CA Nîmes, 1re ch., 14 septembre 2023, n° 21/02161
NÎMES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Home Works (SARL), MJC2A (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fournier
Conseillers :
Mme Toulouse, Mme Leger
Avocats :
Me Mejai, Me Wade, Me Canetti, Me Tinas
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société Home Works exerce l'activité de négoce de faïences, de céramiques de l'espace habitable de salle de bains, de matériaux et de constructions.
Elle se fournit auprès d'une société turque et commercialise ses produits sur l'ensemble du territoire national via un réseau d'agents commerciaux en contrat avec elle.
Par contrat d'agent commercial du 1er juin 2012, la société Home Works a confié à M. [K] [S] la mission de représentation de ses produits dans les départements : 04, 05, 06, 13, 83, 84, 30 et 34 moyennant le versement d'une commission sur les ventes réalisées.
Arguant de commissions impayées, M. [S] a assigné en référé la société Home Works devant le tribunal judiciaire d'Avignon afin d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui verser à titre provisionnel la somme de 37 490,74 euros.
Par ordonnance du 21 septembre 2020, rectifiée le 18 décembre 2020, le juge des référés près le tribunal judiciaire d'Avignon a condamné la société Home Works à payer à titre provisionnel la somme de 34 323,66 euros à M. [S], au titre des commissions dues pour la période allant du mois de septembre 2019 à juillet 2020, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 22 avril 2020 jusqu'à parfait paiement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Estimant que la société Home Works ne s'acquittait toujours pas des commissions qui lui étaient dues, par acte du 11 décembre 2020 dans le cadre d'une procédure accélérée au fond, M. [S] a assigné la Sarl Home Works aux fins de voir constater la rupture du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société et de la voir condamner au paiement d'une indemnité de résiliation d'un montant de 149 284 euros, outre le paiement des commissions demeurées impayées.
Le tribunal judiciaire d'Avignon, par jugement contradictoire du 3 mai 2021, a :
prononcé la résiliation du contrat d'agent commercial conclu le 1er juin 2012 entre M. [K] [S] et la Sarl Home Works aux torts de la Sarl Home Works ;
constaté que la Sarl Home Works reste devoir à M. [K] [S] la somme de 814,87 euros TTC correspondant aux commissions impayées ;
En conséquence,
condamné la Sarl Home Works à payer à M. [K] [S] la somme de 814,87 euros TTC au titre des commissions demeurant impayées avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement, et passé ce délai sous peine d'une astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard et ce pendant 60 jours à l'issue desquels il pourra à nouveau être statué ;
dit n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte ;
condamné la société Home Works à verser à M. [S] la somme de 14 992,85 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;
débouté M. [K] [S] de sa demande en dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
débouté la Sarl Home Works de sa demande en dommages et intérêts formée à l'encontre de M. [K] [S] ;
débouté la Sarl Home Works de sa demande en paiement d'un trop perçu formée à l'encontre de M. [K] [S] ;
condamné la Sarl Home Works à payer à M. [K] [S] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté la Sarl Home Works de sa demande formée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la Sarl Home Works à supporter les dépens en ce compris les frais nécessaires à l'exécution de la présente décision;
débouté M. [K] [S] pour le surplus de ses demandes ;
débouté la Sarl Home Works pour le surplus de ses demandes ;
ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration du 2 juin 2021, M. [K] [S] a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt contradictoire du 7 juillet 2022 auquel il sera renvoyé pour un plus ample exposé, la présente cour a :
- déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale ;
- déclaré recevable la demande de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales formée par la Sarl Home Works ;
- avant-dire droit sur la résolution du contrat d'agent commercial conclu entre la Sarl Home Works et M. [K] [S], sur la demande en paiement de commissions et d'indemnité de résiliation, ordonné une expertise judiciaire confiée à Mme [L] [J], expert en expertise comptable aux fins d'analyse des documents comptables et de déterminer les commissions versées à M. [S] et d'établir un compte entre les parties ;
- sursis à statuer sur les autres demandes et notamment sur les demandes de résolution du contrat, de paiement de rémunérations à M. [S] et de paiement d'indemnité de résiliation et sur la demande en paiement de dommages et intérêts formée par la Sarl Home Works fondée sur la rupture brutale des relations commerciales et pour procédure abusive;
- réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 27 septembre 2022 à 14h00.
