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Décisions

CA Montpellier, 5e ch. civ., 6 avril 2021, n° 17/04725

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

SCI Marquelle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gaillard

Conseillers :

Mme Azouard, M. Garcia

Avocats :

Me Dubois, Me Berger

TGI Béziers, du 27 juill. 2017, n° 12/01…

27 juillet 2017

Motifs

#1 FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Par jugement en date du 25 octobre 2012 le tribunal de grande instance de Béziers a :

- requalifié les conventions de courte durée liant les parties en bail commercial soumis au statut défini par les articles L 145-1 et suivants du code de commerce ,

- dit que A E peut prétendre à une indemnité d'éviction,

- condamné la SCI MARQUELLE à payer à A E une somme provisionnelle de 5 000 €,

- ordonné avant dire droit une expertise aux fins de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction.

Par arrêt en date du 18 mars 2014 la cour d'appel de Montpellier a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du 25 octobre 2012.

L'expert F Z G a déposé son rapport le 16 mars 2015.

Le jugement rendu le 27 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Béziers énonce dans son dispositif :

Dit que l'indemnité due à A E est une indemnité de remplacement.

Dit n'y avoir lieu à ordonner une nouvelle expertise ou un complément d'expertise.

Condamne la SCI MARQUELLE à payer à A E les sommes suivantes:

-64 584 € au titre de l'indemnité d'éviction à titre principal,

-9 058,04 € au titre des indemnités accessoires.

Déboute A E du surplus de ses demandes. Déboute la SCI MARQUELLE de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Condamne la SCI MARQUELLE à payer à A E la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Condamne la SCI MARQUELLE aux dépens dont distraction au profit de Maître RUIZ ASSEMAT.

Sur l'indemnité due à A E le tribunal ne fait pas droit à l'argumentation de la SCI selon laquelle A E ne pourrait prétendre qu'à une indemnité de déplacement au motif qu'elle n'aurait fait que déplacer son fonds de commerce que de quelques mètres dans la même rue considérant en substance que:

- A E exploitait son fonds de commerce de snack petite restauration rapide à emporter dans les locaux du ... à Marseillan Plage en son nom personnel,

- La SARL SAGEF dont il est fait état installée au ... exploite un restaurant et A E n'est qu'associée minoritaire son compagnon en étant le gérant majoritaire,

- L'établissement à l'enseigne le TANGO n'est pas un snack dédié à la restauration rapide mais un bar restaurant,

- dès lors il ne s'agit pas du même fonds de commerce qui aurait été simplement transféré mais d'un fonds de commerce développant une activité différente sous une enseigne différente.

Le transfert de clientèle dont aurait pu bénéficier A E n'est donc pas établi et il convient de raisonner comme l'a fait l'expert non pas sur une indemnité de déplacement mais uniquement sur une indemnité de remplacement.

#2 Sur le montant de l'indemnité de remplacement et la demande de nouvelle expertise, le tribunal rappelle d'abord que l'expert n'est tenu par aucune méthode imposée par la loi ou le règlement pour calculer l'indemnité et qu'il n'est pas tenu non plus d'appliquer la méthode de calcul revendiquée par l 'une des parties, méthode qui lui est nécessairement favorable et qui aboutirait au cas présent à nier tout droit à indemnité pour le preneur évincé.

Les premiers ajoutent que l'expert a utilisé la méthode la plus répandue pour le calcul de l'indemnité à savoir celle du différentiel de loyer ou de l'économie de loyer, il a en outre répondu aux dires déposées par la SCI MARQUELLE et il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de nouvelle expertise.

Le tribunal retient donc au titre de l'indemnité principale le montant de 64 584 € conformément aux conclusions du rapport d'expertise.

Sur les indemnités accessoires, les premiers juges considèrent que la SCI MARQUELLE doit répondre des dégradations causées au mobilier qui à sa demande a été entreposé dans un box de la société BOX CENTER et ils fixent au vu des pièces produites dans le cadre de l'expertise les sommes indemnitaires à 3 000 € HT pour le mobilier, 1 000 € HT pour le panneau publicitaire et 500 € HT pour la terrasse en bois.

