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Décisions

CA Chambéry, ch. soc. sect. prud'homale, 6 avril 2023, n° 21/01125

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Tefal (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Paris

Conseillers :

Mme Chuilon, Mme Simond

Avocats :

Me Drai, Me Perrier, Me Grimaud, Me Brochard, Me Ligier

Cons. Prud’h. Annecy, du 5 mai 2021, n° …

5 mai 2021

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] [I] [O] a été engagé le 14 novembre 2011 par la société Téfal sous contrat à durée indéterminée en qualité chef de groupe Inovation qualification cadre, position III A de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 IDCC 650.

L'effectif de la société est de 1500 salariés.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait un salaire mensuel brut de 7874,36 €.

Le salarié était chargé d'encadrer et d'animer l'équipe en charge de la recherche sur le pôle revêtement.

Un expert en fluoro-polymètre a adressé au salarié un mail en date du 26 septembre 2018 l'informant de présence d'acide perfluorooctanaïque (PFOA) dans le fluoro-polymère utilisé dans les usines de la société Téfal. Le salarié a informé son employeur.

Dans un mail du 9 avril 2019 , il a alerté ses collègues sur la présence d'huile de silicone dans certains produits Téfal en faisant état d'un rapport de Tesca Analytics confirmant la présence d'huile silicone dans les revêtements Téfal.

Il a été averti pour avoir exposé des membres de son équipe au chrome sans avoir pris de mesures de sécurité.

Une rupture conventionnelle a été signée le 27 septembre 2019 . Elle a été homologuée à compter du 6 novembre 2019 par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte).

M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes d'Annecy le 25 mai 2020 à l'effet d'obtenir la condamnation de la société Téfal à lui payer diverses indemnités et rappels de salaires.

Par jugement du 5 mai 2021le conseil de prud'hommes a débouté M. [I] [O] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M. [I] [O] a interjeté appel par déclaration du 28 mai 2021 au réseau privé virtuel des avocats.

Par conclusions notifiées le 2 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens M. [I] [O] demande à la cour de :

- infirmer le jugement,

statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que la société Téfal a exécuté de façon déloyale le contrat de travail,

- dire et juger que la rupture conventionnelle est nulle,

- ordonner en conséquence sa réintégration, avec maintien des avantages acquis,

- condamner la société Téfal à lui payer les sommes suivantes :

* l'ensemble des salaires du jour de la rupture à la date de la réintégration effective sur la base d'un salaire mensuel brut de 7874,36 €,

* 238,75 € au titre des congés payés,

* 3284,71 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés anticipés,

* 815,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés ancienneté acquis,

* 28,65 € au titre du 10 ème de CP ancienneté,

* indemnité compensatrice de congés payés depuis le jour de rupture jusqu'à la date de la réintégration effective,

* 407,70 € au titre de l'indemnité compensatrice CET,

* indemnité compensatrice CET depuis le jour de rupture jusqu'à la date de la réintégration effective,

* 21 000 € au titre des salaires dues sur part variable, 2017, 2018 et 2019

* 2243,81 € au titre des appointements pour novembre 2019 ,

* 130 000 €à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et humiliations,

- condamner la société Téfal à lui remettre l'attestation Pôle Emploi, le certificat de travail rectifiés sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la décision,

- condamner la société Téfal au titre des pénalités d'astreinte pour la non remise des documents demandés :

* 500 € par jour pour les 31 documents demandés, le 3 juin 2020 soit 4 123 000 €,

* 5000 € par jour pour 2 documents demandés le 7 juillet 2020 soit 2 320 000 €,

* 5000 € par jour pour 2 documents demandés le 18 décembre 2020 soit 2 400 000 €,

A titre subsidiaire, en cas de non réintégration,

- dire et juger que la société Téfal a exécuté de façon déloyale le contrat de travail

- condamner sauf à parfaire la société Téfal à lui payer les sommes suivantes :

* 2243,81 € à titre d'appointements pour novembre 2019 ,

* 333,61 € à titre de prime de vrac,

* 5099,39 € au titre du 13 ème mois,

* 238,75 € au titre du 10 ème de CP2,

* 3283,71 € au titre de l'indemnité de congés payés anticipés,

* 407,70 € au titre de l'indemnité compensatrice CET,

* 695,81 € au titre de l'indemnité compensatrice sur RTT

* 21 000 € au titre des salaires dues sur part variable, 2017, 2018 et 2019

* 2243,81 € au titre des appointements pour novembre 2019 ,

*815,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés ancienneté acquis,

* 28,65 € au titre du 10 ème de CP ancienneté,

* 47 246,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3149,74 € de congés payés afférents,

