CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 26 octobre 2022, n° 21/09608
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
New Delhi Palace (SARL)
Défendeur :
SCI AB Invest
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Balay
Conseillers :
M. Berthe, Mme Girousse
Avocats :
Me Ohana, Me Simonet, Me Bouzidi-Fabre, Me Burman, Me Boccon Gibod, Me Lefèvre
FAITS ET PROCÉDURE
M. [I] [T] est propriétaire d'un local situé [Adresse 1] et [Adresse 2] sur lequel la société New Delhi Palace est titulaire d'un bail commercial depuis 2014 par l'acquisition du fonds de commerce.
Le 21 juillet 2017, le bailleur a consenti à M. [D] [W] et à la société Holding AMC une promesse unilatérale de vente du local commercial expirant le 28 décembre 2017. Après notification par maître [E], notaire du bailleur, de la promesse par courrier recommandé du 07 septembre 2017, maître Ferreira, conseil de la société preneuse, lui a notifié que son client comptait exercer son droit de préemption et que ce dernier allait souscrire un prêt pour payer le prix de vente.
Par courrier recommandé date du 07 février 2018, le conseil de la société preneuse a écrit à M. [T] en lui indiquant que sa cliente confirmait l'acceptation de l'offre de vente et qu'elle avait obtenu un accord pour un financement.
Selon acte authentique du 11 octobre 2018 reçu par maître [U], notaire, M. [I] [T] a vendu le local commercial à la SCI AB Invest au prix de 210 000 €.
Par courrier du 10 janvier 2019, M. [I] [T] a indiqué à la société AB Invest qu'il renonçait à son profit à sa créance à l'encontre de la société New Delhi Palace au titre des loyers du troisième trimestre 2018 et aux loyers du trimestre suivant pour la période antérieure à la vente du 1er octobre 2018 au 10 octobre 2018.
Le 11 février 2019, la société AB Invest a fait délivrer à la société New Delhi Palace un commandement de payer une somme de 9 455,66 € au titre des loyers impayés de l'année 2018 et visant la clause résolutoire du bail.
Par exploit du 14 février 2019, la société New Delhi a fait assigner à comparaître M. [I] [T] et la société AB Invest en nullité de la vente. Par ordonnance du 10 janvier 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande de séquestre du montant des loyers dus par la société New Delhi Palace.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable la note en délibéré de la société New Delhi Palace notifiée par voie électronique le 11 mars 2021 ; rejeté les demandes de la société New Delhi Palace tendant à l'annulation de la vente, à ordonner à M. [T] de lui céder le bien sous astreinte, et à ce que l'acte stipule que la cession prendra effet le 11 octobre 2018 de sorte que la société New Delhi Palace soit libérée de son obligation aux loyers postérieurs à cette date ; rejeté la demande de la société New Delhi Palace tendant à l'annulation du commandement de payer délivré le 11 février 2019 ; rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société AB Invest à lui restituer tous les loyers perçus ; constaté l'acquisition, à la date du 11 mars 2019, de la clause résolutoire stipulée par l'avenant du 09 mars 2009 au contrat de bail ; ordonné l'expulsion ; condamné la société New Delhi Palace à payer à la société AB Invest la somme de 851,65 € au titre de la clause pénale prévue par le bail ; l'a condamnée à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 1 300 € par mois à compter du 11 mars 2019, jusqu'à la libération effective des lieux ; rejeté la demande de la société New Delhi Palace tendant à la condamnation in solidum de M. [T] et la société AB Invest à lui payer la somme de 20 000 € au titre de son préjudice moral ; rejeté sa demande relative à la condamnation de M. [T] et la société AB Invest à lui rembourser toutes les sommes encaissées au titre de la période visée par le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 et jusqu'à ce que la société New Delhi Palace soit de nouveau admise à exercer son activité et à rejeter toute demande au titre des loyers et charges au cours de cette période ; rejeté sa demande relative à la condamnation in solidum de M. [T] et de la société AB Invest à lui payer la somme de 363 725,12 € au titre de son préjudice financier ; rejeté la demande de M. [I] [T] relative à la condamnation de la société New Delhi Palace à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; rejeté l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société New Delhi Palace aux entiers dépens ; ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration du 20 mai 2021, la société New Delhi Palace a interjeté appel du jugement. Par conclusions déposées le 26 octobre 2021, la SCI AB Invest a interjeté appel incident. Par conclusions déposées le 27 décembre 2021, M. [I] [T] a interjeté appel incident.