Enfin suivant sur ce point également les conclusions expertales le jugement alloue à A E 558,04 € TTC au titre des frais de location d'un box, 1 500 € au titre des frais d'aménagement des locaux et 2 500 € au titre des frais de réemploi.

La SCI MARQUELLE a relevé appel du jugement par déclaration au greffe du 29 août 2017.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 1er février 2021.

Les dernières écritures pour la SCI MARQUELLE ont été déposées le 28 novembre 2017.

Les dernières écritures d'intimé pour A E ont été déposées le 3 janvier 2018.

Le dispositif des écritures de la SCI MARQUELLE énonce en ses seules prétentions :

A titre principal,

Infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, Débouter A E de l'intégralité de ses moyens et demandes;

A titre subsidiaire,

#3 Ordonner une nouvelle expertise en vue de déterminer le montant de l'indemnité de déplacement éventuellement due, de rechercher et donner son avis sur les éléments permettant de déterminer la valeur locative de marché par comparaison entre plusieurs baux dans la mesure du possible présentant la même situation géographique et juridique, rechercher et donner son avis sur le coefficient multiplicateur à appliquer à la valeur locative de marché conforme aux usages et à la mise en œuvre de la méthode du différentiel de loyers;

En toutes hypothèses,

Condamner A E à payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SCI MARQUELLE soutient tout d'abord que A E n'a pas perdu son fonds de commerce dans lequel elle exerçait conjointement avec son compagnon et qu'elle a réinstallé à 50 mètres des locaux antérieurement donnés à bail par la SCI, l'exploitation se poursuivant pour la même activité, dans la continuité par A E et son concubin B I.

La SCI allègue ainsi que dès le 14 septembre 2010 et bien avant de recevoir une sommation de déguerpir de la part de la SCI MARQUELLE, A E a crée une SARL SAGEF dans laquelle elle détient 49 % des parts, son concubin en détenant 51%, société ayant la même activité de restauration et étant située à 50 mètres du local donné à bail, mais que A E n'a pas officialisé ce transfert pour tenter de battre monnaie en faignant de perdre son fonds et en réclamant une indemnité sans commune mesure au regard du chiffre d'affaires réalisé par une exploitation saisonnière.

Ainsi seule une indemnité de déplacement du fonds peut éventuellement être due à l'exclusion de toute indemnité de remplacement.

#4 Sur l'expertise judiciaire la SCI MARQUELLE expose que l'expert a fait une mauvaise application de la méthode d'évaluation du droit au bail en omettant de rechercher la valeur locative de marché ainsi que le coefficient multiplicateur.

Elle ajoute que le choix d'une méthode de calcul implique par essence le respect de sa méthodologie en l'occurrence l'application d'un coefficient multiplicateur à la valeur locative de marché pour le cas considéré et qu'au cas présent la durée du bail comme coefficient multiplicateur n'est pas pertinente comme trop éloignée de la réalité économique et conduit à une valeur du droit au bail supérieure à celle du fonds de commerce exploité dans les lieux par A E.

Le coefficient multiplicateur selon la SCI doit donc refléter l'intérêt de l'emplacement.

La SCI MARQUELLE soutient donc que le rapport d'expertise judiciaire ne fixe aucune valeur locative de marché ni aucun coefficient multiplicateur conformes à la méthode du différentiel de loyer qui est la seule méthode proposée par l'expert de sorte que ce dernier n'a pas répondu à la mission et a en outre refusé de communiquer ses termes de comparaison au contradictoire des parties.

#5 L'appelant prétend au contraire rapporter la preuve qu'en appliquant conformément la méthode du différentiel de loyer il n'existe aucune valeur de droit au bail dont A E pourrait demander l'indemnisation de sorte que seule l'indemnité de déplacement pourrait être accordée mais que l'expert judiciaire ne l'a pas recherchée s'étant contenté de donner une valeur du fonds de commerce dans la seule hypothèse de sa disparition.

