestion de ces participations ; et plus généralement toutes opérations, de nature industrielle, commerciale ou financière, pour son compte ou pour le compte de tiers, se rattachant directement ou indirectement à l’objet sus indiqué et à tous autres objets similaires ou connexes» (cote 1 279).

8 Au sein de l’Union européenne, ADP réalise un chiffre d’affaires supérieur à 25 millions d’euros uniquement en France.

9  Voir, par exemple,  la  lettre  n° C2007-69 du ministre  de  l’économie,  des finances et  de  l’emploi  du   13 juin 2007 aux conseils de la société Avenance, relative à une concentration dans le secteur de la restauration collective et la décision de la Commission européenne du 10 août 2007, n° COMP/M.4762 – Autogrill / Ampha Airports Group.

10 Voir la lettre du ministre n° C2007-69 précitée.

11 Voir la décision n° COMP/M.4762 – Autogrill / Ampha Airports Group, précitée.

12  Voir  notamment   les  décisions   COMP/M.8894,  ACS/Hochtief/Atlantia/Abertis  Infraestructuras,  du   6 juillet 2018, COMP/M.8694, Hochtief/Abertis, du 6 février 2018 et COMP/M.8536, Atlantia/Abertis Infraestructuras, du 13 octobre 2017.

13 Voir notamment la décision n° 16-DCC-167 du 31 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aéroports de Lyon par la société Vinci Airports.

14 Voir notamment la réponse d’Areas au test de marché du 17 janvier 2022, cotes 3 836.

15 Voir notamment la réponse d’Autogrill au test de marché du 17 janvier 2022, cotes 3 870 et s., et la réponse d’Areas au test de marché, précitée.

16 Voir notamment la réponse d’Areas au test de marché, précitée.

17 Voir notamment la réponse de Lagardère au test de marché du 17 janvier 2022, cotes 3 904.

18 Voir l’audition d’ADP du 6 avril 2023, cote 15 753.

19 Il est précisé que par décision n° 23-DCC-151 du 25 juillet 2023, le groupe Areas a pris le contrôle exclusif de la société Sirestco qui est active dans le secteur de la restauration de concession sur les aires de services autoroutières.

20 Voir la réponse d’Autogrill au test de marché précité, cote 3 872.

21 Autogrill n’a pas soumissionné à l’appel d’offres d’ADP en raison du modèle de gouvernance proposé et du temps imparti pour y répondre. Voir la réponse d’Autogrill au test de marché précité, cote 3 884.

22 Voir la réponse d’Autogrill au test de marché précité, cote 3 884.

23 Voir le compte-rendu de l’entretien de l’Aéroport Marseille Provence du 3 mars 2023, cote 15 790 et le compte-rendu de l’entretien d’Areas du 20 février 2023, cote 15 920.

24 Voir les décisions de la Commission n° COMP/M.3728 –  Autogrill / Altadis / Aldesa  du 23 mars 2005,  n° COMP/M.8894 – ACS / Hochtief / Atlantia / Abertis Infraestructuras du 6 juillet 2007 et la lettre du ministre n° C2007-69 précitée.

25 Voir notamment les décisions de la Commission n° COMP/M.8894, COMP/M. 3728 et COMP/M. 4762 précitées.

26 Cote 782.

27 Les parties notifiantes précisent à ce titre que la société SSP est active en Asie, Amérique du Nord, Europe, Moyen-Orient, Inde et Afrique du Nord, qu’Autogrill est présent en Amérique du Nord, Asie-Pacifique, Europe, Inde et Moyen-Orient, qu’Areas est présent en Amérique du Nord, en Europe et en Inde et que Lagardère est actif en Europe, Amérique du Nord, Amérique Centrale, Asie et Australie.

28 Cote 2 456.

29 Voir l’article L. 233-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

30 Voir le compte-rendu de l’entretien d’Areas du 20 février 2023, cote 15 922.

31 Voir le compte-rendu de l’entretien de l’Aéroport de Marseille Provence précité, cote 15 790 et le compte- rendu de l’entretien d’Aéroports du Grand Ouest en date du 2 mars 2023, cote 15 779.

32 Voir la réponse d’Areas au test de marché précité, cote 3 834.

33 Voir notamment la décision n° 18-DCC-172 du 18 octobre 2018 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Sushi Shop Group par la société AmRest Holdings.

34 Voir la décision n° 09-DCC-63 du 6 novembre 2009 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ROC-France par la société Eliance.

35 Voir la décision de la Commission européenne M. 126 – Accor/Wagons-Lits du 28 avril 1992.

36 Voir la décision M.126, précitée.

37 Voir notamment, pour les plus récentes, les décisions de la Commission européenne M.8536 – Atlantia/Abertis Infraestructuras du 13 octobre 2017 et M. 8894 – ACS/Hochtief /Atlantia /Albertis Infrastructuras du 6 juillet 2018.

