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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 18 septembre 2023, n° 17/00775

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

GAEC

Défendeur :

Sama Tech'elevage (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseiller :

Mme Chouvin-Galliard

Avocats :

Me Lavisse, Me Et Toumi, Me Berger, Me Laurent

TGI Blois, du 9 févr. 2017

9 février 2017

FAITS ET PROCEDURE

Selon bon de commande du 23 novembre 2011, le Groupement agricole d'exploitation en commun de [Localité 7] (ci-après le GAEC) a commandé à la société Sama Tech Elevage un robot de traite d'occasion de marque Lely, moyennant le prix TTC de 118 404 euros.

Le même jour, le GAEC de [Localité 7] a souscrit un contrat de prêt auprès de la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel pour un montant de 99 000 euros.

Le robot a été mis en service le 17 avril 2012.

Se plaignant de dysfonctionnements du robot, le GAEC de [Localité 7] a obtenu du juge des référés par ordonnance du 5 novembre 2013 la désignation de M. [A] [N], expert, qui a déposé son rapport le 31 juillet 2014.

Par acte d'huissier du 27 février 2015, le GAEC de [Localité 7] a fait assigner la société Sama Tech Elevage devant le tribunal de grande instance de Blois afin d'obtenir la résolution de la vente intervenue le 23 décembre 2011, aux torts exclusifs de celle-ci.

Par jugement en date du 9 février 2017 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Blois a :

- déclaré irrecevable la fin de non-recevoir formée par la société Sama Tech Elevage fondée sur le défaut de qualité à agir du GAEC [Localité 7] ;

- rejeté la demande du GAEC [Localité 7] fondée sur le manquement à l'obligation de délivrance ;

- dit que la société Sama Tech Elevage a manqué à son obligation d'information et de conseil;

- rejeté les demandes formées par le GAEC [Localité 7] aux fins de résolution de la vente et d'enlèvement du matériel ;

- condamné la société Sama Tech Elevage à payer au GAEC [Localité 7] les sommes suivantes :

la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice économique subi par lui,

la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par lui,

- condamné le GAEC [Localité 7] à payer à la société Sama Tech Elevage la somme de 12 434,51 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2015 ;

- dit que les intérêts produiront intérêts, à condition qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ;

- ordonné la compensation ente les sommes dues par la société Sama Tech Elevage et les sommes dues par le GAEC [Localité 7] ;

- précisé qu'il appartiendra aux parties de faire les comptes des sommes dues de part et d'autre, en principal, frais et intérêts ;

- débouté la société Sama Tech Elevage de sa demande de désignation d'un séquestre ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ;

- condamné la société Sama Tech Elevage à payer au GAEC [Localité 7] une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Sama Tech Elevage aux entiers dépens, y compris aux frais de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la SCP Hervouet Chevallier, avocat au barreau de Blois, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 3 mars 2017, le GAEC de [Localité 7] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 17 juin 2019, la cour d'appel d'Orléans a :

- rejeté la demande d'annulation de l'expertise judiciaire réalisée par M. [A] [N] commis par ordonnance rendue le 5 novembre 2013 par le président du tribunal de grande instance de Blois, statuant en référé ;

Avant dire droit sur l'ensemble des demandes des parties au litige, tous droits et moyens des parties réservés :

- ordonné une nouvelle expertise et commis pour y procéder M. [J] [U], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Orléans, avec faculté de s'adjoindre, s'il échet, tout sapiteur de son choix dans une autre spécialité que la sienne, avec mission, en présence des parties, de leurs conseils ou ceux-ci régulièrement convoqués :

1) de se faire remettre tous documents utiles à la réalisation de sa mission, en particulier ceux relatifs à la révision et à la mise à jour du matériel d'occasion Lely objet de la vente, ceux résultant des investigations d'ores et déjà menées et l'ensemble des pièces produites aux débats, d'entendre tous sachants en faisant mention de leurs identité et qualité,

2) de se rendre sur les lieux où le robot trayeur litigieux se trouve entreposé, en présence des parties ou elles dûment appelées ainsi que leurs conseils, et de l'examiner, de le décrire en faisant toutes observations utiles en particulier sur l'état mécanique de ce matériel ainsi que sur celui du logiciel de gestion dont il est doté,

3) de retracer la chronologie des pannes et dysfonctionnements ayant affecté ce robot trayeur et de donner son avis technique sur leur origine et leur cause ainsi que sur l'utilité et la pertinence des interventions qui ont été effectuées pour y remédier ou les préconisations qui ont pu être données,

4) de déterminer précisément ce qui relevait de l'action des utilisateurs et de donner son avis technique sur les conditions dans lesquelles ce matériel, en ce compris son logiciel, a été utilisé,

4) de donner son avis sur les préjudices invoqués en en recherchant les causes, et de se prononcer en particulier, sur l'apport alimentaire, quantitatif et qualitatif, au bétail durant la période d'utilisation du robot trayeur,

5) de fournir tous éléments d'ordre technique sur les responsabilités susceptibles d'être encourues par les parties à raison de l'utilisation de ce robot trayeur et, plus généralement, sur les préjudices qui ont pu en résulter en en chiffrant le montant afin de permettre à la juridiction saisie de procéder à d'éventuelles indemnisations,

6) d'établir un pré-rapport qui sera adressé aux parties et faire toutes remarques techniques utiles, notamment en répondant aux dires et observations formulés par celles-ci dans le délai impératif qui leur aura été imparti à peine d'irrecevabilité ;

- dit qu'en cas d'empêchement justifié de l'expert commis, il pourra être procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat de la cour en charge du contrôle des expertises saisi sans formalités et qu'il lui en sera référé en cas de difficultés ;

- fixé à la somme de 4.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération du technicien et dit que cette somme sera consignée à la régie de la cour par le GAEC de [Localité 7] et son mandataire judiciaire au plus tard le 15 septembre 2019, à peine de caducité de plein droit de la mesure et ceci sans rappel préalable ;

- dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la présente juridiction avant le 15 février 2020 et qu'il y mentionnera la date à laquelle il en a adressé copie à chacune des parties ;

- réservé les dépens.

M. [J] [U] a été remplacé par M. [O] [I] par ordonnance du 2 décembre 2019.

L'expert a déposé son rapport le 5 mai 2022.

Me [X] [T] ès qualités de mandataire à la sauvegarde judiciaire du GAEC de [Localité 7] est intervenu volontairement à l'instance par conclusions du 2 mars 2018.

L'affaire a été examinée à l'audience de plaidoirie du 9 janvier 2023.