Sur les indemnités accessoires, la SCI MARQUELLE observe:

- concernant l'indemnité pour détérioration du matériel et du mobilier qu'elle n'est pas justifiée,

- qu'il en est de même pour les postes terrasse en bois, panneaux publicitaires et aménagement des locaux,

- s'agissant du matériel, qu'il n'existe aucune corrélation entre la cessation du bail et la prétendue perte de matériel car la SCI MARQUELLE avait souscrit un contrat avec la société BOX CENTER et fait constater par huissier l'état normal du matériel, alors que ce contrat a été transféré sans l'accord de la SCI à A E qui se trouve dès lors seule responsable à la sortie du box de l'état du matériel qui a été entreposé.

Le dispositif des écritures de A E énonce :

Confirmer le jugement entrepris. Condamner la SCI MARQUELLE à payer à A E la somme de 73 642,04 € au titre de l'indemnité d'éviction;

Condamner la SCI MARQUELLE au paiement d'une somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

A titre liminaire A E rappelle qu'il a été définitivement jugé qu'elle était en droit de bénéficier d'une indemnité d'éviction à la suite du bail commercial soumis aux statuts définis par les articles L 145-1 et suivants du code de commerce.

Elle ajoute que contrairement à ce que soutient le bailleur l'expert judiciaire pour évaluer cette indemnité d'éviction a réalisé un travail complet, détaillé justifiant son analyse et répondant point par point aux critiques présentées par la SCI.

A E soutient ensuite que ce n'est que son compagnon qui a crée une nouvelle société la SA GEF dont elle est seulement associée minoritaire, société qui a racheté un fonds de commerce auprès d'une société dénommée BODEGA.

Elle ajoute qu'à la date de la création de la SA GEF en septembre octobre 2010, elle ne pouvait elle même imaginer qu'elle serait expulsée de son local propriété de la SCI MARQUELLE.

De plus l'activité de la SA GEF à savoir bar restaurant est différente de celle de snack restauration rapide exercée par A E.

#6 Il ne s'agit donc absolument pas du même fonds de commerce ce qui exclut tout transfert de fonds s'agissant de deux activités différentes, sous une enseigne différente avec dans un cas une personne morale ( la SA GEF) et dans l'autre cas une personne physique ( A E).

#7 Sur l'évaluation de l'indemnité elle rappelle que l'indemnisation minimale à laquelle peut prétendre le locataire évincé est la valeur du droit au bail .

C'est à juste titre que l'expert judiciaire a retenu comme valeur locative le loyer perçu par le même bailleur pour le même local par le preneur qui a pris la suite de A E et la méthode utilisée par l'expert est la plus répandue.

Enfin la somme dégagée par l'expert est parfaitement cohérente et nullement surévaluée.

Sur les indemnités accessoires concernant le mobilier A E répond qu'elle avait acquis un grand nombre de mobilier et du matériel qui n'a pu être récupéré qu'en partie.

Elle justifie aussi de la réalisation d'un panneau publicitaire et de la réalisation d'une terrasse en bois pour recevoir la clientèle en extérieur.

MOTIFS :

La cour rappelle tout d'abord qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties, c'est à dire sur ce à quoi prétend une partie et que la formulation dans le dispositif des conclusions de voir «dire et juger» ne constitue pas une prétention et que la cour n'est donc pas tenue d'y répondre.

Sur l'indemnité due à A E :

Il sera en premier lieu relevé qu'il n'existe plus de débat sur le fait que A E peut prétendre suite au non renouvellement de son bail à une indemnité d'éviction en application de l'article L 145-14 du code de commerce, ce point ayant été tranché par le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 25 octobre 2012, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Montpellier en date du 18 mars 2014, décision définitive pour n'avoir fait l'objet d'aucun recours.

La SCI MARQUELLE en appel comme en première instance ouvre la discussion sur la notion d'indemnité de déplacement ou de remplacement.