Par jugement du 9 mai 2022, le tribunal judiciaire de Melun a placé la Sarl Home Works en liquidation judiciaire et a désigné la Selarl MJC2A, représentée par Maître [T] [M], ès qualités de liquidateur.
Par conclusions du 7 septembre 2022, la Selarl MJC2A a demandé à la cour de la recevoir en son intervention volontaire à la procédure afin de reprise d'instance et a sollicité une prorogation de délai de paiement de la consignation de 1500 euros mise à la charge de la société Home Works pour la réalisation de l'expertise judiciaire ordonnée.
Par ordonnance du 16 septembre 2022, une prorogation de délai a été accordée jusqu'au 5 décembre 2022.
La mesure d'expertise judiciaire a été frappée de caducité par ordonnance du 3 janvier 2023 en l'absence de versement de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert par la société Home Works.
Par ordonnance du 24 janvier 2023, la procédure a été clôturée le 30 mai 2023 et l'affaire fixée à l'audience du 13 juin 2023 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 14 septembre 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2023, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel seulement en ce qu'il a condamné la société Home Works à lui verser la somme de 14 992,85 euros au titre de l'indemnité de résiliation et débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre du préjudice moral et statuant à nouveau, de :
- condamner la société Home Works à lui verser la somme de 149 284 euros au titre de l'indemnité de résiliation, qui correspond à deux années de chiffre d'affaires, calculée sur la base du chiffre d'affaires annuel réalisé pour la période du mois de septembre 2019 au mois de septembre 2020,
- condamner la société Home Works à lui payer la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral,
En tout état de cause,
- déclarer la société Home Works irrecevable en ses demandes nouvelles formulées en cause d'appel,
- débouter la société Home Works de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Y ajoutant,
- condamner la société Home Works à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelant fait valoir que :
- la Sarl Home Works a engagé sa responsabilité contractuelle en ne lui versant pas les commissions qui lui étaient dues et a rendu impossible l'exécution du mandat en manquant à ses obligations telles que prévues à l'article L.134-4 code de commerce,
- la société intimée échoue à rapporter la preuve d'un cas de force majeure ou d'une absence d'encaissement des factures correspondantes aux commandes passées par les clients de M. [S] justifiant qu'elle soit exonérée de sa responsabilité puisque les pièces qu'elle verse aux débats ne sont pas admissibles au sens de l'article 1353 du code civil et sont en tout cas insuffisantes,
- l'intimée échoue également à démontrer l'existence du comportement déloyal et fautif qu'elle lui reproche et qui serait à l'origine d'une rupture brutale des relations commerciales et d'un détournement de clientèle,
- les dispositions de l'article L.134-16 du code de commerce sont d'ordre public et prévoient qu'est réputée non écrite toute clause contraire aux dispositions de l'article L.134-12 du même code et le montant de l'indemnité de résiliation doit ainsi être calculé en fonction des deux dernières années ou au montant total des commissions perçues pendant le mandat si celui-ci a duré moins de deux ans.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2023, la société MJC2A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Home Works, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- déclarer recevable et fondée sa constitution intimée et son appel incident,
Y faisant droit,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
constaté que le solde des factures impayées était de 314,87 euros et en ce qu'il a condamné la société Home Works à payer le solde sans astreinte,
débouté M. [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,
débouté M. [S] pour le surplus de ses demandes, plus ample ou contraires,
- l'infirmer pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [S] de l'intégralité de ses demandes,
- juger bien fondé la MJC2A ès qualités de mandataire liquidateur de la société Home Works, dans sa demande de résiliation judiciaire aux torts de M. [S],
- condamner M. [S] au paiement de la somme de 529 807,49 euros qui se décompose comme suit :
429 807,49 euros au titre de la perte de marge commerciale,
100 000 euros au titre du préjudice de réputation,
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 20 000 euros pour procédure abusive en application de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamner M. [S] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée réplique que :
