CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 6 février 2019, n° 16/07456
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Sci Vendôme Bureaux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thaunat
Conseillers :
Mme Gil, Mme Castermans
FAITS ET PROCÉDURE :
Par acte du 31 mars 1995, à effet au 1er avril 1995 et pour une durée de 9 ans, la SCI Vendôme Tridor (la SCI) a donné à bail à la Sarl Galerie Enrico N. (la galerie) divers locaux commerciaux à usage de commerce d'objets d'art, dans un ensemble immobilier sis à Paris, dont le rez-de-chaussée était spécialement aménagé pour accueillir plusieurs commerces de ce type.
Par acte du 22 juillet 2004, la SCI a refusé la demande de renouvellement notifiée par la preneuse le 15 juin précédent, sans offrir d'indemnité d'éviction, pour motifs graves et légitimes tirés du défaut de paiement réitéré du prix du bail.
Elle a saisi le tribunal de grande instance de Paris en vue d'obtenir l'expulsion de sa locataire, puis, par acte du 9 juin 2005, elle a exercé son droit de repentir. La galerie a cependant restitué les clefs le 5 juillet suivant et reconventionnellement sollicité devant le tribunal saisi le paiement d'une indemnité d'éviction.
Par jugement du 27 mars 2007, le tribunal de grande instance de Paris, a notamment :
- constaté la nullité du droit de repentir exercé par la SCI le 9 juin 2005,
- déclaré valable le refus de renouvellement notifié par la SCI mais dit qu'en l'absence de motif suffisamment grave il ouvrait droit au profit de la Galerie au paiement d'une indemnité d'éviction, cette dernière étant cependant redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au 5 juillet 2005
- ordonné une expertise sur les indemnités et commis pour y procéder Mme M.-G., remplacé par M. P..
Par arrêt du 29 octobre 2008, la cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement.
Statuant sur un moyen, soulevant principalement que la cour d'appel avait violé l'article L145-58 du code de commerce, l'exercice du droit de repentir exercé par la société bailleresse pour se soustraire au paiement d'une indemnité d'éviction ne pouvant être qualifié de fautif, nonobstant le degré d'avancement des opérations de déménagement entreprises par la société locataire ;
La Cour de cassation dans son arrêt en date du 10 mars 2010 a rejeté le pourvoi formé par la SCI bailleresse en déclarant ce moyen non fondé, après avoir relevé que la cour d'appel de Paris :
'ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la Galerie Enrico N. établissait avoir pris des mesures pour libérer les lieux, suite à la délivrance du refus de renouvellement, notamment en renvoyant 130 oeuvres d'art aux artistes entre le 16 février et le 10 juin 2005, en expédiant des oeuvres d'art, des archives et du mobilier dans une propriété du gérant de la Galerie au Muy en décembre 2004, avril et mai 2005, et en aménageant ces locaux pour stocker et recevoir des oeuvres d'art et en y embauchant des salariés, qu'un processus irréversible de départ des lieux, rendant impossible la continuation de l'exploitation du fonds dans les lieux, s'était donc déjà engagé de longue date lors de la notification du droit de repentir, que la SCI en était parfaitement informée par les conclusions déposées par la société preneuse devant le tribunal en mai 2005 et par le courrier reçu le 2 juin 2005 dans lequel la Galerie Enrico N. lui indiquait avoir procédé au déménagement, demandait réparation de son préjudice et sollicitait un rendez-vous pour un état des lieux contradictoire, que la SCI avait au surplus, en écartant la société preneuse de la réunion des locataires de l'ensemble immobilier en avril 2005, confirmé sa volonté de mettre fin à leurs relations, la cour d'appel, qui a retenu que ces circonstances traduisaient la volonté manifeste de la SCI de mettre sa locataire en difficulté, et que le but poursuivi était de faire échec à tout risque de paiement d'une indemnité d'éviction, a pu en déduire que l'exercice de son droit de repentir par la SCI était fautif .
Dans son rapport déposé le 5 décembre 2013, l'expert P. a estimé le montant de l'indemnité d'éviction globale en cas de perte de fonds à 3.383.284 euros et en cas de transfert du fonds à 1.473.584 euros et l'indemnité d'occupation annuelle à compter du 1er juillet 2004 à 96.201 euros.
Par un jugement en date du 26 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Paris a':
- Constaté que la SCI VENDOME BUREAUX se trouve aux droits de la SCI VENDOME TRIDOR en qualité de bailleur, débiteur de l'indemnité d'éviction';
- Débouté la S.A.R.L. Galerie Enrico N. de son action en dommages et intérêts de cinq millions d'euros';
- Dit que le rapport d'expertise de M. P. déposé le 05 décembre 2013 n'est pas entaché de nullité';
- Fixé, à la somme de 3.229,784 euros le montant de l'indemnité d'éviction globale imputable à la SCI Vendôme Bureaux';
- Fixé à la somme annuelle de 96.201 euros le montant de l'indemnité d'occupation qui incombe à la S.A.R.L. Galerie Enrico N. entre le 1er juillet 2004 et le 05 juillet 2005';
- Ordonné la compensation entre les indemnités d'éviction et d'occupation';
- Débouté la S.A.R.L. Galerie Enrico N. de l'intégralité de sa demande reconventionnelle';
- Rejeté le surplus des demandes';
- Condamné chacune des parties par moitié aux dépens qui incluent le coût de l'expertise P..
La société SCI Vendôme Bureaux a interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 29 mars 2016.
Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 mai 2018, la société SCI Vendôme Bureaux demande à la Cour de':
Vu les dispositions des articles 175 et 237 du Code de Procedure Civile';
Vu les dispositions des articles L.236 - 3 - 1, L.145 - 16 alinea 2 et L.145 - 58 du Code de Commerce';
Vu les dispositions des articles L.145 - 14 et L.145 - 28 du même code';
Vu les dispositions des articles 1147 et 1149 du code civil';
Vu le rapport d'expertise déposé au secrétariat-greffe par M. Bernard P., Expert';
Vu la note d'évaluation complémentaire de M. M., expert-comptable Expert pres la Cour d'Appel de Paris.
- DECLARER la SCI Vendôme Bureaux recevable en son appel, fins et conclusions ;
- DECLARER irrecevable la société Galerie Enrico N. en sa demande d'irrecevabilité de l'appel formé par la société concluante pour incompétence de la Cour, défaut de motivation et en tout état de cause défaut de fondement, s'agissant de toute évidence d'une clause de style inopportune ;
- DECLARER la Société Galerie Enrico N. mal fondé en son appel incident, l'en debouter.
