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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 14 septembre 2023, n° 22/00055

AMIENS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Sulzer Ensival Moret France (SAS)

Défendeur :

FXL International (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grevin

Conseillers :

Mme Leroy-Richard, Mme Vannier

Avocats :

Me Le Roy, Me Delerive, Me Boudoux d’Hautefeuille, Me Simon

T. com. Compiègne, du 14 déc. 2021

14 décembre 2021

La société Ensival Moret International, spécialisée dans la fabrication de pompes industrielles, ayant son siège à [Localité 1] (02) a signé un contrat dénommé contrat d'agent commercial, le 2 janvier 2002, avec la société Fxl International ayant son siège à [Localité 4] au Maroc, afin que cette dernière prospecte la clientèle située dans ce pays et transmette des propositions ou commandes, l'agent ayant une exclusivité sur le territoire marocain et percevant une commission dont les modalités de calcul étaient précisées dans le contrat.

La société Ensival Moret dénommée actuellement Sulzer Emf a intégré le groupe Sulzer le 1er février 2017.

Le 26 avril 2017, la société Sulzer Emf a proposé un contrat à Fxl International présentant des modifications du contrat conclu en 2002.

La société Fxl International n'a pas souhaité signer la dernière version du projet du nouveau contrat proposé par Sulzer Emf et a poursuivi son activité selon les modalités prévues au contrat signé en 2002. Le 30 novembre 2017, elle a reçu une lettre recommandée avec accusé de réception lui notifiant la résiliation de son contrat d'agent commercial avec effet au 31 mai 2018.

Les parties ne sont pas parvenues à un accord quand aux conséquences de la rupture, de sorte que la société Fxl International a fait assigner la société Sulzer Emf devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin.

Après plusieurs renvois, la société Sulzer Emf a formulé une demande de renvoi pour cause de suspicion légitime le 4 novembre 2019.

Par ordonnance du 25 novembre 2019, il a été fait droit à cette requête et le tribunal de commerce de Compiègne a été désigné pour connaître de l'affaire.

Par jugement en date du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Compiègne a :

- dit la société Fxl International recevable et bien fondée en sa demande au titre de la résiliation du contrat.

- condamné la société Sulzer EMF à payer à la société FXL International la somme de 1 476 218, 96 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019.

- dit la société Fxl International recevable mais mal fondée en sa demande au titre de la clause de non-concurrence et l'en a déboutée.

- dit la société Fxl International recevable mais mal fondée en sa demande au titre de la clause de violation de contrat d'agent commercial et l'en a déboutée.

- dit la société Fil International recevable mais mal fondée en sa demande au titre des manœuvres dolosives et l'en a déboutée.

- dit la société Fxl International recevable et bien fondée en sa demande au titre des commissions commerciales.

- condamné la société Sulzer Emf à payer à la société Fxl International la somme de 116 746, 43 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019.

- dit la société Flx International recevable mais mal fondée en sa demande au titre des appels d'offres et l'en a déboutée.

- condamné la société Sulzer Emf à fournir à la société Fxl International les éléments comptables nécessaires à la vérification des commissions dues sous astreinte de 500 € passé le délai de 15 jours de la signification du jugement.

- ordonné l'anatocisme.

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

- dit que les dépens du jugement seront à la charge de la société Fxl International.

- ordonné l'exécution provisoire.

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte.

La société Sulzer Ensival Moret France a interjeté appel de la décision le 5 janvier 2022.

Par ordonnance en date du 10 mars 2022, Mme la Première Présidente a notamment débouté la société Sulzer Emf de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement rendu le 14 décembre 2021 mais a autorisé ladite société à consigner à la Caisse des Dépôts et consignation la somme de 877 548, 79 € sur le total assorti de l'exécution provisoire.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 mars 2023 expurgées de ses demandes de « dire », la société Sulzer Ensival Moret France demande à la Cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Fxl International la somme de 1 476 218, 96 € et de 116 746, 463 € outre intérêts, en ce qu'il l'a condamnée à fournir à ladite société des éléments comptables sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 15 jours de la signification du jugement, ordonné l'anatocisme, s'est réservé la liquidation de l'astreinte et du chef des dépens.

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables mais mal fondées les demandes au titre de la clause de violation du contrat d'agent commercial et au titre des manœuvres dolosives et a débouté la société Fxl International de ses demandes.

Statuant à nouveau,

- débouter la société Fxl International de sa demande d'indemnité compensatrice.

- à titre subsidiaire, réduire l'indemnité compensatrice de Fxl International à plus justes proportions et au maximum à 890 120 €.

- prendre acte que la société Sulzer Ensival Moret France a versé à la société Fxl International la somme de 65 416, 60 € le 26 janvier 2022 au titre des commandes T 471600039, T 4718000011, T 4718000012 et T 471800009 conclues avant la résiliation du contrat.

- débouter la société Fxl de l'ensemble de ses autres demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

- condamner la société Fxl international à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Fxl International aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Fxl International demande à la Cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable et bien fondée en ses demandes au titre de la résiliation du contrat et de paiement des commissions et a condamné la société Sulzer Emf à lui payer les sommes de 1 476 218, 96 € et 116 746, 43 outre intérêts sur chacune de ces sommes à compter du 29 mai 2019, condamné ladite société à lui fournir sous astreinte de 500 € par jour les éléments nécessaires à la vérification des commissions dues et ordonné l'anatocisme.

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déclarée recevable mais mal fondée en ses demandes au titre de la violation du contrat d'agent commercial et au titre des manœuvres dolosives et l'en a déboutée, ainsi que sur l'article 700 du code de procédure civile et la charge des dépens.

