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Décisions

TUE, 2e ch. élargie, 20 septembre 2023, n° T-467/16

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Flir Systems Trading Belgium, Henkel Belgium

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marcoulli

Avocats :

Me Reypens, Me Docclo

TUE n° T-467/16

19 septembre 2023

1  Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, dans l’affaire T467/16, Flir Systems Trading Belgium, et, dans l’affaire T681/16, Henkel Belgium, demandent l’annulation de la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision attaquée »).

I.   Antécédents du litige

2  Les faits à l’origine du litige ainsi que le cadre juridique qui y est afférent ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 28 de l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T131/16 et T263/16, EU:T:2019:91), ainsi que par la Cour aux points 1 à 24 de l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et MagnetrolInternational (C337/19 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2021:741). Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3  Moyennant une décision anticipée adoptée par le « service des décisions anticipées » du service public fédéral des finances belge, sur le fondement de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le « CIR 92 »), lu conjointement avec l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale (Moniteur belge du 31 décembre 2002, p. 58817, ci-après la « loi du 24 décembre 2002 »), les sociétés résidentes belges faisant partie d’un groupe multinational et les établissements stables belges de sociétés résidentes étrangères faisant partie d’un groupe multinational pouvaient réduire leur base imposable en Belgique en déduisant des bénéfices, considérés comme « excédentaires », des bénéfices qu’ils avaient enregistrés. Par ce système, une partie des bénéfices réalisés par les entités belges bénéficiant d’une décision anticipée n’était pas imposée en Belgique. Selon les autorités fiscales belges, ces bénéfices excédentaires découlaient des synergies, des économies d’échelle ou d’autres avantages résultant de l’appartenance à un groupe multinational et, partant, n’étaient pas imputables aux entités belges en question.

4  Les requérantes dans les présentes affaires sont des sociétés établies en Belgique et intégrées à des groupes multinationaux d’entreprises. Ces sociétés effectuent des transactions avec d’autres sociétés au sein de leurs groupes respectifs.

5  Il ressort de l’annexe de la décision attaquée ainsi que des pièces qui figurent dans les dossiers dans les affaires en question que, le 18 septembre 2012, s’agissant de Flir Systems Trading Belgium, et, le 17 septembre 2013, s’agissant de Henkel Electronic Materials, le service des décisions anticipées a adopté des décisions anticipées relatives à l’exonération des bénéfices excédentaires à l’égard des requérantes, qui en avaient fait la demande à la suite de restructurations au sein de leurs groupes d’entreprises visant à centraliser un certain nombre de fonctions et de services auprès des sociétés établies en Belgique. Ces décisions anticipées avaient une validité de cinq ans.

6  À la suite d’une procédure administrative qui a commencé le 19 décembre 2013, par une lettre par laquelle la Commission européenne a demandé au Royaume de Belgique de lui fournir des renseignements concernant le système des décisions fiscales anticipées, relatives aux bénéfices excédentaires, qui se fondaient sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, la Commission a adopté la décision attaquée le 11 janvier 2016.

7  Par la décision attaquée, la Commission a constaté que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qui se fondait sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, en vertu duquel le Royaume de Belgique avait émis des décisions anticipées en faveur d’entités belges de groupes multinationaux d’entreprises, accordant auxdites entités une exonération pour une partie des bénéfices qu’elles réalisaient, constituait un régime d’aides d’État (ci-après le « régime en cause »), accordant un avantage sélectif à ses bénéficiaires, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur.

8  Ainsi, la Commission a soutenu, à titre principal, que le régime en cause octroyait un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où l’exonération de leurs bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. À titre subsidiaire, la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires pouvait procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où une telle exonération s’écartait du principe de pleine concurrence.

9  Ayant constaté que le régime en cause avait été mis à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès de leurs bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

II. Conclusions des parties

10   Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

 annuler les articles  1er à 4 de la décision attaquée ;

 à titre subsidiaire, annuler l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée ;

 condamner la Commission aux dépens.

11   La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

 rejeter les recours comme non fondés ;

 condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

12   Il convient de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les parties ayant été entendues.

13   Les requérantes soulèvent sept moyens identiques aux deux recours, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une erreur de droit dans l’identification des actes juridiques constitutifs d’une aide d’État et dans leur qualification en tant que régime d’aides, en violation de l’article 1er, sous d), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), le deuxième, d’une erreur de fait dans la description du système de référence, d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse dudit système et d’une erreur de droit dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 1er, sous a), du règlement 2015/1589, le troisième, d’une erreur d’appréciation de l’avantage économique et d’une erreur de droit dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 1er, sous a), du règlement 2015/1589, le quatrième, d’une erreur d’appréciation de la sélectivité au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 1er, sous a), du règlement 2015/1589 ainsi que d’une erreur d’appréciation dans l’analyse des mécanismes du régime en cause, le cinquième, d’une erreur d’appréciation dans l’analyse de la justification des conditions d’application du régime en cause, le sixième, d’une erreur d’appréciation dans l’évaluation du prétendu avantage découlant du régime en cause et d’un défaut de précision dans l’examen dudit régime et, le septième, d’une violation des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique par la décision attaquée.