A cette audience, suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, le GAEC de [Localité 7] et Me [X] [T] demandaient à la cour de :

- donner acte à Me [T] de son intervention volontaire ès qualités et de ce qu'il s'associe aux demandes formulées par le GAEC [Localité 7] ;

- déclarer le GAEC [Localité 7] recevable et bien fondé en son appel et y faire droit et ce faisant ;

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a reconnu la qualité à agir au GAEC [Localité 7] et retenu le manquement de la société Sama Tech Elevage à son devoir de conseil ;

Statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. [N] au regard de nombreuses lacunes et insuffisances de ce rapport ;

- dire n'y avoir lieu à entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. [I] au regard de nombreuses lacunes et insuffisances de ce rapport et le cas échéant prononcer la nullité dudit rapport du fait de la carence de l'expert dans l'accomplissement de sa mission et de la violation de l'article 233 du code de procédure civile ;

- ordonner le cas échéant avant dire droit une nouvelle expertise sous réserve de cette demande au stade de la mise en état ;

En tout état de cause,

- vu le dol et la tromperie sur les qualités du produit vendu, ordonner la nullité de la vente intervenue ;

- à tout le moins prononcer la résolution de la vente intervenue le 23 décembre 2011 selon bon de commande n°1540 portant sur le robot de traite d'occasion A2 Lely ;

- débouter purement et simplement la société SAMA Tech Elevage de sa demande reconventionnelle comme étant mal fondée et de toutes demandes formées à titre d'appel incident ;

- en conséquence, condamner la société SAMA Tech Elevage, qui voit sa responsabilité engagée, à payer au GAEC [Localité 7] les sommes suivantes :

118 404 € au principal en remboursement du prix ou à titre de dommages intérêts;

1 600 000 € sous réserve à parfaire au titre du très grave préjudice économique et financier subi par le GAEC [Localité 7], selon une situation actualisée et arrêtée au 15 mai 2017 et en intégrant également le coût de la location du nouveau robot trayeur ;

20 000 € en réparation du préjudice moral ;

- donner acte au GAEC [Localité 7] de ce qu'il tient le matériel litigieux à la disposition de la Sama Tech Elevage, dès qu'il sera rempli de ses droits tant au titre du préjudice matériel qu'au titre du préjudice accessoire, et que son enlèvement aura lieu aux frais du vendeur dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard ;

- condamner Sama Tech Elevage à payer au GAEC [Localité 7] la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Sama Tech Elevage aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire dont distraction au profit de Maître Lavisse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022, la société Sama Tech Elevage demandait à la cour de :

A titre liminaire

- juger que la société Sama Tech Elevage a réglé la somme de 34.065,49 € en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Blois en date du 09 février 2017, lequel montant résulte de la compensation entre les condamnations ordonnée par les premiers juges ;

- juger que le GAEC de [Localité 7] et Maître [X] [T] ne justifient pas la situation actuelle du GAEC depuis le jugement en date du 08 février 2018 ayant placé le GAEC sous le régime de sauvegarde des entreprises ;

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter le GAEC de [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

- débouter le GAEC de [Localité 7] de ses demandes en résolution de la vente et d'enlèvement du matériel en cause ;

- ramener le préjudice économique du GAEC de [Localité 7] à de plus justes proportions dans la limite de 66.527 € ;

- débouter le GAEC de [Localité 7] du surplus de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le GAEC de [Localité 7] à payer à la société Sama Tech Elevage la somme de 12.434,51 € en règlement de la créance détenue par cette dernière sur le GAEC de Saint Sauveur au titre des interventions réalisées à la demande du GAEC sur le robot de traite litigieux, avec intérêts au taux légal, plus anatocisme, à compter du 15 décembre 2015 ;

A titre plus subsidiaire,

Vu le rapport d'expertise de M. [O] [I],

- juger que la responsabilité sera partagée de moitié entre le GAEC de [Localité 7] et la société Sama Tech Elevage ;

- fixer le préjudice subi par le GAEC de [Localité 7] à la somme totale de 203.298 € en relation avec la fourniture du robot de traite ;

- limiter la condamnation de la société Sama Tech Elevage à la somme de 101.649 € avant déduction du règlement intervenu à hauteur de 34.065,49 € dans le cadre de l'exécution du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois en date du 09 février 2017, d'une part, et de la somme de 12.434,51 € TTC, augmentée des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 15 décembre 2015, correspondant à la créance certaine, liquide et exigible détenue par la société Sama Tech Elevage sur le GAEC de Saint Sauveur au titre des interventions qu'elle a réalisées à la demande de ce dernier, telles que remplacement de pièces consommables, des manchons, des bidons de lessives, des filtres à lait et des tuyaux à lait, d'autre part ;

- débouter le GAEC de [Localité 7] du surplus de ses demandes ;

En tout état de cause,

- désigner tout séquestre avec pour mission de conserver les fonds jusqu'à ce que le différend entre les parties soit tranché définitivement après épuisement des voies de recours ;

- condamner le GAEC de [Localité 7] à payer aux défenderesses la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner le GAEC de [Localité 7] aux entiers dépens, y compris de première instance et de référé, dont distraction au profit de la SCP François Tardivon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par arrêt avant-dire droit du 27 février 2023, la cour d'appel d'Orléans a :

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du lundi 26 juin 2023 à 14h;

- invité les parties à formuler leurs observations sur le moyen soulevé d'office tiré de

ce que le préjudice résultant d'un manquement à un devoir de conseil ayant privé le créancier de celui-ci du choix éclairé de sa décision ne peut consister qu'en une perte de chance ;

- invité le GAEC [Localité 7] à communiquer ses observations sur ce point avant

le 15 avril 2023 ;

- invité la société SAMA TECH ELEVAGE à communiquer ses observations sur ce

point avant le 3 juin 2023 ;

- réservé les dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, le GAEC [Localité 7] demande à la cour de :

- donner acte à Me [T] de son intervention volontaire es qualité et de ce qu'il s'associe aux demandes formulées par le GAEC [Localité 7]

- déclarer le GAEC [Localité 7] recevable et bien fondé en son appel et y faire droit et ce faisant :

- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a reconnu la qualité à agir au GAEC [Localité 7] et retenu le manquement de la société Sama Tech'Elevage à son devoir de conseil

Statuant à nouveau :

- dire n'y avoir lieu à entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. [N] au regard de nombreuses lacunes et insuffisances de ce rapport

- dire n'y avoir lieu à entérinement du rapport d'expertise judiciaire de M. [I] au regard de nombreuses lacunes et insuffisances de ce rapport et le cas échéant prononcer la nullité dudit rapport du fait de la carence de l'expert dans l'accomplissement de sa mission et de la violation de l'article 233 du code de procédure civile

- ordonner le cas échéant avant dire droit une nouvelle expertise sous réserve de cette demande au stade de la mise en état

En tout état de cause :

- à tout le moins prononcer la résolution de la vente intervenue le 23 décembre 2011 selon bon de commande n°1540 portant sur le robot de traite d'occasion A2 LELY

- débouter purement et simplement la société Sama Tech'Elevage de sa demande reconventionnelle comme étant mal fondée et de toutes demandes formées à titre d'appel incident ;

En conséquence,

- condamner la société Sama Tech'Elevage, qui voit sa responsabilité engagée, à payer au GAEC [Localité 7] les sommes suivantes :

- 118.404€ au principal en remboursement du prix ou à titre de dommages intérêts - 1 600 000 euros sous réserve à parfaire au titre du très grave préjudice

économique et financier subi par le GAEC [Localité 7], selon une situation

actualisée et arrêtée au 15 mai 2017 et en intégrant également le coût de la location

du nouveau robot trayeur

- 20.000 € en réparation du préjudice moral.

