CA Paris, ch. 5 et 3, 5 mai 2010, n° 99/17246
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Saint- Amand Service (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gaboriau
Conseillers :
Mme Imbaud-Content, Mme Degrelle-Croissant
Avoués :
Me Pamart, Me Bettinger
Avocats :
Me Ogel, Me Blatter
Exposé des faits
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement en date du 25 juin 1999, rendu par le tribunal de grande instance de Paris, qui a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
• validé le congé délivré par les consorts P. à la société SAINT AMAND SERVICE pour le 31 décembre 1996 concernant les locaux donnés à bail sis à 75015 Paris, 4 rue Jean Daudin à la charge de l'ensemble des consorts P. défendeurs, • dit qu'il a ouvert au profit de la société SAINT AMAND SERVICE le bénéfice d'une indemnité d'éviction, • constaté qu'un accord définitif est intervenu entre les consorts P. représentés par la société A.G.I.R. et la société SAINT AMAND SERVICE sur le montant de l'indemnité d'éviction pour la voir fixer à 11 500 000 francs, payable à hauteur de 4 500 000 francs en mars 1999 et à hauteur de 7 000 000 francs en avril 2000 sans intérêt pour cette dernière somme, • condamné les consorts P. à payer à la société SAINT AMAND SERVICE, la somme de 11 500 000 francs à titre d'indemnité d'éviction avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1998, • condamné la société A.G.I.R. à garantir les consorts P. du paiement de la somme de 4 500 000 francs. • débouté les consorts P. de leurs demandes de dommages et intérêts formée à l'encontre de la société AGIR, condamné les consorts P. à payer outre les dépens, à chacune des sociétés SAINT AMAND et AGIR la somme de 20 000 Francs en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l appel relevé par les Consorts P. à l encontre de ce jugement,
Vu l'arrêt du 7 janvier 2000, rendu par cette cour, qui a
- confirmé le jugement du 25 juin 1999 en ce qu'il a validé le congé à effet du 31 décembre 1996 et dit qu'il ouvrait droit au profit de la société SAINT AMAND SERVICE au bénéfice d'une indemnité d'éviction,
- réformé le jugement pour le surplus, et y ajoutant :
- donné acte aux consorts P. bénéficiaires de l'acte de licitation du 18 septembre 1998 de ce qu'ils s'engagent à relever et garantir de toute condamnation les consorts P. vendeurs de leurs droits dans cet acte,
- dit que les consorts P. bénéficiaires de l'acte de licitation du 18 septembre 1998 sont tenus de garantir de toute condamnation Melle Denise P., majeure placée sous le régime de l'administration légale sous contrôle judiciaire,
- dit qu'en l'état de la non réalisation de la vente, l'accord des consorts P. sur une indemnité conventionnelle de 11 500 000 francs au profit de la société SAINT AMAND SERVICE n'est pas établi,
- rejeté les demandes tendant à faire juger que la société A.G.I.R. est personnellement tenue au paiement à la société SAINT AMAND SERVICE de la somme de 11 500 000 francs,
- dit que les consorts P. sont tenus du paiement d'une indemnité d'éviction telle qu'elle sera judiciairement fixée,
- avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction,
- ordonné une mesure d'expertise confiée à madame Claude M. avec la mission habituelle en pareille matière,
- condamné solidairement les consorts P. à payer à la société SAINT AMAND SERVICE une provision de 10 000 000 francs à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction à charge pour la société SAINT AMAND SERVICE de fournir caution à hauteur de 3 000 000 francs,
- sursis à statuer sur le montant définitif de l'indemnité d'éviction en l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
-condamné solidiairement les consorts P. à payer à la société SAINT AMAND SERVICE la somme de 145 000 francs au titre du remboursement du dépôt de garantie, outre avec intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 1999,
- rejeté les demandes des consorts P. tendant à être relevés et garantis de toute condamnation par la société AGIR ainsi que les demandes de dommages et intérêts formées contre cette société et la société SAINT AMAND SERVICE,
- condamné les consorts P. à payer à chacune des sociétés SAINT AMAND SERVICE et AGIR une somme de 50 000 francs en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné solidiarment les consorts P. aux dépens de première instance et d'appel exposés à ce jour.
Ainsi la société AGIR est définitivement hors de cause.
L'expert, madame Claude M., a déposé son rapport le 9 octobre 2001 concluant dans les termes suivants :
« En réponse à la question qui nous a été posée, nous avons l'honneur d'indiquer à madame le président que nous estimons l'indemnité d'éviction susceptible d'être allouée à la société SAINT AMAND SERVICE, en réparation du préjudice causé par le refus du renouvellement du bail dont elle était titulaire à Paris, 75015 4, rue Jean Daudin, à la somme de 16 480 000 francs, 2 513 884 euros ».