A.   Sur l’identification des actes juridiques constitutifs d’un régime d’aide

14   Par leur premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, en identifiant au considérant 99 de la décision attaquée les actes sur lesquels se fonderait le régime en cause. En effet, ces actes ne reflèteraient pas les éléments essentiels dudit régime.

15   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

16   À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que la décision attaquée avait établi l’existence d’un régime d’aides, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, ressortant d’une ligne systématique de conduite des autorités fiscales belges et a ainsi rejeté comme non fondé le moyen invoqué par le Royaume de Belgique et Magnetrol International, qui était tiré de la conclusion erronée relative à l’existence d’un régime d’aides.

17   Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter le premier moyen des requérantes, tiré de la prétendue erreur commise par la Commission dans la constatation de l’existence d’un régime d’aides, celui-ci étant en substance analogue à ceux du Royaume de Belgique et de Magnetrol International écartés par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi.

B.   Sur le caractère sélectif du régime en cause

18   Il convient d’examiner les arguments des requérantes contestant, premièrement, la définition du système de référence dans la décision attaquée (deuxième moyen), deuxièmement, l’existence d’une dérogation audit système de référence (troisième et quatrième moyens), troisièmement l’appréciation de l’avantage qui découlerait dudit régime (sixième moyen) et, quatrièmement, le fait que, dans le cas où une telle dérogation aurait été établie, celleci ne pourrait pas être justifiée au regard du système d’imposition national (cinquième moyen).

1.   Sur l’identification du système de référence

19   Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que la Commission fait une appréciation erronée du régime de droit commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. Elles soutiennent, en substance, que la Commission n’a pas tenu compte, d’une part, du fait que le système d’imposition belge prévoirait plusieurs ajustements possibles et, d’autre part, du fait que les articles 26, 54, 79, 207 du CIR 92 prévoient, pour déterminer la base imposable, des éléments qui ne figurent pas dans la comptabilité. L’article 185, paragraphe 2, premier alinéa, sous b), du CIR 92 prévoirait le même principe et ferait donc partie du système de référence. Partant, la Commission aurait commis une erreur de fait dans la description du système de référence, une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse dudit système et, par conséquent, une erreur de droit dans l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 1er, sous a), du règlement 2015/1589.

20   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

21   En l’espèce, aux considérants 121 à 129 de la décision attaquée, la Commission a exposé sa position concernant le système de référence.

22   Ainsi, aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le système de référence était le système de droit commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le régime de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique. La Commission a relevé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique s’appliquait aux sociétés résidentes en Belgique ainsi qu’aux succursales belges de sociétés non résidentes. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés résidentes en Belgique étaient tenues de payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur le montant total des bénéfices qu’elles réalisaient, sauf lorsqu’une convention contre les doubles impositions s’appliquait. En outre, en vertu des articles 227 et 229 du CIR 92, les sociétés non résidentes n’étaient soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés que pour certains types de revenus spécifiques de source belge. Par ailleurs, la Commission a souligné que, dans les deux cas, l’impôt belge sur les sociétés était dû sur le bénéfice total, lequel était fixé selon les règles relatives au calcul des bénéfices, tels qu’ils étaient définis à l’article 24 du CIR 92. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, lu en liaison avec les articles 1er, 24, 183, 227 et 229 du CIR 92, le bénéfice total correspondait aux revenus des sociétés, dont étaient soustraites les dépenses déductibles qui étaient généralement enregistrées dans la comptabilité, de sorte que le bénéfice réellement enregistré constituait le point de départ du calcul du bénéfice total imposable, sans préjudice de l’application ensuite des ajustements positifs et négatifs prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

23   Aux considérants 123 à 128 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges ne faisait pas partie intégrante du système de référence.

24   Plus précisément, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’une telle exonération n’était prescrite par aucune disposition du CIR 92. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 permettait à l’administration fiscale belge de procéder à un ajustement unilatéral primaire des bénéfices d’une société, pour les cas où des transactions ou des arrangements avec des sociétés liées étaient effectués dans des conditions qui s’écartaient de celles de pleine concurrence. En revanche, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs des bénéfices d’une société, générés par une transaction ou un arrangement intragroupe, à la condition supplémentaire que le bénéfice à ajuster eût été inclus dans le bénéfice de la contrepartie étrangère à cette transaction ou à cet arrangement.

25   En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique visait à imposer les entreprises soumises à l’impôt, sur leurs bénéfices réels, indépendamment de leur forme juridique, de leur taille ou de leur appartenance ou non à un groupe multinational d’entreprises.

26   Par ailleurs, au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, aux fins du calcul des bénéfices imposables, les sociétés intégrées d’un groupe multinational étaient tenues de fixer les prix à appliquer à leurs transactions intragroupes au lieu d’utiliser des prix dictés directement par le marché, raison pour laquelle la législation fiscale belge prévoyait des dispositions particulières applicables aux groupes, qui visaient généralement à mettre sur un pied d’égalité les sociétés non intégrées et les entités économiques structurées sous la forme de groupes.