Saisi par la SCI AB Invest, le conseiller de la mise en état, par ordonnance du 27 octobre 2021, a déclaré recevable l'appel interjeté par la société appelante et a condamné in solidum la SCI AB Invest et M. [I] [T] aux dépens de l'incident.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 07 septembre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les dernières conclusions du 06 septembre 2022, par lesquelles la société New Delhi Palace, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour, sur l'annulation de la vente, d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande à titre principal visant à l'annulation de la vente ; ordonner M. [T] de céder le bien aux conditions de son offre exprimée notamment dans la lettre de son conseil à Me [E] et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jour du rendez-vous de signature de l'acte de cession auquel M. [T] aura été convoqué par lettre recommandée avec avis de réception ou à compter du PV de carence ; dire que la cession prend effet le 11 octobre 2018 de sorte que la concluante soit libérée de son obligation aux loyers postérieurs à cette date étant entendu qu'elle pourra rembourser les charges de l'immeuble sur présentation des justificatifs correspondants ; annuler le commandement de payer qu'elle a reçu ; condamner in solidum M. [T] et la société AB Invest à lui payer la somme de 20 000 € au titre de son préjudice moral ; subsidiairement, condamner in solidum M. [T] et la société AB Invest à lui payer la somme de 258 725,12 € au titre du préjudice subi ; subsidiairement, les condamner à lui payer chacun la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; sur la demande d'annulation de l'indemnité d'inexécution, annuler l'indemnité d'inexécution appliquée par le Tribunal portant le montant dû par la concluante à la somme de 75 565,44 € ; dire que la clause contenue dans le bail n'est pas une clause pénale, puisqu'elle prévoit que l'indemnité est due si le preneur manque à son obligation de quitter les lieux ; appliquer l'article 1152 du code civil dans son ancienne version applicable en l'espèce, s'agissant d'un contrat ancien ; sur la résiliation du bail et acquisition de la clause résolutoire, d'infirmer le jugement en ce qu'il résilie le bail après avoir constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail ; dire que la clause résolutoire aurait dû être suspendue ; constater le cantonnement par le juge de l'exécution dans son jugement du 30 septembre 2021 du commandement aux fins de saisie-vente du 03 juin 2021 et le procès-verbal de saisie-vente du 16 juin 2021 pratiqués par la SCI AB Invest à l'encontre de la concluante aux sommes suivantes : 8 516,54 € au titre des indemnités d'occupation ; 851,65 € au titre de la clause pénale ; dire qu'elle est à jour du règlement de l'arriéré de loyers en principal de 8 516,54 € au titre des indemnités d'occupation ; dire qu'elle ne doit plus à la SCI AB Invest que la somme de 2 212,56 € ; ordonner sa réintégration dans les lieux ; condamner in solidum M. [T] et la SCI AB Invest à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; les condamner in solidum aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions du 23 août 2022, par lesquelles la SCI AB Invest, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; et statuant à nouveau, condamner la société Delhi Palace à lui payer la somme de 9 000 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance ; y ajoutant, la condamner à lui payer la somme de 7 000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; la condamner aux entiers dépens avec bénéfice de l'article 699 du même code.
Vu les dernières conclusions du 27 décembre 2021, par lesquelles M. [I] [T], intimé à titre principal et appelant à titre incident, demande à la Cour de déclarer irrecevables les demandes de la société New Delhi Palace, et en tout état de cause mal fondées ; confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société New Delhi Palace de ses demandes relatives à l'annulation de la vente et à la stipulation de l'effet de la cession sur l'acte ; à la condamnation in solidum à l'indemnisation de ses préjudices moral et financier et au remboursement des sommes encaissées au titre de la période visée par le décret du 23 mars 2020 ; statuant à nouveau, infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de tous les dépens à l'encontre de la société New Delhi Palace ; condamner cette dernière à lui payer la somme de 20 000 € au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ; la condamner à lui payer la somme de 12 000 € TTC par application de l'article 700 du code de procédure civile ; la condamner aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, la position des parties sera succinctement résumée.
La société New Delhi Palace rappelle à titre liminaire que son appel est recevable et invoque l'ordonnance sur incident du 27 octobre 2021. Elle soulève la nullité de la vente à effet du 11 octobre 2018 sur le fondement de l'article L.145-46-1 du code de commerce et expose avoir bien manifesté à plusieurs reprises sa volonté d'exercer son droit de préemption et de se porter acquéreur du local par le respect des formalités et la sollicitation du notaire du vendeur notamment par l'effet d'un courrier du 07 février 2018. Elle conteste l'existence d'un délai conditionnant l'effet du droit de préemption et prétend que la condition suspensive de l'obtention d'un prêt est réputée accomplie dès la présentation de l'offre de banque qui est ferme et sans réserve.