- donner acte au GAEC [Localité 7] de ce qu'il tient le matériel litigieux à la disposition de la société Sama Tech'Elevage, dès qu'il sera rempli de ses droits tant au titre du préjudice matériel qu'au titre du préjudice accessoire, et que son enlèvement aura lieu aux frais du vendeur dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard

- condamner société Sama Tech'Elevage à payer au GAEC [Localité 7] la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société Sama Tech'Elevage aux entiers dépens qui comprendront le coût de l'expertise judiciaire dont distraction au profit de Me Lavisse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, la société Sama Tech'Elevage demande à la cour de :

A titre liminaire

- juger que la société Sama Tech Elevage a réglé la somme de 34.065,49 € en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Blois en date du 09 février 2017, lequel montant résulte de la compensation entre les condamnations ordonnée par les premiers juges ;

- juger que le GAEC [Localité 7] et Me [T] ne justifient pas la situation actuelle du GAEC depuis le jugement en date du 08 février 2018 ayant placé le GAEC sous le régime de sauvegarde des entreprises,

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter le GAEC [Localité 7] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire

- débouter le GAEC [Localité 7] de ses demandes en résolution de la vente et d'enlèvement du matériel en cause,

- ramener le préjudice économique du GAEC [Localité 7] à de plus justes proportions dans la limite de 66.527 €,

- débouter le GAEC [Localité 7] du surplus de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le GAEC [Localité 7] à payer à la société Sama Tech Elevage la somme de 12.434,51 € en règlement de la créance détenue par cette dernière sur le GAEC Saint Sauveur au titre des interventions réalisées à la demande du GAEC sur le robot de traite litigieux, avec intérêts au taux légal, plus anatocisme, à compter du 15 décembre 2015,

A titre plus subsidiaire

- juger que la responsabilité sera partagée de moitié entre le GAEC [Localité 7] et la société Sama Tech Elevage,

- fixer le préjudice subi par le GAEC [Localité 7] à la somme totale de 203.298 € en relation avec la fourniture du robot de traite,

- limiter la condamnation de la société Sama Tech Elevage à la somme de 101.649 € avant déduction du règlement intervenu à hauteur de 34 065,49 € dans le cadre de l'exécution du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Blois en date du 09 février 2017, d'une part, et de la somme de 12 434,51 € TTC, augmentée des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du 15 décembre 2015, correspondant à la créance certaine, liquide et exigible détenue par la société Sama Tech Elevage sur le GAEC [Localité 7] au titre des interventions qu'elle a réalisées à la demande de ce dernier, telles que remplacement de pièces consommables, des manchons, des bidons de lessives, des filtres à lait et des tuyaux à lait, d'autre part,

- débouter le GAEC [Localité 7] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause

- désigner tout séquestre avec pour mission de conserver les fonds jusqu'à ce que le différend entre les parties soit tranché définitivement après épuisement des voies de recours,

- condamner le GAEC [Localité 7] à payer aux défenderesses la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le GAEC [Localité 7] aux entiers dépens, y compris de première instance et de référé, dont distraction au profit de la SELARL Berger - Tardivon - Girault - Saint-Hilaire, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur l'intervention volontaire de Maître [T]

Il est justifié (pièce n°69 du GAEC) qu'une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard du GAEC de [Localité 7] par jugement du 8 février 2018 et que M. [X] [T] a été nommé en qualité de mandataire judiciaire. Il convient dès lors de lui donner acte de son intervention volontaire aux côtés du GAEC dans le cadre de la présente procédure.

Sur la demande de nullité du rapport d'expertise

Conformément à l'article 233 du code de procédure civile, le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.

Toutefois, il résulte de l'article 278 du code de procédure civile que l'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, dans une spécialité autre que la sienne.

Dans ce cas, l'expert ne peut fonder ses conclusions sur l'avis de celui-ci qu'à la condition de donner connaissance de cet avis aux parties, afin qu'elles puissent le discuter devant lui (2eCiv., 21 janvier 2010, pourvoi n o 07-13.552, Bull. 2010, II, n°16 ; 2eCiv., 15 avril 2010, pourvoi n °09-10.239, Bull. 2010, II, n° 83 ; 1ère Civ., 1 er février 2012, pourvoi n°10-18.853, Bull. 2012, I, n°20).

En l'espèce, l'expert désigné, M. [I], expert foncier inscrit sur la liste de la cour d'appel d'Orléans, s'est adjoint un sapiteur en la personne de Mme [L] [W], inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris et qui dispose d'une qualification en ingénierie des techniques agricoles.

M. [I] a, dans son rapport, présenté les points 1 et 2 du rapport d'expertise, et renvoyé pour les questions techniques à l'avis du sapiteur. Dans ses conclusions, il indique qu'il partage entièrement l'analyse et les réponses du sapiteur.

M. [I] a pu valablement fonder ses conclusions sur l'avis du sapiteur, dès lors que celui-ci a été porté à la connaissance des parties qui ont pu le discuter, aucune disposition procédurale ne réglementant l'étendue des questions qui peuvent être soumises au sapiteur. La technicité des questions posées dans le cadre de la mesure d'expertise justifiait que l'expert se fonde sur l'avis du sapiteur, ingénieur des techniques agricoles, pour répondre aux questions posées par la cour.

La demande de nullité du rapport d'expertise sera en conséquence rejetée.

Sur la demande de non entérinement des deux rapports d'expertise judiciaire

Le GAEC demande encore à la cour de ne pas entériner le rapport de M. [N] ni celui de M. [I].

Il convient à cet égard de rappeler que le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert.

Il appartiendra à la cour de se livrer à un examen des constatations factuelles et des éléments de réflexion figurant dans ces rapports pour se forger un avis et déterminer, à la lumière des autres éléments du dossier et des observations des parties, si les manquements reprochés par le GAEC à la société Sama Tech Elevage sont ou non établis.

Il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande, pas plus qu'il n'y a lieu d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise.

Sur les manquements reprochés à la société SAMA TECH ELEVAGE

Le GAEC reproche à la société Sama Tech Elevage d'avoir manqué à son devoir d'information et de conseil, et à son obligation de délivrance conforme. Il lui reproche enfin de l'avoir trompé sur les qualités de la chose vendue et d'avoir ainsi commis un dol.

Il sollicite en conséquence du manquement à l'obligation de délivrance conforme et du dol ayant vicié le consentement la résolution ou l'annulation de la vente et la restitution du prix ainsi que des dommages et intérêts.

1 - Sur la demande de résolution du contrat pour dol

Moyens

Moyens des parties

Le GAEC soutient que la société Sama Tech Elevage a commis un dol en ce que ce qui a été vendu n'est pas une centrale de traite reconditionnée à neuf mais un engin d'occasion à peine révisé, ce qui lui a été dissimulé au moment de la vente.

Il souligne que l'expert a omis de se faire remettre le descriptif du reconditionnement et les factures afférentes à celui-ci afin d'en vérifier l'étendue.

Il ajoute que l'élément intentionnel ne fait aucun doute puisque la société Sama Tech Elevage savait très bien qu'il s'agissait d'un engin à peine révisé et au fonctionnement très anarchique, et l'a pourtant présenté au GAEC [Localité 7] comme une centrale de traite remise à neuf.

La société Sama Tech Elevage répond que le rapport de M. [I] confirme celui de M. [N] en ce que le robot de traite n'est atteint d'aucun vice intrinsèque.

Réponse de la cour

En application de l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige :

'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé'.

En l'espèce, selon bon de commande du 23 novembre 2011, le GAEC a commandé 1 robot A2 INOX 2003, HQL, PURA TITANIA, 2ème destination veau, M4USE, pompe à vide (garantie 5 ans) , 80 colliers, un lot électricité salle robot + tableau pour robot, un compresseur neuf et une année de maintenance.

La facture du 21 décembre 2012, d'un montant de 107 640 euros, porte sur un ASTRONAUTSE, TITANIA' 2ème DESTINATION VEAU, MQC, PURA, M4USE, Pompe à vide (garantie 5 ans), 80 colliers.

L'expert judiciaire commis par la cour d'appel confirme que le robot vendu par la société Sama Tech Elevage est un robot d'occasion, révisé et vendu dans le réseau LELY. La certification Taurus, dont l'expert relève qu'il n'est pas justifié qu'elle ait été apportée, n'est pas entrée dans le champ contractuel ainsi qu'il résulte des pièces contractuelles produites.

D'une part il ne résulte pas des pièces produites que le contrat portait sur un robot révisé à neuf puisque cet élément ne figure sur aucun des documents contractuels.