La SCI MARQUELLE soutient en effet que A E n'aurait fait que déplacer son fonds et que l'activité qu'elle exerçait dans les lieux loués aurait été en réalité reprise par la société SAGEF exerçant quelques mètres plus loin et que par voie de conséquence A E ne pourrait prétendre à tout le plus qu'à une indemnité de déplacement.

La nature de l'indemnité d'éviction est fixée de façon constante en référence au principe indemnitaire c'est à dire au préjudice causé au preneur par le refus de renouvellement.

L'article L 145-14 du code de commerce pose ensuite à titre de présomption que ce préjudice est égal à la valeur du fonds de commerce sauf preuve contraire à la charge du bailleur qui peut démontrer que le préjudice est moindre.

C'est donc au bailleur en l'occurrence à la SCI MARQUELLE de rapporter la preuve notamment de ce que le fonds a été transféré, c'est à dire de ce que l'abandon des locaux dont la locataire a été évincée est sans incidence sur sa clientèle.

A cette fin la SCI MARQUELLE soutient que A E n'aurait en réalité fait que déplacer son commerce de quelques mètres et qu'elle continuerait à exercer son activité avec son compagnon dans le cadre d'une SARL SAGEF exerçant sous l'enseigne Le TANGO dans la même rue et à proximité de son ancien local.

Comme observé par les premiers juges il ressort des pièces produites que selon l'extrait Kbis du registre du commerce et des sociétés, que A E s'est immatriculée en nom propre le 21 mars 2007 pour la création et l'exploitation directe d'une activité de snack, petite restauration rapide à emporter sous l'enseigne AU DAMACÉ au ... 34 340 à Marseillan Plage.

La SARL SAGEF apparaît elle avoir été immatriculée le 22 octobre 2010 pour exercer une activité de restauration traditionnelle sous l'enseigne LE TANGO au ... 34 340 à Marseillan Plage.

Il ressort de la lecture des statuts de la SARL SAGEF établi le 14 septembre 2010 que B I en est le gérant et l'associé majoritaire et que A E y est associée minoritaire.

Il n'est pas contesté non plus que la SARL SAGEF n'a pas crée son fonds de commerce mais à acquis un fonds de commerce déjà existant.

Concernant l'activité exercée les commentaires et les avis de clients sur internet produits par la SCI MARQUELLE viennent démontrer que le TANGO n'est pas un commerce de snack, petite restauration rapide à emporter comme AU DAMACÉ mais bien un restaurant bar dans lequel les clients sont attablés et dans lequel il peut être servi des plats ne pouvant être assimilés à de la petite restauration rapide ( homard).

Il apparaît donc qu'il s'agit de deux entités juridiques bien distinctes quant à la forme juridique, et à l'activité exercée et le seul fait que le gérant de la SARL SAGEF ait pu se trouver présent dans le commerce de A E ou le fait que cette dernière depuis la fermeture de son commerce travaille au TANGO comme soutenu par la SCI MARQUELLE ne suffisent pas à démontrer que A E a transféré son fonds au ....

La SCI MARQUELLE est donc défaillante dans la preuve qui lui incombe de ce que A E a pu bénéficier d'un transfert de clientèle et elle est donc en droit de prétendre à une indemnité d'éviction pour un fonds non transférable.

Sur l'évaluation de l'indemnité et la demande de nouvelle expertise:

#8 L'article L 145-14 du code commerce dispose que l'indemnité d'éviction comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droit de mutation à payer pour un fonds de même valeur sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Il est constant que pour la fixation de l'indemnité par référence à la valeur du fonds aucune méthode d'évaluation ne s'impose à titre exclusif et qu'aucun mode de calcul n'est prescrit par la loi, la seule directive donnée étant de se référer aux usages de la profession.

Par ailleurs en l'absence de prescription légale relative à une méthode particulière c'est au juge qu'il appartient souverainement de fixer le montant de l'indemnité d'éviction sans toutefois pouvoir raisonner de manière forfaitaire.