* 23 623,08 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 141 738,48 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 130 000 €à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et humiliations,

- condamner la société Téfal au titre des pénalités d'astreinte pour la non remise des documents demandés :

* 500 € par jour pour les 31 documents demandés, le 3 juin 2020 soit 4 123 000 €,

* 5000 € par jour pour 2 documents demandés le 7 juillet 2020 soit 2 320 000 €,

* 5000 € par jour pour 2 documents demandés le 18 décembre 2020 soit 2 400 000 €,

- condamner la société Téfal à lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine du conseil des prud'hommes avec capitalisation des intérêts,

- condamner la société Téfal aux dépens.

Il soutient en substance que ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail se rattachent à ses prétentions originaires qui portaient sur des dommages et intérêts pour harcèlement moral et un rappel de salaire.

Il a signalé la présence d'acide perfluorooctanioique dans les produits Téfal, qui est un polluant organique dangereux pour la santé et l'environnement.

Cette présence ne respecte pas les normes européennes.

Il est légitime à bénéficier de la protection des lanceurs d'alerte.

Il a subi des représailles depuis son signalement, en particulier un harcèlement moral, des évaluations négatives alors que la qualité de son travail avait toujours été reconnu auparavant.

Ces représailles l'ont contraint à signer une rupture conventionnelle.

Il lui avait été reproché de manière infondée au mois de novembre 2018 de mettre en danger les membres de son équipe, et il a dû accepter une remontrance.

En réalité les pressions sont uniquement issues de son alerte sur la présence des PFOA.

Le licenciement de M. [H] est lié à cette alerte.

Le 8 avril 2019 Tesca Analytics a réalisé un rapport confirmant la présence d'huile silicone dans les revêtements Téfal.

Dans un mail du 9 avril 2019 , il a alerté ses collègues sur la présence d'huile de silicone dans certains produits Téfal.

C'est en raison de cette position que la direction des ressources humaines l'a incité fortement à signer une rupture conventionnelle.

Il a refusé en juillet et août une proposition de rupture conventionnelle.

Il lui était reproché de ne pas jouer le jeu et d'embarrasser la direction.

Il se trouvait dans une situation délicate, car il venait de perdre ses parents, et la direction lui a proposé une rupture à un moment opportun.

Il a été à nouveau convoqué en septembre par la vice présidente du groupe et celle-ci lui a dit que soit il partait, 'soit on te mène la vie dure jusqu'à ce que tu craques et que tu sois débarqué de force'.

Il n'a pas pu résister à cette pression. La lettre a été écrite par la directrice des relations humaines et il a été imposé de signer dans des termes non convenus.

Le projet de développer cocottes minutes en Afrique s'inscrivait dans le cadre de son contrat de travail.

L'employeur l'a incité à accepter la rupture conventionnelle en lui laissant croire que ce projet serait mis en oeuvre.

Il voulait continuer de travailler avec la société Téfal dans le cadre de ce projet et la société lui avait promis un partenariat qu'elle a refusé ensuite.

La société Téfal avait l'intention de se séparer définitivement de lui alors qu'il n'avait aucune intention de quitter la société, mais de travailler avec eux.

La société soutient que la preuve du vice de consentement lui incombe mais l'article L1351-1 du code de la santé publique et l'article 21 de la directive 2019 /1937 inverse la charge de la preuve dans le cadre de la protection des lanceurs d'alerte.

Il appartient à la société de prouver la véracité du consentement dans la rupture conventionnelle, et de prouver l'absence de tout lien de causalité entre les représailles qu'il a subi et le signalement.

Le harcèlement moral qu'il a subi constitue une violence qui l'a poussé à accepter la rupture conventionnelle.

Lorsque la rupture conventionnelle est déclarée nulle, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture du contrat étant intervenue consécutivement à une alerte, il a le droit de demander une réintégration conformément à l'article 12 de la loi Sapin II transposant dans le droit interne la directive 2019 /1937 du parlement européen et du conseil du 23 octobre 2019 .

En cas de réintégration, il a droit aux salaires qu'il aurait dû percevoir du jour de la rupture jusqu'à la date de réintégration effective, outre des indemnités compensatrice de congés payés, de l'indemnité compensatrice de CET.