Elle affirme que la SCI AB Invest a engagé sa responsabilité en commettant une faute à son égard et expose qu'elle a fourni les moyens à M. [T] de frauder son droit. Elle expose que son préjudice comprend le montant des loyers pour la durée du prêt envisagé, déduction faite du coût financier de ce prêt, et une perte de rentabilité de son investissement de l'ordre de 5 % par an.
Elle conteste la régularité du commandement de payer en ce que la cession est intervenue en fraude de ses droits, ce qui l'a conduite à ne pas payer ses loyers, faisant par ailleurs valoir sa bonne foi. En tout état de cause, elle affirme que l'impôt foncier ne pouvait lui être réclamé en ce qu'il restait à la charge du bailleur. Elle ajoute devoir seulement la somme de 8 516,54 €, correspondant à un loyer impayé du 1er trimestre 2020, soit 4 258,27 € TTC et à l'indemnité d'occupation du 2ème trimestre 2021 non appelée à ce jour, invoquant par ailleurs la mauvaise foi de la SCI AB Invest par des demandes de paiements qu'elle avait déjà effectués. Elle affirme que les factures de loyers adressées par la SCI AB Invest constituent la preuve qu'elle a renoncé à se prévaloir des causes de la résiliation du bail. Elle ajoute que ses retards de paiement ont systématiquement été régularisés avant la fin du délai d'un mois ayant pour effet la mise en oeuvre de la clause résolutoire.
Elle fait grief au Tribunal d'avoir jugé que la clause contenue dans le bail stipulant que le preneur est redevable d'une indemnité s'il refuse de quitter les lieux en dépit d'une ordonnance d'expulsion était une clause pénale et lui reproche de ne pas avoir modéré la sanction de l'inexécution contractuelle. Elle expose être restée dans les lieux dès lors qu'elle considérait que la SCI AB Invest n'était pas son propriétaire légitime, et soulève le caractère excessif de la clause. Elle indique par ailleurs avoir payé la totalité des loyers et fait observer que le solde en faveur de la SCI AB Invest est de 2 212,56 € et non de 3 994,60 €, le différentiel n'ayant fait l'objet d'aucune justification.
La SCI AB Invest affirme que le droit de préemption ne peut produire ses effets à défaut de réalisation de la vente dans le délai de quatre mois et expose que la société appelante n'a jamais pu justifier auprès du vendeur de l'obtention définitive du prêt et bénéficier des fonds avant le 10 février 2018 ; qu'elle n'a pas accompli les diligences requises de la preneuse pour formaliser la vente en n'invitant pas M. [T] à signer l'acte de vente, et au besoin de lui faire sommation de se présenter devant le notaire. Elle conteste la preuve de la date de réception tirée du courrier du conseil de la preneuse datée du 7 février 2018.
Elle prétend que M. [T] n'a pas commis de faute dès lors que la demande de rendez-vous ne lui incombait pas et que la preneuse n'avait pas justifié, par l'envoi de la proposition de prêt, de son obtention ; que les réserves figurant dans l'offre de prêt ne permettaient pas de retenir l'existence d'un accord définitif ; qu'il n'est pas établi que le vendeur ait reçu le courrier du 7 février à temps pour organiser matériellement une réunion ; que le vendeur avait manifesté sa volonté de conclure la vente dans sa réponse du 06 février 2018.
Elle soutient qu'aux termes du contrat de vente litigieux, les créances de loyers échues antérieurement à la réalisation de la vente sont lui sont acquises, ce qui justifie l'acquisition de la clause résolutoire en cas de non paiement dans le délai d'un mois suivant commandement de payer. Elle ajoute que la clause pénale a été appliquée en ce qu'elle était claire, précise et raisonnable, et fait observer une distinction à effectuer entre cette clause et celle fixant l'indemnité d'occupation qui a été qualifiée de clause pénale.
En réponse aux prétentions adverses, elle affirme que la demande adverse visant à l'octroi de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire est une nouvelle demande en cause d'appel qui doit être considérée comme irrecevable. Elle ajoute que la preneuse a fait preuve de mauvaise foi dans le paiement de ses loyers.
M. [I] [T] invoque l'absence manifeste de contrat de prêt ferme, définitif et irrévocable obtenu par la société preneuse avant l'expiration du délai légal de quatre mois. Il expose ne pas avoir été au courant d'un courrier daté du 7 février 2018, et rappelle vivre en Espagne, soulignant que cette domiciliation aurait rendu sa réception impossible avant le 10 février 2018. Il affirme que la preneuse n'avait obtenu qu'un accord de principe de financement unique ce qui est insuffisant à remplir la condition suspensive d'un prêt dès lors que plusieurs conditions devaient être remplies telles qu'un apport personnel et la confirmation de garanties par une compagnie d'assurance.