Vu l'arrêt de cette cour du 10 janvier 2003, ayant
« avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction,
dit que l'indemnité d'éviction consiste en la perte du fonds de commerce résultant du non renouvellement du contrat de concession FIAT sur Paris ».
et ordonné un complément d'expertise confié à madame Claude M. - remplacé le 17 mai 2005, par madame Françoise M. avec mission de :
- se faire communiquer tous documents comptables et pièces utiles permettant de cibler l'activité commerciale de la concession FIAT sur le site parisien, ainsi que le protocole transactionnel conclu le 2 mai 1999 entre la société FIAT et les sociétés SAINT AMAND AUTOMOBILES et SAINT AMAND SERVICE, les courriers de FIAT des 8 août 2000 et 9 janvier 2002,
- fournir à la cour toutes informations utiles sur les circonstances et conditions dans lesquelles le bail des locaux situés 31 rue Saint Amand (75015 Paris) a été conclu et résilié, recueillir tous documents
utiles à cet égard,
- visiter les lieux, les décrire, dresser la liste du personnel employé par le locataire qui a dû éventuellement être licencié le 27 janvier 1999, date du départ des lieux loués et, en ce cas, préciser le montant des indemnités de licenciement versées et ce en prenant en compte les termes du protocole transactionnel,
- rechercher en tenant compte de la nature des activités professionnelles autorisées par le bail, de la situation et de l'état des locaux, tous éléments permettant de déterminer l'indemnité d'éviction consistant en la perte du fonds de commerce engendrée par le non renouvellement de la concession FIAT sur Paris, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, des frais et droits et mutation afférents à la cession d'un fonds d'importance identique, de la réparation du trouble commercial.
Vu le rapport d expertise daté le 6 février 2009,
Vu les dernières conclusions :
des appelants, déposées au greffe de la Cour, le 16 novembre 2009 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles les consorts P. poursuivant la réformation de la décision entreprise prient la cour de :
Donner acte aux concluants :
• du décès le 19 novembre 2004 de Madame Monique Marie Yvonne Pierrette R. épouse R., née le 3 février 1928 à MEAUX, de nationalité française, retraitée, domiciliée de son vivant ... (77), • du décès le 15 octobre 2006 de Madame Elisabeth Madeleine P. veuve de Monsieur Lucien P., née le 31 décembre 1913 à OISSERY, domiciliée de son vivant ... (78), • du décès le 9 novembre 2004 de Mademoiselle Denise Adèle Marie P., née le 14 mai 1909 à MEAUX, de nationalité française, domiciliée de son vivant Maison des S'urs Augustines, ... (77). • Donner acte à Monsieur Christian R., à Madame Hélène R. et à Monsieur Philippe R. de leur intervention et de leur reprise d'instance comme venant aux droits de Madame Monique Marie Yvonne Pierrette R. épouse R., décédée le 19 novembre 2004. • Donner acte à Madame Anne-Marie R. épouse B. de sa reprise d'instance comme venant aux droits de Mademoiselle Denise Adèle Marie P., décédée le 9 novembre 2004, étant précisé qu'elle était déjà présente à titre personnel. • Donner acte à Monsieur Dominique Robert Henri P., à Monsieur Alain Lucien Bernard P., à Madame Edith Elisabeth Anne-Marie P. épouse D. et à Madame Colette Madeleine Yvonne P. épouse R., déjà présents à titre personnel, de leur reprise d'instance comme venant aux droits de Madame Elisabeth Madeleine P. veuve de Monsieur Lucien P., décédée le 15 octobre 2006, et également aux droits de Mademoiselle Denise Adèle Marie P., décédée le 9 novembre 2004. • Donner acte à Monsieur Jean Yves Robert P., à Monsieur Michel Emile Henri P., à Madame Odile R. épouse D. et à Monsieur Yves Robert Lucien P., tous quatre déjà présents à titre personnel, de leur reprise d'instance comme venant aux droits de Mademoiselle Denise Adèle Marie P., décédée le 9 novembre 2004.
Vu le paiement par les Consorts P. au profit de la Société SAINT-AMAND SERVICE de la somme de 1.524.490 € à titre de provision à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction,
Vu le paiement par la Société SAINT-AMAND SERVICE au profit des Consorts P. de la somme de 152.449 € à titre de provision à valoir sur le montant de l'indemnité d'occupation due pour la période du 1er janvier 1997 au 27 janvier 1999,
Vu la créance des Consorts P. de 113.573 € T.T.C. au titre du solde de l'indemnité d'occupation due par SAINT-AMAND SERVICE,
Vu l'absence d'incidence du congé avec refus de renouvellement de bail délivré par les Consorts P. à la Société SAINT-AMAND SERVICE sur les concessions automobiles de PARIS et d'ANTONY,
Vu la reconversion par la Société SAINT-AMAND AUTOMOBILES de ses activités antérieurement à la délivrance du congé avec refus de renouvellement de bail par les Consorts P.,
Vu le transfert par la Société SAINT-AMAND AUTOMOBILES de ses activités,
Vu le caractère monovalent des locaux sis à PARIS 15ème, 2-4 rue Jean Daudin,
Vu l'absence de preuve du caractère accessoire des locaux sis ...,
A titre principal,
• Voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle peut prétendre la Société SAINT-AMAND SERVICE au regard d'une activité transférée et/ou de la perte du droit au bail. • Dire et juger que le montant du loyer du bail aurait été déplafonné dans l'hypothèse d'un renouvellement du bail. • Dire et juger que les locaux sis ... ne peuvent donner lieu à aucune indemnité complémentaire. • Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par les Consorts P. à la Société SAINT-AMAND SERVICE à la somme de 81.759 € , suivant l'hypothèse 1.1 visée dans le corps des présentes. • Vu les règles de compensation légale, Condamner la Société SAINT-AMAND SERVICE à payer aux Consorts P. la somme de 1.556.304 € avec intérêts de droit à compter du 24 juillet 2000.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour estimait que le montant du loyer aurait été plafonné en cas de renouvellement et/ou que le bail des locaux sis ... donnerait lieu à une indemnité complémentaire.
• Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par les Consorts P. à la Société SAINT-AMAND SERVICE dans les termes ci-après : • 237.758 € suivant l'hypothèse 1.2 visée dans le corps des présentes, • 648.024 € suivant l'hypothèse 2.1 visée dans le corps des présentes, • 803.523 € suivant l'hypothèse 2.2 visée dans le corps des présentes. • Vu les règles de compensation légale, Condamner la Société SAINT-AMAND SERVICE à payer aux Consorts P. ci-avant dénoncés, la somme de : • 1.400.305 € suivant l'hypothèse 1.2 visée dans le corps des présentes, • 990.039 € suivant l'hypothèse 2.1 visée dans le corps des présentes, • 834.540 € suivant l'hypothèse 2.2 visée dans le corps des présentes.
Dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du 24 juillet 2000.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour estimait que le congé avec refus de renouvellement de
bail délivré par les Consorts P. serait à l'origine de la perte par la Société SAINT-AMAND SERVICE du contrat de concession automobile FIAT sur PARIS.
• Dire et juger que le montant de l'indemnité d'éviction à laquelle peut prétendre la Société SAINT-AMAND SERVICE doit être déterminé au regard d'une perte partielle de fonds de commerce. • Dire et juger que la Société SAINT-AMAND SERVICE ne justifie pas des éléments permettant de déterminer son préjudice. • Débouter la Société SAINT-AMAND SERVICE de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction. • Vu les règles de compensation légale, condamner la Société SAINT-AMAND SERVICE à payer aux Consorts P. la somme de 1.638.063 € avec intérêts de droit à compter du 24 juillet 2000.
Subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour considérait que la Société SAINT-AMAND SERVICE serait fondée à prétendre à tout ou partie des indemnités accessoires,
• Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par les Consorts P. à la Société SAINT-AMAND SERVICE dans les termes ci-après : • 1.500 € suivant l'hypothèse 3.2 visée dans le corps des présentes, • 29.911 € suivant l'hypothèse 3.3 visée dans le corps des présentes, • 31.411 € suivant l'hypothèse 3.4 visée dans le corps des présentes, • 155.499 € suivant l'hypothèse 3.5 visée dans le corps des présentes, • 156.999 € suivant l'hypothèse 3.6 visée dans le corps des présentes, • 185.410 € suivant l'hypothèse 3.7 visée dans le corps des présentes, • 186.910 € suivant l'hypothèse 3.8 visée dans le corps des présentes.
• Vu les règles de compensation légale, condamner la Société SAINT-AMAND SERVICE à payer aux Consorts P. la somme de : • 1.636.563 € suivant l'hypothèse 3.2 visée dans le corps des présentes, • 1.608.152 € suivant l'hypothèse 3.3 visée dans le corps des présentes, • 1.606.652 € suivant l'hypothèse 3.4 visée dans le corps des présentes, • 1.482.564 € suivant l'hypothèse 3.5 visée dans le corps des présentes, • 1.481.064 € suivant l'hypothèse 3.6 visée dans le corps des présentes, • 1.452.653 € suivant l'hypothèse 3.7 visée dans le corps des présentes, • 1.451.153 € suivant l'hypothèse 3.8 visée dans le corps des présentes.
Dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du 24 juillet 2000.
Infiniment subsidiairement, dans l'hypothèse où la Cour s'estimerait suffisamment et valablement informée pour déterminer le montant de l'indemnité principale d'éviction,
• Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par les Consorts P. à la Société SAINT-AMAND SERVICE dans les termes ci-après : • 140.046 € suivant l'hypothèse 4.1 visée dans le corps des présentes, • 141.546 € suivant l'hypothèse 4.2 visée dans le corps des présentes, • 169.957 € suivant l'hypothèse 4.3 visée dans le corps des présentes, • 171.457 € suivant l'hypothèse 4.4 visée dans le corps des présentes, • 295.545 € suivant l'hypothèse 4.5 visée dans le corps des présentes, • 297.045 € suivant l'hypothèse 4.6 visée dans le corps des présentes, • 325.456 € suivant l'hypothèse 4.7 visée dans le corps des présentes, • 326.956 € suivant l'hypothèse 4.8 visée dans le corps des présentes, • 154.256 € suivant l'hypothèse 5.1 visée dans le corps des présentes, • 155.756 € suivant l'hypothèse 5.2 visée dans le corps des présentes, • 184.167 € suivant l'hypothèse 5.3 visée dans le corps des présentes, • 185.667 € suivant l'hypothèse 5.4 visée dans le corps des présentes, • 309.755 € suivant l'hypothèse 5.5 visée dans le corps des présentes, • 311.255 € suivant l'hypothèse 5.6 visée dans le corps des présentes, • 339.666 € suivant l'hypothèse 5.7 visée dans le corps des présentes, • 341.166 € suivant l'hypothèse 5.8 visée dans le corps des présentes.
• Vu les règles de compensation légale, condamner la Société SAINT-AMAND SERVICE à payer aux Consorts P. la somme de : • 1.498.017 € suivant l'hypothèse 4.1 visée dans le corps des présentes, • 1.496.517 € suivant l'hypothèse 4.2 visée dans le corps des présentes, • 1.468.106 € suivant l'hypothèse 4.3 visée dans le corps des présentes, • 1.466.606 € suivant l'hypothèse 4.4 visée dans le corps des présentes, • 1.342.518 € suivant l'hypothèse 4.5 visée dans le corps des présentes, • 1.341.018 € suivant l'hypothèse 4.6 visée dans le corps des présentes, • 1.312.607 € suivant l'hypothèse 4.7 visée dans le corps des présentes, • 1.311.107 € suivant l'hypothèse 4.8 visée dans le corps des présentes, • 1.468.807 € suivant l'hypothèse 5.1 visée dans le corps des présentes, • 1.482.307 € suivant l'hypothèse 5.2 visée dans le corps des présentes, • 1.453.896 € suivant l'hypothèse 5.3 visée dans le corps des présentes, • 1.452.396 € suivant l'hypothèse 5.4 visée dans le corps des présentes, • 1.328.308 € suivant l'hypothèse 5.5 visée dans le corps des présentes, • 1.326.808 € suivant l'hypothèse 5.6 visée dans le corps des présentes, • 1.298.397 € suivant l'hypothèse 5.7 visée dans le corps des présentes, • 1.296.897 € suivant l'hypothèse 5.8 visée dans le corps des présentes.
Dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du 24 juillet 2000.
sollicitant, en outre, l'allocation d'une somme de 20 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
de l intimée, déposées au greffe de la Cour, le 17 novembre 2009, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé, au terme desquelles la Société SAINT AMAND SERVICE, concluant au rejet de toutes les prétentions adverses, prie la Cour de :
• Condamner les consorts P. à payer la somme de 3 875 900 euros à la société SAINT AMAND SERVICES en deniers ou quittances à titre d'indemnité d'éviction, • Dire que cette somme portera intérêts à compter de la date d'effet du congé le 31 décembre 1996, subsidiairement à compter du 27 janvier 1999, date de la libération des lieux et que les intérêts dus pour plus d'une année entière seront capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil,
sollicitant, en outre, l'allocation d'une somme de 100 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Motifs
#1 MOTIFS DE LA DÉCISION
Le cadre juridique
Article L145-14 du code de commerce
Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
LES FAITS
La concession FIAT
Depuis le 1er juillet 1969, existait un contrat de société en participation entre la société SAINT AMAND AUTOMOBILES et, notamment, la société SAINT AMAND SERVICE, leurs activités étant celles d'achat et vente d'automobiles neuves et de garage, réparation, achat et vente de véhicules d'occasion.
#2 Par contrat du 31décembre 1985, la société FIAT AUTO FRANCE avait, à compter du 1er janvier 1986 et pour une durée indéterminée -étant précisé que chacune des parties pouvait mettre fin au contrat sans indemnité moyennant un préavis de douze mois- confié à la société SAINT AMAND AUTOMOBILES, la mission de développer d'une part, dans les 14ème et 15ème arrondissements de Paris, et, d'autre part, à Antony (92), la vente de la gamme des modèles de véhicules neufs de marque FIAT ainsi que les pièces de rechange d'origine.
#3 Alors que par acte sous seing privé du 18 décembre 1991, la répartition des bénéfices et des pertes avait été fixée par moitié entre les sociétés SAINT-AMAND AUTOMOBILES et SAINT-AMAND SERVICE, l'exploitation globale de la concession était comptabilisée dans les écritures de la première, comme gérante de la société en participation, laquelle reversait ensuite à la seconde la moitié de son résultat global.
Concrètement, alors que c'était la société SAINT-AMAND SERVICE qui réalisait la concession pour l'espace parisien, la commercialisation des véhicules était assurée dans des locaux situés 31 rue Saint Amand (75015 Paris), propriété d'une société apparentée aux deux sociétés et le service après-vente, dans des locaux situés 2-4 rue Jean Daudin 75015 Paris appartenant aux consorts P..
Le 27 septembre 1995, le contrat de concession automobile, dont était titulaire la société SAINT AMAND AUTOMOBILES, était résilié à effet du 27 septembre 1996, à l'initiative de la société FIAT qui voulait remplacer les contrats en cours par de nouveaux contrats conformes à la nouvelle directive européenne.
En fait, le contrat sur Paris n'a pas été renouvelé tandis que celui relatif à Antony était reconduit pour une durée indéterminée à compter du 1er octobre 1996 mais faisait l'objet d'une résiliation ultérieure du 26 février 1998 à effet du 1er avril 1999.
#4 Le bail de la rue Jean D. (75015)
Par acte du 8 février 1988, les consorts P. avaient renouvelé au profit de la société SAINT AMAND SERVICE un bail portant sur ces locaux à usage commercial pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1988, à l'effet d'exploiter dans les lieux un garage automobile, réparations (mécanique, tôlerie, peinture, électricité), achat, vente ainsi que toutes activités annexes se rattachant au commerce de l'automobile.
Par acte du 28 juin 1996, les consorts P. avaient délivré à la société SAINT AMAND SERVICE un congé avec refus de renouvellement et offre d'indemnité d'éviction pour le 31 décembre 1996.
En définitive, la société SAINT AMAND SERVICE a quitté les locaux de la rue Jean D. le 27 janvier 1999, l'exploitation ayant été poursuivie au-delà du 28 septembre 1996 sans la jouissance de
la concession FIAT. À son départ des locaux, la société SAINT-AMAND SERVICE s'est installée à VILLEBON SUR YVETTE (91 120). Elle avait, par ailleurs, déjà quitté le site de la rue Saint Amand depuis le 30 octobre 1998.
C'est le montant de l'indemnité d'éviction qui est en jeu dans la présente instance.
***
Sur l'indemnité d'occupation,
#5 En exécution de l'arrêt du 7 janvier 2000, les Consorts P. et la société SAINT-AMAND SERVICE ont signé, le 24 juillet 2000, un protocole transactionnel aux termes duquel les Consorts P. ont versé, la somme de 10.000.000 F soit 1 524 490,2 € à la société SAINT-AMAND SERVICE, à valoir sur le montant de l'indemnité d'éviction lui revenant tandis que cette dernière versait aux bailleurs la somme de 1000 000F soit 152 449 € (et non 1.524.490 € comme indiqué dans les motifs des conclusions des consorts P. ) à titre de provision à valoir sur le montant de l'indemnité d'occupation due au titre de la période ayant couru du 1er janvier 1997 au 27 janvier 1999.