En l'absence de réintégration, il a droit aux indemnités de rupture prévues par la convention collective et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a subi des insultes à cause de son ancien statut de réfugié politique il a été accusé de falsifié ses diplômes, il a été confrontée à une défiance démesurée et injustifiée, des remarques mesquines et déplacés lui étaient faites. Il n'a jamais été soutenu face aux discriminations subies.

Les nombreuses convocations depuis son alerte démontrent aussi le harcèlement subi.

Concernant la demande d'astreinte, les pièces demandées étaient nécessaires.

Par conclusions notifiées le 30 août 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, la société Téfal demande à la cour de :

A titre liminaire,

- déclarer irrecevables les demandes suivantes :

* 2243,81 € à titre d'appointements pour novembre 2019 ,

* 333,61 ۈ titre de prime de vrac,

* 5099,39 € au titre du 13 ème mois,

* 238,75 € au titre du 10 ème de CP2,

* 3283,71 € au titre de l'indemnité de congés payés anticipés,

* 407,70 € au titre de l'indemnité compensatrice CET,

* 695,81 € au titre de l'indemnité compensatrice sur RTT

* 21 000 € au titre des salaires dues sur part variable, 2017, 2018 et 2019

* 2243,81 € au titre des appointements pour novembre 2019 ,

* 815,40 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés ancienneté acquis,

* 28,65 € au titre du 10 ème de CP ancienneté,

* 3149,74 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 47 246,16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3149,74 € de congés payés afférents,

* 23 623,08 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 141 738,48 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- lui donner acte qu'elle s'oppose à la réintégration,

A titre principal,

- confirmer le jugement,

- débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M.[I] à lui payer une somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

- réduire les demandes,

- partager les dépens.

Elle fait valoir que le demandeur à une instance est lié par sa saisine, et il ne peut formuler en cours d'instance une demande additionnelle que si elle présente un lien suffisant avec la demande originaire.

La plupart des demandes adverses ne sont pas recevables, car elles sont liées à la rupture du contrat de travail alors que les demandes initiales portaient sur l'exécution du contrat de travail.

Il s'agit donc de demandes nouvelles irrecevables.

Au fond, après avoir rappelé les règles sur la rupture conventionnelle, et le statut de lanceur d'alerte, les compétences techniques du salarié n'ont jamais été remis en cause.

Il n'a été averti qu'une fois pour des problèmes de sécurité.

L'avertissement était justifié du fait du non respect de règles de sécurité dans le cadre d'un test.

Le salarié connaissait également des difficultés de communication avec ses collaborateurs.

La hiérarchie n'a eu de cesse que de proposer de l'aider et de l'accompagner afin qu'il surmonte ses difficultés de management.

Après avoir perdu ses parents en juillet 2019 , le salarié est parti au Congo, à son retour il a exprimé le souhait de développer une activité de distribution d'autocuiseurs en Afrique.

Il souhaitait donc partir au Congo et rompre son contrat de travail comme l'établit son mail du 19 juillet 2019 .

Ce projet ne s'inscrivait pas dans un contexte de pressions.

Il était assisté d'un avocat durant toute la procédure de rupture.

Une négociation a eu lieu sur le montant de l'indemnité, le salarié n'a pas fait usage de son droit de rétractation.

Le projet du salarié s'est poursuivi, et la société lui a livré des autocuiseurs.

Il n'y a donc eu aucun vice du consentement.

L'avertissement délivré n'a aucun lien avec l'alerte prétendument effectuée par le salarié.

Les réunions que les services RH ont mis en place étaient justifiées par les difficultés de management du salarié, et aucune pression n'a été exercée.

Sur l'alerte que le salarié invoque, il fait état en premier lieu qu'il aurait alerté en novembre 2018 sur la présence de PFOA, puis fait état d'un mail du 9 avril 2019 sur la présence d'huile silicone.

S'il est exact que la société 3M Dynéon a prévu la société Téfal en septembre 2018 de la présence non intentionnelle de traces de PFOA dans le grade de PFA fourni par cette société, les teneurs mesurées en 2018 étaient quatre fois inférieures au seuil réglementaire.

Elle fait régulièrement des tests par des laboratoires indépendants, qui n'ont pas révélé de traces de PFOA.

Dans un tel contexte, la société Téfal comprend mal les raisons qui l'auraient amené à faire pression sur le salarié.

Le salarié ne fournit aucune preuve sur les menaces dont il fait état.

Le salarié a produit de nouvelles pièces en cause d'appel censées démontrées la présence de PFOA et d'huile de silicone dans les produits Téfal.