Il affirme que la non-réalisation de la vente est exclusivement imputable à la société appelante et prétend que la vente est valable.
Il invoque un comportement dilatoire en ce que la société appelante n'a entreprise des diligences que quelques jours avant l'expiration du délai de quatre mois, celle-ci exercant son droit d'ester en justice avec mauvaise foi compte tenu de la chronologie objective des faits et de l'absence d'obtention du prêt dans le délai de quatre mois.
MOTIFS
Sur la fin de non recevoir
Aux termes de l'article L145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du Code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La Clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Dès lors que l'acquisition de la clause résolutoire n'est en l'espèce pas constatée par une décision passée en force de chose jugée, compte tenu de l'appel, la demande de délais avec suspension des effets de la clause de résiliation peut être présentée pour la première fois en cause d'appel.
Sur l'exercice du droit préemption
Aux termes de l'article L 145-46-1 du code de commerce, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci, il en informe le locataire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit locataire. Ce dernier dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer. En cas d'acceptation, le locataire dispose à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de 2 mois pour la réalisation de la vente. Si dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à 4 mois. Si à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est sans effet.
Toutefois, le locataire qui a exercé son droit de préférence ou de préemption, et qui a fait preuve de diligence pour parvenir à la réalisation de la vente, ne saurait se voir priver de son droit d'acquérir le local loué lorsque le défaut de signature de l'acte de vente est exclusivement imputable au bailleur.
En l'espèce, la société New Delhi Palace a notifié au vendeur, par une lettre recommandée de son conseil, sa volonté d'acquérir et de recourir à un prêt le 9 octobre 2017 ; le délai de 4 mois pour réaliser la vente est venu à expiration le 10 février 2018 date à laquelle la vente n'a pas été réalisée.
Le tribunal a relevé à juste titre que la société locataire n'avait pas fait preuve de toutes diligences utiles pour parvenir à la réalisation de la vente dans le délai, dès lors qu'elle n'avait pas sollicité avant le 10 février 2018 de la fixation d'un rendez-vous de signature. Il peut être relevé que par message électronique du 6 février 2018, le représentant de la société New Delhi palace s'adressait à Monsieur [I] [T], vendeur, en lui indiquant devoir discuter d'une chose importante avec lui, lui précisant, pour information, qu'il avait contacté le notaire et avait reçu le financement, joignant une lettre d'accord de financement du crédit agricole d'Île-de-France en date du 5 février 2018 sous réserve de la justification d'un apport de 48'000 € sur le compte et de la signature des contrats de prêt et formalisation des garanties sollicitées. Le nouveau conseil de la société New Delhi Palace aurait adressé à Monsieur [T] une lettre recommandée du 7 février 2018 dont il n'est pas justifié de la réception, par laquelle il lui demandait de donner toutes instructions utiles à son notaire pour que la réalisation de la vente intervienne au plus vite. Il est également justifié d'un courrier électronique adressé le 7 février à 17h04 par Maître Christophe Wilhelm, avocat, à Madame [O] [J], de l'étude notariale, lui réservant copie de la lettre adressée le même jour à Monsieur [T].
Il résulte des constatations qui précèdent que 3 jours avant l'expiration du délai pour la réalisation de la vente, le vendeur, et son notaire, ont été seulement informés d'une décision de principe du crédit agricole d'accorder un prêt, contenant des réserves sur la justification d'un apport personnel sur un compte du crédit agricole, ce dont il n'a pas été justifié, est soumis à l'accomplissement de la signature du contrat de prêt et de la fourniture des garanties sur la base d'un simple projet établi par la banque non signé, sans formalisation des cautionnements exigés par la banque. Ainsi, à la date du 10 février 2018, la société New Delhi Palace n'était pas en mesure de mettre les fonds à disposition du notaire, pour la régularisation d'un acte de vente.
Il en résulte que le défaut de réalisation de l'acte le 10 février 2018 n'était pas exclusivement imputable au bailleur. L'acceptation de l'offre de vente par la société New Delhi Palace est en conséquence devenue sans effet.
Il en résulte que la vente est régulièrement intervenue au profit de la SCI AB Invest.
En l'absence de faute de Monsieur [I] [T], la demande de dommages et intérêt formée à son encontre n'est pas fondée.