D'autre part, s'il est constant que la société Sama Tech Elevage a été appelée à intervenir 42 fois entre le 17 avril 2012 et le 17 avril 2014, fin du contrat de maintenance, l'expert M. [I] n'a pas pu attribuer à la société Sama Tech Elevage la cause des dysfonctionnements, dans la mesure où sur 15 rapports d'intervention de la société Sama Tech Elevage, le technicien qui est intervenu a noté des problèmes extérieurs au robot, de sorte que les difficultés de fonctionnement du robot ont pu avoir des causes extérieures au robot (rapport p.24).

Au demeurant, le contrôle OPTITRAITE en date du 26 juin 2012, effectué par un organisme indépendant, n'a pas mis en évidence de dysfonctionnement puisque l'expert note qu'au jour du contrôle, les critères contrôlés étaient satisfaisants. (p.26)

L'élément matériel du dol n'est donc pas démontré.

L'élément intentionnel ne l'est a fortiori pas davantage puisqu'il n'est aucunement démontré que la société Sama Tech Elevage aurait volontairement voulu tromper le GAEC.

La demande de résolution du contrat pour dol sera en conséquence rejetée.

2 - Sur la demande de résolution du contrat pour manquement à l'obligation de délivrance

Moyens des parties

En l'espèce, le GAEC soutient que la société Sama Tech Elevage a manqué à son obligation délivrance en ce qu'alors qu'elle s'était engagée à vendre un robot trayeur d'occasion reconditionné et en parfait état de fonctionnement, elle lui a vendu une machine défectueuse qui a fait l'objet de pannes à répétition dès son installation. Il ajoute que le robot a totalement cessé de fonctionner en 2017. Les rapports d'expertise de M. [N] et de M. [D] mettent selon lui en évidence que le robot livré était, dès le départ, affecté de multiples dysfonctionnements, qu'après de nombreuses pannes en 2013, les dysfonctionnements ont persisté depuis en s'accélérant jusqu'à l'arrêt total de la machine en 2017.

Il précise que M. [D] énumère ainsi dans son rapport les dysfonctionnements suivants entre novembre 2013 et mars 2014 :

- incapacité de brancher les vaches ou connexion d'un gobelet à côté du rayon ;

- fonctionnement désordonné de la pompe à lait ;

- affichages et enregistrements désordonnés ;

- pas de comptage de lait pendant plusieurs semaines ;

- désordres dans la distribution du concentré depuis janvier 2014 ;

- affichage d'un échec sur une traite normale ;

- après le brossage du pis, le bras reste au sol ;

- mauvais lavage et désinfection (réglage de la hauteur du bras jusqu'à deux fois par jour du 23 décembre 2013 au 26 janvier 2014) ;

- pompe à vide qui ne s'arrête pas.

Il ajoute que les procès-verbaux établis par huissier de justice, les rapports administratifs (rapports d'inspection de la préfecture de Loir-et-Cher et des services de la DDCSPP), les attestations qu'il produit confirment les dysfonctionnements du robot.

La société Sama Tech Elevage soutient que le robot n'était pas défectueux et que la cause des difficultés rencontrées par le GAEC réside dans le facteur humain et dans le non respect par le GAEC des prescriptions du vendeur.

Réponse de la cour

En application de l'article 1604 du code civil :

'La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur'.

Le GAEC soutient que le robot vendu a présenté dès l'origine des pannes et dysfonctionnements à répétition, qu'il impute au robot qui était selon lui défectueux.

Le premier expert judiciaire désigné dans le cadre d'un référé expertise, M. [N], a conclu, en page 21 de son rapport, au bon fonctionnement du robot.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de M. [I] que (p.18) du 17 avril 2012 au 17 avril 2014, la société Sama Tech Elevage est intervenue 42 fois dont 4 interventions pour la mise en route du robot, 10 interventions en maintenance préventive et 28 fois en dépannage.

Les interventions pour la mise en route, et en maintenance préventive ne répondent pas à une panne ou un dysfonctionnement du robot.

Il résulte en revanche du rapport d'expertise que 28 interventions ont eu lieu à la demande du GAEC, en 24 mois, pour les motifs suivants (p.18 rapport) :

- problèmes du bras (9 interventions)

- problème de branchement des vachces (6 interventions)

- problèmes de lavage (6 interventions)

- problèmes divers : 5 :

- désinfection : 1

- pulsateur : 1.

Toutefois, l'expert a analysé les 15 rapports d'intervention des techniciens de la société Sama Tech Elevage à l'occasion de ces interventions.

Ces techniciens ont noté que l'éleveur avait fait des réglages non validés par LELY, qu'il utilisait des produits non recommandés (eau de javel pour le lavage des brosses), que les échecs de branchement pouvaient être dus à des vaches qui avaient très peu de lait, voire avaient des quartiers taris, que le GAEC avait volontairement allongé le temps de traite ce qui provoque de la surtraite et, en fragilisant la mamelle, avait pu provoquer des mamites et faire augmenter le taux de leucocytes dans le lait (fiche rapport du 9 avril 2013). Ils se sont également posés plusieurs fois la question de possibles 'impacts' de vaches sur le bras. Certaines interventions ont fait suite à des problème extérieurs au robot.

Il en résulte que les difficultés de fonctionnement ayant justifié l'intervention des techniciens ont pu avoir des causes extérieures au robot : coupure des tuyaux et mauvais nettoyage par le GAEC, impact de coche sur le bras du robot, modification des réglages par le GAEC, utilisation d'eau de javel pour le nettoyage des brosses, problème à la suite du passage du laitier, pas de lait dans les quartiers, intervention sans véritable cause.

L'expert a également analysé le descriptif fait par le GAEC des difficultés qu'il a rencontrées, complété par ses observations, et note que les signalements portaient sur difficulté de branchement des vaches, difficultés de reconnaissance des vaches, baisse de production, problème de qualité du lait et problème de lavage, mais il constate que ces éléments ne permettent pas de donner d'indication sur l'origine des dysfonctionnements constatés. Ainsi, les rapports d'échec de traite concernent dans 3 cas sur 4 des primipares fraichement vêlées qui ont plus de mal à accepter la traite et sont plus nerveuses, la présence d'eau de lavage dans le lait atteste de dysfonctionnements du système du lavage qui peut provenir d'une erreur de programmation par l'éleveur ou d'un mauvais fonctionnement du système, que l'origine des échecs de branchement constatés est difficile à déterminer car il est difficile de distinguer ce qui peut provenir des animaux (conformation des mamelles, quartiers taris, peu de lait), de ce qui peut provenir du robot.

L'expert conclut que le GAEC a procédé à de très nombreux réglages non conformes aux préconisations LELY et a utilisé des produits de lavage et de trempage des trayons non autorisés par LELY, malgré les indications données par les techniciens, de sorte qu'il est difficile de distinguer les causes de dysfonctionnement dues au robot, des causes dues à des interventions extérieures (facteur humain ou vaches).

Il indique en page 43 de son rapport que les éleveurs du GAEC n'ont pas suivi toutes les recommandations LELY-SAMATECH ELEVAGE, et en particulier, qu'ils ont, contrairement à ce que préconise LELY, décidé d'augmenter l'effectif avant l'arrivée du robot en prévision de futures réformes, choix qui a nui à la bonne utilisation du robot car il y avait trop d'animaux pour un seul robot. Il ajoute que les éleveurs n'ont pas suivi la recommandation de la distribution d'une ration équilibrée à l'auge et ont voulu distribuer la totalité des concentrés au robot, alors qu'il s'agissait d'un robot de traite et non d'un distributeur d'aliments concentrés selon ses explications page 28, que les éleveurs ont modifié les réglages du robot pour revenir au système qu'ils connaissaient de deux traites par jour, et qu'ils n'ont pas demandé les conseils d'un spécialiste en alimentation et ont conservé leurs méthodes traditionnelles.