Bien que ces accusations n'ont aucun lien avec le présent contentieux, elle constate que les photographies produites montrent qu'il s'agit d'une confrefaçon, et que les produits ne proviennent pas de la société Téfal.

Sur l'huile de silicone, la pièce produite non traduite ne porte pas sur des grades de polydiméthylsiloxanes utilisés en matière alimentaire.

Les accusations adverses sont dénués d'intérêt.

Le salarié ne rapporte pas la preuve d'une alerte. Si le salarié a transmis des informations transmises par un tiers à son employeur, cette transmission ne constitue pas une alerte mais la simple exécution des obligations du salarié. Le salarié n'a rien découvert lui même et ne peut être considéré comme un lanceur d'alerte. Elle a traité et vérifié l'information transmise.

Le statut de lanceur d'alerte suppose que soit commis un crime ou un délit ou une violation grave et manifeste d'un engagement international, de la loi ou du règlement, ou d'une menace grave pour l'intérêt général, condition non remplie en l'espèce.

A titre superfétatoire la demande de réintégration ne peut être accueillie qu'en cas de nullité de la rupture. Si le licenciement est sans cause réelle et séreuse, elle s'oppose à toute réintégration.

Le quantum des créances salariales demandées n'est justifié par aucun décompte.

Le montant des dommages et intérêts est excessif au regard du barème de l'article L 1235-3 du code du travail et le salarié n'établit pas son préjudice.

Sur l'exécution du contrat de travail, le salarié ne verse aucun élément sur le harcèlement moral prétendu.

Concernant le rappel de prime variable, le salarié ne verse aucun décompte et ne s'explique pas sur le fondement de sa demande.

Il ne rapporte pas la preuve de la créance salariale.

Pour sa part elle justifie des sommes qu'a perçu le salarié au titre des bonus versés.

Le salarié n'a jamais contesté ces sommes et ne produit aucun élément de nature à les remettre en cause.

Sur la production de pièces et l'astreinte demandée, les demandes du salarié ont été rejetées en première instance. La demande est disproportionnée et le montant de la liquidation de l'astreinte est excessive.

Le salarié n'établit pas que ces pièces sont nécessaires à la solution du litige.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes au titre de la rupture du contrat de travail, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles ont un lien suffisant avec les prétentions originaires conformément à l'article 70 du code de procédure civile.

Il ressort de la requête initiale saisissant le conseil des prud'hommes que le salarié a formulé une contestation suite à la rupture du contrat de travail, qu'il a indiqué dans le sommaire des motifs que son consentement n'était pas éclairé, et qu'il a subi un harcèlement moral.

Le conseil des prud'hommes était donc bien saisi d'un litige sur la rupture du contrat de travail.

Les demandes additionnelles de nullité de la rupture conventionnelle, de réintégration ou subsidiairement des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont donc recevables comme présentant un lien suffisant avec la demande originaire.

Il convient d'apprécier si la rupture conventionnelle était affecté d'un vice du consentement comme la violence, ou la contrainte.

L'existence d'un conflit, ou d'un harcèlement moral ne vicie pas de facto le consentement d'un salarié lors de la signature d'une rupture conventionnelle. Encore faut-il que le salarié établisse que son consentement n'ait pas été libre et éclairée du fait de pressions, de contraintes, ou de violences.

Le salarié fait état de pressions suite aux signalements qu'il a effectué en interne, lui faisant bénéficier du statut de lanceur d'alerte, il convient de rechercher si des agissements et des décisions sanctionnant le salarié pour avoir lancé des alertes constituent des actes d'harcèlement et peuvent être reprochés à l'employeur.

La loi n° 2016-1524 du 9 décembre 2016 définit le lanceur d'alerte comme suit : Le lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale...de la loi ou du règlement, ou d'une menace ou un préjudice grave pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance'.

Le salarié produit aux débats un mail du 19 septembre 2018 d'un fournisseur relatif à la présence de traces de PFOA et recommande des actions en l'absence desquelles des conséquences en terme de perte de temps, d'énergie et d'argent, de déni technique et de 'fermeture aux démarches de compréhension profond des phénomènes physico-chimiques qui ouvre la porte aux innovations de rupture'.

Il joignait une pièce intitulé 'proposition de révision de la stratégie céramique anti-adhésive'.