IN LIMINE LITIS :
- DONNER ACTE à la Galerie Enrico N. de sa renonciation explicite au motif d'irrecevabilité tiré du prétendu défaut de qualité à agir de la société concluante et à sa demande consécutive de garantie à hauteur de la somme de 5 millions d'euros, demandes dont le jugement entrepris l'avait en tout état de cause déboutée ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a DIT que tant les opérations d'expertise que le rapport déposé par M. P. ne pouvaient être entachés de nullité ;
Et Jugeant à titre complémentaire :
- DEBOUTER la société Galerie Enrico N. de sa demande de nullité des opérations d'expertise et du rapport déposé par M. Bernard P. au secrétariat - greffe du tribunal, et a fortiori de sa demande de fixation de l'indemnité d'éviction sur la base du rapport établi non contradictoirement à sa requête, en mai 2005, par M. R., sur la base de paramètres par ailleurs erronés ;
SUR L'EVALUATION DE L'INDEMNITE D'EVICTION :
- INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a entendu indemniser la société évincée sur la base d'une perte de fonds de commerce et fixer à la somme de 3.229.784 euros le montant de l'indemnité d'éviction en découlant, après application d'un abattement de 15%, et ce dans des conditions contraires aux dispositions légales et aux usages en la matière ;
Et jugeant à nouveau :
A titre principal :
- DIRE ET JUGER que les sapiteurs désignés par le Tribunal, à l'instigation même de l'ancienne locataire, n'ont pu mener à bien leur mission faute d'obtenir la communication des pièces comptables requises, en particulier par M. F., Expert-comptable, et ce sans que les documents ou études produits ne soient de nature à permettre à l'expert judiciaire de disposer des éléments d'appréciation comptable requis';
- DIRE ET JUGER, en conséquence, que c'est en raison des errements imputables à la Société Galerie Enrico N. elle-même que la juridiction saisie doit statuer, en l'état, sur les conclusions du rapport d'expertise, et ce sans que la société demanderesse ne puisse alléguer aucune faute imputable à l'ancien bailleur ;
- DIRE ET JUGER qu'en choisissant, dans le courant du 2ème trimestre 2005, de redéployer ses activités en délaissant les locaux donnés à bail et en refusant d'ailleurs de s'y perpétuer, le cas échéant, en dépit de l'offre formulée in fine par le bailleur, la Société Galerie Enrico N. a fait des choix économiques qui excluent qu'elle puisse prétendre à une indemnité d'éviction fondée sur la valeur supposée de son fonds de commerce dans les lieux loues ;
- DIRE ET JUGER que le caractère essentiel de la personnalité du créateur de la galerie, M. Enrico N., dans l'activité considérée justifie du caractère transférable du commerce litigieux, et ce conformément à la jurisprudence abondamment rendue dans des cas de figure similaires ;
- DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, le refus de la société Galerie Enrico N. de communiquer à l'expert et au sapiteur les éléments comptables seuls à même d'identifier la réalité de la perte de fonds alléguée, alors même que par ailleurs, le chiffre d'affaires a augmenté substantiellement, postérieurement au délaissement des lieux, et que de surcroît, celui-ci a redéployé son personnel, et donc ses activités au sein de son domicile parisien, voire au MUY, font obstacle à toute indemnisation fondée sur la valeur marchande du fonds ;
- DIRE ET JUGER que l'indemnité d'éviction à laquelle la société évincée peut prétendre doit en conséquence être fondée sur une indemnité de transfert, qui ne saurait excéder la somme de 670.971 euros [SIX CENT SOIXANTE DIX MILLE NEUF CENT SOIXANTE ET ONZE EUROS] correspondant à la valeur du droit au bail, appréciée sur la base de paramètres conformes aux dispositions légales mais également aux caractéristiques effectives des locaux, qui ne sont pas situés [...] mais au fond d'une galerie commerciale, profonde et peu fréquentée, ainsi qu'aux indemnités accessoires en découlant ;
- DECLARER, en conséquence, la Société Galerie Enrico N. infondée en toutes ses prétentions de ce chef et l'EN DEBOUTER';
Subsidiairement :
Dans l'hypothèse où la Cour estimerait que l'éviction aurait entraîné une perte partielle de clientèle qu'il conviendrait d'indemniser en sus du transfert de l'activité :
- DEBOUTER la société Galerie Enrico N. de sa demande tendant à voir écarter le rapport d'estimation de M. M., Expert-Comptable Expert près de la Cour d'Appel de PARIS, des débats, alors même que celui-ci a été régulièrement communiqué aux débats à l'appui de conclusions signifiées en octobre 2017 et qu'elle a donc disposé de près de 7 mois pour l'examiner et lui apporter une éventuelle contradiction, dans le strict respect des principes en vigueur ;
- DIRE ET JUGER que l'indemnité d'éviction globale à laquelle la société évincée peut prétendre sur ces bases ne saurait excéder la somme de 901.786 euros [NEUF CENT UN MILLE SEPT CENT QUATRE VINGT SIX EUROS] correspondant à la valeur du droit au bail majorée d'une perte de clientèle appréciée à hauteur de 15% de la valeur du fonds de commerce déterminée sur la base de l'EBE par M. M., expert-comptable Expert, dans des conditions conformes aux usages et à la réalité de l'exploitation, outre les indemnités accessoires afférentes ;
Très Subsidiairement :
Dans l'hypothèse où par extraordinaire, la Cour estimerait que l'éviction de la Galerie Enrico N. aurait entraîné la perte du fonds de commerce litigieux :
- INFIRMER le jugement entrepris quant au quantum retenu au titre de la valeur marchande du fonds, sur la base d'éléments contraires à la loi et aux usages ;
- DIRE ET JUGER que la valeur marchande du fonds ne saurait, eu égard aux éléments de comparaison communiqués aux débats et à l'approche adoptée par M. P. ainsi qu'au caractère partiel de la perte alléguée, excéder la somme de 1.900.000 euros, outre les indemnités accessoires, soit une indemnité globale de 2.085.310 euros [DEUX MILLIONS QUATRE VINGT CINQ MILLE TROIS CENT DIX EUROS];
- DIRE ET JUGER que l'estimation établie par l'expert consulté amiablement, et de façon non contradictoire, par la société évincée, sur laquelle l'expert judiciaire a cru bon de devoir se fonder à défaut d'avoir obtenu de la société évincée les éléments comptables sollicités par ses soins, est dépourvue de toute pertinence, voire de cohérence et DEBOUTER la Galerie Enrico N. de ses demandes de condamnation au paiement d'une indemnité d'éviction fondée exclusivement sur celle-ci ;
En tout état de cause :
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- DONNE ACTE aux parties de leur position conjointe concernant l'exclusion de la méthodologie envisagée en 3ème lieu par M. Bernard P. afin d'apprécier le préjudice de la société évincée, que l'expert lui-même a dû abandonner, faute pour la société évincée de lui communiquer les éléments comptables requis ;
- DEBOUTE la société évincée de sa demande d'intérêts et de capitalisation des sommes dues au titre de l'indemnité d'éviction';
SUR L'INDEMNITE D'OCCUPATION :