S'agissant du nombre de vaches, le GAEC soutient qu'il y avait 73 vaches présentes le 31 mars 2012, mais que début avril ont été vendues 10 vaches à lait, de sorte qu'il n'en restait plus que 60 à la mise en route de la machine le 17 avril 2012, et 50 le 30 avril 2012.

Toutefois, il est établi par l'inventaire au 31 mars 2012 que l'effectif était à cette date de 73 vaches, et il n'est pas justifié de la vente, entre le 31 mars 2012 et le 17 avril 2012, de dix vaches à lait, de sorte qu'il doit être en effet considéré que le troupeau comportait 73 vaches lors de la mise en route de la machine, conçue pour un effectif d'une soixantaine de vaches.

Le non respect des préconisations du vendeur par le GAEC en terme de taille du troupeau est à l'origine selon l'expert :

- des difficultés de branchement des vaches, en raison :

- du trop grand nombre de vaches à la traite, contribuant aux difficultés d'apprentissage des animaux au robot ;

- de l'absence de réforme avant l'installation du robot donc de la présence d'animaux avec des mauvaises mamelles et des trayons mal implantés ;

- d'un risque de sous consommation des concentrés et corrélativement de baisse de la production, en raison d'une ration excessive de concentrés à distribuer par le robot et à consommer par les vaches en un temps plus court puisque l'objectif du robot est d'augmenter la fréquence des traites ;

- d'un risque de dégradation des conditions d'ambiance, avec une incidence négative sur les taux cellulaires, en raison du nombre de vaches sous le bâtiment.

L'expert relève encore (p.43/44 du rapport) que les difficultés du GAEC ont pu également avoir pour cause une mauvaise maîtrise des outils informatiques.

L'expert judiciaire n'a pas mis en évidence, au cours de ses opérations, de désordre affectant le robot.

Les constatations faites par l'expert judiciaire, au terme d'un rapport étayé et circonstancié, ne permettent donc pas d'établir que le robot vendu était défectueux.

L'avis de M. [D], technicien missionné par la société d'assurance du GAEC et dont l'avis diffère de celui de l'expert judiciaire en ce qui concerne les causes des dysfonctionnements, invoqué par le GAEC au soutien de ses demandes, ne saurait toutefois suffire à remettre en cause, alors qu'il est commis par l'assureur d'une partie, les conclusions de l'expert judiciaire désigné dans cette affaire.

Les attestations versées aux débats par le GAEC, qui décrivent pour un certain nombre d'entre elles des dysfonctionnements imputés au robot et en particulier les problèmes de branchement des vaches, ne permettent pas de déterminer les causes de ces problèmes et donc d'imputer à un fonctionnement défectueux du robot les dysfonctionnements ainsi constatés, alors que le non respect des prescriptions par le GAEC a pu être à l'origine des dysfonctionnements constatés. Il en est de même des procès-verbaux de constat établis par huissier de justice qui ne permettent pas de déterminer l'origine et la cause des dysfonctionnements constatés.

Il ne résulte enfin nullement du rapport d'inspection de la préfecture de Loir-et-Cher et du rapport de la DDCSPP qui mentionne 'Malgré la persistance d'un fonctionnement anarchique du robot trayeur' que ces services ont constaté eux-mêmes ces dysfonctionnements ni surtout, à supposer que tel soit le cas, que ces éventuels dysfonctionnements étaient imputables au robot lui-même plutôt qu'à la façon dont il était utilisé.

S'il est constant que le GAEC a rencontré des difficultés dans l'utilisation de ce robot, il ne résulte pas des éléments du dossier la preuve que les pannes et dysfonctionnements invoqués par le GAEC avaient pour origine des désordres affectant le robot.

Il résulte au contraire des constatations de l'expert que le GAEC a procédé à des réglages non autorisés, qu'il n'a pas respecté l'ensemble des préconisations du vendeur, et que les difficultés imputées par le GAEC à un mauvais fonctionnement du robot sont en réalité consécutives aux difficultés d'adaptation du GAEC à l'utilisation de cette machine en raison non seulement d'une maîtrise insuffisante de l'outil informatique et du logiciel équipant le robot, mais également d'une difficulté pour le GAEC à se conformer à l'usage pouvant en être attendu et à adapter en particulier la distribution des aliments et le rythme des traites au fonctionnement de cette machine.

La GAEC ne rapporte donc pas la preuve, qui lui incombe, du fait que le robot qui lui a été vendu était défectueux de sorte qu'il n'est pas démontré que la société SAMA TECH ELEVAGE a manqué à son obligation de délivrance conforme.

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Il convient surabondamment de rappeler que l' obligation de délivrance est prévue à l'article'1604 du Code civil qui énonce que 'la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur'.

La méconnaissance par le vendeur de son obligation de délivrance du bien au moment déterminé par le contrat est sanctionnée par le mécanisme de la responsabilité civile. L'article'1610 du Code civil énonce ainsi que 'si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient que du fait du vendeur'. L'article'1611 du même code ajoute que le vendeur doit être condamné au paiement de dommages et intérêts en cas de préjudice causé à l'acheteur."

Il est constant que l'action en non-conformité a pour objet de sanctionner l'inadéquation de la chose aux caractéristiques contractuellement définies et connues du vendeur (1ère Civ., 23 octobre 2019, pourvoi n° 19-11.605, publié).

Elle se distingue de l'action en garantie des vices cachés, fondée sur les articles 1641 et suivants du code civil, qui a pour objet de garantir l'acquéreur 'des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'. Les conditions de recevabilité et de fond attachées à l'action en garantie des vices cachés sont précisément définies par les articles 1641 et suivants du code civil.

Or en l'espèce, le GAEC invoque, au soutien de sa demande fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, les multiples dysfonctionnements et pannes ayant affecté dès l'origine le robot acheté à la société Sama Tech Elevage, prétendument reconditionné.

Toutefois, le fait que la vente portait sur une machine reconditionnée n'est pas établi par les pièces produites et il n'est pas démontré en l'espèce que le robot vendu n'était pas conforme aux caractéristiques contractuellement convenue, les pannes et dysfonctionnements invoqués par le GAEC, ci-avant analysés (fonctionnement désordonné de la pompe à lait, difficultés de branchements des vaches, affichages et enregistrements désordonnés, désordre dans la distribution du concentré, mauvais lavage et désinfection... ) relevant d'un mauvais fonctionnement de la machine et non d'un défaut de conformité aux caractéristiques contractuellement convenues.

Les demandes du GAEC en résolution de la vente et en dommages et intérêts fondées sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme seront en conséquence rejetées et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le manquement du vendeur à son obligation d'information et de conseil

Moyens des parties

Le GAEC reproche encore au vendeur d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil. Il fait valoir que le vendeur professionnel a l'obligation de se renseigner sur les besoins de l'acheteur, de vérifier l'adéquation du produit vendu à l'usage auquel il est destiné. Il souligne qu'il résulte du rapport d'expertise de M. [N] que l'utilisation du robot n'était pas adaptée au système d'élevage du GAEC et qu'il n'a pas été judicieux pour la société Sama Tech Elevage de vendre un tel robot au GAEC sans avoir effectué un audit préalable de l'entreprise. Il ajoute que la société Sama Tech Elevage n'a pas suffisamment attiré l'attention du GAEC sur le fait que l'utilisation du robot n'exclut pas la présence humaine et doit être réalisée dans le cadre parfaitement maîtrisé de suivi de l'élevage, tant sur le plan alimentaire qu'humain.

