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Décisions

Cass. com., 5 juillet 2023, n° 22-13.049

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Vallansan

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 6 janv. 2022

6 janvier 2022


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 janvier 2022), la société Newco, qui avait conclu le 14 février 2017 avec la société Loc-Action, représentée par sa locataire gérante, la société LeasePlan France (la société LeasePlan), un contrat de location de véhicules, a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine au profit de la société HK Group, son associée unique, et a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 27 avril 2018.

2. Le 19 décembre 2018, la société HK Group a été mise en redressement judiciaire par un jugement publié le 28 suivant, puis en liquidation le 10 avril 2019. Les sociétés MJA et MJS Partners ont été désignées co-liquidateurs.

3. Le 24 juillet 2019, la société LeasePlan a adressé une demande en revendication des véhicules à l'un des liquidateurs, lequel a refusé d'acquiescer en raison de la forclusion du demandeur. La société LeasePlan a saisi le juge-commissaire.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Les liquidateurs font grief à l'arrêt de déclarer la société LeasePlan recevable à revendiquer les véhicules et d'en ordonner la restitution, alors « que le délai de revendication des meubles entre les mains d'un débiteur en procédure collective n'est suspendu que lorsque le revendiquant est dans l'impossibilité absolue d'agir pour avoir ignoré l'existence de son droit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à retenir que, faute pour la locataire d'avoir averti sa bailleresse de la dépossession des biens loués, la bailleresse ignorait que ses biens se trouvaient entre les mains d'un tiers sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la qualité de professionnelle de la bailleresse l'empêchait de légitimement prétendre qu'elle ignorait que ses biens avaient été transmis à un tiers placé en procédure collective ; qu'en omettant d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 624-9 du code de commerce, ensemble la règle contra non valentem agere non currit praescriptio. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 624-9 du code de commerce :

5. Il résulte de la combinaison de ces textes que le délai de forclusion institué par le second ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir.

6. Pour ordonner la restitution des véhicules à la société LeasePlan, l'arrêt retient que, si la transmission universelle de patrimoine de la société Newco à la société HK Group a été publiée au BODACC et au registre du commerce, la transmission du contrat de location qu'elle emporte n'a pas fait l'objet d'un accord préalable et écrit de la société bailleresse, ainsi que l'imposent les conditions générales du contrat. Il en déduit que la société LeasePlan avait été laissée dans l'ignorance légitime du transfert avant la cessation de paiement des loyers dus par la société absorbante et de la naissance de son obligation de revendiquer les véhicules à la procédure collective de cette dernière, de sorte qu'elle avait été dans l'impossibilité d'agir dans le délai de trois mois prévu à l'article L. 624-9 précité.

7. En se déterminant ainsi, alors que la transmission universelle de patrimoine de la société Newco à son associée unique HK Group ne constituait pas une cession de bail et ne requérait donc pas l'accord préalable et écrit du bailleur, de sorte qu'il lui incombait de rechercher, comme elle y était invitée, si la société LeasePlan, en sa qualité de professionnel averti, pouvait légitimement ignorer la disparition de sa locataire au profit de la société HK Group à la suite de l'ouverture de la procédure collective de celle-ci, et si ce n'est pas par négligence qu'elle avait attendu de ne plus être réglée des loyers pour constater la transmission universelle de patrimoine de sa locataire initiale et la procédure collective de l'absorbante, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.