27   Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le système de référence à prendre en considération était le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était d’imposer de la même manière les bénéfices de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique. Ce système comprenait les ajustements applicables, conformément au système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui déterminaient le bénéfice imposable de la société aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

28   D’emblée, il convient de rappeler que les parties s’accordent sur le point de départ selon lequel le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique constitue le système de référence.

29   La question qui est débattue entre les parties est celle de savoir si le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique comprend ou non la non-imposition des bénéfices que les autorités fiscales belges ont considérés comme étant excédentaires.

a)   Sur la détermination des bénéfices imposables des sociétés et la possibilité d’effectuer des ajustements sur les bénéfices enregistrés

30   À l’égard des arguments des requérantes remettant en cause les constatations de la Commission relatives à la détermination des bénéfices imposables des sociétés en Belgique et la possibilité d’effectuer des ajustements, il y a lieu de rappeler que, au considérant 122 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le bénéfice total était fixé selon les règles relatives aux bénéfices énoncés dans les dispositions relatives au calcul des bénéfices imposables, tels que définis à l’article 24 du CIR 92.

31   L’article 24 du CIR 92 prévoit que les revenus imposables des entreprises industrielles, commerciales et agricoles englobent tous les revenus découlant d’activités entrepreneuriales, tels que les bénéfices provenant de « toutes les opérations traitées par les établissements de ces entreprises ou par l’intermédiaire de ceux-ci », et de « tout accroissement de la valeur des éléments d’actif […] et de tout amoindrissement de la valeur des éléments de passif […] lorsque ces plus-values ou moins-values ont été réalisées ou exprimées dans la comptabilité ou les comptes annuels ».

32   Il en découle que les bénéfices imposables, aux fins de l’application du CIR 92, sont constitués à la base par tous les bénéfices enregistrés par les entreprises assujetties à l’impôt en Belgique, dans la mesure où ils constituent le point de départ du calcul dudit impôt.

33   Par ailleurs, il ressort des précisions apportées par la Commission au considérant 123 de la décision attaquée qu’elle a pris en considération le fait que la base pour le calcul du bénéfice imposable était constituée par le bénéfice total enregistré de l’entité en question, sur lequel étaient effectués les ajustements, négatifs et positifs, prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

34   Plus spécifiquement, la Commission a relevé, au considérant 125 de la décision attaquée, que les ajustements positifs et négatifs, prévus à l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92, constituaient des dispositions fiscales particulières applicables à des situations dans lesquelles les conditions fixées pour une transaction ou un arrangement s’écartaient de celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes.

35   Partant, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a pris en compte le fait que dans le régime fiscal applicable en Belgique, spécifiquement en ce qui concerne la base imposable pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés, la possibilité existait d’effectuer des ajustements positifs et négatifs sur les bénéfices enregistrés. Pour ces mêmes raisons, les griefs des requérantes tirés d’une prétendue méconnaissance par la Commission de l’existence, dans le régime fiscal belge, d’une différence entre le bénéfice comptable et le bénéfice imposable ne sauraient prospérer.

b)   Sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

36   Les requérantes font valoir que la Commission a erronément exclu l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du système de référence.

37   En premier lieu, il convient de souligner que la Commission n’a pas exclu l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, du système de référence. En revanche, elle a considéré que le régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges n’était pas prévu par cette disposition et, partant, ne faisait pas partie dudit système.

38   En second lieu, afin de déterminer si la Commission a correctement conclu que le régime des bénéfices excédentaires n’était pas prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, il convient d’examiner d’une part, la portée de cette disposition et, d’autre part, le régime des bénéfices excédentaires tel qu’appliqué par les autorités fiscales belges.

1)   Sur la portée de l’article 185, paragraphe 2 du CIR 92

39   Il y a lieu de relever que la Commission a fondé son analyse de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 sur la base du libellé de cette disposition et des textes accompagnant son entrée en vigueur. En effet, aux considérants 29 à 38 de la décision attaquée, la Commission a décrit de manière détaillée, premièrement, le texte de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, introduit par la loi du 21 juin 2004, modifiant le CIR 92 et la loi du 24 décembre 2002 (Moniteur belge du 9 juillet 2004, p. 54623, ci-après la « loi du 21 juin 2004 »), deuxièmement, l’exposé des motifs figurant dans le projet de ladite loi présenté le 30 avril 2004 par le gouvernement belge à la Chambre des représentants de Belgique (ci-après l’« exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 ») et, troisièmement, la circulaire du 4 juillet 2006 concernant l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 (ci-après la « circulaire administrative du 4 juillet 2006 »).

40   Tout d’abord, dans sa version applicable en l’espèce, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, auquel fait référence le considérant 29 de la décision attaquée, est libellé comme suit :

« Sans préjudice de l’alinéa 2, pour deux sociétés faisant partie d’un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leurs relations transfrontalières réciproques :

[…]

b) lorsque, dans les bénéfices d’une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première société sont ajustés d’une manière appropriée.