Statuant à nouveau,

- débouter la société Sulzer Emf de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- condamner la société Sulzer Emf à lui verser les sommes suivantes :

> 350 690 € au titre des appels d'offres déposées par Fxl International avant le 1er juin 2018 et déduire les appels d'offres ayant fait l'objet d'une commande entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019

> les commissions sur les commandes conclues par la société Sulzer Emf au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019 et a minima, la somme de 476 474, 81 € au titre des commissions dues pour les commandes reçues entre le 1er juin 2018 et le 31 décembre 2019 sauf à parfaire ;

> 150 000 € au titre des violations par Sulzer Emf du contrat d'agence commerciale signé en 2002 ;

> 100 000 € au titre des manoeuvres dolosives de la société Sulzer EMF.

- enjoindre à Sulzer Emf de communiquer l'ensemble des éléments comptables relatifs aux commandes reçues par Sulzer au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019 en particulier le nom du client, les numéros d'appels d'offres, les numéros de devis de Sulzer Emf, les numéros de commande client et la date de passation, de communiquer également le montant de la commande conclue à la suite de l'AO 30839, l'ensemble des éléments permettant de déterminer si les appels d'offres auxquels Fxl International a participé et listés en pièces n°31 ont donné lieu à commande quelle que soit la date à laquelle elle aura été reçue.

- liquider l'astreinte prononcée par le jugement pour la période comprise entre la signification du jugement intervenue le 27 décembre 2021 et l’arrêt.

- condamner la société Sulzer Emf à lui verser la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 6 avril 2023.

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

La société Sulzer Emf expose que le groupe Sulzer est un groupe suisse et l'un des principaux fabricants mondiaux de pompes industrielles, qu'il a acquis en février 2017 l'activité de conception et de pompes industrielles du groupe Moret Industries basé à [Localité 1], qu'il a tout fait pour conserver Fxl en tant qu'agent commercial au Maroc pour finalement se heurter à la mauvaise foi de l'intimée.

Elle souligne que le groupe a souhaité que ses relations avec Fxl International soient formalisées par un nouveau contrat puisque en tant que groupe international il traite avec des centaines d'agents commerciaux dans le monde, dispose de procédures internes et d' un modèle de contrat de représentation commerciale conforme aux meilleures pratiques de marché international tenant compte notamment des règles visant à prévenir les risques de corruption, que par ailleurs le contrat qui avait été conclu en 2002 était lacunaire et n'était plus conforme aux standards du marché. Elle précise que pour autant elle n'a pas cherché à imposer la conclusion stricte du contrat Sulzer, que ses représentants se sont rendus à trois reprises à [Localité 4] pour négocier, qu'elle a donné suite aux demandes de modification du contrat émises par la société Fxl International puisque la durée du contrat a été étendue de 3 à 5 ans, que la clause de non concurrence post contractuelle d'une durée d'un an a été supprimée, que la clause relative aux motifs justifiant une résiliation du contrat a été modifiée conformément aux demandes de Fxl, la concession la plus significative étant celle qui se rapportait à l'indemnité de rupture du contrat pour laquelle il a été accepté qu'elle soit régie par le droit français alors que le contrat Sulzer est en principe régi par le droit suisse, moins favorable à l'agent.

La société Fxl International réplique que la société Sulzer lui a proposé le 26 avril 2017 un contrat radicalement différent de celui alors en vigueur, notamment sur

-l'absence d'exclusivité,

- une durée déterminée de 3 ans avec possibilité de résiliation après 1 an,

-un taux de commission entre 0, 5 % et 7 % par affaire dans la limite de 250 000 francs suisses,

-l'application du droit suisse

-une clause compromissoire en cas de différend.

Elle ajoute que suite à ses demandes, certaines modifications ont été acceptées mais que Sulzer a refusé des modifications essentielles telle l'indemnité de rupture due compte tenu de la longue relation commerciale existant entre Fxl International et la société Ensival Moret France, que le contrat demeurait déséquilibré, qu'elle n'a donc pas souhaité signer la dernière version du projet présenté et a reçu une lettre de résiliation du contrat, qu'elle a sollicité le 2 novembre 2018 les sommes de 1 563 810 € au titre de l'indemnité de fin de contrat et celle de 781 905 € au titre des commandes conclues postérieurement à la fin du contrat mais que la société Sulzer Emf par l'intermédiaire de son conseil ne lui a proposé qu'une somme globale de 650 000 € et qu'aucun accord n'a pu intervenir ensuite.

A titre liminaire, il convient d'observer que l'appel ne concerne pas la demande présentée en première instance au titre de la clause de non-concurrence et que le tribunal a rejetée, la Cour statuera dans les limites de l'appel interjeté.

1 ) Sur l'indemnité compensatrice de fin de mandat

Le tribunal a déclaré cette demande bien fondée et a condamné la société Sulzer Emf International à payer à la société Fxl International la somme de 1 476 218, 96 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019.

