Cass. com., 9 octobre 2019, n° 18-18.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Thouin-Palat et Boucard
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 avril 2018), que S... J... a, le 20 janvier 2011, consenti à M. T... un bail à ferme ainsi qu'une promesse de vente du bien donné à bail pour un prix de 500 000 euros, l'acte stipulant qu'en cas de levée d'option dans un certain délai, le montant des fermages déjà payés formerait une partie du prix de vente et serait déduit de celui-ci ; qu'après le décès de S... J..., les redressement et liquidation judiciaires de son entreprise agricole ont été prononcés les 12 janvier et 11 mai 2015, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que M. T... a déclaré à la procédure une créance au titre des loyers déjà versés, aux fins de garantir une créance "de compensation" entre les loyers et le prix de vente, lorsqu'il lèverait son option d'achat ;
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'admettre cette créance alors, selon le moyen :
1°/ que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; que le fait générateur d'une créance dépendante d'un droit d'option réside dans l'exercice de cette option par son bénéficiaire ; qu'ainsi, le bénéficiaire d'une promesse de vente ne peut se prévaloir d'une éventuelle compensation avec la créance de prix qu'à compter de la levée de l'option ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
2°/ que la condition est un événement futur et incertain ; que cet événement ne peut porter sur un élément essentiel du contrat, tel que le consentement ; que la cour d'appel a cependant retenu que les créances conditionnelles peuvent être déclarées en totalité au passif et que le preneur, bénéficiaire de la promesse, pouvait valablement déclarer sa créance éventuelle de compensation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1168 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ;
3°/ que les créanciers ne peuvent déclarer au mandataire judiciaire que les créances qui sont nées antérieurement au jugement d'ouverture ; qu'en l'absence de levée d'option prévue par la promesse, les fermages versés restent acquis au bailleur, en contrepartie du droit d'occupation consenti au preneur ; qu'en conséquence, l'absence de levée d'option interdit de se prévaloir d'une quelconque créance, susceptible d'être inscrite au passif, au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective ; que la cour d'appel a néanmoins retenu que la créance éventuelle de compensation, entre les loyers échus et le prix de vente, trouve son origine non pas dans la levée de l'option mais dans l'acte juridique qui prévoit la promesse ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 622-24 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'existence d'une créance de somme d'argent de M. T... sur S... J... ou sa succession n'étant discutée par aucune des parties, c'est à bon droit que l'arrêt retient que cette créance éventuelle trouve son origine dans la promesse de vente consentie avant l'ouverture de la procédure collective, dès lors que c'est cette promesse qui prévoit que le montant des fermages acquittés avant la levée d'option s'imputera sur le prix de l'acquisition consécutive à l'exercice de l'option ;
Et attendu, en second lieu, que le caractère éventuel de la créance ne dispense pas le créancier de la déclarer ; qu'ayant constaté que M. T... n'avait pas levé l'option d'achat, la cour d'appel n'en pas moins pu admettre la créance qu'il avait déclarée aux fins de compensation entre le montant du prix qui serait dû et le montant déjà réglé au titre des fermages avant l'ouverture de la procédure collective ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.