- la Sarl Home Works n'a commis aucun manquement justifiant que la résiliation du contrat soit prononcée à ses torts exclusif puisque les commissions n'étaient pas acquises en cas de force majeure ou en cas de commandes impayées par le client et démontre que les créances alléguées par M. [S] n'étaient pas exigibles dès lors que les factures sous-jacentes émises aux clients n'avaient pas été encaissées,
- M. [S] ne saurait prétendre obtenir la somme de 149 284 euros au titre de l'indemnité de résiliation dès lors que le contrat, conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L.134-12 du code de commerce, prévoit en son article 10 les modalités de règlement de l'indemnité compensatrice laquelle ne saurait excéder la somme de 14 992,85 euros et dont il doit être débouté en l'absence d'un apport au développement de sa clientèle,
- M. [S] a manqué à son obligation générale de loyauté en détournant la clientèle de la société Home Works et estime être fondée à obtenir la résiliation judiciaire du contrat aux torts de M. [S] sur le fondement des articles 1217 et suivants du code civil et L.134-3 et L.134-4 alinéa 2 du code de commerce,
- elle démontre par ailleurs que les faits de détournement de la clientèle et de rupture brutale des relations commerciales permettent d'engager la responsabilité délictuelle de M. [S], s'agissant des violations commises pendant et après la rupture du contrat conformément aux articles 1240 et 1241 du code civil. Elle sollicite à ce titre que M. [S] soit condamné à lui payer la somme de 429 807,49 euros au titre de la perte de marge subie, ainsi que la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice de réputation directement imputable aux agissements de l'appelant.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'imputabilité de la rupture du contrat d'agent commercial :
Le tribunal a prononcé la résolution du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Home Works aux motifs de l'absence de paiement des commissions dans les délais sans motif légitime dès lors qu'une partie des commissions facturées par M. [S] était exigible et a retenu que ce défaut de paiement répété constituait un manquement grave à ses obligations contractuelles.
Appelante à titre incident, la société Home Works conteste cette analyse et soutient qu'il n'est pas rapporté la preuve d'impayés répétés. Elle se prévaut du non-paiement des factures sous-jacentes aux commandes par les clients, ce qui a eu pour conséquence de ne pas rendre exigibles les commissions réclamées par M. [S]. Elle indique qu'elle n'était dès lors pas tenue de payer les commissions et conteste avoir commis une quelconque faute de nature à justifier une résolution du contrat à ses torts.
M. [S] demande à la cour de confirmer la solution du premier juge ayant imputé la rupture du contrat d'agent commercial aux torts exclusifs de la société Home Works en raison des manquements graves et répétés aux obligations de cette dernière constitués par le non-paiement à échéance des commissions.
Il est constant que le non-paiement répété des commissions à bonne date constitue un manquement grave à ses obligations contractuelles susceptible de justifier la résolution du contrat d'agent commercial aux torts de la société mandante.
Aux termes de l'article 9 du contrat d'agent commercial signé par les parties, l'agent commercial doit percevoir en contrepartie de ses services, une commission de 5 à 7 % sur le chiffre d'affaires net suivant la catégorie des produits visés au contrat, la rémunération étant payée 'le dernier jour du mois suivant l'encaissement de la facture'.
La société mandante peut ainsi se prévaloir de la clause visant à retarder le paiement des commissions dues aux agents à la date d'encaissement effectif des factures par la société.
Mais il appartient à la société mandante qui conteste l'exigibilité des commissions réclamées par son agent commercial de rapporter la preuve de l'absence d'encaissement des factures.
L'intimée considère que les pièces comptables de la société font foi et entend se fonder sur les extraits du grand livre dont la fiabilité ne saurait selon elle être remise en cause.
L'appelant conteste la force probante des pièces produites par la société Home Works non corroborées par la production de relevés bancaires.
Il ajoute que la société Home Works ne justifie pas avoir adressé de lettres de relance à ses propres clients qui n'auraient pas réglé les factures correspondant aux achats effectués par son intermédiaire.
Les six lettres de mise en demeure de clients adressées le 5 août 2020 par le conseil de la société Home Works sont inexploitables en ce qu'elles sont biffées et ne permettent donc pas d'identifier les clients concernés ni d'établir qu'il s'agissait de clients démarchés par M. [S].
La société Home Works produit une attestation établie le 28 août 2020 par sa responsable, Mme [U] [F], selon laquelle les factures indiquées sur les 12 tableaux de chiffres d'affaires depuis septembre 2019 à juillet 2020 pour l'agent commercial M. [S] ne sont pas réglées conformément au Grand livre des comptes clients.