38 Voir notamment les décisions M.6723 – Ferrovial/Qatar Holding/CDPQ/Baker Street/BAA, M.6263 – Aelia/Aéroports de Paris/JV et M.5123 – Autogrill/World Duty Free.

39 Voir les réponses d’Areas au questionnaire du 17 janvier 2022, cote 3 844 ou les réponses de McDonalds au questionnaire du 23 février 2022, cote 4 012.

40 Étude MAPP – Analyse de l’intensité concurrentielle de l’activité de restauration commerciale en aéroport figurant (diapositive 12) en cotes 7 027 et s.

41 Voir le compte-rendu d’entretien d’Areas du 20 février 2023, cote 15 912 (« Il y a des contraintes légales, techniques et en termes d’hygiène que nous maîtrisons ») et la réponse de Lagardère au test de marché du 17 janvier 2022, cote 3 904.

42 Il s’agit des surfaces de vente gérées par Marks&Spencer et Carrefour dont le chiffre d’affaires a représenté [Confidentiel] d’euros soit moins de 5 % du chiffre d’affaires total généré par la restauration commerciale.

43 Les distributeurs automatiques gérés par Selecta ont engendré un chiffre d’affaires de [Confidentiel], soit [0- 5] % des revenus de la restauration commerciale.

44 Lesquelles correspondent aux deux premiers marchés de la restauration autoroutière identifiés dans la pratique décisionnelle de la Commission.

45 À l’exception de 10 points de restauration sous enseigne McDonalds et de deux points de restauration Ladurée – voir la cote 4 169.

46 Voir notamment la décision de la Commission européenne M.8536 – Atlantia/Abertis Infraestructuras du 13 octobre 2017 précitée.

47 Voir la décision n° 18-DCC-172, précitée.

48 Voir notamment les décisions de la Commission européenne M.4164 Ferrovial/Québec/GIC/BAA du 25 juin 2006 et M. 6862 Vinci/Aeroportos de Portugal du 10 juin 2013.

49 Voir la décision de la Commission européenne M.5123 Autogrill/World Duty Free du 16 mai 2008.

50 Voir la décision n° 16-DCC-167 du 31 octobre 2016 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Aéroports de Lyon par la société Vinci Airports.

51 Étude MAPP – Analyse de l’intensité concurrentielle de l’activité de restauration commerciale en aéroport précitée –diapositive 11.

52 Ibid., diapositives 10 et 11.

53 Ibid., diapositive 17.

54 Voir l’étude thématique de l’ART « Enjeux et perspectives des systèmes de caisse dans le secteur aéroportuaire », janvier 2023 : https://www.autorite-transports.fr/communiques/lautorite-de-regulation-des- transports-art-apporte-des-eclairages-au-debat-sur-levolution-du-systeme-de-caisse-des-aeroports-regules-en- publiant-une-etude-thematique-sur-le-sujet/

55 Voir la déclaration de Lagardère, cote 15 836.

56 Voir la déclaration d’Areas, cotes 15 903 à 15 904.

57 Voir les réponses au questionnaire du 23 février 2022 de Burger King (cotes 3 941 à 3 951), Exki (cotes 3952 à 3 966), Brioche Dorée (cotes 3 978 à 3 988).

58 Voir la réponse des parties au questionnaire du 24 novembre 2022, cote 2 694.

59 Voir le compte rendu d’entretien d’Areas du 20 février 2023, précité, cote 15 913.

60 [confidentiel].

61 Voir le procès-verbal d’audition de SSP, du 27 mars 2023, cote 15 883.

62 Étude MAPP – Analyse de l’intensité concurrentielle de l’activité de restauration commerciale en aéroport précitée.

63 Voir la déclaration d’Areas, cote 15 904.

64 Voir le procès-verbal d’audition d’ADP, du 6 avril 2023, cote 15 761.

65 Voir le procès-verbal d’audition d’Areas du 20 février 2023, cote 15 923.

66 Voir le procès-verbal de SSP du 27 mars 2023, cote 15 880.

67 Voir la décision n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, § 35.

68 Voir les lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, points 503 et 504.

69 Voir la fiche d’évaluation projet validée en comité des engagements du 22 juin 2023 et intitulée « validation du scénario à retenir en cas de refus d’autorisation par l’Autorité de la Concurrence de l’opération Extime F&B Paris ».