L’alinéa 1er s’applique par décision anticipée sans préjudice de l’application de la Convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de corrections des bénéfices des entreprises associées (90/436) du 23 juillet 1990 et des conventions internationales préventives de la double imposition. »

41   Ensuite, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, auquel fait référence le considérant 34 de la décision attaquée, indique que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, prévoit un ajustement corrélatif approprié afin d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il ne faut procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement primaire est justifié en ce qui concerne le principe et le montant.

42   Par ailleurs, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 précise que ladite disposition ne s’applique pas si le bénéfice réalisé dans l’État partenaire est majoré de telle façon qu’il est supérieur à celui qui serait obtenu en cas d’application du principe de pleine concurrence, les autorités fiscales belges n’étant pas contraintes d’accepter les conséquences d’un ajustement arbitraire ou unilatéral dans l’État partenaire.

43   Enfin, la circulaire administrative du 4 juillet 2006, à laquelle fait référence le considérant 38 de la décision attaquée, réitère le constat suivant lequel un tel ajustement négatif ne s’applique pas lorsque l’ajustement positif primaire opéré par une autre juridiction est excessif. Par ailleurs, ladite circulaire reprend largement le texte de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, en ce qu’elle rappelle que l’ajustement négatif corrélatif trouve son sens dans le principe de pleine concurrence, qu’il a pour objectif d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il doit s’effectuer de manière appropriée, à savoir que les autorités fiscales belges ne peuvent procéder à cet ajustement que si ce dernier est justifié en son principe et en son montant.

44   Partant, il ressort du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que l’ajustement négatif est prévu dans le cadre des relations transfrontalières entre deux sociétés liées et qu’il doit être corrélatif, en ce sens qu’il n’est applicable qu’à la condition que les bénéfices faisant l’objet de l’ajustement soient également repris dans les bénéfices de l’autre société et que ces bénéfices ainsi inclus soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

2)   Sur le régime des bénéfices excédentaires

45   Le régime des bénéfices excédentaires, tel qu’appliqué par les autorités fiscales belges, est décrit par la Commission, aux considérants 13 à 22 de la décision attaquée. En outre, aux considérants 39 à 42 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte les réponses du ministre des Finances belge à des questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du 13 avril 2005, du 11 avril 2007 et du 6 janvier 2015. Ces réponses expliquent la pratique administrative des autorités fiscales belges relative aux bénéfices excédentaires.

46   Or, il ressort de ces réponses que, dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges, l’ajustement négatif des bénéfices permettant de déduire de la base imposable lesdits bénéfices excédentaires n’était pas conditionné par le fait que les bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

47   En outre, il ressort des explications fournies par le Royaume de Belgique, telles qu’elles sont reprises notamment aux considérants 15 à 20 de la décision attaquée, que l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, au titre du régime en cause, était fondée sur un pourcentage d’exonération, calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique pour l’entité belge, obtenu à partir d’un indicateur du niveau de bénéfice résultant d’une comparaison avec les bénéfices des entreprises autonomes comparables et fixé comme une valeur située dans la fourchette interquartile dudit indicateur du niveau de bénéfice choisi pour un ensemble d’entreprises autonomes comparables. Ce pourcentage d’exonération aurait été applicable pendant plusieurs années, à savoir pendant la durée de validité de la décision anticipée. Ainsi, l’imposition des entités belges qui en résultait ne prenait pas comme point de départ la totalité des bénéfices réellement enregistrés, au sens des articles 1er, 24, 183 et 185, paragraphe 1, du CIR 92, auxquels auraient été appliqués les ajustements légalement prévus dans le cas des groupes d’entreprises, au titre de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, mais plutôt un bénéfice hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par l’entité belge en question et des ajustements légalement prévus.

48   Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel la Commission s’est trompée en considérant que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 supposait un ajustement préalable des bénéfices d’une entreprise liée dans un pays étranger, puisque les décisions anticipées ne peuvent être octroyées qu’à l’avance et que ces bénéfices ne peuvent pas être déclarés à l’avance, ne saurait prospérer. En effet, le régime en cause s’écarte du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), en ce qu’il ignore que l’ajustement négatif prévu par ladite disposition doit être corrélatif à un ajustement primaire, que ce dernier intervienne avant ou après l’octroi d’une décision anticipée. D’ailleurs, il importe de souligner que les décisions anticipées en cause précisent leur période d’application, sans exiger un quelconque ajustement primaire dans un autre pays. Par conséquent, le régime en cause s’écarte des conditions prévues à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, dès lors que l’ajustement négatif était accordé sans prendre en compte la condition tenant au fait qu’un tel ajustement soit corrélatif.