La société Sulzer Ensival Moret France déclare que la primauté donnée par Fxl International dans les discussions à l'indemnité de rupture du contrat, établit que celle- ci ne se projetait pas dans une relation commerciale avec le groupe Sulzer, qu'après 6 mois de discussions alors qu'elle avait accédé à de nombreuses demandes de cette dernière, la société Fxl International a transmis des commentaires sur le contrat inacceptables et qui n'avaient pour objet que de rompre les négociations qu'après avoir obtenu l'application du droit français pour le calcul de l'indemnité compensatrice, elle a exigé en cas de résiliation du contrat ou de non renouvellement une indemnité ne pouvant être inférieure à 2 millions de francs suisses, soit environ 4 années de commissions ces dernières s'étant élevées à 451 806 € en 2016 et à 438 314 € en 2017, que cette manoeuvre n'avait d'autre but que de faire échouer les négociations. Elle souligne qu'un mois après son dernier déplacement au Maroc, la société Fxl International l'a informée par message du 27 octobre 2017 vouloir résilier le contrat en proposant un « accord de résiliation » réclamant la somme totale de 7 315 000 € soit 4 966 074 € de plus que le montant réclamé dans son assignation, que par lettre en date du 30 novembre 2017, Sulzer a pris acte de sa volonté de résilier le contrat, que par lettre en date du 2 novembre 2018, la société Fxl International a estimé qu'il lui était dû au moins la somme de 2 936 667 €, que la société Sulzer par la voix de conseil a proposé dans un souci de règlement amiable du litige, une indemnité équivalente à 650 000 €.

Elle fait valoir qu'aucune indemnité de résiliation n'est due, que la société Fxl a fait seule le choix de résilier le contrat, que l'article L 134-13 du code de commerce dispose clairement que l'indemnité compensatrice du préjudice causé par la rupture n'est due à l'agent commercial que si la cessation du contrat ne résulte pas de son initiative.

Elle précise qu'elle n'a en aucun cas résilié le contrat par sa lettre du 30 novembre 2017, que les termes mêmes du courrier établissent qu'elle n'a fait que prendre acte de la décision de Fxl International, que cette dernière a mis fin au contrat de son plein gré, est seule responsable de la résiliation et ne peut revendiquer aucune indemnité de ce fait, qu'il convient donc de la débouter de sa demande et d'infirmer le jugement.

A titre subsidiaire, elle déclare que si une indemnité est octroyée, cette dernière ne peut en aucun cas être d'un montant de 1 476 218, 96 € ainsi que revendiquée et octroyée par le tribunal. Elle souligne que l'intimée sollicite une indemnité de résiliation égale à 2 ans de commissions brutes calculées sur la base des commissions perçues par l'agent commercial au cours des 24 derniers mois en se fondant sur les dispositions de l'article L 134-12 du code de commerce alors qu'aucune règle légale ne fixe les modalités de calcul de cette indemnité, que si une pratique existe quant à l'octroi de deux années de commissions, il n'a pas lieu de l'appliquer en cas de préjudice moindre. Elle souligne que Fxl a choisi ne pas contracter avec elle alors que ce contrat lui aurait permis de multiplier ses revenus, puisqu'elle n'aurait pas seulement représenté les produits Emf mais également ceux du groupe Sulzer, d'ajouter des segments complets de marché à ceux dont elle bénéficiait jusqu'alors, d'étendre ses ressources d'approvisionnement etc '.qu'elle aurait également bénéficié d'une augmentation de ses commissions de l'ordre de 24 %, qu'enfin la société Fxl International n'a eu aucun mal à retrouver une série de partenaires à la suite de la résiliation du contrat parmi lesquels l'un des principaux concurrents du groupe Sulzer.

Elle précise qu'elle a mandaté le cabinet KPMG pour établir la commission annuelle moyenne perçue par Fxl International, qu'il ressort du rapport que cette société a généré des commissions d'un montant total de 451 806 € en 2016 et 438 314 € en 2017, soit une commission annuelle moyenne de 445 060 €, que les commissions encaissées en 2016 et 2017 étaient particulièrement élevées voire exceptionnelles en 2017, mais ne sont pas représentatives de la moyenne des commissions habituellement encaissées sur 2 ans qu'il y a lieu de prendre en compte non les commissions encaissées par Fxl International au cours des deux dernières années mais les commissions générées sur cette période, qu' ainsi si la Cour estime qu'une indemnité de résiliation est due, cette dernière doit être réduite à de plus justes proportions, sur la base d'une commission annuelle moyenne de 445 060 €.

La société Fxl International réplique que le contrat d'agent commercial a été résilié par Sulzer Emf le 30 novembre 2017, que le fait que les négociations d'un nouveau contrat n'aient pas abouti est indifférent, que conformément à l'article L 134-12 l'indemnité légale de cessation de mandat est fixée par les usages professionnels et la jurisprudence à l'équivalent de deux ans de commissions brutes sur la base des commissions perçues par l'agent commercial au cours des 24 mois précédant le mandat, qu'en l'espèce, l'ensemble des factures produites entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2018 fait apparaître un montant annuel de commissions de 738 109, 48 € que dés lors le tribunal lui a accordé à juste titre une somme de 1 476 218, 96 €.

La société Fxl Internaional souligne que le contrat qui lui a été proposé était en plusieurs points désavantageux, qu'il y avait une absence d'exclusivité ce qui n'était pas le cas dans le contrat de 2002, l'application du droit suisse lequel limite toute indemnité à l'équivalent d'un an de commissions, une clause compromissoire alors que le contrat de 2002 prévoyait la compétence des juridictions françaises, que le taux de commission proposé entre 0,5 et 7 % n'est en aucun cas la pratique du marché, lequel est de 10 % qu'elle continue d'ailleurs à bénéficier de ce taux avec d'autres mandants, que le contrat de 2002 prévoyait une commission de 10 % quel que soit le montant de la commande et sans aucun plafonnement alors que le nouveau contrat prévoyait un plafonnement de commission payable par projet à hauteur de 250 000 francs suisses soit environ 235 000 €, que les chiffres d'affaires des autres segments proposés étaient peu encourageants.