Elle produit également les extraits du Grand livre et des tableaux récapitulatifs établis par ses soins afférents aux factures non encaissées.
Il ressort de leur examen que s'agissant du mois de septembre 2019, sur le montant du chiffre d'affaires réalisé par l'intermédiaire de M. [S] pour un montant total de 110 585,79 euros, le montant des sommes effectivement encaissées était de 29,77 euros mais que de nombreux règlements de factures ont été effectués à la date du 21 octobre 2019.
S'agissant du mois d'octobre 2019, sur un chiffre d'affaires de 113 128,70 euros, la somme de 68 963,02 euros a été encaissée générant une commission de 4 699,25 euros qui aurait du être réglée à M. [S].
Pour le mois de novembre 2019, sur un chiffre d'affaires de 69 598 euros, la somme de 67 954,79 euros a été encaissée, générant une commission de 4 635,50 euros au profit de M. [S].
Pour le mois de décembre 2019, si le chiffre d'affaires réalisé était de 27 548,46 euros, le chiffre d'affaires encaissé a été de 83 434,38 euros générant une commission de 5 319,38 euros.
Au mois de janvier 2020, sur un chiffre d'affaires de 51 984,71 euros, la somme de 22 452,75 euros a été encaissée soit une commission de 1 643,82 euros.
Ces éléments attestent d'un décalage régulier entre les encaissements effectifs et les facturations.
Pour autant, il est établi que M. [S] était créancier de commissions à partir du mois d'octobre 2019 que la société Home Works ne justifie pas lui avoir réglé à bonne date conformément aux stipulations contractuelles.
M. [S] a d'ailleurs obtenu par ordonnance de référé en date du 21 septembre 2020 la condamnation de la société Home Works au paiement de la somme de 34 323,66 euros à titre provisionnel pour les commissions dues pour la période comprise entre septembre 2019 et juillet 2020.
M. [S] produit des factures de commissions pour la période comprise entre février et septembre 2020, lesquelles ont toutes été émises à partir du chiffre d'affaires réalisé mensuellement.
Au mois de février 2020, sur un chiffre d'affaires de 73 480,76 euros, a été encaissée la somme de 54 649,97 euros soit une commission de 3 742,96 euros due par la société Home Works au lieu de la somme de 6 172,40 euros réclamée par l'agent commercial.
Au mois de mars 2020, sur un chiffre d'affaires de 56 588,52 euros, a été encaissée la somme de 34 925,10 euros soit une commission de 2473,20 euros au lieu de la somme de 4 753,44 euros réclamée par M. [S].
Au mois d'avril 2020, sur un chiffre d'affaires de 11 172,27 euros, a été encaissée la somme de 31 180,10 euros générant une commission de 1 863,72 euros au lieu de la somme de 938,47 euros réclamée par M. [S].
Au mois de mai 2020, sur un chiffre d'affaires de 32 474,98 euros, a été encaissée la somme de 36 647,73 euros générant une commission de 2 196,31 euros en lieu et place de la somme de 2727,90 euros réclamée par M. [S].
Au mois de juin 2020, sur un chiffre d'affaires de 26 821,82 euros, a été encaissée la somme de 52298,71 euros générant une commission de 3 866,06 euros pour un montant réclamé par M. [S] de 2 251,83 euros.
Au mois de juillet 2020, sur un chiffre d'affaires de 33 803,45 euros, a été encaissée la somme de 86 255,15 euros générant une commission de 4 987,97 euros et non de 8 142,53 euros telle que facturée par M. [S].
Au mois d'août 2020, sur un chiffre d'affaires de 6 597,19 euros, a été encaissée la somme de 8 633,90 euros soit une commission de 610,04 euros au lieu de la somme de 6 050,54 euros.
Au mois de septembre 2020, les pièces produites par les parties sont très divergentes, M. [S] fondant la réclamation de sa commission pour un montant de 9 282,50 euros à partir d'un chiffre d'affaires de 110 505,79 euros alors que la société Home Works excipe d'un chiffre d'affaires de 4 436,78 euros et aucun encaissement.
