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Décisions

Cass. 3e civ., 3 décembre 2020, n° 19-16.297

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Parneix

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Rousseau et Tapie

Lyon, du 12 mars 2019

12 mars 2019


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 mars 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 juin 2018, pourvoi n° 17-15.247), la SCI Le Ventoux, propriétaire d'un local à usage commercial donné à bail, le 20 janvier 2012, à la société Afary, lui a donné congé avec offre de renouvellement.

2. Le 1er juin 2012, elle lui a délivré un commandement visant la clause résolutoire et la sommant de procéder à la démolition de murettes et d'ouvertures réalisées en violation de la clause interdisant toute modification des lieux.

3. La locataire ayant formé opposition à ce commandement, la bailleresse a sollicité, reconventionnellement, l'acquisition de la clause résolutoire.

4. La société Alliance MJ, mandataire à la liquidation judiciaire de la société Afary, est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Alliance MJ fait grief à l'arrêt de constater la résiliation du bail, alors :

« 1°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever, dans sa décision, un moyen non invoqué par les parties sans provoquer leurs observations préalables ; qu'en l'espèce, la société Alliance MJ, ès qualités, faisait expressément valoir, dans ses conclusions d'appel, que la SCI Le Ventoux avait eu connaissance des travaux litigieux dans le cadre des écritures qu'elle avait déposées dans la procédure d'appel de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2010, aux termes de ses conclusions du 30 septembre 2011 ; qu'elle en déduisait que la SCI Le Ventoux avait en réalité offert le renouvellement du bail à la société Afary en janvier 2012, en toute connaissance des travaux sur lesquels elle s'était ensuite fondée, en les qualifiant d'irréguliers, dans le commandement visant la clause résolutoire en date du 1er juin 2012, et ainsi implicitement mais nécessairement renoncé à se prévaloir de la prétendue irrégularité de ces travaux ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI Le Ventoux n'a, à aucun moment, contesté l'existence de cette procédure antérieure à l'offre de renouvellement du bail, au cours de laquelle elle avait eu connaissance des travaux litigieux ; qu'en relevant cependant, pour écarter le moyen soulevé par la société Afary, que « les pièces communiquées ne permettent pas d'affirmer que la SCI Le Ventoux connaissait dans toute leur étendue la réalisation de ces travaux avant la notification le 20 janvier 2012 du congé avec offre de renouvellement », sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que la renonciation à un droit résulte d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que dans ses conclusions d'appel, la société Alliance MJ, ès qualités, faisait valoir que la SCI Le Ventoux connaissait dans toute leur étendue la réalisation des travaux invoqués dans le commandement du 1er juin 2012 dès lors qu'elle avait constaté leur réalisation dès le mois de juillet 2011 et que ceux-ci avaient été confirmés dans les écritures échangées devant la cour d'appel de Lyon au mois de septembre 2011, dans le cadre de l'appel de l'ordonnance de référé du 15 novembre 2010 rendue à la suite de l'assignation qu'elle avait fait délivrer à la SCI Le Ventoux aux fins de la voir condamner à réaliser les travaux de remise en état du muret droit de la terrasse, ainsi qu'une portion de la paroi métallique située à l'étage à côté de l'escalier en colimaçon ; que la SCI ayant ensuite proposé le renouvellement du bail par exploit du 20 janvier 2012, elle avait nécessairement par là-même renoncé à invoquer la clause résolutoire au titre des travaux litigieux ; qu'en se bornant à retenir que les pièces communiquées ne permettaient pas d'affirmer que la SCI connaissait dans toute leur étendue la réalisation de ces travaux avant le 20 janvier 2012, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

6. La cour d'appel n'était pas tenue de recueillir les observations des parties avant de statuer sur l'existence d'un fait qui était nécessairement dans le débat.

7. Elle a relevé que le bail interdisait au preneur de réaliser dans les locaux, sans le consentement exprès et écrit du bailleur, aucune démolition, ni aucun percement de murs ou de cloisons.

8. Elle a constaté que, selon un procès-verbal d'huissier de justice du 21 février 2012, les travaux réalisés par la locataire, sans l'autorisation de la bailleresse, consistaient en la construction de deux murettes maçonnées de part et d'autre de l'entrée principale, le remplacement d'une murette de 60 cm de hauteur par un mur de 1,90 m et la création d'une ouverture sur la façade du premier étage et d'une porte métallique au rez-de-chaussée.

9. Elle a souverainement déduit de ces constatations que la SCI Le Ventoux ne connaissait pas toute l'étendue de ces travaux irréguliers lors de la délivrance du congé avec offre de renouvellement, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas renoncé à se prévaloir de ce manquement.

10. Elle a ainsi a légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

11. La société Alliance MJ fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en remboursement de travaux, alors :

« 1°/ qu'aux termes du bail du 25 janvier 2008, la clause intitulée « Entretien-Réparations » stipulait expressément que « le bailleur aura à sa charge les réparations afférentes aux gros murs et voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier » ; que dans ses conclusions d'appel, la société Alliance MJ, ès qualités, faisait valoir qu'un procès-verbal de constat du 6 avril 2010 établissait « notamment la destruction de l'angle gauche inférieur du caisson de la façade pour l'intérieur et pour l'extérieur l'absence de clôture (pièce n° 10). - Ce trou a été réparé en façade pour le montant de 1 780 € HT, soit 2 128,90 € TTC, auquel la SCI Le Ventoux sera condamnée (pièce n° 67). - La société Afary a, par ailleurs, entièrement clôturé les lieux. Il lui en a coûté 6.039,15 € TTC auquel la SCI Le Ventoux sera condamnée (pièces n° 68 et 69). – La société Afary a repris les murettes qui s'écroulaient pour 5 079,70 € TTC (pièce n° 70). – La société Afary a également repris des tampons des évaluations des eaux usées sur le parking pour une somme de 203,32 € (pièce n° 71). – Enfin, le défaut de reprise de la toiture et les différentes fuites d'eau ont conduit la société Afary à faire face en urgence et à poser une bâche pour mettre en sécurité. Le coût en a été de 358,80 € TTC (pièce n° 72) ; qu'il résultait de ces écritures et des pièces produites que les réparations effectuées par la société Afary concernaient les gros murs et couvertures entières, ainsi que les murs de soutènement et de clôture ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que la société Afary ne justifiait pas que les travaux réalisés relevaient bien de ceux incombant au propriétaire, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que la cour d'appel a expressément relevé que « le 2 mai 2017, la société Afary a libéré les lieux, ayant été avisée de la mise à exécution d'une mesure d'expulsion devant intervenir le 3 mai 2017 », et qu'à cette date, soit postérieurement au départ de la société Afary, « l'huissier de justice a constaté que les lieux avaient été « dévastés » ; qu'en se fondant, pour statuer comme elle l'a fait, sur un procès-verbal de constat établi postérieurement au départ de la société locataire, la cour d'appel a violé l'article 1134 (devenu 1103) du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a souverainement retenu, au vu des éléments de preuve produits, que les causes des désordres invoqués par la locataire étaient inconnues et que les travaux réalisés par celle-ci ne relevaient pas des grosses réparations incombant au propriétaire des lieux.

13. Elle a déduit, à bon droit, de ces seuls motifs, que la demande de remboursement devait être rejetée.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.