Elle observe que le calcul opéré par le cabinet KPMG des commissions dont elle aurait bénéficié en 2018 et 2019 est inexact car la devise utilisée est le franc suisse et non l'euro, et que ce dernier est très hypothétique puisque la société aurait été privée d'exclusivité.

Elle ajoute que ses demandes étaient tout à fait acceptables, qu'en réalité les désaccords ont porté sur la modification des taux de commission et sur la clause relative à l'indemnité compensatrice en cas de résiliation par Sulzer qui ne fait que reprendre ses droits conformément au droit français, que le fait qu'on la prive d'exclusivité et que la filiale marocaine de Sulzer demeure implantée sur le territoire concerné par le contrat laissait présager une baisse drastique des commandes passées par Fxl International, et donc de ses commissions.

Elle souligne que si les juges demeurent libres d'apprécier l'exact préjudice, la jurisprudence en la matière accorde à l' agent commercial dont le contrat a cessé deux années de commissions, que pour ce calcul ne sont pas prises en compte les commandes passées mais bien les commissions perçues par l'agent, qu'elle n'avait aucune obligation d'accepter la fin du contrat et la signature d'un nouveau contrat moins favorable, qu'il est indifférent qu'elle ait pu « rebondir » ce critère n'entrant pas dans le calcul de l'indemnité allouée par les juridictions françaises.

Elle déclare qu'au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sulzer Emf à lui verser une somme de 1 476 218, 96 €.

L'article L 134-12 du code de commerce dispose qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat qu'il entend faire valoir ses droits.

Les ayants droits de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.

Selon l'article L 134-13 du code précité, la réparation prévue à l'article L 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :

1° la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.

2° le cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée

3° selon un accord avec le mandant, l'agent cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.

Il résulte des pièces versées aux débats que le contrat d'agent commercial conclu en 2002 entre la société Ensival Moret et Flx International comportait notamment une clause d'exclusivité de représentation au Maroc pour l'agent (art 6 ), une application de la loi française (art 20), une clause de compétence au profit du Tribunal de commerce de Saint-Quentin en cas de litige entre les parties non résolu au préalable à l'amiable (art 21) une clause afférente au montant de la commission due soit 10 % pour les pompes et 10 % pour les rechanges (art 9) aucun plafonnement des commissions n'était prévu, aucune durée du contrat n'était prévue, il pouvait être résilié à tout moment moyennant un préavis de 6 mois adressé par lettre recommandée avec accusé de réception.

Il n'est pas contesté qu'à la suite du rachat de la société Ensival Moret, la société devenue Sulzer Ensival Moret France a souhaité renégocier ce contrat et a proposé un projet de contrat le 26 avril 2017 qui ne comportait plus d'exclusivité (art 2.1, 2.2, 2.3 et 2.4 ), une fin de contrat automatique au bout de 3 années à moins qu'une nouvelle prolongation ait été convenue( art 15-4 ), une clause selon laquelle le contrat était régi par les lois suisses (art 20.1), le règlement d'un litige éventuel selon procédure d'arbitrage se tenant à Zurich, une procédure afférente aux commissions dont une annexe précisait que ce taux, pour les produits contractuels neufs fabriqués par les mandants était applicable par tranche « jusqu'à 500 000 CHF max 5 %, sur les prochains 450 000 CHF max 3% sur le montant restant au-delà de 5 000 000 CHF max 1 % », le montant maximum de commission payable par projet étant de 250 000 CHF (Francs suisses) ou équivalent, que pour les équipements achetés installés sur les produits contractuels neufs ces taux variaient pour des montant identiques entre 2, 5 % et 0, 5 % et enfin que le taux de commission pour toute pièce de rechange était d'un montant maximum de 7 %, le montant maximum de commission payable par projet étant de 250 000 € francs suisses.

Les messages produits démontrent que plusieurs réunions ont eu lieu entre les parties au cours de l'année 2017, la société Fxl International souhaitant renégocier plusieurs clauses du contrat concernant notamment la non-exclusivité, la durée du contrat, l'application du droit suisse, précisant que s'agissant de l'indemnité de résiliation le régime suisse était moins favorable que la loi française, le règlement des différends, et le taux de commission.

Le contrat proposé en avril 2017 a reçu plusieurs modifications et un nouveau contrat a été proposé en octobre 2017 qui précisait notamment que la fin du contrat intervenait automatiquement au bout de 5 ans à moins qu'une nouvelle prolongation ait été convenue, que le droit suisse était applicable sauf pour le calcul de l'indemnité de résiliation, calculée sur la base de deux années de commissions perçues, que le taux de commission était rehaussé passant par tranche de 8 % à 1 % pour les produits neufs de 2, 5 % à 0, 5 % pour les pompes et équipements achetés, et à 10 % pour les pièces de rechange mais il convient de constater que le montant maximum de commission payable par projet était maintenu à 250 000 € francs suisse, alors que le contrat en vigueur ne prévoyait pas de plafonnement, et que ces taux restaient inférieurs en tout état de cause à ceux prévus en 2002, que par ailleurs le mandant maintenait sa volonté de conclure un mandat dépourvu d'exclusivité sauf pour certains clients de longue date de la société Flx International et ce alors que les pièces versées aux débats par la société Flx International démontrent que la société Sulzer avait sa propre clientèle au Maroc pour le même type de matériel.