Le salarié verse aux débats un mail du 9 avril 2019 adressé à M. [R], et en copie à des collaborateurs exposant 'pour appuyer l'argument de [B] en pj le rapport XPS qui confirme la présence de l'huile de silicone sur les poëles Greepan (dépôt B dans le rapport.). Il ressort que Greepan a plus d'huile silicone que nous. Nous attendons un autre rapport 'Pyrolyse GCMS sur la détection des traces de méthanol et autres solvants touchy dans Greepan (plus délicates à mettre en évidence après traitement thermique à 250 °).

Il s'appuyait sur un rapport de Tescan Analytics mettant en exergue la présence de silicium.

Il résulte de ces éléments que le salarié n'a pas personnellement constaté un crime ou un délit ou un non respect des dispositions légales ou réglementaires.

Il a juste constaté que des tiers avaient relevé la présence de produits pouvant éventuellement mettre en cause la santé des consommateurs et averti sa hiérarchie ainsi que l'impose l'exécution de son contrat de travail.

Le salarié n'est pas fondé à invoquer le statut de lanceur d'alerte.

Enfin à supposer qu'il s'agissait d'une alerte, il n'est pas établi que le salarié ait subi des décisions ou des attitudes de son employeur en raison du signalement d'avril 2019 ou de ses inquiétudes qu'il avait émises en septembre 2018.

En effet, il ne ressort d'aucune pièce que la rupture conventionnelle proposée soit liée aux deux signalements effectués par le salarié.

La suggestion d'une rupture conventionnelle par l'employeur ne constitue pas en soi un agissement d'harcèlement moral. Le salarié a lui même par lettre du 3 septembre 2019 demandé une rupture conventionnelle en expliquant qu'il souhaitait se consacrer à de nouveaux projets professionnels.

A l'appui des pressions qu'il aurait subi le salarié verse plusieurs pièces.

Dans un mail du 26 juillet 2019 adressé à Mme [U] et Mme [L], le salarié n'évoque pas le sujet de la rupture conventionnelle, il livre son avis sur des difficultés de salariées et conteste toute difficulté de management de sa part. Il regrette que l'employeur ait fait allusion à des événements personnels.

Il ressort de l'échange de mails en date des 26 août et 29 août entre le salarié et Mme [L] que l'employeur avait initié une tentative de médiation entre le salarié et l'une de ses collaboratrices, que le salarié dans son mail du 26 août exposait qu'il ne voulait plus participer aux réunions, et qu'il interrogeait sur une nouvelle affectation de la salariée ; Mme [L] répond au salarié qu'il est dommage qu'il refuse d'honorer un rendez-vous et que le processus de médiation ne puisse aller à son terme.

Il ne résulte de ces éléments aucune pression, la hiérarchie du salarié ayant le droit d'avoir un avis différent sur le management et étant elle même dans des mesures adaptées à la situation en ayant enclenchée un processus de médiation.

Cet échange ne porte pas de plus sur la rupture conventionnelle ou sur les pressions que le salarié aurait subi depuis ses signalements.

Le salarié ne fournit aucun élément en alléguant que la direction a voulu profiter à cette époque de la perte de ses parents en proposant une rupture conventionnelle.

Il ne fournit non plus aucun élément sur le rendez-vous du 3 septembre 2019 où Mme [Z] aurait tenu des propos brefs et violents en lui disant 'soit tu t'en vas maintenant, soit on te mène la vie dure jusqu'à ce que tu craques et que tu sois débarqué de force'. Le salarié en dehors de son affirmation n'amène aucun élément susceptible d'accréditer de tels propos.

Dans son mail du 7 novembre 2019 adressé à Mme [Z], le salarié évoque son projet de développement en Afrique et Mme [Z] lui répond le même jour qu'elle aurait préféré le voir avant son départ mais 'que l'agenda en a décidé autrement', elle souligne le plaisir qu'elle a eu de travailler avec lui, et qu'elle 'a eu à travailler avec une personnalité certes complexe mais tellement riche d'expérience, de diversité et de culture. Je te remercie de ce que tu m'a apporté à la fois en tant que manager car ton profil atypique m'a amenée à réfléchir et à activer des leviers managériaux différents et nouveaux et aussi en tant qu'homme avec ce parcours incroyable qui ne peut que faire réfléchir à son propre parcours et à développer l'humanité.'.

Le mail de Mme [Z] postérieure à la signature de la rupture conventionnelle ne contient aucun propos désobligeant, celle-ci tout en soulignant la personnalité du salarié mettant en exergue les aspects positifs de la collaboration de travail ayant existé entre eux.