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due annuellement à compter du 1er juillet 2004 et jusqu'au 5 juillet 2005 à la somme annuelle de 96.201 eurosuros H.T. (QUATREVINGT SEIZE MILLE DEUX CENT UN EUROS)';
- ORDONNE la compensation de tout rappel éventuellement dû par la Société Galerie Enrico N. avec le montant de l'indemnité d'éviction fixé par le Tribunal et DEBOUTE la société évincée de ses contestations de ce chef, qui s'avèrent dépourvues de toute justification effective ;
SUR LES DEMANDES DE DOMMAGES ET INTERETS ADDITIONNELS ET LA MESURE D'EXPERTISE :
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
- DEBOUTE la société évincée de sa demande d'allocation d'une somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour «attitude répréhensible» du bailleur au cours de la procédure, en l'absence de tout fondement légal mais également factuel ;
- DEBOUTE également la société évincée de sa demande d'allocation de dommages et intérêts complémentaires à hauteur de 1.000.0000 d'euros, en sus de l'indemnité d'éviction dont elle bénéficie déjà, en l'absence de tout fondement légal mais également jurisprudentiel ;
- DEBOUTE enfin la société Galerie Enrico N. de sa demande de désignation d'un nouvel expert afin d'apprécier le montant de l'indemnisation complémentaire sollicitée, eu égard tant à son caractère tardif qu'au refus systématique de cette dernière de transmettre tant à l'expert judiciaire qu'au sapiteur désigné à son initiative les éléments comptables et financiers essentiels à la mise en œuvre d'une telle mission ;
SUR L'ARTICLE 700 DU CPC ET LES DEPENS :
- INFIRMER le jugement entrepris et JUGEANT A NOUVEAU :
- CONDAMNER la société Galerie Enrico N. à payer à la société bailleresse la somme de 20.000 euros [VINGT MILLE EUROS] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au regard notamment du comportement adopté par ses soins depuis le début de la présente procédure, et des frais irrépétibles que la société bailleresse a dû engager en conséquence ;
- DEBOUTER la société évincée de sa demande exorbitante de ce chef, ainsi que sur celui des dépens ;
- CONDAMNER la Société Galerie Enrico N. aux entiers depens, en ce y compris l'intégralité des frais d'expertise, dès lors qu'elle a cru opportun d'en contrecarrer le bon déroulement au mépris des démarches et investigations qu'elle avait elle-même sollicitées, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence T.-B. conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Par dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 avril 2018 la société SARL Galerie Enrico N. demande à la Cour de':
Vu le rapport d'expertise déposé par M. Bernard P.';
Vu le rapport d'expertise de M. Georges-François R. du 2 mai 2005';
Vu les dispositions des articles L. 145-14 et suivants du code de commerce';
Vu les dispositions des articles 145, 175, 177 et suivants, 237 et suivants du code de procédure civile';
Vu les dispositions des articles 1149 et 1382 du code civil';
Vu le jugement rendu par la 18eme Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris le 26 janvier 2016';
- RECEVOIR la SARL Galerie Enrico N. en son appel incident et l'y déclarer bien fondée ;
- DIRE ET JUGER l'appel interjété par la SCI Vendôme Bureaux irrecevable et mal fondé ;
- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a entendu indemniser la SARL Galerie Enrico N. sur la base d'une perte de fonds de commerce ;
- INFIRMER le jugement sur les autres dispositions ;
Statuant a nouveau,
- PRONONCER la nullité des opérations d'expertise et du rapport d'expertise de M. P. ;
- FIXER la somme que la SCI Vendôme Bureaux doit verser à la SARL Galerie Enrico N. à 4.569.500 euros au titre de l'indemnité d'éviction, avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2005 et capitalisation desdits intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
A titre subsidiaire,
- CONFIRMER le jugement rendu par la 18ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris le 26 janvier 2016 en ce qu'il a fixé à la somme de 3.229.784 euros le montant de l'indemnité d'éviction globale imputable à la SCI Vendôme Bureaux avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2005 et capitalisation desdits intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
- CONDAMNER la SCI Vendôme Bureaux à verser à la SARL Galerie Enrico N. la somme de 5.000.000 euros a titre de dommages et intérêts ;
Dans le cas ou la Cour ne prononcerait pas la nullité du rapport d'expertise de M. P.,
- RAPPELER que le refus de renouvellement notifié à la Société Galerie Enrico N. lui ouvre droit au versement d'une indemnité d'éviction';
- CONSTATER que l'éviction de la Galerie Enrico N. a entraîné la perte du fonds exploité';
- FIXER l'indemnité d'éviction due par la Société Vendôme Bureaux à la SARL Galerie Enrico N. qui ne saurait être inférieure à la somme de 4.569.500 euros telle que calculée par M. Georges-François R. dans son rapport du 2 mai 2005 et annexé au rapport de M. P., avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2005 et capitalisation desdits intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil';
A titre subsidiaire,
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 3.229.784 euros avec intérêts de droit à compter du 5 juillet 2005 et capitalisation desdits intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code civil ;
- FIXER l'indemnité d'occupation entre le 1er juillet 2004 et le 5 juillet 2005 à la somme de 90.000 euros ;
- CONDAMNER la Société Vendôme Bureaux à verser à la SARL Galerie Enrico N. la somme de 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour attitude manifestement dilatoire ;
Vu le droit de repentir fautif,
- RECEVOIR la Société Galerie Enrico N. en sa demande reconventionnelle additionnelle ;
- CONDAMNER à titre provisionnel la Société Vendôme Bureaux à verser à la Société Galerie Enrico N. 1 Meuros à valoir sur son préjudice spécifique découlant du droit de repentir fautif ;
- DESIGNER tel expert qui plaira à la Cour de céans avec mission de déterminer la nature et l'assiette de l'indemnité due à la Société Galerie Enrico N. par la SCI Vendôme Bureaux en réparation des préjudices directement liés aux dommages causés par l'exercice fautif du droit de repentir du bailleur ;
- CONDAMNER la Société Vendôme Bureaux à verser à la SARL Galerie Enrico N. la somme de 295.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 mai 2018.
A l'audience de plaidoiries du 4 septembre 2018, la cour a demandé aux parties de lui communiquer l'ensemble des décisions ayant statué sur le principe d'ouverture au droit au paiement d'une indemnité d'éviction.
Ces décisions ont été transmises à la cour pendant son délibéré.
Il est alors apparu à la cour que dans la composition du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 27 mars 2007, qui a constaté l'ouverture du droit au profit de la SARL Galerie Enrico N. au paiement d'une indemnité d'éviction, figurait Mme Françoise B., qui compose également la formation collégiale de la cour.