Le GAEC souligne encore qu'aucune réserve n'a été émise par le vendeur, que ce soit à la signature du bon de commande ou à la mise en place du robot, quant au type d'alimentation, à la distribution en libre-service, au pâturage, à la distribution des concentrés au robot, au niveau du troupeau, de sorte qu'il a manqué à son obligation de conseil.

La société Sama Tech Elevage répond que M. [R] avait reçu les formations et informations adéquates en relation avec le robot incriminé, ainsi que le souligne M. [N] dans son rapport et qu'il appartenait au GAEC, ensuite de la formation reçue, de paramétrer son robot selon la race de la vache, son stade de lactation, sa morphologie, son potentiel laitier... la société Sama Tech n'étant pas tenue des mauvais paramétrages ou ajustements effectués par l'éleveur.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au présent litige, que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu (1re Civ., 11 mai 2022, pourvoi n° 20-22.210, publié).

En l'espèce, les experts judiciaires qui sont successivement intervenus relèvent que le GAEC possédait un élevage de vaches laitières 'très extensif' (rapport de M. [N] page 16), en 'vitesse de croisière avec un troupeau conduit de façon traditionnelle, peu intensive, en monte naturelle' (rapport de M. [I] page 82).

Tous deux considèrent que la vente d'un tel robot de traite, qui oblige à une gestion automatisée du troupeau, qui impose aux animaux de se soumettre aux règles de l'automatisme, et qui nécessite une maîtrise de l'outil informatique, n'était pas adapté aux besoins de ce GAEC. Le robot et son logiciel T4C sont jugés 'beaucoup trop sophistiqués pour le niveau de compétence en informatique des éleveurs du GAEC' par M. [I] qui ajoute que la journée de formation proposée par le vendeur ne suffisait pas et que le mode d'emploi était difficilement compréhensible pour un novice en informatique.

L'expert M. [I] relève encore que la société Sama Tech Elevage n'aurait dû mettre en place le robot qu'après vérification de leur réelle compétence en informatique et en utilisation de logiciel de gestion de troupeau, et aurait dû conseiller aux associés de se faire accompagner par un technicien en gestion de troupeau.

Force est de constater en effet que les membres du GAEC, qui n'avaient aucune expérience en la matière puisqu'il s'agissait de leur première acquisition d'un robot de traite automatisé, n'avaient pas de compétence particulière en informatique tandis que l'utilisation du logiciel associé au robot nécessitait une certaine technicité et que la journée de formation donnée par le vendeur à M. [R], associé du GAEC, ne suffisait pas à lui permettre d'acquérir une maîtrise suffisante de l'outil informatique pour pouvoir gérer le logiciel du robot. L'expert relève en outre qu'il n'y avait pas de ligne internet dédiée pour le robot, ce qui a privé le GAEC de la maintenance informatique assurée par le vendeur.

Il résulte des éléments du dossier que le GAEC n'a pas été en mesure de faire fonctionner correctement ce robot. L'expert relève 'des difficultés pour utiliser le logiciel, une mauvaise compréhension de son fonctionnement notamment pour la distribution des concentrés, et une utilisation non performante de l'outil qui a pu participer à la dégradation des résultants tant en production qu'en qualité cellulaire'. La société Sama Tech Elevage fait d'ailleurs valoir dans ses conclusions que 'devant le fait que le Gaec [Localité 7] ne savait toujours pas utiliser correctement le robot', elle lui a proposé, au cours de la première expertise judiciaire, de le reprendre au prix de 56 587,21 euros TTC. Elle admet ainsi que le GAEC n'a pas été en capacité de faire fonctionner le robot, ce qui confirme qu'il n'était pas adapté aux besoins de cette exploitation.

Il n'est nullement justifié non plus que l'attention du GAEC a été attirée par le vendeur sur les contraintes induites par l'utilisation d'une telle machine en terme de conduite de l'exploitation, sur l'incidence du choix de cette machine sur les modalités d'alimentation de leurs animaux, sur l'opportunité de se faire accompagner, comme préconisé par l'expert, par un technicien en alimentation, sur l'utilité d'avoir une ligne internet dédiée au robot, ou encore sur l'opportunité d'opérer une sélection des animaux bien conformés à la machine.

Il n'est pas non plus justifié que les vendeurs ont expliqué aux membres du GAEC que le robot n'était pas destiné à distribuer aux vaches l'intégralité de leur ration de concentré, et qu'une distribution complémentaire devait être envisagée, alors que le GAEC souhaitait que le robot distribue la quantité de concentré nécessaire.

Il en résulte que la machine vendue était manifestement inadaptée aux besoins de ce GAEC et que le vendeur, à qui il appartenait de s'assurer de l'adéquation de la machine vendue avec les spécificités et les caractéristiques de cette exploitation et avec les attentes du GAEC, et qui ne justifie pas l'avoir fait, a manqué à son obligation d'information et de conseil, faisant ainsi perdre au GAEC une chance d'acheter un robot plus adapté à ses besoins, à ses compétences et à la structure de son troupeau et donc d'éviter les difficultés financières occasionnées par l'installation de ce robot.

Il convient en conséquence de retenir un manquement de la société Sama Tech Elevage à son obligation d'information et de conseil.

Sur l'indemnisation des préjudices

1 - Sur la demande en paiement d'une somme de 118 404 euros

Le GAEC sollicite le paiement par la société Sama Tech Elevage de cette somme, qui correspond au prix d'acquisition du matériel, soit au titre de la restitution du prix de vente en cas d'annulation de la vente, soit à titre de dommages et intérêts.

La résolution de la vente n'étant pas prononcée, la restitution du prix ne peut pas être ordonnée.

Et il est constant que les conséquences d'un engagement librement souscrit et judiciairement déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable.

En conséquence, le paiement du prix d'acquisition de ce robot, qui a effectivement été livré et dont le GAEC est propriétaire, ne saurait constituer un préjudice indemnisable.

Le GAEC sera débouté de sa demande à ce titre.

2 - Sur les dommages et intérêts pour préjudice financier

Le GAEC sollicite une somme de 1600 000 euros arrêtée au 15 mai 2017 en intégrant le coût de la location du nouveau robot trayeur. Il explique qu'il a été confronté, du fait de l'installation de ce robot, à une surmortalité anormale de ses vaches et à une baisse dramatique de sa production de lait, avec des conséquences financières désastreuses.

Il explique que :

- le produit d'exploitation a chuté de façon vertigineuse pour atteindre en 2017 978 euros/ hectares, ce qui est très bas. Il en résulte une perte de produit d'exploitation de 200 000 euros ;

- l'exploitation n'a plus de trésorerie et elle est virtuellement en cessation de paiement (insuffisance de 289 197 euros) et en situation de non-solvabilitié (insuffisance de 452 482 euros).

- montant des déficits cumulés depuis la mise en service du robot : 606 552 euros ;

- besoin de financement : 470 000 euros ( pour se doter d'un nouveau matériel de traite (300 000 euros), réinvestir dans l'amélioration du troupeau ( 40 000 euros), refinancer la trésorerie à court terme (250 000 à 300 000 euros)

- location d'un robot trayeur d'occasion : 35 000 euros par an sur cinq ans.

L'expert [I] note que 'Le GAEC de [Localité 7] possédait un élevage de vaches laitières en 'vitesse de croisière' avec un troupeau conduit de façon traditionnelle, peu intensive, en monte naturelle. L'excédent brut d'exploitation avoisinait 60 000 euros au cours des deux années qui ont précédé l'installation du robot (59 471 euros en 2010 et 28 786 euros en 2011). Il est passé à - 101 674 euros en 2012 et - 18 584 en 2013".