La société Fxl International a fait savoir qu'elle n'entendait pas conclure ce nouveau contrat en indiquant le 27 octobre 2017 que « les conditions posées par Sulzer pour conserver Fxl en tant qu'agent commercial au Maroc ne répondent pas à nos attentes et sont très différentes de celles initialement convenues avec Ensival Moret (comme le reflète le contrat signé avec elle) vous trouverez en annexe un document contenant les termes et conditions proposés pour un accord de résiliation ainsi que les engagements de Fxl pour la période transitoire '.. ». Ce refus a été acté par courrier du groupe Sulzer le 30 novembre 2017 qui déclarait qu'en application du contrat de l'article 16 du contrat conclu en 2002, la résiliation prenait effet après une période de préavis de 6 mois, soit le 30 mai 2018.

Le nouveau contrat proposé modifiait de façon substantielle les conditions économiques de la relation commerciale conclue avec le mandant, le refus de renouveler le contrat n'a été opposé par la société Flx International qu'au vu des nouvelles propositions de contracter, moins favorables pour elle qu'elle n'a pas agréées, elle n'est donc pas à l'initiative de la cessation du contrat, dès lors elle a droit à une indemnité compensatrice en application des articles susvisés.

L'indemnité compensatrice est allouée en réparation du préjudice subi, lequel comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature.

Il est d'usage de fixer l'indemnité à deux années de commissions brutes acquises dans le cadre d'un exercice normal de son activité, calculées sur la moyenne des trois dernières années d'exécution du mandat, il n'y a pas à tenir compte d'événements postérieurs à la cessation du contrat ainsi, le fait que la société Fxl International ait trouvé de nouveaux partenaires à la suite de la cessation du contrat est inopérant.

La société Fxl International sollicite la somme de 1 476 218, 96 € faisant valoir que sa moyenne annuelle de commissions s'élève à 738 109, 48 € au vu de ses factures de commission perçues entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2018 qui établirait une moyenne sur trois ans de 738 109, 48 €.

Il est à noter que la société Fxl International estimait sa moyenne annuelle de commissions en 2017 au titre des dernières années à 650 000 €.

La société Sulzer Ensival Moret France s'y oppose et produit un rapport du cabinet KPMG duquel il ressort que le montant des commissions se serait élevé pour l'année 2016 à 451 806 €, pour l'année 2017 à 438 314 € et pour l'année 2018 à 487 887 € et que l'indemnité allouée ne peut l'être que sur une base de 445 060 € en moyenne par an, faisant valoir que l'année 2017 a été une année exceptionnelle où la société a perçu des sommes correspondant à des contrats anciens mais ne correspond nullement à la moyenne des commissions habituellement encaissées sur une période de deux ans.

Pour solliciter une somme de 1 476 218, 96 €, la société Fxl International produit un tableau de ses commissions encaissées qui comprend les commissions encaissées à partir du 1er juin 2016 pour l'année 2016, soit un montant de 211 143, 19 €, pour l'année 2017 soit un montant de 986 008, 16 € et pour l'année 2018 jusqu'au 31 août, un montant de 279 067, 61 € et établit une moyenne de 738 109, 48 €.

Si les calculs opérés par le cabinet KPMG sont effectués sur la base des commissions générées et non sur les commissions encaissées, il convient d'observer ainsi que le souligne la société Sulzer, que pour les années 2016 et 2018, prorata temporis, le montant des commissions encaissées n'est pas très différent des commissions générées tel qu'il ressort du rapport du cabinet KPMG, pour 2016, il s'élève à 422 286 € (211 143, 19 € x 2) tandis que pour l'année 2018, ce montant est de 418 601, 41 € (279 067, 61 : 8 x 12 ).

Tenant compte des critères d'évaluation de l'indemnité de rupture sus rappelés (moyenne des commissions versées annuellement sur les trois dernières années) soit de l'ordre de 30 000 € par mois en 2016, 82 000 € par mois en 2017, 34 000 € par mois en 2018, étant observé que le caractère exceptionnel des commissions servies en 2017 n'est pas démontré, et si l'on tient compte du préjudice subi en lien avec l'ancienneté des relations contractuelles, retenant un montant moyen annuel de commissions à hauteur de 500 000 € et infirmant le jugement dont appel, il convient d'allouer une indemnité de rupture d' 1 000 000 € pour indemniser le préjudice subi par la société FXL International.

2) Sur le paiement des commissions des commandes conclues avant la résiliation du contrat

Le tribunal a déclaré la demande de Fxl International bien fondée et a condamné la société Sulzer Emf à lui payer la somme réclamée à ce titre soit celle de 116 746, 43 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019.

L'appelante précise que la somme de 114 746, 43 € avait deux composantes, une somme de 65 416, 60 € de commissions relatives à 4 commandes et une somme de 51 329, 83 € au titre de 2 commandes supplémentaires, que si elle estime que le montant de 65 416, 60 € n'était pas encore dû puisqu'elle n'avait pas encore reçu le règlement intégral de la commande, elle s'est néanmoins conformée aux termes du jugement en réglant le 26 janvier 2022, la somme de 65 416, 60 € et n'entend pas revenir sur ce paiement.

Elle fait valoir s'agissant de la somme de 51 329, 83 € qu'il s'agit de la commande Q 461801796 qui a été passée après la résiliation du contrat et n'est pas principalement due à l'activité de Fxl, et pour la commande T 471500106 que cette dernière a été passée par la société Buzzichelli laquelle a fait faillite et n'honorera donc jamais sa commande si bien qu'aucune commission n'est due, que cette commande d'un montant de 180 233 € a seulement fait l'objet d'un règlement partiel de 54 000 € alors que Sulzer a engagé 125 877, 94 € pour fabriquer la pompe correspondante qui été élaborée sur mesure et ne peut être revendue à un autre client, qu'il ne peut donc être octroyé aucune commission à ce titre, le contrat prévoyant que le droit à commission n'est acquis qu'après règlement des factures du client.

