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Décisions

Cass. com., 5 juillet 2023, n° 22-12.310

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Thouin-Palat et Boucard

Douai, du 16 déc. 2021

16 décembre 2021


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 décembre 2021), par un acte du 6 avril 2007, la Banque populaire du Nord (la banque) a consenti à la société Parmentier développement (la société Parmentier) un prêt d'un montant de 1 300 000 euros en capital remboursable, au taux de 5,5 % l'an, par 24 échéances semestrielles de 74 209,22 euros chacune.

2. Par un jugement du 20 janvier 2015, la société Parmentier a été mise en sauvegarde.

3. Par une lettre du 10 mars 2015, la banque a déclaré une créance à titre privilégié d'un montant global de 786 733,72 euros « au titre d'un encours de prêt n° 07775049 d'un montant de 1 300 000 euros au taux de 5,50 % » en précisant que l'encours du prêt à échoir (en capital, intérêts et accessoires) était de 672 383,07 euros, le montant des échéances échues et restées impayées, et les intérêts dus sur ces échéances.

4. La créance de la banque au titre des intérêts a été contestée. Le juge-commissaire s'est déclaré incompétent et a renvoyé la banque à saisir la juridiction du fond compétente.

5. Un jugement du 20 juillet 2016 a arrêté le plan de sauvegarde de la société Parmentier et désigné M. [Z] en qualité de commissaire à son exécution.

6. Par un jugement du 19 février 2019, la créance de la banque a été fixée à la somme de 786 733,72 euros, outre intérêts de retard au taux contractuel de 4,8 % à compter de la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde jusqu'à la date effective de paiement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Parmentier et le commissaire à l'exécution de son plan de sauvegarde font grief à l'arrêt d'arrêter la créance de la banque au titre des intérêts de retard, alors « que la déclaration de la créance d'intérêts à échoir doit indiquer, soit les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté, soit le montant des intérêts, si celui-ci peut être calculé ; que cette obligation de déclaration vaut pour tout type d'intérêts, y compris les intérêts de retard ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la Banque populaire du Nord avait déclaré une créance de 786 733,72 euros, incluant "un encours du prêt à échoir (en capital, intérêts et accessoires) de 672 383,07 € dont montant en capital de 588 535,27 €" ; qu'elle en a déduit que la différence entre les deux sommes de 672 383,07 € et 588 535,27 € correspondait au montant des intérêts conventionnels à échoir ; qu'en fixant la créance de la banque à la somme de 786 733,72 euros "outre intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire jusqu'à la date effective de paiement", quand elle avait pourtant constaté que les seuls intérêts à échoir figurant à la déclaration étaient déjà inclus dans la somme de 786 733,72 euros, et sans relever aucune mention dans la déclaration de créance des intérêts de retard à échoir, la cour d'appel a violé les articles L. 622-25 et R. 622-23 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La banque conteste la recevabilité du moyen en ce qu'il est nouveau faute pour la société Parmentier de s'être référée aux intérêts de retard dans ses conclusions d'appel.

9. Cependant, le moyen n'est pas nouveau, puisque, dans ses conclusions d'appel, la société Parmentier demandait qu'il soit constaté que la banque n'avait pas déclaré les intérêts dont le cours n'était pas arrêté.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien fondé du moyen

Vu les articles L. 622-25 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021, et R. 622-23 de ce code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2021-1218 du 23 septembre 2021 :

11. Il résulte de ces textes que la seule mention dans une déclaration de créance, du montant à échoir d'une créance, de son montant échu, des intérêts calculés sur ce montant échu et du taux conventionnel des intérêts, ne peut, en l'absence de toute indication relative à une demande au titre des intérêts de retard dans la déclaration elle-même ou par renvoi exprès de celle-ci à un document joint indiquant les modalités de leur calcul, valoir déclaration des intérêts de retard dont le cours n'était pas arrêté par le jugement d'ouverture de la procédure collective.

12. Pour fixer la créance de la banque au titre des intérêts de retard, l'arrêt, après avoir relevé que la société Parmentier et le commissaire à l'exécution du plan soutenaient qu'aucune demande d'admission des intérêts n'avait été faite, puis que la banque, qui était tenue de déclarer sa créance due au jour du jugement d'ouverture avec l'indication des sommes à échoir, avait déclaré le capital exigible et les intérêts à échoir sous l'intitulé « encours du prêt à échoir », retient que la créance de la banque doit être fixée à la somme de 786 733,72 euros outre intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde jusqu'à la date effective de paiement.

13. En statuant ainsi, alors que la déclaration de créance ne contenait aucune demande au titre des intérêts de retard et ne comportait pas davantage de référence expresse à un document énonçant le mode de leur calcul, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement il admet la créance de la société Banque populaire du Nord au titre des intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde judiciaire jusqu'à la date effective de paiement, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme le jugement rendu le 19 février 2019 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer en ce qu'il dit que la créance de la société Banque populaire du Nord doit produire des intérêts de retard au taux contractuel de 4,8 % à compter de la date d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Parmentier développement jusqu'à la date effective de paiement.