49   De surcroît, l’argument des requérantes selon lequel la Commission et la Cour ne sont pas compétentes pour interpréter le droit national ne saurait prospérer, dans la mesure où la Commission s’est fondée sur les informations transmises par les autorités belges dans le cadre de la procédure administrative quant au défaut de prise en compte du caractère corrélatif de l’ajustement en cause. Les requérantes font valoir que la Commission ne dispose pas, à ce stade du développement de l’Union européenne, d’une compétence lui permettant de définir de façon autonome l’imposition dite « normale » d’une entreprise intégrée. Or, il convient de rappeler, à cet égard, que, si, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, relèvent de la compétence des États membres la désignation des bases d’imposition et la répartition de la charge fiscale sur les différents facteurs de production et les différents secteurs économiques, il ressort de la jurisprudence que, en exerçant cette compétence, les États membres doivent s’abstenir d’adopter des mesures susceptibles de constituer des aides d’État, dont le contrôle relève de la compétence de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C106/09 P et C107/09 P, EU:C:2011:732, points 97, 103 et 104).

50   Par ailleurs, le fait que l’objectif de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 soit d’éviter une double imposition possible, ainsi que le font valoir les requérantes, ne saurait éliminer la condition explicitement prévue, relative au fait que les bénéfices à ajuster doivent avoir également été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En effet, c’est précisément lorsque les bénéfices d’une entité belge sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, établie dans un autre État, que la possibilité d’une double imposition peut exister.

51   C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’écarter également les allégations des requérantes selon lesquelles la Commission n’aurait pas tenu compte des articles 26, 54, 79, 207 et 342 du CIR 92, qui utilisent, pour déterminer la base imposable, des éléments qui ne figurent pas dans la comptabilité et qui résultent d’une évaluation des recettes ou des dépenses normales ou d’un bénéfice normal.

52   En effet, d’une part, le fait que ces dispositions n’aient pas été expressément reprises par la Commission dans la description du système de référence ne conduit pas à ce que ladite description soit entachée d’une erreur, dans la mesure où le régime en cause n’est fondé sur aucune de ces dispositions.

53   D’autre part et en tout état de cause, ainsi qu’il résulte des points 39 à 44 ci-dessus, le régime en cause n’est pas fondé sur le libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, mais sur une application contra legem de cette disposition.

3)   Conclusion sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

54   Il ressort de ce qui précède que, alors que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 requiert, aux fins d’un ajustement négatif, que les bénéfices à ajuster aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, le régime des bénéfices excédentaires était appliqué par les autorités belges sans prendre en considération ces conditions.

55   Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, appliquée par les autorités fiscales belges au titre du régime en cause, ne faisait pas partie du système de référence.

56   Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen des requérantes visant à contester l’identification du système de référence par la Commission dans la décision attaquée doit être écarté.

2.   Sur l’existence d’une dérogation au système de référence introduisant des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation comparable

57   Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas correctement établi l’existence d’une dérogation au système de référence, introduisant des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation comparable.

58   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

59   Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, dans le cas d’un régime d’aides fiscales, la Commission doit prouver que le régime en cause introduit une différenciation entre ses bénéficiaires et les entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C78/08 à C80/08, EU:C:2011:550, point 49).

60   Dans la décision attaquée (point 6.3.2.1), la Commission a considéré, à titre principal, que le régime belge d’exonération des bénéfices excédentaires accordait un avantage sélectif à ses bénéficiaires en ce qu’il dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique, dans la mesure où celui-ci prévoyait que les sociétés soient imposées sur la base de leur bénéfice total, à savoir leur bénéfice réellement enregistré, et non sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus.

61   Ainsi, la Commission a conclu, au considérant 136 de la décision attaquée, que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, invoqué par le Royaume de Belgique comme fondement pour le régime en cause, n’avait ni le sens ni l’effet préconisé par ledit régime et, partant, que ce régime constituait plutôt une dérogation à la règle générale prévue par le droit fiscal belge selon laquelle le bénéfice réellement enregistré est imposé. En outre, la Commission a souligné qu’un tel régime n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

62   Par la suite, aux considérants 137 à 141 de la décision attaquée, la Commission a développé les raisons pour lesquelles elle considérait que le régime en cause introduisait des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal belge, dans une situation factuelle et juridique comparable.

a)   Sur l’existence d’une dérogation au système de référence

63   D’emblée, il convient de rappeler que ce que la Commission a considéré comme ne faisant pas partie du système de référence et, partant, comme y dérogeant est le régime des bénéfices excédentaires, à savoir l’ajustement négatif, tel qu’effectué par les autorités fiscales belges sur une partie des bénéfices imposables, dits « excédentaires ».