La société Fxl International déclare que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné l'appelante à lui payer la somme de 116 746, 43 €.

S'agissant de la commande Q 461801796, elle fait valoir que cette commande a été passée le 28 mai 2018, que Sulzer Emf a retourné le contrat signé par ses soins le 30 mai 2018, que cette commande ouvre droit à une commission de 36 911, 19 €, qu'en droit français la rencontre de l'offre et de la demande suffit à faire naître l'obligation, le contrat signé n'étant qu'un instrumentum.

S'agissant de la commande T 4711500106 elle précise qu'elle a suggéré à Sulzer France de discuter avec le client final pour que la commande à hauteur de 180 233 € soit réglée et qu'à défaut Fxl facture une commission de 10 % sur les 30 % que Sulzer Emf avait reçus, qu'aucune information sur les suites réservées à cette proposition n'a été donnée, que Sulzer Emf reste devoir a minima 10 % de 54 070 € soit 5 407 €, que toutes les autres commandes listées sont également dues dès lors que le délai de paiement ne lui est pas imputable.

Sulzer Emf justifie avoir réglé le 26 janvier 2022 la somme de 65 416, 60 € au titre de 4 commandes ne contestant plus le principe et le quantum des sommes dues, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à régler cette somme et de lui donner acte de son règlement.

S'agissant de la commande Q 461 801796, il est justifié que cette commande a été passée le 28 mai 2018, soit avant la date de résiliation du contrat, dès lors cette commande ouvre droit à commission même si la signature de l'autre partie n'est intervenue que le 30 mai 2018, il convient donc de faire droit à la demande en paiement de la somme de 36 911, 19 €.

S'agissant de la commande de la société Buzzichelli d'un montant de 180 233 €, il est justifié que cette société a été placée en redressement judiciaire en juillet 2013 puis que sa liquidation judiciaire a été prononcée, il n'est pas contesté que Sulzer n'a reçu qu'une somme de 54 000 € sur le montant initial, si une offre a été soumise à la société Sonatra pour remplacer l'ancien contrat avec la société Buzzichelli, la société Sulzer Emf justifie qu'en janvier 2019, elle était toujours dans l'attente d'une réponse. Cependant l'article 12 du contrat d'agent commercial conclu en 2002 précisait que le droit à commission n'était acquis qu'après règlement des factures du client et ce au fur et à mesure des encaissements et au prorata de ceux -ci et qu'en cas de sommes impayées, la commission restait limitée au prorata des sommes reçues à moins que ce non- paiement ait pour cause un fait imputable au fabricant ainsi la commission de Flx International est due à hauteur de 10 % sur la somme de 54 000 € soit 5 400 €.

Il est donc dû à la société Fxl International par la société Sulzer EMF au titre de ces deux commandes la somme de 42 311, 19 € outre intérêts.

3) Sur les commissions au titre des commandes conclues entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019, les appels d'offres et la communication des pièces sous astreinte

S'agissant des commissions au titre des commandes conclues par la société Sulzer Emf au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019, le tribunal a déclaré que la société Sulzer EMF ne saurait sérieusement contester les pièces fournies et qu'il convenait de déclarer la société Fxl International bien fondée en ce chef de demande.

Par ailleurs il a condamné la société Sulzer Emf à fournir à Fxl International les éléments comptables nécessaires à la vérification des commissions.

S'agissant des appels d'offres, il a débouté la société Fxl de sa demande au motif que les commandes AO 24564, AO 25962, AO 28050, AO 29474 et AO 30839 avaient été reçues avant la fin du contrat commercial mais que la société Sulzer Emf indiquait qu'elle était déjà en relation avec OCP avant 2017.

La société Sulzer Emf demande à la Cour d'infirmer le jugement estimant qu'aucune commission n'est due, faisant valoir qu'en application de l'article L 134-7 du code de commerce, une opération conclue après la résiliation n'ouvre droit à commission que lorsqu'elle réunit deux critères, avoir été principalement due à l'activité de cet agent ce qui nécessite qu'il démontre son implication dans l'affaire en cause, avoir été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, que la jurisprudence considère qu'un délai de 3 à 4 mois est un délai raisonnable. Elle précise que Fxl International sollicite des commissions pour des affaires dont elle ignorait même l'existence, n'hésite pas à demander un taux de commission sans démontrer une quelconque implication dans les contrats en cause.

Elle ajoute que la société Fxl International prétend en second lieu être en droit de percevoir la somme de 350 690 € au titre des appels d'offres déposés avant la fin du contrat, que d'une part les sommes réclamées à ce titre sont déjà comprises dans les sommes qu'elle réclame au titre des commandes reçues entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019 mais qu'elle ne démontre aucune implication dans ces appels d'offre, qu'elle même verse aux débats une pièce regroupant l'ensemble des appels d'offre listés par Fxl dont il ressort que seuls 3 ont donné lieu à des commandes dans les 4 mois qui ont suivi la résiliation, que ces dernières ont été générées par les clients depuis le portail correspondant pour le traitement desquels l'essentiel du travail a été réalisé à [Localité 1] par les équipes de Sulzer Emf, que l'intimée ne démontre pas le contraire par les messages qu'elle produit et qu'aucun commission n'est due à ce titre.