Sur demande des consorts P. et après expertise confiée à Monsieur R. par un premier jugement du 24 septembre 1999 du Tribunal de Grande Instance de PARIS, cette juridiction a par décision du 11 décembre 2001, fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme annuelle en principal de 167.694 € telle que proposé par l'expert et, compte tenu des loyers et charges d'ores et déjà acquittés, la créance des Consorts P., au titre de l'indemnité d'occupation due par la société SAINT-AMAND SERVICE à la somme de 744 995 F soit 113.573 € toutes taxes comprises, la Société SAINT AMAND SERVICE étant redevable, selon ce jugement de la somme de 580 379F soit 88 478,21 € sur ce fondement compte tenu de sa créance liée à la restitution du dépôt de garantie fixée par cette décision à 164 616F soit 25 095 € .
Discussion
SUR L'INDEMNITÉ D'ÉVICTION
Indemnité principale
L'indemnité d'éviction doit être égale au préjudice causé pour défaut de renouvellement
et elle doit être évaluée à la date la plus proche possible du départ du locataire soit en l'espèce le 27 janvier 1999.
#6 La valeur du fonds de commerce, visée à la disposition législative précitée, est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse. Si la valeur marchande du fonds est plus forte que celle du droit au bail, c'est la première qui est retenue et inversement dans l'hypothèse contraire.
observation liminaire sur l'incidence du protocole intervenu avec la société FIAT AUTO FRANCE
La cour avait invité l'expert à se faire communiquer le protocole transactionnel conclu le 12 mai 1999 entre la société FIAT AUTO FRANCE et le groupe de sociétés SAINT AMAND.
L'expert, ayant analysé ce protocole conclut que :
« L'indemnité de rupture versée par FIAT FRANCE à la société SAINT AMAND AUTOMOBILE n'est pas explicitement corrélée dans le protocole transactionnel à des coûts de maintien ou de licenciement du personnel ».
L'exposé des motifs du protocole est le suivant :
« le 27 septembre 1997 FIAT et INTERMAP ont reçu signification de la part de SAINT AMAND AUTOMOBILES d'une assignation à bref délai devant le tribunal de commerce de Paris portant demande à titre de dommages et intérêts d'une part de 17 766 000 francs pour des préjudices subis au cours de l'exécution du contrat de 1993 au 28 septembre 1996, d'autre part de 16 500 000 francs, sauf à parfaire si FIAT ne propose pas à SAINT AMAND AUTOMOBILES, à bref délai, une solution respectant les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail pour le personnel d'ANTONY .
- Monsieur Jean-Pierre D. a de son côté indiqué qu'il considérait les résiliations des contrats de SAINT AMAND AUTOMOBILES injustifiées et qu'il s'estimait concerné et personnellement atteint par l'attitude de FIAT ; il a précisé qu'après 35 années consacrées au développement de la marque FIAT, l'instance engagée lui faisait perdre la considération des autres concessionnaires et plus généralement lui fermait toutes possibilités de traiter avec un autre concédant ; il a donc fait part de son intention d'intervenir à titre personnel dans la procédure initiée par SAINT AMAND AUTOMOBILES afin de solliciter la réparation de son préjudice moral et de la perte de revenus qu'il éprouvait ».
Il ne concerne pas les conséquences de la perte du fonds de commerce consécutive au congé avec refus de renouvellement des bailleurs puisqu'il a pour objet de réparer de manière forfaitaire : les préjudices subis au cours de l'exécution du contrat de 1993 au 28 septembre 1996, le préjudice subi au titre du personnel d'ANTONY, le préjudice personnel subi par monsieur Jean-Pierre D. tant sur le plan moral que sur le plan économique.
#7 C'est donc à juste titre que l'expert n'a pas tenu compte de ces indemnités pour ses propositions d'évaluation de l'indemnité d'éviction devant revenir à la société locataire, et tout particulièrement en ce qui concerne les indemnités de licenciement.
Sur la perte du fonds de commerce
#8 Sur le lien entre l'indemnité d'éviction et le non renouvellement de la concession FIAT sur Paris
Les consorts P. en s'appuyant sur le passage suivant du dispositif de l'arrêt du 10 janvier 2003,
« Avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction ».
estiment que la cour n'a pas définitivement jugé l'inclusion dans l'indemnité d'éviction de l'impact du non renouvellement de la concession FIAT sur Paris.
Or cet arrêt a, pour les différents motifs explicités aux motifs et rappelés pour partie ci-après, « dit que l'indemnité d'éviction consiste en la perte du fonds de commerce résultant du non renouvellement du contrat de concession FIAT sur Paris ».
La Cour a, en effet, considéré notamment que :
si le congé comportant refus de renouvellement du bail des locaux situés 4 rue Jean Daudin à Paris 15ème loués à SAINT AMAND SERVICES et offre de paiement d'une indemnité d'éviction, n'est pas la cause de la perte de la concession d'Antony, qui par ailleurs a été reprise dans le cadre du protocole transactionnel conclu avec la société FIAT, force est de constater qu'il existe un lien de causalité entre ce congé et le non renouvellement de la concession FIAT sur Paris ;
#9 par suite l'indemnité d'éviction recouvre la perte du fonds de commerce engendré par le non renouvellement du contrat de concession FIAT sur Paris, sans que ne soit retenue la thèse des
consorts P. selon laquelle la société SAINT AMAND SERVICE ayant reconverti ses activités en faisant de la vente de pièces détachées de différentes marques automobile et transféré ses activités à VILLEBON SUR YVETTE deux années après la délivrance du congé, l'indemnité d'éviction devrait être déterminée sur la base d'une indemnité de transfert ou indemnité de droit au bail et ce dès lors qu'il est avéré que la société AGIR, mandataire des consorts P., a tenté en vain de trouver des locaux de remplacement dans le 15ème arrondissement, voire le 14ème arrondissement, et le chiffre d'affaires de la société SAINT AMAND SERVICE FRANCE a chuté depuis son installation dans l'Essonne ;".