64   Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 54 et 55 ci-dessus, au regard du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, l’ajustement négatif des bénéfices imposables est soumis à la condition que les bénéfices à déduire pour une société donnée aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En revanche, la pratique des autorités fiscales belges consistant à effectuer un ajustement négatif unilatéral sans qu’il soit besoin d’établir que les bénéfices à ajuster aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les transactions concernées avaient été réalisées entre sociétés indépendantes n’est pas prévue par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

65   En effet, contrairement à ce que soutiennent les requérantes et ainsi qu’il a été confirmé par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi, même si les décisions fiscales anticipées invoquaient, formellement, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qualifié par la Commission de régime d’aides d’État, reposait sur la pratique administrative constante des autorités fiscales belges. Or, ainsi qu’il vient d’être constaté au point 64 ci-dessus, cette pratique différait de ce qui était prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

66   Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’effectuée par les autorités fiscales belges, constituait une dérogation au système de référence qu’elle avait retenu, à savoir le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui comprenait notamment l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, ainsi qu’il a été relevé au point 37 cidessus.

b)   Sur l’existence d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable du fait de la dérogation au système de référence

67   S’agissant du constat de la Commission selon lequel le régime en cause a introduit une différenciation entre les bénéficiaires des exonérations et les autres opérateurs se trouvant dans une situation comparable, il convient de relever que la Commission a avancé, aux considérants 138 à 140 de la décision attaquée, trois motifs alternatifs pour étayer sa conclusion, qu’il convient d’examiner successivement aux fins d’exhaustivité.

1)   Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

68   Les requérantes contestent le fait que le régime en cause soit sélectif, étant donné que les conditions énoncées à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne viseraient pas à limiter ce régime spécifique aux groupes multinationaux.

69   Par ailleurs, la circonstance selon laquelle le régime en cause est principalement appliqué à des sociétés multinationales ne serait pas suffisamment distinctive pour être constitutive d’une sélectivité au sens de l’article 107 TFUE, étant donné que la mesure en cause ne ciblerait aucun type de service ni de production.

70   Au considérant 138 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que le régime était sélectif parce qu’il était ouvert uniquement aux entités faisant partie d’un groupe multinational d’entreprises.

71   Certes, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 a vocation à s’appliquer à des sociétés intégrées à un groupe multinational. Toutefois, la finalité de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise précisément à placer sur un pied d’égalité les entreprises liées et les entreprises non liées.

72   À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 27 ci-dessus, il importe de rappeler que l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tel qu’il ressort du considérant 129 de la décision attaquée, est d’imposer tous les bénéfices imposables des entités soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qu’elles soient autonomes ou intégrées dans un groupe multinational d’entreprises. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 31 ci-dessus, selon les règles normales d’imposition en Belgique, les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité ou les comptes annuels de cellesci.

73   En revanche, l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges, en ce qu’elle déroge à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, octroyait un allégement fiscal aux bénéficiaires concernés, au motif qu’ils faisaient partie d’un groupe multinational d’entreprises, en leur permettant de déduire de leur assiette imposable une partie de leurs bénéfices enregistrés, sans que ces bénéfices exonérés n’aient été repris dans les bénéfices d’une autre société du groupe.

74   Il existerait, partant, un traitement différencié, entre les entités intégrées à un groupe multinational, ayant bénéficié, en vertu du régime en cause, de l’exonération des bénéfices excédentaires, à hauteur d’un pourcentage d’exonération calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, et d’autres entités, autonomes ou intégrées au sein d’un groupe d’entreprises, qui auraient été imposées conformément aux règles normales d’imposition des sociétés en Belgique sur la totalité de leurs bénéfices réellement enregistrés, le cas échéant, s’agissant des entités intégrées, après application de l’ajustement au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, suivant les conditions qui y sont prévues.

75   Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu que les entités faisant partie d’un groupe multinational ayant bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires au titre du régime en cause, qui constitue un ajustement qui n’est pas en tant que tel prévu par la loi, auraient reçu un traitement différencié par rapport à d’autres entités en Belgique n’en ayant pas bénéficié, alors que ces entités se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, à savoir imposer tous les bénéfices imposables de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique.

76   Premièrement, ces considérations ne sauraient être remises en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise uniquement des sociétés faisant partie d’un groupe multinational qui effectuent des transactions transfrontalières et selon lequel, dès lors, une différence de traitement entre les transactions internes et les transactions transfrontalières est justifiée.

77   Tout d’abord, il convient de relever que, dans le cadre de l’examen du régime en cause, la Commission n’a pas fondé son appréciation uniquement sur la nature transfrontalière des transactions effectuées par les entités belges faisant partie d’un groupe multinational. En effet, la Commission a comparé l’imposition desdites entités établies en Belgique, sur les bénéfices qui résultaient de leurs transactions, qu’elles soient transfrontalières ou internes, à l’imposition des autres sociétés établies en Belgique.

78   Ensuite, il importe de préciser que, au regard de l’objectif du système d’imposition belge rappelé au point 72 ci-dessus, les groupes multinationaux ne sont pas dans une situation différente des autres contribuables simplement parce qu’ils effectuent des transactions transfrontalières. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, c’est précisément pour assurer l’égalité entre les sociétés autonomes et les sociétés faisant partie d’un groupe multinational que le mécanisme de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 a été introduit dans le système fiscal belge.