La société Fxl International réplique que son travail fourni depuis de longues années auprès du groupe OCP a continué à porter ses fruits après la résiliation du contrat, que ce groupe est l'un des principaux exportateurs de phosphates dans le monde, que lorsque le contrat a été résilié, des offres et un contrat cadre de pièces de rechanges pour l'ensemble des besoins de ce groupe était en cours de négociation, qu'elle gérait le portail de l'OCP. Elle souligne que le rapport KPMG établit qu'entre le 1er juin 2018 et le 31 décembre 2018, Sulzer Emf a généré plus de 4, 7 millions d'euros de CA au Maroc, que le taux de commission étant de 10 %, elle a droit au titre des commandes reçues à une somme de 476 484, 81 €, qu'il y a lieu en outre de confirmer le jugement et d'enjoindre à Sulzer Emf de communiquer l'ensemble des éléments comptables relatifs aux commandes reçues par Sulzer au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 mai 2019 et de liquider l'astreinte pour la période comprise entre la signification du jugement intervenue le 27 décembre 2021 et l'arrêt à intervenir.

Elle ajoute que le tribunal l'a déboutée à tort de sa demande fondée sur les appels d'offres, qu'il est apparu que certains appels d'offres avaient donné lieu à des commandes conclues peu de temps après la fin du contrat d'agent commercial, qu'elle est bien fondée à solliciter la somme de 350 690, 80 € au titre de ces commandes, que cette somme est cependant à parfaire et qu'il y a lieu d'enjoindre à Sulzer EMF de communiquer le montant de la commande conclue à la suite de l'appel d'offre 30 839.

S'agissant de la communication des documents sous astreinte, si le tribunal a ordonné dans son dispositif à la société Sulzer Emf de fournir à la société Fxl International les éléments comptables nécessaires à la vérification des commissions dues, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 15 jours de la signification du jugement, sans plus de précisions, il avait indiqué dans ses motifs qu'il s'agissait pour la société Fxl International de pouvoir vérifier les commissions relatives aux commandes reçues pendant le délai de préavis, la société Fxl International demande la confirmation du jugement sur ce point et la liquidation de l'astreinte Cependant, le jugement a été signifié le 27 décembre 2021, la société Sulzer Emf justifie avoir le 11 janvier 2022 communiqué ces éléments comptables relatifs aux commandes reçues au Maroc par Sulzer Emf entre le 1er décembre 2017 et le 31 mai 2018, a invité Fxl International à émettre les factures correspondantes qu'elle a réglées par virement du 26 janvier 2022 pour un montant total de 65 46, 60 €, produit aux débats, elle a donc respecté son obligation dans le délai imparti, aucune somme n'est donc due au titre de l'astreinte.

L'agent commercial et son mandant sont tenus d'une obligation de loyauté et d'un devoir d'information réciproque en application de l'article L 134-4 du code de commerce et l'article R 134-3 du code précité dispose notamment que l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.

Le droit de l'agent commercial se poursuit après la rupture des relations contractuelles puisqu'en application de l'article L 137-7, pour toute opération commerciale après la cessation du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission, soit lorsque l'opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat, soit lorsque dans les conditions prévues à l'article L 134-6, l'ordre du tiers a été reçu par le mandant ou par l'agent commercial avant la cessation du contrat d'agence.

Il est à noter en l'espèce que le contrat d'agence commerciale conclu en 2002 comportait un article 19 selon lequel « les affaires qui auront été transmises par l'agent avant l'expiration du contrat et qui aboutiront à la conclusion d'une vente ouvriront droit à la commission prévue à l'article 9 du présent contrat ».

Si la société Fxl International a pu extraire du rapport KPMG une liste de commandes avec leur montant respectif conclues après la cessation du contrat, ces éléments restent insuffisants pour établir son droit à commission éventuel et le montant de cette dernière, il en est de même pour les éléments produits par chacune des parties pour les appels d'offres, dont il est établi que si certains n'ont pas abouti d'autres ont donné lieu à des commandes, les résultats des appels d'offres produits par la société Sulzer EMF ne sont donnés que partiellement, certains éléments ont été caviardés ladite société ayant considéré que ces commandes ne pouvaient être prises en compte car passées au- delà d'un délai de 4 mois après la cessation du contrat.Il convient donc de constater que la société Sulzer EMF ne satisfait que de manière partielle à son obligation d'information sur ce point de sorte que les demandes en paiement de la société Fxl International d'une part de la somme de 476 474, 81 € et d'autre part de la somme de 350 690, 80  € peuvent en partie recouvrir les mêmes opérations ainsi que cela est soutenu d'ailleurs par la société Sulzer EMF.

Compte tenu de la nature des équipements concernés, et du délai nécessaire à la concrétisation d'une commande, il convient de dire que le délai raisonnable de l'article L 137 -7 est de 8 mois et non de quatre mois comme allégué par la société Sulzer Emf mais il ne saurait être plus long. En conséquence, il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes en paiement présentées de 476 474, 81 € et 350 690, 80 €, d'enjoindre à la société Sulzer Emf de communiquer, dans un délai de 2 mois à compter de la date de signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard, l'ensemble des éléments comptables relatifs aux commandes reçues par Sulzer Emf au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 janvier 2019 en particulier le nom du client, les numéros d'appels d'offres les numéros de devis de Sulzer Emf, les numéros de commande client et la date de passation, et l'ensemble des éléments permettant de déterminer si les appels d'offres auxquels Fxl International a participé et listés en sa pièce n°32 (et non 31 ) ont donné lieu à une commande au plus tard le 31 janvier 2019.

4)Sur la demande de dommages et intérêts au titre de manquements contractuels

Le tribunal a débouté Fxl International de sa demande de dommages et intérêts.

