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Décisions

CE, 15 novembre 2022, n° 468763

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

CE n° 468763

15 novembre 2022

Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Autorité des marchés financiers (AMF) de revenir sur sa décision, exprimée dans un courriel du 4 novembre 2022, par laquelle elle s'est déclarée incompétente pour connaître du signalement qu'il lui a adressé en qualité de lanceur d'alerte.

Il soutient que :
- dans le cadre de ses anciennes fonctions, il a été amené à identifier des transactions suspectes et des manquements, qui l'ont conduit à faire un signalement auprès des autorités de régulation ;
- si l'AMF peut s'estimer incompétente concernant le système de blanchiment découvert, il en va autrement au titre de sa mission de régulateur des conseillers en investissement financier, dès lors que certains d'entre eux font activement partie du schéma de blanchissement signalé ;
- l'urgence est caractérisée en raison de la poursuite de leurs activités par les personnes signalées dans des conditions créant des distorsions de concurrence sur le marché des produits structurés et portant atteinte au statut des conseillers en investissement financier et à l'intégrité des marchés ;
- la structure faisant l'objet du signalement ne respecte pas les conditions de son agrément et ne peut être en conformité avec les exigences de la fonction conformité, faisant obstacle à l'exercice par l'AMF de ses missions de surveillance et de contrôle ;
- l'intervention du juge des référés permettrait de contraindre l'AMF à coopérer plus étroitement avec l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;
- les manquements découverts révèlent des failles nombreuses et systémiques qui mettent en jeu l'intégrité des marchés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il appartient à la personne qui saisit le juge des référés sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité de bénéficier, dans le très bref délai prévu par les dispositions de cet article, d'une mesure provisoire visant à sauvegarder une liberté fondamentale.

3. Aux termes de l'article L. 634-1 du code monétaire et financier : " L'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mettent en place des procédures permettant que leur soit signalé par toute personne, y compris de manière anonyme, par des canaux de communication sécurisés et garantissant, le cas échéant, la confidentialité de l'identité des personnes communiquant des informations à cette fin, tout manquement aux obligations définies par les règlements européens et par le présent code le code des assurances, le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale ou le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et dont la surveillance est assurée par l'une ou l'autre de ces autorités. / Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, pour ce qui concerne cette autorité, et un arrêté du ministre chargé de l'économie, pour ce qui concerne l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fixent les modalités d'application du présent chapitre ". Pour l'application de ces dispositions, le titre V du livre I du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) définit les procédures permettant le signalement des manquements qui y sont mentionnés. Par ailleurs, l'article L. 634-3 du même code prévoit que les protections prévues au bénéfice des lanceurs d'alerte par les dispositions du III de l'article 8 et des articles 10-1 et 12 à 13-1 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont applicables à toute personne physique ayant signalé de bonne foi à l'Autorité des marchés financiers des faits susceptibles de caractériser un ou plusieurs des manquements mentionnés à l'article L. 634-1.

4. Sur le fondement de ces dispositions, M. A..., se prévalant de la qualité de lanceur d'alerte, a saisi l'AMF, en janvier 2022, d'un signalement. Par un courriel du 4 novembre 2022, faisant suite à une rencontre avec des membres du personnel spécialisé de l'AMF, il lui a été indiqué qu'il ressortait de cette audition et des documents transmis que son signalement semblait caractériser une fraude fiscale, relevant de la compétence du Parquet et de la direction générale des finances publiques, et non de l'AMF. M. A... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'AMF de revenir sur sa déclaration d'incompétence. Toutefois, en se bornant à invoquer de façon très générale les distorsions de concurrence et les atteintes à l'intégrité des marchés résultant des agissements objets de son signalement, il ne justifie pas d'une situation d'urgence particulière nécessitant l'intervention du juge des référés à très bref délai. Au demeurant, il n'invoque aucune liberté fondamentale à laquelle il serait gravement portée atteinte.

5. Par suite, la requête de M. A... ne peut qu'être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....