Par arrêt du 24 octobre 2018, la 3e chambre du Pôle 5 de la cour d'appel de Paris a :
- Constaté que Mme Françoise B. figure dans la composition du tribunal de grande instance de Paris en date du 27 mars 2007 ayant reconnu à la SARL Galerie Enrico N. un droit à indemnité d'éviction ;
- Constaté qu'elle se déporte ;
- Ordonné la réouverture des débats et le renvoi de l'affaire pour être plaidée à l'audience collégiale de la cour autrement composée du mardi 4 décembre 2018 à 14 heures.
A ladite audience, l'affaire a été à nouveau plaidée devant la cour autrement composée.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel de la SCI Vendôme Bureaux
La société locataire, dans le dispositif de ses conclusions, demande à la cour de dire et juger que l'appel interjeté par la bailleresse est irrecevable et mal fondé.
La cour constate qu'elle ne développe aucun moyen au soutien de cette demande d'irrecevabilité, et reconnaît en page 48 de ses écritures renoncer à l'irrecevabilité pour défaut de qualité qu'elle avait soulevée devant les premiers juges
Dès lors, cette demande d'irrecevabilité figurant au dispositif, doit être considérée, ainsi que le soutient l'appelante, comme étant une clause de style sans portée, sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer.
Sur la nullité du rapport d'expertise judiciaire
La société Galerie Enrico N., après avoir rappelé que la nullité de l'expertise judiciaire est soumise aux dispositions des articles 175 et suivants du code de procédure civile qui renvoient aux articles 112 et suivants du même code régissant les nullités des actes de procédure civile, soutient que les opérations d'expertise et le rapport correspondant sont nuls, au motif principal que l'expert a manqué d'impartialité en privilégiant les thèses de la bailleresse et en n'analysant pas les pièces, qu'elle lui avait adressées. La société bailleresse s'oppose au prononcé de cette nullité.
Il ressort du rapport que l'expert judiciaire P. a souhaité s'adjoindre un sapiteur expert -comptable en la personne de M. F. en décembre 2011, puis s'est adjoint en octobre 2012 un second sapiteur en la personne de Mme G., expert en galeries d'art, le conseil de la Galerie Enrico N., étant alors favorable au recours à ces sapiteurs. Ces deux sapiteurs ont rencontré les parties, le 26 juin 2012 en ce qui concerne M. F. et le 16 octobre 2012 en ce qui concerne Mme G. (page 17 du rapport). Cependant, il résulte du rapport que la société locataire n'a jamais fait parvenir au sapiteur les éléments comptables relatifs aux exercices 2002 à 2005 et 2006 à 2008 dont il avait demandé la production (pour la première période : détails des différents types de produits, répartitions des ventes de tableaux réalisées à la galerie et en dehors, détails et justificatif des dépenses destinées à permettre des ventes facturées qui n'ont pu avoir lieu du fait du départ de la galerie des lieux loués, origine des tableaux vendus selon qu'il s'agit d'acquisition externes ou d'apports de M. Enrico N. et pour la seconde période, le détail du chiffre d'affaires ainsi qu'une note explicative détaillée fournissant toute précision sur les modalités d'exercice d'activité et sur les apports éventuels de M. Enrico N.). L'expert judiciaire a souligné en page 53 de son rapport que le refus de communiquer ces éléments rendaient la mission de M. F. impossible et lui paraissait en contradiction avec les termes de la lettre de Me G., conseil de la société locataire, du 17 décembre 2010.
La cour relève qu'alors que l'expert amiable R. de la société locataire concluait à une indemnité principale d'éviction de 3.600.000 euros, l'expert P. propose d'évaluer l'indemnité principale d'éviction de la société locataire, en cas de perte du fonds, à la somme de 3.300.000 euros. Ces deux montants sont relativement proches, ce qui ne conforte pas les prétentions de la société locataire quant au manque d'impartialité alléguée de l'expert judiciaire.
Par ailleurs, l'expert judiciaire a respecté le principe du contradictoire, répondu aux dires des parties, ainsi que les usages en matière d'évaluation de l'indemnité d'éviction à laquelle pouvait prétendre la société locataire. En présence d'une situation atypique, dans laquelle il constatait au vu des bilans produits, qu'à la suite du départ des lieux loués, l'activité de la société locataire avait prospéré, il a cherché à connaître l'importance du préjudice réellement subi en s'adjoignant des sapiteurs, mais la société locataire, qui avait changé d'avocat, n'ayant pas satisfait aux demandes du sapiteur, il a dû établir son rapport, compte tenu des seuls éléments produits pour proposer d'évaluer l'indemnité d'éviction principale, en cas de perte du fonds à un montant peu éloigné de celui proposé par l'expert amiable de la société locataire. Il ne peut être reproché à l'expert désigné de n'avoir pas examiné avec suffisamment d'attention les 1500 pièces produites, alors, même que la société locataire n'a pas satisfait aux demandes de production de pièces comptables et d'explications complémentaires qui lui était faites par l'expert, se contentant d'affirmer que ses comptes étaient publiés.
Dans ces conditions, il apparaît que l'expert judiciaire a accompli un travail qui ne soutient aucune critique et que son manque d'impartialité allégué n'est pas établi.
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société locataire de ce chef de prétention.
Sur l'indemnité d'éviction
Aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.
Il est usuel de mesurer les conséquences de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.
L'expert judiciaire ne s'est pas clairement prononcé sur le point de savoir si l'éviction entraînait la perte du fonds, ou si celui ci pouvait être déplacé. Il a déploré le fait de n'avoir pu mener à bien sa mission dans de bonnes conditions, compte tenu de la non-production par la société locataire d'éléments comptables complémentaires, qui lui aurait permis d'affiner son analyse.
Les deux parties s'opposent sur les conséquences de l'éviction. La société locataire soutient qu'elle a perdu son fonds de commerce et sollicite en conséquence le paiement d'une indemnité d'éviction totale, pour perte de fonds, fixée à la somme de 4.469.500 euros, conformément aux conclusions de son expert amiable M. R.. La société bailleresse soutient quant à elle, que compte tenu de la notoriété internationale dans le marché de l'art de M. Enrico N., l'éviction des lieux loués, n'a pas entraîné de perte de fonds, l'activité dudit fonds ayant continué et même prospéré, à la suite de l'éviction, la clientèle ayant été transférée. Elle conclut en conséquence que l'indemnité due est une indemnité de transfert, dont le montant correspond à la valeur du droit au bail qu'elle propose de voir fixer à la somme totale de 670.971 euros.
L.145-14 du code de commerce fait reposer sur le bailleur la charge de la preuve que le préjudice subi par le preneur évincé serait moindre que la valeur du fonds de commerce.