79   Enfin, l’argument tiré de l’arrêt du 21 janvier 2010, SGI (C311/08, EU:C:2010:26), invoqué par les requérantes, est inopérant à cet égard. En effet, dans cet arrêt, la Cour s’est prononcée sur la proportionnalité de la dérogation introduite à l’article 26 du CIR 92 par rapport aux objectifs poursuivis par celle-ci, en l’occurrence ceux de la prévention de l’évasion fiscale et de la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Ledit arrêt est donc dépourvu de pertinence en l’espèce.

80   Deuxièmement, l’argument des requérantes quant à l’absence de sélectivité sectorielle est également non fondé. En effet, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que la diversité et l’importance des secteurs auxquels les entreprises bénéficiaires d’une initiative étatique appartiennent ne permettent pas de considérer une telle initiative comme une mesure générale de politique économique (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C75/97, EU:C:1999:311, point 32 , et du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C143/99, EU:C:2001:598, point 48). Ainsi, l’absence de délimitation des mesures en cause à un secteur particulier n’est pas une circonstance révélant l’absence de sélectivité desdites mesures.

81   Il résulte des points 70 à 80 ci-dessus que le premier grief des requérantes doit être écarté dans son intégralité.

2)   Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la création d’emplois ou à la centralisation d’activités en Belgique

82   Les requérantes font valoir que la Commission a erronément considéré que le régime en cause s’appliquait aux entreprises qui modifiaient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique.

83   Au considérant 139 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était de jure sélectif dans la mesure où il n’était pas ouvert à des sociétés qui auraient décidé de ne pas effectuer des investissements, de ne pas créer des emplois ou de ne pas centraliser des activités en Belgique. La Commission a relevé que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 subordonnait l’adoption des décisions anticipées à l’existence d’une situation ou d’une opération n’ayant pas produit d’effets sur le plan fiscal et qu’une décision anticipée était nécessaire pour bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

84   La Commission a également relevé que, dans l’échantillon des décisions anticipées accordant une exonération des bénéfices excédentaires qu’elle a analysé, chaque décision anticipée mentionnait des investissements importants, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique. De ce fait, elle a considéré que l’obligation relative à la « situation nouvelle », à laquelle étaient soumises les demandes de décisions anticipées afin de bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires, donnait lieu à un traitement différencié des groupes multinationaux qui modifiaient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique, par rapport à tous les autres opérateurs économiques, y compris les groupes multinationaux, qui continuaient de suivre leur modèle d’entreprise existant en Belgique.

85   À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a confirmé que le choix d’un échantillon constitué de 22 décisions anticipées, adoptées au cours des années 2005, 2007, 2010 et 2013 était approprié et suffisamment représentatif.

86   En outre, il convient de relever que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 définit la décision anticipée comme étant l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine, conformément aux dispositions en vigueur, comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Par ailleurs, l’article 22 de cette même loi précise qu’une décision anticipée ne peut être adoptée, notamment, lorsque la demande a trait à des situations ou à des opérations identiques à celles ayant déjà produit des effets sur le plan fiscal à l’égard du demandeur.

87   Certes, de la lecture des dispositions indiquées au point 86 ci-dessus, il ne saurait être déduit que la réalisation d’investissements, la création d’emplois ou la centralisation d’activités en Belgique constituent des conditions explicitement exigées pour l’obtention d’une décision anticipée.

88   Toutefois, il ressort de l’échantillon des décisions anticipées analysé par la Commission dans la décision attaquée que ces décisions ont effectivement été accordées à la suite de propositions des demandeurs de réaliser des investissements en Belgique, d’y relocaliser certaines fonctions ou d’y créer un certain nombre d’emplois. En effet, les trois exemples décrits dans la note en bas de page no 80 de la décision attaquée, dans lesquels les demandeurs des décisions anticipées en question ont décrit leurs plans d’investissements et de recentralisation d’activités en Belgique, révèlent que, dans la pratique, la condition pour l’adoption d’une décision anticipée, relative à l’existence d’une situation n’ayant pas produit des effets fiscaux, a été remplie par des investissements, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique.

89   À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, c’est précisément la pratique administrative des autorités fiscales belges, consistant à exonérer des bénéfices par des décisions anticipées, qui a été considérée comme étant dérogatoire à ce qui est prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, en vertu desdites décisions anticipées, leurs bénéficiaires ont obtenu un avantage consistant en l’allégement de leur assiette imposable, du fait de l’exonération des bénéfices dits « excédentaires ». En revanche, les entités n’ayant pas procédé à une modification de leur modèle d’entreprise, afin de créer des situations fiscales nouvelles qui, au regard d’une telle pratique, consistaient systématiquement en des investissements, en la centralisation d’activités ou en la création d’emplois en Belgique, et, partant, n’ayant pas demandé de décision anticipée, ont été imposées sur l’ensemble de leurs bénéfices imposables. Partant, le régime en cause a donné lieu à un traitement différencié de sociétés se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

90   Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 139 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert à des sociétés qui avaient décidé de ne pas effectuer d’investissements en Belgique, de ne pas y centraliser des activités et de ne pas y créer des emplois.

