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Décisions

Cass. 3e civ., 6 juillet 2023, n° 21-20.620

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

Mme Djikpa

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Orléans, du 20 avr. 2021

20 avril 2021

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Versantis du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés BNP Paribas personal finance, Atelier l'échelle, Mutuelle des architectes français et JSA Gauthier Sohm, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Touraine actions développement.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 20 avril 2021, RG n° 18/01325), suivant acte authentique reçu le 12 février 2007 par [P] [I] (le notaire), la société civile immobilière Les Gaudinelles (le vendeur) a vendu, en l'état futur d'achèvement, un bien immobilier dépendant d'une résidence de tourisme à M. [J] et Mme [O] (les acquéreurs). Pour financer cette acquisition, ceux-ci ont contracté un emprunt auprès de la BNP Paribas invest immo, devenue la société BNP Paribas personal finance.

3. Le chantier a été abandonné et le bien n'a pas été livré.

4. Les acquéreurs ont assigné le vendeur, placé ensuite en liquidation judiciaire, ses associés, dont la société Versantis, titulaire des parts sociales à hauteur de 13 %, les mandataires judiciaires et la banque, en annulation de la vente et du prêt accessoire, ainsi que le notaire et son assureur, la société MMA IARD (l'assureur), en responsabilité et en indemnisation.

5. Le notaire étant décédé en cours d'instance, ses héritières, Mmes [S], [D] et [E] [I], sont intervenues à l'instance, Mme [S] [I] intervenant également en qualité de liquidateur amiable de la société civile professionnelle [P] [I] (les consorts [I]).

6. La nullité des contrats de vente et de prêt a été prononcée et la responsabilité du notaire retenue au titre de divers manquements.

 

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. La société Versantis fait grief à l'arrêt de la condamner à payer aux acquéreurs la somme de 9 369,02 euros au titre de la restitution du prix de vente, avec capitalisation des intérêts, et à payer à chacun d'eux la somme de 1 300 euros au titre du préjudice moral, alors :

« 1°/ qu' en application de l'article 1857 du code civil, à l'égard des tiers, les associés d'une société civile répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ; que par dérogation à ce texte, l'article L 211-2 du code de la construction et de l'habitation prévoit que les associés d'une société civile de construction-vente (SCCV) d'un immeuble sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux ; les associés d'une SCCV sont tenus des dettes sociales à proportion de la participation qu'ils détenaient à la naissance de la dette sociale, indépendamment de la date d'exigibilité de celle-ci ; qu'en l'espèce, la société Les Gaudinelles est une société civile de construction-vente ; que la cour d'appel a jugé que c'est « à bon droit que la société Versantis fait valoir que les associés d'une société de construction-vente y sont tenus à proportion de la participation qu'ils détenaient à la naissance de la dette sociale, indépendamment de la date d'exigibilité » et qu'« il ressort des éléments de la procédure que la société de droit luxembourgeois Versantis n'a pris la qualité d'associé de la SCI Les Gaudinelles que le 15 février 2010 alors que la créance de réparation est née, comme elle le soutient, à la date de réalisation du dommage, les causes de nullité de la vente et les fautes imputables au notaire étant antérieures à sa prise de participation » ; qu'il en résultait que la société Versantis n'était pas tenue de la dette de restitution du prix de vente de la SCCV Les Gaudinelles née avant le 15 février 2010 ; qu'en condamnant néanmoins la société Versantis, en tant qu'associée tenue indéfiniment des dettes sociales de la SCCV Les Gaudinelles à hauteur de sa participation de 13 %, à payer aux acquéreurs la somme de 9 369,02 euros au titre de la restitution du prix de vente, tandis que cette dette était née avant le février 2010, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L 211-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que, subsidiairement, à supposer que l'on considère que la cour d'appel n'a pas retenu que la dette ci-dessus était née avant le 15 février 2010, il lui appartenait de motiver sa décision sur la date de naissance de la créance invoquée ; qu'en condamnant cependant la société Versantis, en tant qu'associée tenue indéfiniment des dettes sociales de la SCCV Les Gaudinelles à hauteur de sa participation de 13 %, à payer aux acquéreurs la somme de 9 369,02 euros au titre de la restitution du prix de vente, sans constater que la dette était née après le 15 février 2010, date à laquelle elle est devenue associée de la SCCV Les Gaudinelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 211-2 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que les associés d'une SCCV sont tenus des dettes sociales à proportion de la participation qu'ils détenaient à la naissance de la dette sociale ; qu'une dette de réparation d'un dommage naît à la date à laquelle cette dette est au moins en germe ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que « les divers tracas et contraintes financières subis durant de longues années de procédure, tels qu'exposés et justifiés par des attestations, constituent un préjudice distinct de celui réparé par l'annulation du contrat de vente » ; que la cour d'appel a constaté qu'il existait dès 2008 des « difficultés d'avancement du chantier compte tenu des retards de paiement » de la SCCV Les Gaudinelles ; que pour condamner la société Versantis à payer la somme de 1 300 euros à chacun des époux [J] au titre de leur préjudice moral, la cour d'appel a jugé que « la créance de réparation est née de la réalisation du dommage, soit le 24 juillet 2011, date de constat de l'inachèvement de l'immeuble et de l'insuffisance de la garantie intrinsèque d'achèvement » ; qu'en statuant ainsi, tandis que la dette de réparation était née dès le dépassement du délai de livraison prévu (troisième trimestre 2007), à savoir à compter du 1er octobre 2007, la cour d'appel a violé l'article L 211-2 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application de l'article L. 211-2 du code de la construction et de l'habitation, applicable aux sociétés civiles constituées en vue de la vente d'immeuble, les associés sont tenus du passif social sur tous leurs biens à proportion de la participation qu'ils détenaient à la naissance de la dette sociale, indépendamment de la date d'exigibilité de celle-ci.