En l'absence de faute de la société AB Invest, ayant acquis l'immeuble régulièrement sans porter atteint aux droits du preneur, la demande de dommages et intérêt formée à son encontre n'est pas fondée.
Sur la résiliation du bail
Pour demander la constatation de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, la société AB Invest se prévaut d'un commandement de payer notifié le 11 février 2019, visant la clause résolutoire du bail, et exigeant le paiement par la société locataire d'une somme de 8516,54 € en principal, correspondant au loyer et charges des troisièmes et quatrièmes trimestres 2018.
En l'absence de communication de l'acte de vente, la cession de créance invoquée n'est pas justifiée ; cependant, l'attestation de vente du 11 octobre 2018 suffit à démontrer que la SCI AB Invest est créancière des loyers postérieurs à la date de la vente, à défaut de preuve contraire, et elle peut se prévaloir du commandement de payer visant la clause résolutoire. À défaut de paiement des causes du commandement dans le mois suivant la signification de cet acte, la clause résolutoire est acquise à la date du 11 mars 2019.
Cependant, la société New Delhi Palace avait obtenu un accord de principe de la banque pour la mise en place d'un prêt, déployé des efforts certains pour parvenir à la réalisation de la vente, démontrant une bonne foi contractuelle qui justifie que lui soient accordés des délais rétroactifs, avec suspension des effets de la clause résolutoire, sachant que la SCI AB Invest ne se prévaut d'aucune dette locative à ce jour, qu'il n'est pas contesté que la somme de 8516,54 € a été payée entre les mains d'un huissier de justice ayant délivré le commandement et les procès-verbaux saisie-vente par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 juillet 2021.
La société New Delhi Palace, malgré l'absence de prétention à son encontre, se déclare redevable d'une somme de 2212,56 €; il convient d'observer toutefois que la SCIAB Invest donne le détail de ce montant en page 12 de ses conclusions en y incluant les montants de 1500 et 2000 € soit 3500 € au titre des frais irrépétibles liés à des instances devant le juge de l'exécution et le premier président, de sorte que cette dette résiduelle, qui ne fait pas l'objet d'une prétention mais résulte d'ores et déjà d'un titre, ne constitue pas une dette locative et relève de l'apurement des comptes des frais liés aux procédures relatives à l'exécution provisoire du jugement entrepris.
Ainsi, compte tenu des délais accordés, et de la régularisation de la dette locative avant leur expiration, la clause résolutoire est censée n'avoir pas joué et la résiliation du bail n'est pas encourue. Il n'y a pas lieu d'ordonner la réintégration de la société locataire, dès lors que l'arrêt, qui infirme le jugement ayant ordonné son expulsion, vaut titre.
Sur la demande d'annulation de l'indemnité d'inexécution
La demande d'annulation d'une indemnité d'inexécution appliquée par le tribunal portant le montant dû à 75'565,44 €, est sans objet en l'absence de dispositions du jugement entrepris correspondant à cette prétention, en conséquence non fondée.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [I] [T]
La société New Delhi Palace n'a pas abusé du droit d'ester en justice et n'a pas commis d'abus de droit dans la conduite de la procédure de première instance ou d'appel. La demande de dommages-intérêts formés à son encontre par le précédent bailleur, n'est pas fondée.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dispositions du jugement entrepris, relatives aux dépens et frais irrépétibles, doivent être confirmées.
En cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité ne commande pas d'indemniser les parties de leurs frais non compris dans les dépens.
Les parties succombent partiellement en leurs prétentions. En application de l'article 696 du code de procédure civile, chacune conservera en conséquence à sa charge les frais compris dans les dépens exposés au cours de l'instance d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme partiellement le jugement rendu le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris,
Le réforme en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail à la date du 11 mars 2019, ordonné la libération des lieux et à défaut de libération volontaire l'expulsion de la société New Delhi Palace, et l'a condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1300 € par mois à compter du 11 mars 2019 jusqu'à la libération des lieux,
Le confirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau des chefs réformés, et y ajoutant,
Accorde à la société New Delhi Palace un délai jusqu'au jour de l'arrêt pour s'acquitter de la dette locative,
Constate que la somme visée par le commandement de payer du 11 février 2019 a été payée avant l'expiration de ce délai, et que la SCI AB Invest ne fait état d'aucune autre dette locative et ne demande aucune condamnation,
Dit qu'en conséquence la clause résolutoire du bail n'a pas joué, et déboute la SCI AB Invest de ses demandes de constat de la résiliation du bail, d'expulsion, et de paiement d'une indemnité d'occupation,
Déboute les parties de leurs autres prétentions,
Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens exposés à l'occasion de l'instance d'appel.