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Décisions

Cass. 3e civ., 19 octobre 2022, n° 21-16.055

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Echappé

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Nîmes, du 7 avr. 2021

7 avril 2021

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 7 avril 2021), l'indemnité d'éviction due par la société Avi Invest (la bailleresse) à la société Fredolivia (la locataire) évincée des locaux, à défaut de renouvellement du bail commercial, le 20 juillet 2009, a été fixé par un arrêt irrévocable du 1er décembre 2016.

2. La bailleresse, après avoir signifié cet arrêt le 30 janvier 2018, a notifié, le 13 avril 2018, la mise sous séquestre de la somme de 602 303,74 euros au titre de l'indemnité d'éviction.

3. Le 19 juillet 2018, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la bailleresse a rappelé à la preneuse qu'elle aurait dû quitter les lieux, le 13 juillet 2018, soit dans les trois mois de la séquestration de l'indemnité d'éviction.

4. Se prévalant de la sanction attachée à ce manquement, la bailleresse a assigné la locataire pour obtenir restitution entre ses mains du montant de la somme séquestrée. A titre reconventionnel, la locataire a sollicité le versement à son profit de la somme séquestrée à hauteur de 575 608,91 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. La bailleresse fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la locataire, alors « que le taux majoré de l'intérêt légal n'est applicable qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de condamnation a été notifiée ; qu'il était constant en l'espèce que l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 1er décembre 2016 fixant le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Fredolivia avait été signifié le 30 janvier 2018 ; qu'il en résultait que le taux majoré ne s'appliquait qu'à compter de cette date ; qu'en énonçant, pour dire que la société Avi Invest n'avait pas séquestré la totalité de la somme revenant à la société Fredolivia au titre de l'indemnité d'éviction, et écarter la retenue de 1 % prévue à l'article L. 145-30 du code de commerce, que l'intérêt au taux légal était dû de plein droit à compter du 1er décembre 2016, avec une majoration au bout de deux mois soit le 1er février 2017, et que la société Avi Invest avait fait abstraction des intérêts dans son calcul, peu important le caractère le cas échéant minime in fine du


différentiel avec la somme effectivement due à la société Fredolivia, la cour d'appel a violé l'article 503 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 313-3 du code monétaire et financier et L. 145-30 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

6. Ayant retenu, à bon droit, que l'intérêt au taux légal avait couru dès l'arrêt, exécutoire dès son prononcé, ayant fixé l'indemnité d'éviction et, qu'en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, ce taux avait été majoré de cinq points à l'expiration de deux mois, la cour d'appel en a exactement déduit qu'était applicable, à compter du 1er décembre 2016, l'intérêt au taux légal et, à compter du 1er février 2017, l'intérêt au taux majoré.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La bailleresse fait le même grief à l'arrêt alors : « qu'en cas de non remise des clés par le preneur dans les délais impartis, et après mise en demeure, le séquestre retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité ; que la cour d'appel a constaté que la société Avi Invest avait séquestré une somme de 602 303,74 euros, tandis que la société Fredolivia réclamait seulement la somme de 575 608,91 euros au titre du solde de l'indemnité d'éviction lui revenant ; qu'en considérant cependant, pour écarter la retenue de 1 %, que la société Avi Invest n'avait pas séquestré l'intégralité des sommes dues au 12 avril 2018 à la société Fredolivia, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et violé par refus d'application l'article L. 45-30 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 145-29 et L. 145-30 du code de commerce :

9. Il résulte de ces textes, qu'à défaut de remise des clefs à la date fixée et passé le délai de trois mois à compter de la notification au locataire du versement de l'indemnité d'éviction à un séquestre, celui-ci retient 1 % par jour de retard sur le montant de l'indemnité et restitue cette retenue au bailleur sur sa seule quittance.


10. Il s'en évince que cette retenue ne peut s'appliquer que si, à la date de la notification au preneur du versement au séquestre, la somme séquestrée couvre l'intégralité de l'indemnité d'éviction, en principal et accessoires.

11. Pour écarter l'application de la retenue de 1 %, l'arrêt retient que la bailleresse n'a pas séquestré l'intégralité de la somme due, en principal et intérêts.

12. En se déterminant ainsi, après avoir relevé que la bailleresse avait déposé entre les mains du séquestre une somme de 602 303,74 euros, sans préciser ni rechercher quel était le montant de l'indemnité d'éviction, en principal et accessoires, restant effectivement dû au jour où le dépôt avait été accompli, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Aix-en-Provence.