Il est enfin constant que quelque soit le cas l'indemnité d'éviction ne peut être inférieure à la valeur du droit au bail des locaux dont le locataire est évincé et que dans l'hypothèse où la valeur du fonds s'avère inférieure à celle du droit au bail c'est cette dernière valeur qui doit être retenue pour le chiffrage de l'indemnité d'éviction.

#9 L'expert judiciaire Jean Marc LUSINCHI reprend dans son rapport l'ensemble de ces principes posés tant par le législateur que par la jurisprudence puis il expose et détaille sa méthode d'évaluation de la valeur du fonds de commerce et d'évaluation du droit au bail.

La SCI MARQUELLE soutient pour solliciter une nouvelle mesure d'expertise que le rapport d'expertise judiciaire ne fixe aucune valeur locative de marché ni aucun coefficient multiplicateur conformes à la méthode du différentiel de loyer qui est la seule méthode proposée par l'expert de sorte que ce dernier n'a pas répondu à sa mission et a en outre refusé de communiquer ses termes de comparaison au contradictoire des parties.

Il sera répondu comme déjà observé par le premier juge que l'expert n'est pas tenu de choisir la méthode de calcul proposée par l'une des parties qui conserve en revanche le pouvoir de discuter les conclusions expertales auxquelles le juge n'est pas tenues.

Par ailleurs il sera rappelé que le jugement du 25 octobre 2012 confirmé par la cour d'appel le 18 mars 2014 a donné pour mission à l'expert de chiffrer le montant de l'indemnité d'éviction due à A E en prenant en considération les éléments visés à l'article L 145-14 du code de commerce dont il a été ci dessus précisé qu'il n'impose à l'expert aucune méthode d'évaluation ni aucune méthode de calcul.

En outre l'expert Jean Marc LUSINCHI a répondu de façon particulièrement précise et détaillée à chacun des chefs de mission qui lui étaient donnés, il a communiqué aux parties un pré rapport et a répondu aux dires nombreux des parties notamment à ceux du conseil de la SCI MARQUELLE.

Il a analysé l'ensemble des documents en particulier l'avis demandé par la SCI MARQUELLE à X C Y et y a répondu.

Enfin concernant le reproche fait à l'expert de ne pas avoir communiqué au contradictoire des parties ses termes de comparaison il apparaît en fait à la lecture du rapport d'expertise que ce qui est reproché par l'appelant à l'expert c'est de ne pas avoir communiqué les barèmes sur lesquels il s'est fondé pour établir une moyenne ou une analyse plus fine de la valeur du fonds de commerce.

L'expert a répondu à cette critique que s'il ne joignait pas l'ensemble des barèmes consultés il donnait en revanche la référence des ouvrages sur lesquels il s'est basé tels que la Côte annuelle des valeurs mobilières et foncières aux éditions Calon, les Anales des Loyers, Le Droit des Baux Commerciaux aux éditions Le Moniteur.... qui sont donc des ouvrages accessibles et consultables par les parties.

Enfin si l'expert dans son rapport a fait état d'éléments provenant de cessions de fonds de commerce sans les communiquer en tant que tel non seulement il a annexé une partie des documents personnels à partir desquels il a procédé à des recherches pour des recoupements, mais surtout ces éléments ne sont donnés qu'à titre indicatif et n'ont pas été nécessaires pour la mise en œuvre des méthodes d'évaluation utilisées par l'expert judiciaire.

Par conséquent le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'une nouvelle expertise.

Pour déterminer la valeur du fonds de commerce selon les usages de la profession l'expert judiciaire comme le veut la pratique a pris en considération les derniers éléments comptables à savoir le chiffre d'affaire moyen de 47 355,67 € établi sur la base des 3 derniers exercices 2010, 2009 et 2008 conformément à la pratique.

Puis tenant compte d'un certain nombre d'éléments pour affiner le montant dégagé comme la situation du local, l'état du local, la fréquentation, l'expert a appliqué un coefficient de 100% et ainsi dégagé une valeur du fonds au 1er octobre 2010 date du départ du preneur de 47 356 € ce qui ne fait pas l'objet de critique sérieuse de la part de l'appelant.