Le chiffre d'affaires revendiqué par la société Home Works n'est cependant pas cohérent puisqu'il est très largement inférieur au montant cumulé des ventes listées dans le tableau.
Il ressort de l'analyse de ces pièces que M. [S] a facturé toutes ses commissions sur la base du chiffre d'affaires réalisé et non encaissé, ce qui n'était effectivement pas conforme aux stipulations contractuelles. Il appartenait cependant à la société Home Works, seule détentrice des informations comptables lui permettant de déterminer précisément le chiffre d'affaires mensuellement encaissé par ses soins, de recalculer les commissions dont elle était redevable à l'égard de son agent commercial sans pouvoir s'opposer à un paiement à bonne date de ces commissions.
La société Home Works ne s'est cependant pas acquittée du règlement des commissions à M. [S] conformément aux stipulations contractuelles et si le compte entre les parties a retenu un solde de 814,87 euros au profit de M. [S] tel que fixé par le premier juge et que les parties n'ont pas soumis à un nouvel examen de la cour en l'absence d'appel sur ce chef de décision, il a été établi en considération des sommes réglées par la société Home Works dans le cadre d'une mesure de saisie-attribution fondée sur l'ordonnance de référé l'ayant condamnée au paiement de la somme de 34 323,66 euros au titre des commissions non réglées sur la période de septembre 2019 à juillet 2020.
C'est par conséquent à bon droit que le tribunal a prononcé la résolution du contrat aux torts de la société Home Works et la décision déférée sera confirmée sur ce point sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par M. [S] afférents aux conditions matérielles d'exécution de son contrat d'agent commercial puisque le non-paiement des commissions à échéance constitue un manquement grave justifiant à lui seul la rupture du contrat.
Sur l'indemnité de résiliation :
Les parties sont en désaccord sur le quantum de l'indemnité de résiliation, l'appelant sollicitant la somme de 149 284 euros en lieu et place de la somme de 14 992,85 euros allouée par le premier juge alors que l'intimée considère de son côté qu'elle ne saurait être redevable d'une quelconque somme.
L'appelant fait grief au premier juge d'avoir calculé l'indemnité de résiliation en application des stipulations contractuelles et d'avoir ainsi appliqué une décote de 30 % en contradiction avec les dispositions d'ordre public des article L134-12 et L134-16 du code de commerce et réclame une indemnité correspondant à deux années de chiffre d'affaires calculées sur la base du chiffre annuel pour la période de septembre 2019 à septembre 2020.
L'intimée sollicite la stricte application des stipulations contractuelles parfaitement claires qu'elle estime conformes aux dispositions d'ordre public de l'article L134-12 du code de commerce.
L'article L134-12 du code de commerce prévoit que, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial à droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
L'agent commercial perd le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits.
Les ayants droit de l'agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
Aux termes de l'article L134-16 du même code, est réputée non écrite toute clause ou convention contraire à l'article L134-12.
En l'espèce, l'article 10 du contrat reprend strictement les termes de l'article L134-12 du code de commerce qui y sont reproduits en ses trois alinéas.
Il prévoit également que :
'Cette indemnité de résiliation sera déterminée en raison de l'apport au développement de la clientèle.
Elle représentera la commission versée des 12 précédents mois dont il y aura lieu de déduire 30 % des frais forfaitaires en application de la directive du conseil européen du 18 décembre 1986 (586/653 CEE)'.
Il est constant que le contrat ne peut subordonner l'indemnité de rupture à l'accroissement de la clientèle et que l'indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice comprenant la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties.
C'est donc vainement que l'intimée considère n'être redevable d'aucune somme au profit de M. [S] compte tenu d'un apport au développement de la clientèle quasi inexistant découlant du chiffre d'affaires subsistant à l'issue de la résiliation du contrat.
La clause prévoyant l'incidence d'un apport au développement de la clientèle sur l'indemnité de résiliation doit être réputée non écrite tout comme celle prévoyant la déduction de 30 % au titre de frais forfaitaires dans la mesure où elle tend à priver l'agent commercial de la réparation de son entier préjudice constitué par la perte des rémunérations auxquelles il pouvait prétendre dans le cadre de l'exécution de son contrat.
Les pièces versées aux débats permettent d'établir que le total des commissions dues sur la période de septembre 2019 à septembre 2020 s'élève à la somme globale de 35 768,21 euros.