Cet expert relève, s'agissant de l'appréciation du préjudice, que :

- le troupeau était en effectif pratiquement stable de 2006 à 2011 (de 58 à 61 vaches), avec un niveau de production variant de 4500 à 5100 litres de lait par vache et par an ;

- la production moyenne par vache a atteint 5 925 litres par vaches et par an au cours de la campagne 2011/2012 puis a chuté à 3087 litres par vache au cours de la campagne 2012-2013, puis à 2899 litres par vache au cours de la période 2013-2014;

- le nombre de vaches est passé de 73 avant l'arrivée du robot à 50 vaches en 2012-2013 et 2013-2014 ,

- la qualité cellulaire du lait a fortement diminué en 2012, 2013, 2014 et 2015 , l'élevage n'ayant plus été une seule fois sous la limite des 250 000 c/ml après la mise en place du robot en avril 2012 ; l'expert relève toutefois qu'il ne peut pas affirmer, 8 ans après, que seul le robot est responsable de l'augmentation des taux cellulaires ;

- qu'après la mise en route du robot est apparue la présence d'eau dans le lait, et ce dès le mois de mai 2012, qui provient de mauvais réglages du système de lavage du robot ;

- le taux de mortalité des vaches avant l'arrivée du robot était un niveau habituel pour un troupeau de vaches laitières (3%) soit deux vaches par an. Il a augmenté après l'installation du robot à 7% (2012-2013) et 6% (2013-2014), ce qui correspond à 4 et 3 vaches ;

- le taux de réforme des vaches était relativement stable autour de 20% avant la campagne 2011-2012, ce qui est un taux normal pour un troupeau de vaches laitières, puis le taux de réforme a diminué en 2011-2012. Le taux de réforme a augmenté à 39% après l'arrivée du robot, mais l'expert estime que ce n'est pas inhabituel car certaines vaches ne s'adaptent pas à la machine.

Il estime que le GAEC a été confronté à deux grands problèmes au cours des deux années 2012-2013, et 2013-2014 :

- l'augmentation des taux cellulaires du lait livré à la laiterie ;

- la baisse de production laitière.

L'expert explique la baisse de production est liée en grande partie à l'alimentation du troupeau, le éleveurs ayant voulu conserver leur système de rationnement en libre-service, ce qui a conduit à programmer de fortes quantités de concentrés à consommer pendant la traite alors que le robot avait été réglé en priorité traite pour assurer l'objectif de 2,5 traites par vache et par jour, et donc une sortie rapide des vaches de la stalle du robot. Il estime qu'il y a eu inadéquation entre le système d'alimentation voulu par les éleveurs, de distribution de la totalité des concentrés au robot, et l'objectif du robot qui est d'augmenter la fréquence de traite pour augmenter la production.

L'inadéquation du robot aux besoins du GAEC et aux compétences notamment informatiques des membres et salariés de celui-ci a désorganisé l'exploitation et entraîné une baisse de la production de lait et une altération de sa qualité, ainsi qu' une augmentation de la mortalité des vaches. L'achat de ce robot par le GAEC a donc bien affecté ses résultats et est à l'origine d'un préjudice financier incontestable, ce que confirme le rapport d'expertise en ce que l'expert note une diminution sensible de l'excédent d'exploitation moyen avant et après la mise en place du robot.

En revanche, iI est constant que le préjudice résultant d'un manquement à un devoir de conseil ayant privé le créancier de celui-ci du choix éclairé de sa décision consiste en une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à d'autre conditions.

Constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

En l'espèce, le manquement de la société Sama Tech Elevage a privé le GAEC de la possibilité, s'il avait reçu les conseils adéquats, de prendre une autre décision que celle qu'il a prise d'acheter ce robot, en renonçant à son achat, en achetant un robot mieux adapté à ses besoins, ou en différant son achat afin de prendre préalablement les mesures propres à permettre à l'exploitation et aux membres du GAEC de pouvoir s'adapter à son fonctionnement. Il s'agit là de la disparition actuelle et certaine pour le GAEC d'une éventualité favorable, qui constitue une perte de chance réparable.

L'alea qui existe sur la décision qu'aurait prise le GAEC, dont il ne peut être affirmé qu'il aurait, eût-il reçu les conseils adéquats, pris la mesure de l'ampleur des difficultés qu'il rencontrerait et qu'il aurait ainsi renoncé à l'achat de ce robot, conduit à évaluer à 50% la perte de chance subie par le GAEC.

Sur l'évaluation du préjudice financier

S'agissant du chiffrage du préjudice, l'expert judiciaire a comparé les excédents bruts d'exploitation des années 2012/2013 et 2013/2014 avec ceux des années antérieures, et calculé pour chacune des deux années étudiées la différence entre l'EBE moyen des années antérieures à l'EBE de l'année, déduction faite de la marge des productions végétales, et il parvient à un préjudice total de 203 298 euros, se décomposant comme suit :

- 106 638 euros pour l'année 2012/2013 ;

- 96 660 euros pour l'année 2013/2014.

L'expert n'a pas pris en considération les années postérieures compte tenu de l'arrêt du contrat de maintenance avec la société SAMA TECH ELEVAGE, exonératoire selon lui de la responsabilité de cette société.

Le GAEC estime qu'il doit être indemnisé de son préjudice y compris pour la période postérieure à cette date, dans la mesure où le fait qu'il ait été contraint, faute de trésorerie, de mettre fin au contrat de maintenance de la société Sama Tech Elevage, avec laquelle il était de surcroît en litige, est sans emport sur sa responsabilité et sur l'indemnisation du préjudice, qui lui est totalement imputable en raison d'une absence de délivrance conforme et d'un manquement à son obligation de conseil.

Il ne saurait en effet être considéré que la société Sama Tech Elevage doit être exonérée, à compter du non-renouvellement du contrat de maintenance, de la responsabilité qu'elle encourt pour avoir manqué à son obligation de conseil, alors que la souscription ou le renouvellement d'un tel contrat ne constitue pas une obligation pour l'acquéreur qui ne commet pas de faute de nature à exonérer le vendeur de sa responsabilité en ne le renouvelant pas, et alors surtout qu'il n'est pas démontré que le non renouvellement du contrat de maintenance a contribué d'une quelconque façon à la survenance du préjudice du GAEC résultant de l'inadéquation du robot à ses besoins et à la perte de chance d'avoir pu choisir un robot plus adapté à ses besoins, préjudice qui n'a pas cessé en 2014 avec l'interruption du contrat de maintenance, mais a au contraire perduré au-delà de cette date.

L'expert n'a pas procédé à l'évaluation du préjudice pour les années postérieures à 2014. Le GAEC produit en revanche ses documents comptables pour les années 2008/2009 à 2016/2017. Il produit également une étude réalisée par M. [C] [Y], conseiller auprès de la chambre de l'agriculture du Loir-et-Cher et ancien expert-comptable, sur la base de ces documents, en date du 15 mai 2017.

La société Sama Tech Elevage rétorque qu'elle produit une note du cabinet CDH Expertises en date du 18 juin 2018 (pièce n°10) qui démontre le caractère erroné de ce rapport.

Toutefois, cette note technique du cabinet CDH expertises ne remet pas en cause l'analyse des résultats du GAEC auxquels a procédé M. [Y] sur la base des pièces comptables de celui-ci puisque le cabinet CDH expertises n'analyse nullement les résultats comptables du GAEC avant et après l'arrivée de la machine. Ses conclusions quant aux problèmes sanitaires graves existant dans l'élevage avant la mise en service du robot ne sont corroborées ni par le rapport d'expertise judicaire de M. [I] ni par les autres éléments du dossier.