L'expert judiciaire a ensuite procédé à l'évaluation du droit au bail puisqu'il s'agit en fait de la valeur plancher de l'indemnité d'éviction.

Jean Marc LUSINCHI a expliqué qu'il existait pour cette évaluation plusieurs méthodes et qu'il faisait choix d'utiliser l'une des méthodes majoritairement utilisée à savoir la méthode « du différentiel de loyer ».

L'expert a ensuite détaillé la méthode utilisée au cas d'espèce pour le différentiel de loyer à savoir le différentiel entre le loyer applicable au 1er octobre 2010 au nouveau locataire la SARL KLS selon le contrat de bail produit par la SCI elle même et le loyer appliqué au locataire évincé A E soit un différentiel de 897 €, montant capitalisé par le nombre de mois restant à courir jusqu'au terme du bail commercial ( le 30 septembre 2016) reconnu à la locataire par décision de justice soit sur 72 mois.

L'expert dégage ainsi un droit au bail de 64 584 € .

#10 Cette méthode d'évaluation et son utilisation par l'expert judiciaire ont fait l'objet de critiques en cours d'expertise, critiques fondées pour l'essentiel sur l'avis de X C Y, et auxquelles Jean Marc LUSINCHI a répondu point par point comme déjà relevé.

Ces critiques sont aujourd'hui reprises devant la cour pour contester les conclusions du rapport d'expertise.

Toutefois la cour observe tout d'abord que si la SCI critique la valeur du droit au bail proposée par l'expert judiciaire elle ne vient pas argumenter sur une valeur certaine moindre du droit au bail.

L'avis de X C Y au delà d'un exposé théorique sur les différentes méthodes d'évaluation du droit au bail et en particulier sur le fait qu'il faut rechercher avant tout qu'elle est (ou était) la valeur locative, ce qui est effectivement l'une des méthodes d'évaluation du droit au bail, propose ensuite une liste de références de sept commerces portant sur des baux saisonniers mais aussi sur des baux commerciaux, situés tous ... alors que le local objet du litige est situé ..., soit deux zones commerciales éloignées et différentes comme mentionné par l'expert Jean Marc LUSINCHI en réponse au dire.

#11 Cet avis communiqué à l'expert judiciaire ne contient pas les baux de référence, les critères de pondération ne sont pas non plus communiqués, si bien qu'il n'est pas possible au vu de ce manque d'élément de retenir que la valeur locative du local objet du litige est de 12 558 € par an comme avancé par X C Y.

L'avis de X C Y et les conclusions du bailleur développent ensuite une critique sur la capitalisation du référentiel de loyer par le nombre de mois restant à courir jusqu'au terme du bail opérée par l'expert judiciaire pour autant au de là d'une étude théorique sur le coefficient multiplicateur de capitalisation, sur la différence de nature entre le pas de porte et le droit au bail ils ne proposent aucun coefficient multiplicateur au cas présent et surtout ne propose aucun chiffrage du droit au bail permettant de considérer que le montant obtenu par l'expert judiciaire serait surévalué.

Par conséquent le droit au bail évalué par l'expert judiciaire servira de base à l'évaluation de l'indemnité d'éviction.

Il a déjà été rappelé que lorsque la valeur marchande du fonds de commerce est inférieure à la valeur du droit au bail c'est cette dernière valeur qui constitue le montant plancher de l'indemnité d'éviction ce qui est le cas en l'espèce (47 356 € contre 64 584 €).

#12 Le jugement déféré sera donc confirmé par ces motifs ajoutés en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction due à A E à la somme de 64 584 € et condamné la

SCI MARQUELLE au paiement de ladite somme.

Sur les indemnités accessoires:

Il est constant qu'à l'indemnité principale s'ajoutent des indemnités dites accessoires et les frais expressément visés par l'article L 145-14 du code de commerce ( frais normaux de déménagement, frais et droits de mutation) sans que toutefois ils ne constituent une énumération limitative .