En l'espèce, il résulte du rapport d'expertise que les lieux dont s'agit, dépendent d'un ensemble immobilier sis [...]et [...] 8e. Ils sont situés au rez-de-chaussée dans la galerie commerciale appelée 'Galerie 16 Matignon', composée d'un mail principal 'atrium' commençant [...] pour se terminer [...]. Les locaux sont situés à [...] et la [...]. L'expert judiciaire, après visite des locaux a constaté que ceux-ci présentent de beaux volumes, un très beau linéaire de façade, en partie en angle, sur l'atrium et un mail secondaire menant à un jardin dont la locataire avait la jouissance six mois par an ; que les réserves en sous-sol ne sont pas reliées au rez-de-chaussée et ne sont accessibles que par les parties communes. L'expert judiciaire n'ayant pu visiter les lieux que quatre ans après l'éviction a repris la description des lieux effectués par M. R., expert amiable, qui les avait visités en 2005, avant le départ de la société locataire.
La clause destination du bail liant les parties est la suivante :"commerce d'art, y compris meubles anciens".
L'expert judiciaire pour déterminer l'activité exercée dans les lieux par la société locataire s'est référé à une note figurant en annexe au rapport amiable de M. R., qu'il a lui même annexée à son rapport. Il en résulte que la société locataire exerçait dans les locaux pris à bail une grande variété d'activités qui la différenciait d'une galerie d'art traditionnelle. Ce document précise que la locataire, qui employait une dizaine de salariés, exerçait trois types d'activités principales :
- la prospection à l'étranger et notamment en Asie,
- l'édition de livres d'Art : édition de catalogues des expositions réalisées à la galerie, utilisés lors des prospections à l'étranger.
- l'événementiel. Cette dernière activité lui ayant permis d'exporter son savoir-faire pour l'organisation d'expositions en province ou à l'étranger relatives à Marc C., Yann K., Bernard V., Jean-Michel B..
Par ailleurs, la liste des expositions réalisées par la société Galerie Enrico N. entre l'année 1996 et son départ des lieux en 2005, dans les lieux loués, figurant également en annexe audit rapport, permet à la cour de constater, que la société locataire a organisé dans ces locaux, entre une à six expositions par an d'artistes contemporains, principalement asiatiques.
A la suite de son départ des lieux, la société locataire a transféré son siège social, dans l'appartement occupé par M. Enrico N. et sa famille au [...] société locataire avait d'ailleurs, fait réaménager cet appartement afin de pouvoir y accueillir ses salariés et des équipements informatiques et quelques oeuvres d'art, ainsi que cela résulte des procès verbaux d'huissier qu'elle a fait établir ; l'expert judiciaire ayant, en outre, constaté ces faits lors d'une visite sur place. Par ailleurs, elle a fait déménager des oeuvres d'art se trouvant dans les réserves en sous-sol de l'[...] dans des locaux lui appartenant sis à Muy, qu'elle a fait sécuriser.
La société locataire, par la voix de son conseil de l'époque avait indiqué à l'expert judiciaire dans son courrier en date du 17 décembre 2010, 'l'année 2005 a marqué un changement complet d'orientation que la perte de son local a entraîné (....) ainsi donc cette activité nouvelle n'a plus rien à voir avec celle exercée antérieurement au prix de nouveaux investissements qui ont nécessité des frais considérables'.
La société bailleresse soutient sans être utilement démentie par la société locataire, que celle-ci appartient à un ensemble d'entités juridiques exerçant sur plusieurs sites, dont M. Enrico N. apparaît être l'animateur et l'un des principaux associés :
entité juridiques :
- Galerie Enrico N.
- éditions Enrico N.
- E. N. INVESTISSEMENTS
- [...]
- Enrico N. GALERY NEW YORK
sites:
- [...] jusqu'au 5 juillet 2005
- [...] depuis 2001
- [...] (domicile de M. Enrico N.)
- Le Muy dans le Var, où le stock a été transféré,
- New York (USA)
L'expert judiciaire note que les ventes de marchandises et de productions se sont élevées aux montants suivants:
2002 : 2.821.238 euros.
2003 : 2.460.253 euros
2004 : 1.474.951 euros
2005 : 2.693.013 euros
2006: 2.956.101 euros
2007: 3.683.522 euros.
Malgré les demandes faites par l'expert judiciaire, la société locataire n'a jamais transmis une situation de compte arrêtée à son départ des lieux en 2005.
Dans des dires échangées au cours de l'expertise, la société locataire a expliqué que l'activité de la société locataire n'avait pu être maintenue que grâce aux efforts que M. Enrico N. avait consentis sur ses deniers personnels et qu'elle avait dû renoncer à des expositions programmées dans les lieux loués. La société bailleresse a fait observer que la société locataire avait continué à réaliser des expositions à l'étranger et notamment à Monaco, Pékin, Pampelone et Paris. Elle s'est également interrogée sur l'adéquation entre la clause de destination du bail et l'activité ci-dessus décrite.
La cour relève que la locataire n'a pas produit à l'expert et au sapiteur les pièces nécessaires, pour déterminer la consistance du fonds et son éventuelle disparition, compte tenu de la poursuite des activités de la société et de l'augmentation constante de son chiffre d'affaires, de l'absence de licenciement de ses salariés, et alors même que décrivant ses propres activités, elle reconnaissait elle-même qu'une bonne partie de celles-ci s'effectuait en dehors des lieux loués, activités qu'elle a donc pu, sans dommages continuer à exercer ailleurs, telle la prospection à l'étranger et notamment en Asie, l'édition de livres d'Art, relative à l'édition de catalogues des expositions réalisées, utilisés lors des prospections à l'étranger et l'exportation de son savoir-faire pour l'organisation d'expositions en province ou à l'étranger.
Il ressort des pièces produites que le fonds de commerce, exploité dans les lieux loués, étroitement lié à la personnalité de M. Enrico N., mondialement connu dans le domaine de l'art, n'a pas disparu avec l'éviction, mais a été transféré. Dans ce cas l'indemnité d'éviction doit être calculée par rapport à la valeur du droit au bail. Cependant, il convient d'observer que la société Galerie Enrico N. n'a plus pu organiser d'expositions dans des locaux dont elle avait la libre disposition à Paris. Il en est résulté pour elle une perte partielle de sa clientèle, qui ne pouvait plus fréquenter ses expositions parisiennes. Cette perte partielle de clientèle sera appréciée ci-après.
La valeur du droit au bail se calcule par la différence entre le montant de la valeur locative de marché et le loyer qui aurait été perçu si le bail avait été renouvelé, cette différence étant elle même affectée d'un coefficient multiplicateur au regard de l'intérêt des locaux pour l'activité exercée.
L'expert judiciaire propose d'évaluer la valeur locative de marché unitaire à la somme de 1300 euros pour la boutique du rez-de-chaussé d'une surface de 188m² et à 130 euros le m² pour les réserves d'une surface de 60m² en sous-sol, soit une valeur totale de 252.000 euros. Ce que conteste la société bailleresse qui propose une évaluation de la valeur locative de marché à 195.000 euros, compte tenu de la situation de la boutique qui n'est pas en façade sur l'avenue Matignon.