70 Areas, Relay@ADP, Epigo, Extime, McDonald’s en propre, Ladurée et Carrefour.

71 L’option d’une exploitation par un opérateur tiers unique, envisageable en théorie, a été expressément écartée par ADP qui a indiqué en audition qu’ « une concession avec un seul opérateur n’est pas envisagée », en précisant que « le champ des possibles pour nous c’est l’internalisation ou un schéma historique de concession. Or le choix de la JV est un choix qui a été long, on a cheminé pendant plusieurs années avant d’aller sur ce choix. […] On ne doit pas perdre ce qu’on a construit et qu’on compte construire en termes d’opérations, de progrès social » et également, s’agissant de ce choix qu’ « il y a aussi une question de principe assez basique : on doit pouvoir avoir un contrôle sur une activité qui représente 75 % de notre résultat opérationnel ».

72 Voir la note du cabinet MAPP relative à l’analyse des risques de dégradation tarifaire et extratarifaire pour les consommateurs finals du 22 juin 2022 (page 2) qui figure aux cotes 4 069 et s.

73 ADP a déclaré en séance qu’Extime est passée de l’exploitation de 6 à 29 points de vente depuis 2020.

74 Voir l’Annexe 1 à la réponse au questionnaire du 21 janvier 2021 relative à l’évolution des points de restauration d’ADP.

75 Voir notamment le formulaire de notification, paragraphe 28.

76 Entité interne à ADP chargée de superviser et de valider les engagements stratégiques de l’entreprise.

77 Annexe 3 de la réponse au rapport, paragraphe 33.

78 Ibid, page 2.

79 Ibid, page 7.

80 Ibid, page 8.

81 Ibid.

82 Dernière version dans la note en délibéré du 10 juillet 2023.

83 Voir la note du cabinet MAPP relative à la situation contrefactuelle pertinente du 18 avril 2023, page 9.

84 Voir la note du cabinet MAPP « Analyse concurrentielle des éventuels risques de dégradation tarifaire et extratarifaire (comme la qualité de service) pour les consommateurs finals susceptibles d’être générés par l’opération » du 18 mai 2022, page 6.

85 Voir la note du cabinet MAPP  « Le caractère biface de la gestion aéroportuaire » du 17 avril 2023,      cotes 5 491 et s.

86 Voir les observations des sociétés Aéroports de Paris et Select Service Partner en réponse au rapport des services d’instruction paragraphes 212 à 215.

87 Cotes 1 383 à 1 606.

88 Voir l’Annexe 1 à la réponse au questionnaire du 21 janvier 2021 relative à l’évolution des points de restauration d’ADP.

89 Voir la décision de l’Autorité n° 12-DCC-154 du 7 novembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs de la société SeaFrance par la société Groupe Eurotunnel, para. 41.

95 Voir la fiche d’évaluation projet validée en comité des engagements du 22 juin 2023 et intitulée « validation du scénario à retenir en cas de refus d’autorisation par l’Autorité de la Concurrence de l’opération Extime F&B Paris ».

96 Déclaration d’ADP devant le collège de l’Autorité de la concurrence lors de la séance du 27 juin 2023.

97 Voir la fiche d’évaluation projet validée en Comité des engagements du 22 juin 2023, intitulée « validation du scénario à retenir en cas de refus d’autorisation par l’Autorité de la Concurrence de l’opération Extime F&B Paris ».

98 Voir la note du cabinet MAPP relative à la situation contrefactuelle pertinente du 18 avril 2023, page 11 et la déclaration d’ADP en séance.

99 https://presse.groupeadp.fr/trafic-du-mois-de-mai-2023/?lang=fr#_ftn1

100 Dans une note en délibéré remise le 10 juillet 2023, les parties analysent la rentabilité économique de l’activité de restauration au travers de trois plans d’affaires construits autour de scénarios distincts : une gestion par l’entreprise commune, une gestion par ADP en direct et une gestion par plusieurs opérateurs. Le taux de redevance global moyen du plan d’affaire consolidé 2022-2032 par Extime dans le cadre de l’appel d’offre pour l’entreprise commune, repris dans les trois scénarios simulés, est de [Confidentiel]%. Néanmoins, les données réelles 2019 issues des données comptables des entreprises communes d’ADP ou de la comptabilité analytique obtenue par ADP dans le cadre d’audits auprès des opérateurs tiers, et mobilisées par ADP pour construire l’intégralité des coûts du scénario multi-opérateurs en dehors du taux de redevance, montrent des taux de redevance moins importants en 2019 pour Areas et SSP ([Confidentiel] et [Confidentiel] %) que ce que prévoit ADP pour son entreprise commune et les deux autres scénarios contrefactuels ([Confidentiel] %).