Ainsi il est admis que le preneur peut être indemnisé des frais d'aménagements des locaux loués pour les besoins de son activité sauf si le contrat de bail prévoit que les travaux et aménagements effectués par le locataire resteront la propriété du bailleur en fin de bail.

En l'espèce le bail de 2007 ne contient pas de clause de transfert de propriété au profit du bailleur en fin de bail et A E est donc fondée en droit à être indemnisée pour les aménagements ou investissements effectivement réalisés et perdus.

Concernant la détérioration et la perte de mobilier et matériel que A E prétend avoir subi l'expert judiciaire l'a évaluée à la somme de 3 000 € HT tenant compte à la fois des pièces produites et du fait que ces éléments ont été d'une part amortis pour partie, et d'autre part utilisés pendant quatre saisons.

La SCI MARQUELLE conteste cette évaluation et soutient que A E ne justifie pas de son préjudice et qu'il n'existe aucune corrélation entre la cessation du bail et la prétendue perte de matériel car la SCI MARQUELLE avait souscrit un contrat avec la société BOX CENTER et fait constater par huissier l'état normal du matériel, alors que ce contrat a été transféré sans l'accord de la SCI à A E qui se trouve dès lors seule responsable à la sortie du box de l'état du matériel qui a été entreposé.

Il ressort des pièces produites par A E et en particulier d'un constat d'huissier établi le 9 mars 2010 que se trouve dans les lieux objets du bail en partie intérieure pour l'essentiel: un comptoir, des tables et des chaises, des congélateurs, des meubles de cuisine, hotte aspirante, four, lave vaisselle, plonge, vitrines réfrigérées. Il est également relevé la présence d'un petit stock de produits d'entretien et de quelques boites de conserve.

#13 La SCI MARQUELLE ne conteste pas avoir fait procéder sur ordonnance en date du 4 novembre 2010 l'autorisant à vider les lieux à l'enlèvement du matériel et du mobilier s'y trouvant pour le faire entreposer dans un box loué à la société BOX CENTER.

Elle affirme avoir fait procéder le 22 novembre 2010 à la description des biens se trouvant dans les lieux avant enlèvement mais ne verse pas cette pièce au débat.

A E produit au débat un constat d'huissier en date du 10 mars 2011 réalisé dans les locaux de la société BOX CENTER à Vendres box 104 et l'huissier constate que ce box contient différents effets dont il dresse la liste avec notamment du mobilier, de l'électroménager, de la vaisselle et en particulier une cuisinière à gaz détériorée, une hotte aspirante en inox détériorée, un four à micro ondes présentant de nombreux chocs et éclats, un adoucisseur d'eau de machine à laver la vaisselle cassé, un réfrigérateur armoire détérioré, un lave vaisselle professionnel dont la carrosserie est rayée, cinq réfrigérateurs table top dont l'intérieur est moisi et dont trois sont hors d'usage, un congélateur table top dont l'intérieur est moisi....

La comparaison entre le procès verbal du 9 mars 2010 et celui du 10 mars 2011 permet de rapporter la preuve que du matériel et du mobilier ont été endommagés et que des denrées ont péri entre le moment où ces biens se trouvaient encore dans le local loué et entre celui où A E les a récupérés dans le box où la SCI MARQUELLE les a entreposés.

En outre la SCI MARQUELLE ne produit pas au débat comme déjà relevé le constat d'huissier qu'elle a dit avoir fait effectuer le 22 novembre 2010 et démontrant un état du matériel.

A E est donc bien fondée à solliciter une indemnisation au titre du matériel, du mobilier, des objets et des denrées endommagés ou perdus.

En ce qui concerne l'évaluation de son préjudice elle a produit à l'expert judiciaire diverses factures et ce dernier au vu de l'ensemble des éléments produits en tenant compte à la fois de l'amortissement du matériel et de son utilisation pendant plusieurs saisons a évalué à la somme de 3 000 € le préjudice et donc l'indemnité accessoire.