L'expert judiciaire donne des références pour des nouvelles locations allant de 2778 euros le m² pour une boutique de 24m²P, et de 2103 euros le m² pour une boutique de 29m²P. Il y a lieu d'écarter ces références, compte tenu de la survalorisation due à l'effet dit 'bonbonnière', qui les rend peu pertinentes. Les autres références pour de nouvelles locations vont de 590 euros le m², pour une Galerie sise [...], au 1er octobre 2003, à 1598 euros le m² P pour pour une galerie sise [...], étant précisé que le loyer de la Galerie Cazeau Beraudière située [...] est, au 1er juillet 2004, de 1570 euros le m² pour une surface de 86m² au rez de chaussée et 21m² de réserve au sous-sol .
Compte tenu des caractéristiques des lieux loués, de leur emplacement au centre de la galerie et des références ci-dessus rappelées, le prix unitaire proposé par l'expert doit être retenu, cependant, ce prix doit être majoré de 5% pour tenir compte de l'avantage procuré par l'usage du jardin attenant aux lieux pris à bail pendant six de l'année consenti au preneur.
En conséquence, le prix de marché s'établit à la somme de 264.810 euros.
Pour calculer le différentiel de loyer, l'expert propose de retenir le loyer effectivement payé par le locataire évincé, qu'il retient pour la somme de 100.616,35 euros, les parties n'ayant pas justifié du loyer réellement appelé. La société bailleresse soutient qu'il conviendrait de prendre en considération le loyer qui aurait été effectivement payé si le bail avait été renouvelé, lequel s'élève à la somme annuelle de 106.890 euros, ainsi que le calcule l'expert pour déterminer le montant de l'indemnité d'occupation.
La cour relève que le montant du loyer du bail renouvelé aurait dû être fixé au montant du loyer plafonné, à défaut de motif allégué de déplafonnement, sauf dans le cas où la valeur locative aurait été d'un montant moindre.
Dans ces conditions, il convient de rechercher la valeur locative des locaux à la date de l'éviction.
L'expert judiciaire propose des références pour des locaux à usage de Galerie de tableaux ou vente d'oeuvres d'art, variant, pour les fixations judiciaires de 686 euros le m² au1er janvier 2000, pour une galerie de tableaux sise [...], à 950 euros le m² au 1er juillet 2003, pour des locaux à usage d'achat et vente d'oeuvres d'art, sis [...] et pour les renouvellements amiables de 488 euros le m² au 1er août 2005, dans la galerie du [...], à 1598 euros le m², au 1er janvier 2001, pour une galerie d'art au [...]. Les références données par l'expert judiciaire en matière de nouvelles locations ont été rappelées ci-dessus.
Il en résulte, que compte tenu de l'ensemble de ces références, de la configuration des locaux dont s'agit et de leur emplacement favorable à l'activité exercée, la valeur unitaire de 500 euros le m² pour la boutique du rez-de-chaussée et de 130 euros le m² pour les réserves du sous-sol, majorée de 5%, compte tenu de l'avantage procuré pour le commerce considéré par l'utilisation du jardin contigu pendant six mois de l'année, l'expert judiciaire a correctement apprécié la valeur locative à la somme de 106.890 euros.
Dans ces conditions, le montant de la valeur locative étant inférieur au montant du loyer plafonné, tel que révisé aux indices, le montant du loyer appelé en cas de renouvellement aurait été fixé à la valeur locative, telle que fixée ci-dessus.
En conséquence, le montant du droit au bail s'établit à la somme de 157.920 euros (264.810-106.890).
Le coefficient de 8 proposé par l'expert est contesté par la société bailleresse qui lui préfère un coefficient de 7, compte tenu du fait que les locaux dont s'agit ne sont pas en façade de l'[...].
Il est admis que le coefficient de capitalisation choisi est fonction de la nature des lieux loués, de leur destination et de la valeur de l'emplacement commercial.
La cour retient un coefficient de 8, car si les locaux dont s'agit ne sont pas effectivement situés [...], ils sont situés au coeur d'une galerie commerciale dont l'activité est le commerce d'art, dans un quartier dont la commercialité est particulièrement bien adaptée à ce type de commerce.
Il en résulte que la valeur du droit au bail est de 1.263.920 euros (157.920 x 8).
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait que l'éviction aurait entraîné une perte partielle du fonds de commerce qu'il conviendrait d'indemniser en sus du transfert d'activité, la société bailleresse propose d'évaluer cette perte de clientèle à hauteur de 15% de la valeur du fonds de commerce déterminée sur la base de l'EBE, telle que proposé par son expert amiable M. M..
Les conclusions du rapport amiable de M. M. étant contestées par la société locataire, et n'ayant pas de caractère contradictoire, il convient d'évaluer la perte de clientèle par rapport au calcul de l'EBE, retraitée compte tenu de la masse salariale correspondant aux frais de prospection, de développement et de réalisation d'événements à l'étranger, figurant en page 41 du rapport de l'expert judiciaire. Il en ressort que l'EBE retraitée est de 329.800 euros.
La cour retient, que si l'éviction des lieux, n'a pas entraîné la disparition du fonds de commerce de la société locataire, qui a continué ses activités, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a plus pu continuer à bénéficier d'un lieu fixe d'expositions, au coeur d'un quartier parisien, où sont implantées d'autres Galeries d'art. En conséquence, une petite partie de sa clientèle, attachée aux lieux loués, que la cour évalue à 15%, a été de ce fait perdue.
Dans ces conditions, il est établi que le préjudice qu'elle a subi du fait de l'éviction des lieux, doit prendre en compte cette perte partielle, que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 49.470 euros (329.800 x 15%).
Le montant total de l'indemnité d'éviction principale s'élève en conséquence à la somme de 1.313.390 euros (1.263.920 + 49.470) arrondie à la somme de 1.313.400 euros.
Les indemnités accessoires
Frais de remploi:
Ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu'il devra débourser à l'occasion de l'achat d'un fonds d'une valeur équivalente à celui dont il est évincé et comprennent notamment les droits de mutation à payer;
La société locataire qui se réfère aux conclusions de son expert amiable sollicite à ce titre une somme de 869.500 euros.
La bailleresse propose à ce titre une somme de 30.000 euros, somme correspondant aux honoraires de commercialisation.
La cour relève que cette indemnité n'est pas due si le bailleur, sur qui pèse la charge de la preuve, établit que la locataire n'a pas l'intention de se réinstaller.
En l'espèce, la bailleresse n'apportant pas cette preuve, la proposition de l'expert de voir chiffrer à hauteur de 115.300 euros, le montant de ladite indemnité correspondant non seulement aux honoraires de commercialisation mais également aux frais de mutation, doit être retenue.