Si le mail du 19 juillet 2019 du salarié n'établit pas clairement que ce dernier voulait construire son projet en dehors de son contrat de travail, rien n'obligeait l'employeur à accepter une telle exécution du contrat de travail impliquant un départ du salarié au Congo.

La demande de rupture conventionnelle formulée dans la lettre du salarié du 3 septembre 2019 reposait clairement sur la volonté du salarié de développer de nouveaux projets professionnels.

Aucune pièce n'établit que la société Téfal envisageait un maintien du contrat de travail dans le cadre du projet du salarié ; il était discuté d'un partenariat n'impliquant pas nécessairement l'existence d'un contrat de travail.

Le salarié ne verse aucun élément établissant qu'il ait subi des pressions lors les rendez-vous de négociation de la rupture conventionnelle. Il a été reçu à deux reprises par l'employeur dans le cadre de la procédure de rupture. Il n'a formulé après la signature de la convention aucune volonté de rétractation, cette faculté permettant au salarié de revenir sur son acceptation après un délai de réflexion.

Enfin, l'employeur a décerné au salarié un avertissement le 12 décembre 2018 pour ne pas avoir respecté des mesures de sécurité suffisantes lors d'un test de cuisson. Le salarié dans un mail du 7 décembre 2018 adressé à Mme [L] convenait que des mesures de précaution supplémentaires auraient dues être prises. Il en résulte que cet incident n'était pas lié aux signalements du salarié et à la rupture conventionnelle.

Cet avertissement était justifié et ne peut constituer un agissement d'harcèlement moral, l'employeur ayant exercé normalement son pouvoir disciplinaire.

Le salarié ne produit aucun élément sur des faits de discrimination ou d'attitudes méprisantes liés à son origine.

Si le salarié a été victime d'une rumeur infondée (il ne serait pas rendu sur un lieu de mission et 'se l'ai coulé douce'), il s'agit d'un fait isolé et l'employeur n'était pas responsable de cette rumeur, il a réagi en diffusant un message le 4 décembre 2017 aux salariés en exposant que la rumeur mettant en cause la probité d'un salarié était complètement infondée.

Le salarié ne présente donc pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail.

Il n'établit pas plus que dans le cadre de ce harcèlement prétendu des pressions auraient été exercées par l'employeur viciant son consentement lors de la conclusion de la rupture conventionnelle.

Il résulte dès lors de tous les éléments exposés ci-avant que :

- l'employeur a exécuté loyalement le contrat de travail,

- aucun agissement d'harcèlement moral n'est établi,

- aucun acte de pression ou de contrainte n'est établi lors de la procédure de rupture conventionnelle.

Les demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral, de réintégration, et à titre subsidiaire d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont donc pas justifiées et le jugement sera confirmé.

Le salarié réclame en plus des sommes au titre des congés payés, de l'indemnité compensatrice de congés payés anticipés, de l'indemnité compensatrice de congés ancienneté acquis, du 10 ème de CP ancienneté et de l'indemnité compensatrice CET.

Ces sommes figurent sur le solde de tout compte et sur le bulletin de paie de novembre 2019 .

Les demandes de ce chef seront rejetées.

Il ne sera pas fait droit à la somme de 2243,81 € au titre des appointements pour novembre 2019 , le contrat étant rompu définitivement à la date du 12 novembre 2019 et le salarié ayant perçu une somme de 2511,21 € pour la période du 1er novembre au 12 novembre 2019 comme il ressort de l'attestation Pôle emploi.

Sur la demande de rappel de primes, il appartient au salarié d'établir le principe et le montant de sa créance conformément à l'article 1353 du code civil (ancien article 1315).

Le salarié dans ses conclusions ne développe en cause d'appel aucun argument et ne cite aucune pièce à l'appui de sa prétention.

L'employeur justifie que le salarié percevait des bonus chaque année d'un montant appréciable qu'il n'a jamais contesté. Le bonus de 2019 d'un montant de 8952 € est proche de celui de l'année 2018 de 8358 € alors que le salarié a quitté l'entreprise en cours d'année.

Le jugement rejetant cette demande sera confirmé.

Sur la demande de liquidation d'astreinte, aucune décision judiciaire n'a ordonné la communication des pièces demandées et fixé une astreinte. La demande de liquidation est dès lors sans objet et sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement en date du 5 mai 2021 par le conseil de prud'hommes d'Annecy ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE M. [M] [I] [O] de sa demande de liquidation d'astreinte ;

CONDAMNE M. [M] [I] [O] aux dépens d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Téfal de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.