La SCI MARQUELLE critique cette évaluation soutenant qu'il n'existerait aucun préjudice et que A E serait la seule responsable de la détérioration du matériel et du mobilier sans toutefois en rapporter la moindre preuve et sans argumenter un montant moindre.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a allouée à A E la somme de 3 000 € HT concernant la détérioration et la perte de matériel ou de mobilier.

Concernant le panneau publicitaire, il ressort du procès verbal de constat d'huissier en date du 9 mars 2010 que l'établissement de Céline GEFFROY avait un panneau publicitaire et il en a également été justifié devant l'expert par la production d'une facture de 2 374,06 €.

Suite à l'éviction et au non transfert du fonds il s'agit d'un investissement perdu dont le preneur évincé est en droit de demander l'indemnisation.

Tenant compte de l'amortissement pour partie et de son usage pendant deux années l'expert a évalué ce préjudice à la somme de 1000 € HT somme qui en appel n'est plus discutée par A E et qui ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de la SCI MARQUELLE.

Le montant de cette indemnité accessoire et la condamnation du bailleur à son paiement seront donc confirmés.

Concernant la terrasse en bois il n'est pas contesté que devant l'établissement se trouvait une terrasse en bois que l'on voit sur les diverses photographies produites et A E a produit au cours de l'expertise la facture de cette terrasse en bois pour un montant de 2 513,56 € .

Tenant compte de l'amortissement pour partie et de son usage pendant trois années l'expert a évalué ce préjudice à la somme de 500 € HT somme qui en appel n'est plus discutée par A E et qui ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de la SCI MARQUELLE.

Le montant de cette indemnité accessoire et la condamnation du bailleur à son paiement seront donc confirmés.

Concernant l'aménagement des locaux, A E a produit au cours de l'expertise une facture en date du 10 mars 2018 pour un coût de 4 250,58 €.

Tenant compte de l'amortissement pour partie et de l'usage des lieux pendant deux années l'expert a évalué ce préjudice à la somme de 1500 € HT somme qui en appel n'est plus discutée par A E et qui ne fait l'objet d'aucune critique sérieuse de la part de la SCI MARQUELLE.

Le montant de cette indemnité accessoire et la condamnation du bailleur à son paiement seront donc confirmés.

Concernant les frais de location d'un box pour y entreposer le matériel et le mobilier, l'expert au vu des factures produites pour 558,04 € TTC a proposée cette évaluation qui ne fait pas l'objet de critique de la part de l'appelant.

#14 Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SCI MARQUELLE à payer à A E la somme de 558,04 € à ce titre.

Concernant enfin l'indemnité dite de réemploi, c'est à dire les droits fiscaux, les commissions et honoraires que le locataire évincé va être amené à payer pour l'acquisition d'un nouveau fonds ou d'un nouveau droit au bail, il est de pratique lorsque le locataire ne s'est pas encore réinstallé au jour où cette indemnisation est fixée d'allouer une indemnité forfaitaire proportionnelle généralement à l'indemnité principale.

En application de cet usage constant l'expert l'a évaluée à la somme forfaitaire de 2 500 € TTC en se basant sur des activités identiques et pour un fonds de valeur équivalente ( voir liste annexée au rapport avec barèmes professionnels et tableau de cession de fonds de commerce).

L'appelant critique cette analyse et cette évaluation toutefois il ne vient pas argumenter d'une valeur moindre ni ne produit d'élément pour démontrer que la somme proposée par l'expert serait surévaluée.

Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a allouée à A E une somme de 2 500 € TTC au titre de l'indemnité de réemploi et en ce qu'il a condamné la SCI MARQUELLE à son paiement.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement dont appel sera également confirmé en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et des dépens.

En outre la SCI MARQUELLE succombant en son appel sera condamnée à payer à A E la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire et rendu par mise à disposition au greffe ;

Par motifs ajoutés confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juillet 2017 par le tribunal de grande instance de Béziers ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI MARQUELLE à payer à A E la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI MARQUELLE aux entiers dépens de la procédure d'appel.