C'est parce que les conclusions de Madame Claude M., Expert, avaient pris en considération non seulement la perte de la concession de PARIS, mais également celle d'ANTONY, que la Cour a sollicité un complément d'expertise "pour déterminer l'indemnité d'éviction résultant de la perte du fonds de commerce, engendrée par la résiliation de la concession FIAT sur PARIS, exploité dans les lieux situés 4 rue Jean Daudin et ce, à la date la plus proche de l'éviction au 27 janvier 1999".
#10 L'expression avant dire droit était attachée uniquement au montant de l'indemnité d'éviction, qui restait non déterminé mais à calculer à partir de la perte du fonds de commerce, engendrée par la résiliation de la concession FIAT sur PARIS.
#11 Sur l'évaluation de la perte du fonds de commerce, engendrée par la résiliation de la concession FIAT sur PARIS
L'évaluation expertale s'est faite à partir de la dépréciation globale du fonds de commerce entre les années 1996 et 1998 à une somme de 570 000 € , l'expert retenant une perte de 32 % du chiffre d'affaires calculé toutes branches confondues et toutes exploitations confondues (PARIS et ANTONY).
La Société SAINT AMAND SERVICE ne saurait reprocher à l'expert cette méthode qui seule pouvait être adoptée dans la mesure où il fut impossible, du fait même de la société SAINT-AMAND SERVICE, d'autonomiser la comptabilité de l'exploitation du site Parisien.
En effet, il n'existait pas de données chiffrées analytiques isolant les exploitations des sites de PARIS d'une part et d'ANTONY d'autre part car la locataire ne les a pas produites et ne les a pas non plus reconstituer (ce que l'expert n'a pas fait car, selon elle, trop hasardeux , la Société SAINT AMAND SERVICE ne l'ayant au reste pas sollicitée en ce sens).
#12 On ne peut tirer de conséquences défavorables pour le locataire évincé de cette situation comptable dans la mesure où il n'est invoqué aucun manquement à une obligation légale et où le mode de répartition des résultats entre les deux sociétés SAINT-AMAND SERVICE et SAINT-AMAND AUTOMOBILES, réunies dans la société en participation précitée, ne l'imposait pas . Cependant, en présence de cette situation comptable, la méthode d'évaluation précitée est totalement acceptable.
Elle est fondée sur une estimation par perte de chiffre d'affaires en ventilant les recettes globales par nature et ce, en se référant aux comptes de résultat de la société SAINT-AMAND AUTOMOBILES, exploitant le fonds de commerce comme titulaire de la concession et, par ailleurs, gérante de la société en participation. L'expert s'est appuyée, à cet égard, sur les chiffres fournis par Monsieur Raymond T., Expert C. de la société SAINT-AMAND SERVICE que rien ne permet d'écarter, aucun élément ne venant les démentir.
Les consorts P. qui critiquent certains points de cette évaluation dans leurs conclusions retenant subsidiairement la perte partielle du fonds de commerce, ne parviennent pas à un chiffre tellement différent de celui de l'expert puisqu'ils proposent une évaluation de 505 000 € et subsidiairement de 554 000 € .
#13 Doit être retenu le travail de l'expert minutieux et sérieux, sans s'arrêter à la critique de la société SAINT AMAND SERVICE qui, de fait, revendique la prise en compte de l'ensemble du fonds de commerce c'est à dire l'exploitation non seulement du site de Paris mais aussi de celui d'ANTONY, alors que la perte de la concession FIAT relative à cette ville a été écartée par l'arrêt du 10 janvier 2003.
La Société SAINT AMAND SERVICE demande, en effet, à la cour, de retenir comme valeur du fonds de commerce la somme de 1 781 250 euros, en faisant le raisonnement suivant :
« L'expert a considéré que cette perte de 32 % du chiffre d'affaires revient à valoriser le fonds de la manière suivante :
570 000 x 100 = 1 781 250 euros (soit 11 684 234 francs)
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C'est de manière tout à fait pertinente que l'expert rappelle qu'il s'agit d'une « valeur voisine de celles auxquelles avaient conclu précédemment :
- madame M. en son rapport judiciaire du 9 octobre 2001 : 12 000 000 francs,
- monsieur M. en son rapport amiable du 3 février 1998 : 10 434 000 francs ».
Or cette valeur de 12 000 000F - 1 829 388,2 € - correspond à la valeur globale du fonds de commerce, comprenant à la fois l'exploitation de Paris et celle d'Antony qui précisement, pour cette raison, a été écartée par la cour dans l'arrêt du 10 janvier 2003.
#14 Comme l'expert propose une valeur du droit au bail de la rue Jean D., de 760 000 euros sauf admission de la monovalence des locaux, il convient d'examiner cette question.
Sur la valeur du droit au bail de rue Jean D.
Elle suppose que soit préalablement tranchée la question de la monovalence sur laquelle l'expert n'a pas réellement émis d'opinion, étant précisé que lorsqu'elle est intervenue les lieux avaient été entièrement reconstruits.