Il résulte de la note de M. [Y] que le déficit cumulé du GAEC sur les années 2012-2017 est de 606 552 euros. Le GAEC sollicite le paiement de cette somme.

Toutefois, il résulte de l'analyse à laquelle il est procédé dans ce document que le résultat net du GAEC était en moyenne pour les années 2010-2012 de

- 14.275 euros par an, de sorte qu'il était négatif et que l'intégralité du déficit pour les années postérieures ne peut donc pas être imputé à l'installation de la machine.

Il résulte de ce document que le résultat net du GAEC s'est élevé en moyenne pour les années 2013 à 2017 à la somme de - 121 312 euros par an. Il en résulte donc un écart de 107 088 euros par an avec les années antérieures à l'installation du robot.

Ce déficit supplémentaire par rapport aux années antérieures à l'installation du robot peut légitimement être imputé aux conséquences préjudiciables de l'installation de cette machine inadaptée aux besoins de cette exploitation, de sorte que le préjudice du GAEC pour les années 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, sera évalué à 107 888 euros par an.

Pour les années 2013/2014 et 2012/2013, les modalités d'évaluation du préjudice par l'expert seront retenues, sans qu'il y ait lieu de cumuler les pertes d'exploitation ainsi calculées aux résultats déficitaires pour ces mêmes années, sauf à indemniser deux fois le même préjudice.

Il sera donc considéré que le GAEC a subi, en raison de l'installation de ce robot, des pertes qui peuvent être évaluées à la somme de 203 298 pour les années 2012/2013 et 2013/2014, puis à la somme de 107 888 euros par an pour les trois années 2014/2015, 2015/2016 et 2016/2017, soit un total de 526 962 euros.

Le GAEC ne justifie pas avoir effectivement supporté le coût de location d'un nouveau robot de traite, alors même qu'il soutient que le robot trayeur s'est totalement arrêté de fonctionner en 2017, de sorte que sa demande à ce titre ne peut qu'être rejetée.

S'agissant des 'besoins de financement' dont il réclame l'indemnisation, pour se doter d'un nouveau matériel de traite, investir dans l'amélioration du troupeau et refinancer la trésorerie de l'exploitation, force est de constater que les sommes réclamées à ce titre ne sont aucunement justifiées, les conclusions de M. [Y] (pièce n°59) n'étant nullement étayées sur ce point.

La société SAMA TECH ELEVAGE, qui est responsable d'une perte de chance évaluée à 50%, sera en conséquence condamnée à verser au GAEC une somme de 50% X 526 962 = 263 481 euros en réparation de son préjudice financier.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Le GAEC sollicite une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Il soutient qu'il a subi un grave préjudice d'anxiété, qu'il a été astreint à une surveillance quasi permanente des animaux, que les désagréments et interventions nécessitées pour tenter de remédier aux problèmes ont été nombreux ; qu'à cela s'ajoute le stress de plus de 5 années de procédures judiciaires.

Il ajoute qu'il a subi un grave préjudice d'image auprès de ses clients acheteurs, sa production de lait ayant chuté en qualité et en quantité.

Il est certain que ce robot a été à l'origine de nombreux et importants désagréments pour le GAEC, qui a vu ses résultats chuter, son cheptel s'amenuiser, a dû introduire une procédure judiciaire, participer à plusieurs mesures d'expertises, et dont la situation financière s'est à ce point dégradée qu'il a été placé sous sauvegarde de justice et que la pérennité de l'exploitation s'en est trouvée menacée. Il est certain également qu'il a subi un déficit d'image auprès de ses partenaires habituels en raison de la baisse de sa production de lait, en quantité et en qualité.

Les soucis générés par cette situation justifient d'évaluer son préjudice moral à la somme de 20 000 euros.

Le manquement de la société Sama Tech Elevage à son obligation et de conseil ayant conduit à une perte de chance du GAEC de ne pas le subir, évaluée à 50%, elle sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros à ce titre.

Sur la prise en considération des sommes déjà réglées par la société SAMA TECH ELEVAGE

La société SAMA TECH ELEVAGE indique avoir déjà versé une somme de 34 065,49 euros en exécution du jugement de première instance. Elle produit pour en justifier un courrier en date du 14 avril 2017 de son avocat.

Il convient par conséquent de dire que les sommes déjà versées par la société SAMA TECH ELEVAGE en exécution du jugement de première instance seront déduites des condamnations mises à sa charge par la présente décision.

Sur la demande en paiement de la société Sama Tech Elevage

La société Sama Tech Elevage sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné le GAEC à lui verser une somme de 12 434,51 euros au titre de ses interventions non réglées.

Le GAEC s'oppose au versement de cette somme en raison 'des très graves manquements contractuels' imputables à la société SAMA TECH ELEVAGE à l'origine du préjudice subi par le GAEC.

Toutefois, il n'est pas contesté que ces factures, d'un montant total de 12.434,51 euros TTC, correspondent à des interventions qui ont été effectuées par la société SAMA TECH ELEVAGE, de sorte que le GAEC doit être condamné à les payer.

Le jugement sera confirmé sur ce point, de même qu'il sera confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.

Sur la désignation d'un séquestre

La société Sama Tech Elevage demande, au visa des articles 1961 et suivants du code civil, que soit désigné un séquestre avec pour mission de conserver les fonds jusqu'à ce ce que le différend entre les parties soit tranché définitivement après épuisement des voies de recours.

En application de l'article 1961 du code civil :

Motivation

'La justice peut ordonner le séquestre :

1° Des meubles saisis sur un débiteur ;

2° D'un immeuble ou d'une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ;

3° Des choses qu'un débiteur offre pour sa libération'.

Toutefois, il n'est pas justifié que cette mesure, qui priverait pendant une durée indéterminée le GAEC de l'indemnisation destinée à réparer son préjudice, notamment financier, soit en l'espèce nécessaire pour garantir les droits de la société SAMA TECH ELEVAGE jusqu'à l'issue définitive du litige.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La société SAMA TECH ELEVAGE sera tenue aux dépens de la procédure d'appel, en ce compris le coût de la mesure d'expertise.

Les circonstances de la cause justifient de la condamner à payer au GAEC une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en ses dispositions critiquées le jugement entrepris sauf en ce qu'il condamne la société SAMA TECH ELEVAGE à payer au GAEC de [Localité 7] une somme de 40 000 euros en réparation du préjudice économique et une somme de 5000 euros en réparation du préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

DONNE ACTE à Maître [X] [T] de son intervention volontaire en sa qualité de mandataire judiciaire dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard du GAEC de [Localité 7]

REJETTE la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire de M. [I] ;

REJETTE la demande tendant au non-entérinement des rapports d'expertise de M. [N] et de M. [I] et dit n'y avoir lieu d'ordonner une nouvelle expertise ;

REJETTE la demande d'annulation de la vente pour dol ;

REJETTE la demande de résolution de la vente ;

DIT que la société SAMA TECH ELEVAGE a manqué à son obligation d'information et de conseil ;

REJETTE la demande du GAEC de [Localité 7] en paiement d'une somme de 118 404 euros ;

CONDAMNE la société SAMA TECH ELEVAGE à payer au GAEC de [Localité 7] une somme de 263 481 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique ;

CONDAMNE la société SAMA TECH ELEVAGE à payer au GAEC de [Localité 7] une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

DIT dire que les sommes déjà versées par la société SAMA TECH ELEVAGE en exécution du jugement de première instance seront déduites des condamnations mises à sa charge par la présente décision ;

CONDAMNE la société SAMA TECH ELEVAGE à payer au GAEC de [Localité 7] une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SAMA TECH ELEVAGE aux dépens de la procédure d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour d'appel, dont distraction au profit de Maître Lavisse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.