Indemnité pour frais divers :
Les frais liés au transfert du siège social et formalités qui s'en suivent justifient une indemnisation. Il en est de même des frais de changement de la documentation commerciale
Ces frais fixés par l'expert judiciaire, à la somme de 728 euros sont admis par la bailleresse et ne sont pas utilement contestés par la société locataire.
Frais de déménagement
L'expert a retenu ces frais pour la somme totale de 28.742 euros. La bailleresse demande de les retenir pour 17.743,27 euros, au motif que l'expert avait retenu au-delà des frais habituels, les frais de 'retour d'artistes chinois, transport, frais douaniers et stockage' dont le lien avec l'éviction n'était pas démontré.
La cour relève qu'il ne peut être sérieusement contesté, que ces frais sont en lien direct avec l'éviction, alors que la première décision faisant droit à la demande d'indemnisation, confirmée par l'arrêt de notre cour, a retenu que la société locataire avait dû pour libérer les locaux pris à bail, à la suite du refus de renouvellement du bail par la bailleresse, renvoyer 130 oeuvres d'art aux artistes entre le 16 février et le 10 juin 2005, ainsi que déménager de très nombreuses oeuvres d'art entre Paris et Muy, propriété du preneur, sur la période écoulée de décembre 2004 à mai 2005.
Dans ces conditions, ces frais de déménagement seront retenus pour la somme de 28.742 euros, dont il a été justifié.
Travaux dans la maison du Muy
L'expert judiciaire a évalué le coût des travaux auxquels a fait procéder la société locataire à la somme de 63.814 euros. La société bailleresse s'oppose à cette évaluation, au motif que la société locataire ne démontre pas le lien existant entre l'éviction et les travaux d'aménagement dont s'agit dans sa propriété du Muy, alors qu'elle avait prétendu dans le cadre des débats, développer au sein de cette dernière une des premières 'galerie virtuelle' ce qui semblait exclusif de tout stockage et aménagements.
La cour relève que dans son précédent arrêt, devenu définitif, elle a relevé que la société locataire justifiait du fait que de très importants travaux avaient été effectués dans le midi au Muy, dans la propriété de M. N. où avaient été aménagés des locaux pour stocker et recevoir des oeuvres d'art ainsi que l'embauche de 4 salariés en mars 2005, pour contribuer à l'aménagement des lieux, toutes ces factures étant quasiment toutes antérieures au 9 juin 2005 et que la société locataire justifiait du fait que des archives et oeuvres d'art avaient été expédiées par elle en ce lieu, en décembre 2004, avril et mai 2005.
Dans ces conditions, le coût de ces travaux justifiés devant l'expert judiciaire à hauteur de la somme de 63.814 euros, doit être retenu à titre d'indemnités accessoires directement liées à l'éviction, étant au surplus, observé que la mise en place d'une 'galerie virtuelle', si elle permet la consultation à distance des oeuvres, ne dispense pas le galeriste de la nécessité de pouvoir disposer d'un lieu où stocker lesdites oeuvres et les mettre en espace, afin de les proposer à la vente.
Trouble commercial :
Le trouble causé par le temps nécessaire à une nouvelle installation justifie l'attribution d'une indemnité spécifique.
L'expert propose d'évaluer à la somme de 65.000 euros l'indemnisation du trouble commercial correspondant à 3 mois de la moyenne de l'E.B.E., augmentée d'un mois de masse salariale, pour tenir du compte du temps passé par les collaborateurs de M. N. à organiser et à préparer le déménagement des oeuvres.
La société bailleresse s'oppose à toute indemnisation de ce chef, au motif que la société locataire n'a jamais justifié avoir effectivement recherché un autre local lors de son éviction, mais a réorienté son activité, son chiffre d'affaires n'ayant cessé de progresser après son délaissement des lieux.
La cour retient, que bien qu'il n'ait pas été observé de baisse du chiffre d'affaires de la société considérée, il ne peut être contesté, que son activité a été perturbée compte tenu de son éviction des lieux, qui l'a contrainte à annuler des expositions programmées dans les lieux, à réexpédier aux artistes leurs oeuvres et organiser son déménagement.
Dans ces conditions, l'évaluation à la somme de 65.000 euros, du préjudice ainsi subi, qui correspond aux usages, en ce qui concerne le montant de l'E.B.E. retenu, et aux caractéristiques propres à cette affaire, en ce qui concerne l'indemnisation calculée à partir de la masse salariale, doit être retenue.
Sur la demande d'indemnisation complémentaire en raison de l'exercice fautif du droit de repentir
En l'espèce, la société locataire sollicite la condamnation de la bailleresse à l'indemniser d'un préjudice qui serait selon elle spécifique et qui découlerait de l'exercice abusif de son droit de repentir, qu'elle demande de voir fixer à titre provisionnel à un million d'euros et pour la détermination duquel elle sollicite l'institution d'une mesure d'expertise judiciaire.
Elle soutient qu'aucune disposition du statut des baux commerciaux ne visant expressément la réparation due au locataire lorsque le bailleur n'a cru pouvoir exercer son droit de repentir que pour faire échec frauduleusement aux droits du locataire, elle est en droit de solliciter outre le paiement d'une indemnité d'éviction, selon le droit commun de la responsabilité une indemnité égale au montant du préjudice résultant de la fraude commise par la SCI pour faire échec aux droits que son locataire tient légitimement de sa propriété commerciale.
Elle considère que si la bailleresse avait exercé son droit de repentir conformément à l'article L145-58 du code de commerce, et notamment qu'autant qu'elle n'était pas dans l'impossibilité de continuer à exploiter les locaux loués en raison du caractère irréversible de son déménagement, la poursuite du bail, en cas d'accord des parties, aurait dû lui permettre, outre de conserver sa propriété commerciale, de réaliser ses projets, et notamment de réaliser les expositions 'Chu Teh Chun, Jean-Michel B., Keith H., Les maisons de Le Corbusier' sur lesquelles elle travaillait depuis de nombreuses années, ainsi que des expositions sur des artistes chinois, au sujet desquels elle avait déjà réalisé, 'un catalogues de 300 pages, un livre de 400 pages, un catalogue de 160 pages et 5 catalogues de 120 pages.' Elle en déduit qu'elle a subi un lourd préjudice professionnel spécifique qui l'a contrainte à exercer et financer des activités commerciales de substitution.
Se référent à l'article 1149 du code civil, elle soutient que les projets qu'elle a dû abandonner étant en rapport avec les habituelles activités commerciales de la galerie, les gains manqués sont constitutifs d'un manque à gagner certain, et diffèrent d'une perte de chance, qu'elle doit également être indemnisée des pertes éprouvées correspondant aux investissements réalisés.