L'expert Monsieur R. -désigné dans les circonstances précisées supra- qui lui a pu décrire les lieux, écarte la monovalence en considérant qu'il s'agissait de locaux banals d'ateliers, le bâtiment pour être adapté à tous autre usages n'étant ni à reconstruire ni à restructurer, les coûts d'aménagement étant modestes.
Sera retenue cette appréciation particulièrement étayée et formulée après une visite des lieux et l'examen de documents sur les travaux devant être éventuellement exécutés pour leur adaptation.
Il sera donc considéré que les locaux n'étaient pas monovalents, étant, au surplus, souligné que ce même expert estime qu'il n'y a pas eu de modification des facteurs locaux de commercialité et que, dès lors, si le bail commercial avait été renouvelé, le loyer aurait été plafonné.
#15 À partir d'un loyer en renouvellement plafonné de 51 172 € et d'un loyer de marché de 204 000 € , l'expert commis par la cour applique au différentiel (152 828 € ), le coefficient d'usage qu'elle fixe à 5 et parvient ainsi à une valeur du droit au bail de 760 000 € valeur que ne critique pas, subsidiairement, la Société SAINT AMAND SERVICE qui faisant état - comme examiné supra- d'une perte de fonds de commerce évaluée à 1 781 250 € ne réclame rien du chef de la valeur du droit au bail.
Les consorts P. retiennent, quant à eux, en cette hypothèse, une valeur de 564 161,74 € à partir d'un coefficient multiplicateur de 3,5, seulement, et d'un différentiel supérieur puisque, pour eux, le loyer de marché est de 212 361,46 € sur la base de l'estimation de Monsieur R. lors du calcul de l'indemnité d'occupation (cf. supra).
Or, le coefficient multiplicateur le plus élevé retenu par l expert Madame M.G. se justifie dès lors que l'on se trouve en présence d'une activité extrêmement rare dans Paris même, d'atelier et de réparations automobile. Quant au différentiel, la cour n'étant pas saisie à titre subsidiaire d'une réclamation d'augmentation, peut uniquement retenir celle de l'expert, ainsi non critiquée par la locataire.
Dès lors la valeur du droit au bail étant supérieure à celle de la perte du fonds de commerce, c'est la première qui sera retenue.
Sur l'impact du local de la rue Saint Amand
L'expert a observé, comme relaté supra, que l'exploitation parisienne dans le cadre de la concession FIAT était menée sur deux sites proches l'un la rue Jean D., objet du bail auquel il a été mis fin, où était exploitée l'activité de mécanique automobile et l'autre 31 rue Saint Amand, ces derniers locaux - loués par la société SAINT AMAND AUTOMOBILES- étant constitués d'un vaste hall d'exposition et étant destinés à la présentation et la vente des automobiles.
L'expert a relevé, en outre que « les locaux de la rue Saint Amand à usage d'exposition ont été délaissés après la cessation de la concession et ont été loués à un tiers, leur exploitation isolée devenant impossible faute de locaux d'atelier pour assurer le service après vente.» Ils ont été libérés le 30 octobre 1998, sans indemnité.
L'expert a suggéré d'intégrer la perte de cet autre droit au bail dans l'appréciation de l'indemnité d'éviction.
#16 L'indemnité d'éviction a vocation à réparer l'entièreté du préjudice subi et dès lors que la perte du droit au bail du local concerné par le refus du renouvellement provoque celle d'un autre local dont l'exploitation était indivisiblement liée au premier, l'indemnité d'éviction doit inclure le droit au bail de ce second local, sans s'arrêter au fait que le preneur était la société SAINT AMAND AUTOMOBILES, compte tenu de la modalité juridique et factuelle de l'exploitation du fonds de commerce précédemment décrite et qui a, déjà, fondé l'approche du calcul de l'indemnité d'éviction.
L'expert a évalué celui-ci à 260 000 € somme admise par la Société SAINT AMAND SERVICE
Subsidiairement les consorts P. , dont la prétention à voir écarter la valeur de ce droit au bail vient d'être rejetée, retiennent une somme de 155 499 € . Pour cela ils suivent certes, le raisonnement de l'expert -analogue à celui relatif à la rue Daudin - pour le calcul du différentiel entre le loyer du marché et le loyer en renouvellement si le bail s'était continué -soit une somme de 51 833 € , donc admise par les deux parties- mais appliquent un coefficient multiplicateur de 3 au lieu de 5 comme proposé par l'expert. Une appréciation identique à celle du local principal -cf. supra- justifie que la proposition de l'expert soit retenue.
Les indemnités accessoires
Les indemnités de licenciement
L'expert retient une somme globale de 28 911 € reconnue, subsidiairement par les consorts P. à hauteur de 29 911 € ( 189 643,55F soit 28 910,97 € , soit vraisemblablement arrondi 28 911 € une erreur matérielle manifeste paraissant avoir été réalisée par les consorts P.).
La Société SAINT AMAND SERVICE revendique une somme de 58 898,67 € en ajoutant les indemnités DELALANDE ou IPSA ainsi que des charges de conversion pour six salariés.
Or, devant l'expert, les débats entre les parties ont porté, pour être écartée explicitement, sur l'inclusion dans la réparation du préjudice, des indemnités de préavis, de congés payés et de primes de fin d'année . Rien ne justifie de ne pas inclure dans le calcul de l'indemnité d'éviction les sommes réclamées par la Société SAINT AMAND SERVICE qui correspondent, clairement, au coût de la rupture des contrats de travail consécutive au non renouvellement, qui même versées, éventuellement, à l'occasion du préavis ne correspondent à aucune contrepartie d'activités au profit de la société SAINT AMAND SERVICE, locataire évincée.