10. Ayant constaté que la société Versantis avait pris la qualité d'associée de la société de construction-vente le 15 février 2010, soit antérieurement, d'une part, à la naissance de la créance de restitution du prix de la vente dont l'annulation a été prononcée par l'arrêt attaqué et, d'autre part, s'agissant de la créance de réparation du préjudice moral, à la date de réalisation du dommage, soit le 24 juillet 2011, date de constat de l'inachèvement de l'immeuble et de l'insuffisance de la garantie intrinsèque d'achèvement, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que la société Versantis était tenue, en proportion de ses droits sociaux, au paiement de la dette de réparation des dommages subis par les acquéreurs, a légalement justifié sa décision.

Sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. Les consorts [I] et l'assureur font grief à l'arrêt de les condamner à garantir la restitution du prix aux acquéreurs à hauteur de 60 700,40 euros et à payer la somme de 8 700 euros respectivement à chacun d'eux, au titre du préjudice moral, alors « que seul est sujet à réparation le préjudice causé par le fait générateur de la responsabilité retenu ; qu'en se bornant à affirmer que le notaire engageait sa responsabilité pour ne pas avoir informé et conseillé les acquéreurs sur la garantie d'achèvement, et devait, en conséquence, sous la garantie de la société MMA, garantir la restitution du prix de vente aux acquéreurs et réparer leur préjudice moral, sans établir que, mieux informés de la portée de la teneur de la garantie d'achèvement, les acquéreurs auraient renoncés à l'opération immobilière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Ayant retenu que le notaire, qui ne pouvait pas ignorer que les conditions légales de l'opération en cause n'étaient pas satisfaites, avait manqué à son obligation d'assurer l'efficacité de l'acte auquel il avait prêté son concours, et relevé que le vendeur était en liquidation judiciaire, de sorte que cet officier ministériel devait être tenu de garantir la restitution du prix de vente aux acquéreurs et de réparer leur préjudice moral en lien direct avec ses fautes, résultant des tracas et contraintes financières qu'ils avaient subis durant de longues années de procédure, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.