Pour s'opposer à cette demande d'indemnisation complémentaire, la société bailleresse soutient que l'article L145-27 du code de commerce, à laquelle paraît se référer la société locataire n'est pas applicable au cas d'espèce. Elle soutient qu'elle n'a commis aucun manquement contractuel, que la privation des locaux loués est intégralement réparée par l'octroi de l'indemnité d'éviction, qu'au surplus elle observe que la société locataire a profité de la notification du refus de renouvellement du bail, pour délaisser des locaux dont elle contestait le montant du loyer et des charges, tout en poursuivant ses activités liées également à d'autres entreprises que celle qui se trouve évincée.
La cour relève tout d'abord que l'article L145-27 du code de commerce qui sanctionne le recours frauduleux à l'exercice du droit de donner congé sans offre d'indemnité d'éviction, n'est pas applicable en l'espèce, seul l'exercice du droit de repentir ayant été déclaré frauduleux et non le refus d'accorder une indemnité d'éviction dans le cadre d'un refus de renouvellement.
Par ailleurs, bien qu'il ait été définitivement jugé que l'exercice du droit de repentir par la société bailleresse avait un caractère frauduleux, pour autant, la conséquence, qui en résulte est qu'il ne peut recevoir effet. Le bail a donc pris fin. Ce n'est que parce que l'existence de motifs graves et légitimes, privant le preneur de son indemnité d'éviction, a été écartée par les premiers juges, que ce refus de renouvellement a ouvert droit pour la société locataire au paiement d'une indemnité d'éviction telle que définit par l'article L145-14 du code de commerce. Cette indemnité est destinée à indemniser intégralement la société locataire évincée, en raison du refus de renouvellement, notamment en prenant en compte, au titre des indemnités accessoires, les préjudices particuliers qu'elle a subis compte tenu de son éviction. C'est ainsi qu'en l'espèce, la cour a retenu dans le calcul de l'indemnité totale, au titre des indemnités accessoires, le préjudice subi par la société locataire qui a dû retourner des oeuvres d'art aux artistes concernés, pour des expositions déjà prévues.
La cour relève qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que M. P., après avoir rappelé que lorsque le locataire évincé avait quitté les lieux, il était d'usage de calculer l'indemnité d'éviction en fonction des coûts réels consécutifs à l'éviction, avait tenté dans le cadre d'une troisième hypothèse, de proposer une évaluation du préjudice subi en appréhendant les coûts réels occasionnés par le départ des lieux et notamment ceux relatifs à la perte des investissements non productifs entrepris pour des projets abandonnés en raison de la perte des locaux, mais qu'il n'avait pu mener à bien son analyse, compte tenu de l'insuffisance des éléments versés aux débats par la société locataire.
En cause d'appel, la société locataire ne justifie pas davantage des préjudices qu'elle aurait subis en raison de l'abandon de ses projets d'expositions, dont l'indemnisation ne serait pas déjà prise en compte dans le calcul de l'indemnité d'éviction, ci-dessus déterminée.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société locataire de sa demande d'indemnisation complémentaire.
Sur l'indemnité totale
L'indemnité d'éviction totale due à la société locataire s'élève par conséquent à la somme de 1.586.984 euros, arrondie à la somme de 1.590.000 euros selon le détail suivant :
indemnité d'éviction principale: 1.313.400 euros.
indemnité de remploi :115.300 euros
frais de déménagement : 28.742 euros
frais administratifs : 728 euros
travaux dans la maison du Muy : 63.814 euros
trouble commercial : 65.000 euros
Sur l'indemnité d'occupation
En application de l'article L145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction calculée d'après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d'appréciation.
La cour rappelle que, la valeur locative dont fait état l'article L145-28 du code de commerce, doit être calculée conformément aux dispositions des sections IV et VI, sans qu'il y ait lieu d'appliquer les règles du plafonnement.
Le prix unitaire de 500 euros le m² pour la boutique et de 130 euros le m² pour le sous-sol, majoré de 5% pour tenir compte de l'utilisation du jardin de la galerie pendant 6 mois, proposé par l'expert judiciaire a été correctement évalué, compte tenu de la configuration des lieux et de leur emplacement, en tenant compte d'un panel de références pour des fixations judiciaires, des renouvellements amiables et des nouvelles locations, rappelé ci-dessus. Il doit en conséquence être retenu.
L'abattement pour précarité de 10% n'est pas contesté par les parties. En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme annuelle de 96.201 euros pour la période écoulée entre le 1er juillet 2004 et le 5 juillet 2005.
Sur la demande de condamnation de la bailleresse à payer une somme de 500.000 euros
La société locataire sollicite la condamnation de la société bailleresse à lui payer une somme de 500.000 euros pour attitude manifestement dilatoire.
Ainsi que le remarque, pour s'opposer à cette demande, la société bailleresse, la société locataire, ne précise ni le fondement légal ni le fondement factuel de cette demande, étant observé qu'il résulte de la lecture du rapport d'expertise judiciaire, que l'attitude de la société locataire qui a refusé de produire au sapiteur les pièces réclamées n'est pas elle- même exempte de tout reproche, quant à la conduite de la procédure.
Sur les autres demandes
La société locataire ayant quitté les lieux, il sera fait droit à la demande de condamnation au paiement de l'indemnité d'éviction, outre les intérêts au taux légal à compter du départ des lieux du locataire évincé, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'ancien article 1154 du code civile.
La bailleresse conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait masse des dépens, et sollicite la condamnation de la société locataire aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'instance et l'expertise ont eu pour cause la délivrance par la bailleresse d'un acte refusant le renouvellement du bail. Il lui appartient en conséquence de supporter les dépens de première instance, en ce compris le coût de l'expertise.
Il sera fait masse des dépens d'appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le rapport d'expertise judiciaire rédigé par M. P. n'était pas entaché de nullité, débouté la S.A.R.L. Galerie Enrico N. de son action en dommages et intérêts de cinq millions d'euros'; fixé à la somme annuelle de 96.201 euros le montant de l'indemnité d'occupation pour la période écoulée entre le 1er juillet 2004 et le 5 juillet 2005 ; ordonné une compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et le montant de l'indemnité d'occupation, débouté la société locataire de l'intégralité de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de un million d'euros à titre provisionnel outre la désignation d'un expert, rejeté pour le surplus les demandes en ce compris la demande de condamnation à payer une somme de 500.000 euros à titre de dommages-intérêts pour attitude manifestement dilatoire ;
l'infirme pour le surplus,
statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l'appel interjeté par la société bailleresse,
Condamne la SCI Vendôme Bureaux à payer à la société Enrico N. une somme de 1.590.000 euros à titre d'indemnité totale d'éviction, outre les intérêts au taux légal à compter 5 juillet 2005, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière en application de l'article 1154 ancien du code civil,
Déboute la société Enrico N. de sa demande d'indemnisation complémentaire ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Vendôme Bureaux aux dépens du jugement entrepris en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;
Fait masse des dépens d'appel et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties avec distraction au bénéficie des avocats postulants qui en ont fait la demande en application de l'article 699 du code de procédure civile.