La société Fxl International demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Sulzer Emf à lui payer la somme de 150 000 € à titre de dommages et intérêts faisant valoir que ladite société a violé la clause d'exclusivité en présentant un de ses employés comme le seul interlocuteur avec l'OCP concernant un contrat cadre en cours de négociation, qu'elle a ainsi tenté de contourner le contrat d'agence commerciale pour tirer seule tous les bénéfices de la relation créée de longue date par l'agent, que par ailleurs elle a dissimulé un certain nombre de dossiers ayant donné lieu à de nouvelles commandes après la résiliation du contrat, ce dont elle se réserve de justifier au vu des éléments sollicités auprès de Sulzer Emf.

La société Sulzer Emf réplique que le contrat invoqué est un contrat cadre dont la conclusion n'est susceptible de générer aucune commission, que Fxl International omet d'informer la Cour que ce contrat ne portait pas que sur des produits Emf mais plus globalement sur l'ensemble des produits du groupe Sulzer qui dispose de sa propre entité au Maroc, que les messages invitaient seulement à une meilleure coopération, que l'intimée tente de tromper la Cour en tronquant les messages, que l'intégralité de ces derniers démontre que Fxl International restait associée aux négociations du contrat cadre et assistait aux réunions y afférent. Elle ajoute qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information.

Les messages produits traduisent des difficultés de coordination entre le personnel de la société Sulzer Emf et celui de la société Fxl International mais n'établissent pas que la société Sulzer Emf ait violé la clause d'exclusivité de son agent commercial au Maroc, par ailleurs si les éléments d'information qu'elle produit sont incomplets ou insuffisants en l’état, il n'est pas démontré qu'elle ait commis une faute à ce titre, la demande de dommages et intérêt sera rejetée.

5) Sur la demande de dommages et intérêts au titre de manoeuvres dolosives

Le tribunal a débouté la société FXL International de sa demande en paiement d'une somme de 100 000 € au motif qu'elle ne démontrait pas les manoeuvres dolosives alléguées.

La société Fxl International demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Sulzer Emf à lui régler la somme de 100 000 € au motif que cette dernière a commis des agissements dolosifs à son encontre, en demandant à un de ses employés de lui donner des informations relatives à des offres en négociations avec l'OCP, a offert un emploi à la personne responsable de l'OCP, qu'un autre employé a été invité à présenter sa candidature au cabinet de recrutement mandaté par Sulzer Emf, que M.[J] a proposé à d'autres salariés de le suivre au sein de Sulzer Emf dès le mois de juin 2018, que ces manoeuvres ont surajouté à la désorganisation de Fxl International et lui ont causé un préjudice supplémentaire.

La société Sulzer Emf réplique qu'il s'agit d'un pur roman fondé sur une seule pièce, un extrait d'une conversation entretenue sur un réseau social entre M.[M] [J] et M.[U] [T], un employé de Sulzer Emf, que l'intimée a non seulement fouillé les messages échangés avec [M] [J] sur son ancien téléphone professionnel mais s'est encore autorisée à lire les conversations privées que ce dernier a pu entretenir sur les réseaux sociaux en violation du secret des correspondances et de la vie privée, que par ailleurs le contenu de la conversation n'est pas pertinent et n'a aucun caractère fautif, qu'elle prétend aujourd'hui que le départ de M.[J] la désorganisait alors qu'elle réclamait une somme de 165 000 € si elle ne procédait pas à son licenciement, qu'il convient de confirmer le jugement.

La pièce produite à l'appui de la demande, dont les circonstances de captation ne sont pas précisées mais qui semble extraite d'un téléphone mobile a trait à une communication des coordonnées d'un cabinet de recrutement par M.[U] [T] à M.[M] [J], cette pièce ne suffit pas à établir les manœuvres dolosives alléguées ni l'existence d'un préjudice pour la société Fxl International, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Fxl International de sa demande en paiement d'une somme de 100 000 €.

6) sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes formées au titre des frais irrépétibles et des dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Fxl International de ses demandes en paiement des sommes de 150 000 € et 100 000 € à titre de dommages et intérêts, en ce qu'il a ordonné sous astreinte la production d'éléments comptables pour les commissions dues avant la cessation du contrat et en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant des chefs infirmés ;

Condamne la société Sulzer Ensival Moret France à payer à la société Fxl International au titre des commissions dues avant la fin du contrat la somme de 65 416, 60 € ainsi que la somme de 42 311, 19 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019 ;

Constate le règlement par la société Sulzer Ensival Moret France à la société Fxl International de la somme de 65 416, 60 € le 26 janvier 2022 ;

Condamne la société Sulzer Ensival Moret France à payer à la société Fxl International la somme de 1 000 000 € avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2019 au titre de l'indemnité compensatrice de fin de mandat ;

Sursoit à statuer sur les demandes en paiement des sommes de 476 474, 81 € et 350 690, 80 € dans l'attente de la communication des documents utiles ;

Enjoint à la société Sulzer Ensival Moret France de communiquer, dans un délai de 2 mois à compter de la date de signification du présent arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard, l'ensemble des éléments comptables relatifs aux commandes reçues par Sulzer Emf au Maroc entre le 1er juin 2018 et le 31 janvier 2019 en particulier le nom du client, les numéros d'appels d'offres, les numéros de devis de Sulzer EMF, les numéros de commande client et la date de passation, et l'ensemble des éléments permettant de déterminer si les appels d'offres auxquels Fxl International a participé et listés en pièce n°32 ont donné lieu à une commande au plus tard le 31 janvier 2019 ;

Déboute la société Fxl de sa demande en paiement au titre de l'astreinte ordonnée en première instance ;

Réserve les demandes présentées au titre des frais irrépétibles et des dépens.