Sur les autre sommes
#17 - frais de remploi : les consorts P. en contestent le bien fondé du fait que la Société SAINT AMAND SERVICE n'a pas justifié avoir exposé des droits de mutation ; or, l'indemnité d'éviction doit permettre au locataire d'exploiter, à nouveau, un fonds de commerce de valeur équivalente à celui dont il a été évincé fixée selon les principes qui viennent d'être appliqués : frais d'actes, droits divers liés à l'acquisition, commissions et honoraires d'assistance juridique.... peu important qu'il ait choisi ou non de se réinstaller.
Du fait de la date de l'éviction, 27 janvier 1999, le calcul est le suivant : 10% sur la première tranche jusqu'à 106 714,31 € puis 16%, soit sur la base d'une indemnité principale de 1 020 000 € :
- frais divers : l'expert a proposé, au titre des réfactions diverses une somme forfaitaire 10 000 € , les consorts P. en contestent le bien fondé et offre subsidiairement
somme qui sera allouée en l'absence de tous justificatifs,
- trouble commercial : la Société SAINT AMAND SERVICE a été confrontée, du fait de son éviction, à la nécessité de mettre fin à son exploitation de la concession et elle a, nécessairement, subi un trouble commercial qu'il serait injustifié d'écarter sous couvert d'absence de comptabilité analytique. Madame M., expert commis par l'arrêt du 7 janvier 2000 l'avait chiffré à 117 386 euros. Cette somme réclamée par la Société SAINT AMAND SERVICE ne saurait être retenue dans sa totalité dans la mesure où le grief fait à l'expert d'avoir inclus dans le préjudice de la Société SAINT AMAND SERVICE les deux sites concerne aussi ce chef. Cependant, il est justifié, l'impact de la concession sur le site parisien étant de 32% de l'ensemble de l'activité du fonds de commerce, de retenir cette fraction là du chiffre calculé par Madame M. soit :
#18 Dans la mesure où l'évaluation de l'indemnité principale s'est faite sur la base d'une perte du fonds - dont la valeur était inférieure à celle du droit au bail- il n'est, par contre, pas justifié d'y ajouter, comme demandé par la Société SAINT AMAND SERVICE la réparation d'un trouble commercial anormal' consécutive à une perte de chiffre d'affaires résultant de la perte de la concession FIAT -elle-même provoquée par le refus de renouvellement- ce préjudice là étant inclus dans l'indemnité principale.
Sur les accessoires de la condamnation des bailleurs au paiement d'une indemnité d'éviction d'un montant total de 1 274 963 €
Il est justifié en application de l'article 1153-1 du code civil que les intérêts au taux légal courent à compter du jugement entrepris, auquel le présent arrêt se substitue, lequel a été rendu alors que la locataire avait quitté les lieux. La capitalisation des intérêts, telle que prévue par l'article 1154 du code civil, sera ordonnée à compter du 12 septembre 2002 date de la demande judiciaire en ce sens.
Contrairement à l'indication dans leurs comptes par les consorts P. fondant leur demande de
remboursement ce n'est pas nécessairement la somme de 113.573 € qui est due par la Société SAINT AMAND SERVICE au titre de l'indemnité d'occupation mais vraisemblablement 88 478,21 € comme indiqué supra à partir de la lecture du jugement du 11 décembre 2001 du tribunal de grande instance de Paris. En tout cas, cette indication de la part des consorts P. laisserait supposer que la Société SAINT AMAND SERVICE ne s'est pas acquittée de sa dette d'indemnité d'occupation alors que ce jugement prononçait sa condamnation de ce montant. En l'absence de précision sur ce point de la part de la Société SAINT AMAND SERVICE et de pièce éclairant parfaitement la cour, il apparaît prématuré d'opérer les comptes entre les parties, celles-ci devant y procéder en fonction de leurs dettes et créances réciproques et bien sûr de la provision versée par les consorts P. par chèque du 21 juillet 2000 d'un montant de 1 524 490,2 € .
Sur les autres demandes
Il est justifié de condamner les consorts P. aux entiers dépens de l'appel exposés depuis l'arrêt du 7 janvier 2000, en ce compris les frais des deux expertises
Il est justifié d'allouer à la Société SAINT AMAND SERVICE une somme de 8000 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés depuis l'arrêt du 7 janvier 2000.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort :
Vu les arrêts du 7 janvier 2000 et du 10 janvier 2003,
I. Statuant sur les points non tranchés,
condamne, en deniers ou quittances, in solidum, les consorts P. à verser à la Société SAINT AMAND SERVICE au titre de la totalité de l'indemnité d'éviction consécutive au non renouvellement du bail concernant les locaux situés 2-4 rue Jean Daudin 75015 Paris, la somme de 1 274 963 € avec intérêts au taux légal à compter du 25 juin 1999,
dit qu à compter du 12 septembre 2002, ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts pourvu qu'ils soient dus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil renvoie les parties à procéder à un compte entre elles en fonction de leurs dettes et créances réciproques et de la provision versée par les consorts P. par chèque du 21 juillet 2000 d'un montant de 1 524 490,2 € ,
II. Condamne, in solidum les consorts P., à verser à la Société SAINT AMAND SERVICE une somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés depuis l'arrêt du 7 janvier 2000,
III. Condamne in solidum les consorts P. aux dépens d'appel, en ce compris les dépens des deux expertises, et autorise sur sa demande, Maître Pascale BETTINGER, à recouvrer directement contre in solidum les consorts P. ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.