Compte tenu des stipulations contractuelles non conformes aux dispositions d'ordre public prévues par l'article L134-12 du code de commerce, l'indemnité de résiliation sera calculée, conformément à l'usage habituel en la matière, sur la base du montant des commissions perçues au cours des deux dernières années.
La créance de M. [S] au titre de l'indemnité de résiliation s'élève ainsi à la somme de 71 536,42 euros qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Home Works par voie d'infirmation du jugement déféré sur ce point.
Sur les demandes reconventionnelles présentées par la société Home Works :
Le précédent arrêt rendu par la présente cour le 7 juillet 2022 a déclaré irrecevable la demande de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle pour concurrence déloyale mais a déclaré recevable la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales formée par la société Home Works.
Le débat est donc clos s'agissant des faits allégués de détournement de la clientèle de la société Home Works constitutifs d'actes de concurrence déloyale engageant selon l'intimée la responsabilité civile délictuelle de M. [S] ne pouvant donner lieu à un nouvel examen sur ce point.
S'agissant de la faute imputée à M. [S] au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties de nature à engager la responsabilité de l'agent commercial sur le fondement des dispositions de l'article L442-1. II du code de commerce, la société Home Works expose que dès la fin de l'année 2019, M. [S] a cessé de promouvoir ses produits.
Au soutien de son argumentation, la société Home Works ne produit cependant aucun élément objectif de nature à corroborer ses affirmations et se contente de produire une pièce attestant selon elle d'un transfert des ventes effectuées par M. [S] au profit de la société Odyssée Lumière Export.
Cette pièce ne présente cependant aucun caractère probant s'agissant d'une facture adressée à la société Odyssée Lumière d'un montant de 2 220 euros afférente à un bon de livraison acheminé par la société Transports Aline sans qu'aucun élément ne permette d'établir un lien avec une vente réalisée par l'intermédiaire de M. [S], pour un montant au demeurant non significatif.
Défaillante dans l'administration de la preuve d'une faute imputée à M. [S], la société Home Works sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts, tant au titre de la perte de marge commerciale pour un montant réclamé de 429 807,49 euros correspondant d'ailleurs au préjudice résultant des actes de concurrence déloyale, qu'au titre du préjudice de réputation évalué à la somme de 100 000 euros fondé sur l'allégation d'une atteinte portée aux intérêts et à la réputation de la société Home Works du fait du désintéressement de l'agent commercial au mandat qui lui avait été confié.
La société Home Works sera ainsi déboutée de ses demandes indemnitaires.
Sur le préjudice moral allégué par M. [S] :
Défaillant dans la preuve d'un préjudice moral prétendument subi du fait de la recherche par M. [S] de nouveaux partenaires commerciaux rendue nécessaire du fait de l'incurie de la société Home Works, M. [S] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts présentée à hauteur de la somme de 4 000 euros.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
La procédure engagée par M. [S] à l'encontre de la société Home Works ne présente aucun caractère abusif puisqu'il a obtenu gain de cause dans le cadre de la présente instance.
La demande d'indemnisation présentée par la société Home Works sera ainsi rejetée par voie de confirmation du jugement déféré sur ce chef.
Sur les autres demandes :
Partie perdante, la société MJC2A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Home Works, sera condamnée à en régler les entiers dépens de l'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer à M. [S] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par ce dernier sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la somme allouée par le premier juge à hauteur de 1 000 euros sera confirmée.
La prétention du même chef présentée par l'intimée sera rejetée en ce qu'elle succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Vidant sa saisine suite au précédent arrêt rendu par la présente cour le 7 juillet 2022,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Home Works à verser à M. [K] [S] la somme de 14 992,85 euros au titre de l'indemnité de résiliation ;
Statuant à nouveau sur ce chef,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Home Works la créance de M. [K] [S] d'un montant de 71 536,42 euros au titre de l'indemnité de résiliation du contrat d'agent commercial signé entre les parties ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute la Selarl MJC2A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Home Works, de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture brutale des relations commerciales ;
Condamne la Selarl MJC2A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Home Works, à régler les entiers dépens de l'appel ;
Condamne la Selarl MJC2A, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Home Works, à payer la somme de 3 500 euros à M. [K] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.