101 Voir notamment les réponses au test de marché d’Areas et Lagardère.

102 Voir le compte-rendu de l’audition d’Air France du 13 mars 2023, cote 15 797.

103 Voir la réponse d’Emirates au questionnaire du 8 février 2023, cote 15 655.

104 Cote 15 765.

105 Cote 2 699.

106 Voir le compte-rendu de l’audition d’Air France du 13 mars 2023, cote 15 797.

107 Voir le procès-verbal de l’audition d’ADP du 6 avril 2023, cote 15 766.

108 La connectivité d’un aéroport se mesure par le nombre de destinations et la fréquence de rotation des vols proposés par les compagnies aériennes qui y sont présentes.

109 Voir le compte-rendu de l’audition d’Air France du 13 mars 2023, cote 15 800.

110 Créée en 1989, Skytrax est une organisation internationale de notation de transport aérien ; elle offre également des services d’audit pour l’amélioration de la qualité des produits et services dans l’industrie aérienne mondiale (https://skytraxresearch.com/fr/).

111 Voir la réponse de Skytrax au questionnaire du 27 janvier 2023, cote 7 685.

112 Voir le procès-verbal de l’audition d’ADP du 6 avril 2023 : « La qualité de service est vraiment un tout d'expérience (sic). On a des analyses causales qui disent que certains critères sont plus importants que d'autres. Les services de restauration ne font pas partie de ces critères: il s'agit, dans l'ordre, de l'ambiance, du confort de la salle d'embarquement et de la propreté des lieux. »

113 En dehors du prix des parkings.

114 Voir l’article 45 du décret n° 2005-828.

115 Voir notamment la réponse des parties au rapport des services d’instruction, point 75.

116 Voir par exemple l’inauguration du nouveau lieu de logistique et de production pour Extime à Paris-Orly.

117 Voir le procès-verbal de l’audition d’ADP en date du 6 avril 2023, pages 18 et19.

118 Voir le formulaire de notification, point 25.

119 Voir le rapport de la Cour des comptes « Les aéroports français face aux mutations du transport aérien », 2008.

120 Voir le procès-verbal de l’audition d’ADP en date du 6 avril 2023, page 3 et suivantes.

121 Cotes 15 818 et s.

122 Voir le rapport, §§ 239 et suivants.

123 Voir la réponse des parties au rapport, points 116 et suivants.

124 Voir le PV d’audition de Lagardère du 14 février 2023, vote 15 848.

125 Cote 4 407.

126 Cotes 4 502 à 4 503.

127 Cotes 4500 à 4501

128 Dernière version dans la note d’analyse remise le 10 juillet 2023 ; les parties analysent la rentabilité économique de l’activité de restauration au travers de trois plans d’affaires construits autour de scénarios distincts : une gestion par l’entreprise commune (« Scénario 1 »), une gestion par ADP en direct (« Scénario 2 ») et une gestion par plusieurs opérateurs (« Scénario 3 »). Selon les résultats de cette analyse, le « Scénario 1 » serait le plus intéressant pour ADP. Le « Scénario 2 » présente des résultats moins intéressants pour ADP mais une exploitation viable malgré les niveaux de redevance élevés attendus. En revanche, seule une baisse des redevances, économiquement non souhaitable pour ADP, permettrait au « Scénario 3 » de ne plus être déficitaire, le classant ainsi au dernier rang des choix possibles.

129 Lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, point 670.

130 Cote 787.

131 Voir l’article L1 du code de la commande publique : « Les acheteurs et les autorités concédantes choisissent librement, pour répondre à leurs besoins, d’utiliser leurs propres moyens ou d’avoir recours à un contrat de la commande publique. »

132 Voir le compte-rendu d’entretien d’Areas du 20 février 2023, cote 15 918.

133 Voir le procès-verbal de l’audition d’ADP du 6 avril 2023, cote 15 770.

134 Voir article 2 des statuts, Annexe 2, cote 1 279.

135 Voir la présentation au Comité des engagements « activités commerciales – appel d’offres pour la recherche d’un co-associé pour la JV restauration » du 3 mars 2021, cote 2 600.

136 Voir le compte-rendu de l’audition de McDonald’s du 21 avril 2023, cote 17 598.

137 Voir par exemple, la réponse au test de marché de McDonald’s du 23 février 2022, cote 4 006 ou celle de Burger King, cote 3 944.

138 Voir notamment la réponse au test de marché de Starbucks du 3 février 2022, (cote 4 043), ainsi que celles de Burger King (cote 3 951) et de Groupe Le Duff (cote 3 987).

139 Cote 3 951.

140 Voir notamment la réponse au test de marché de l’aéroport Bâle-Mulhouse du 17 janvier 2022, cote 3 681.