3)   Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

91   Les requérantes relèvent que le régime en cause n’est pas sélectif du fait qu’il ne s’appliquerait qu’aux entreprises multinationales importantes. En effet, selon elles, la Commission aurait qualifié de conditions un certain nombre d’éléments qui sont simplement des caractéristiques communes aux entreprises faisant l’objet de l’échantillon des 22 décisions anticipées qui a été examiné. Par ailleurs, un contribuable pourrait préférer obtenir une exonération a posteriori de son bénéfice excédentaire, conformément aux procédures prévues par des conventions préventives de la double imposition. De plus, des sociétés faisant partie de groupes de taille modeste auraient pu obtenir des décisions anticipées relatives à l’exonération de leurs bénéfices excédentaires, comme une société mentionnée dans la décision attaquée.

92   En l’espèce, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était sélectif dans la mesure où seules les entités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne pouvaient effectivement bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

93   Au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que seules les entités appartenant à un groupe multinational suffisamment grand étaient incitées à obtenir une décision anticipée, étant donné que c’était uniquement au sein de grands groupes d’entreprises qu’étaient susceptibles d’être générés des bénéfices tirés de synergies, d’économies d’échelle et d’autres avantages, d’une hauteur significative justifiant la demande de décision anticipée. En outre, la Commission a relevé que le processus d’obtention d’une telle décision nécessitait une demande détaillée présentant la situation nouvelle qui justifiait l’exonération, ainsi que des études sur les bénéfices excédentaires, ce qui aurait été plus contraignant pour les petits groupes de sociétés que pour les grands.

94   À cet égard, il n’est pas contesté que, au sein de l’échantillon de 22 décisions anticipées au titre du régime en cause, examiné par la Commission, tel que décrit au considérant 65 de la décision attaquée et qui a été qualifié comme étant approprié et représentatif, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, aucune de ces décisions ne concernait des entités appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

95   En outre, ainsi qu’il est indiqué au considérant 66 de la décision attaquée, il n’est pas contesté que, au cours de la procédure administrative, à la suite d’un tel constat par la Commission sur la base de l’échantillon de 22 décisions anticipées et en réponse à une demande formulée par celle-ci à cet égard, le Royaume de Belgique n’est pas parvenu à étayer son allégation selon laquelle l’exonération avait été accordée aussi à des entreprises appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

96   Partant, au regard de la pratique administrative visée par la Commission, ce sont des entreprises faisant partie de groupes de grande et de moyenne taille qui se sont prévalues du régime d’exonération des bénéfices excédentaires, à l’exclusion des entreprises faisant partie d’un groupe d’entreprises de petite taille.

97   Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille.

98   Par ailleurs, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le régime en cause ne saurait aboutir au même résultat que des accords internationaux visant à éliminer la double imposition. En vertu dudit régime, une partie des bénéfices de l’entité belge est complètement exonérée d’imposition, tandis que les accords visant à éliminer la double imposition visent à éviter que les mêmes bénéfices soient imposés dans deux États différents. De plus, même si, en vertu d’un accord visant à éliminer la double imposition, ces bénéfices n’avaient pas été imposés en Belgique, une telle non-imposition ne saurait accorder un avantage sélectif, dans la mesure où elle aurait été accessible à toutes les entités qui auraient été dans la même situation juridique et factuelle, au regard de l’objectif du système d’imposition belge.

99   En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait retenu, à tort, un tel motif relatif au traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille, cela n’affecterait pas la validité des deux autres motifs avancés par la Commission et examinés, respectivement, aux points 70 à 81 et aux points 83 à 90 ci-dessus.

c)   Conclusion sur l’existence d’une dérogation au système de référence

100 Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas erronément constaté, à l’issue de son raisonnement à titre principal, d’une part, que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique et, d’autre part, que le régime en question n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

101 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les requérantes n’ont pas démontré une erreur de droit ou une erreur d’appréciation de la part de la Commission dans l’appréciation du caractère sélectif du régime en cause, tel qu’il résulte du raisonnement principal présenté dans la décision attaquée.

102 Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le quatrième moyen des requérantes doit être écarté.

103 Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner le bienfondé du troisième moyen des requérantes, qui conteste, en substance, le raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, développé par la Commission au point 6.3.2.2 de la décision attaquée.

3.   Sur l’examen de l’avantage économique découlant du régime en cause

104 Par leur sixième moyen, les requérantes soulèvent une erreur d’appréciation et un défaut de précision dans l’examen de l’avantage tel que décrit aux considérants 208 à 211 de la décision attaquée. En effet, selon les requérantes, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne prévoit pas de mécanisme de déduction, mais un mécanisme d’ajustement de bénéfices, au moyen d’une exonération de la base imposable par rapport au bénéfice enregistré. Les décisions anticipées ne traiteraient pas d’un problème de déduction, et encore moins d’un possible report d’un excès de déduction, en cas d’insuffisance de base imposable positive à laquelle appliquer la déduction.

105 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

106 À cet égard, il convient de relever que, d’une part, quand bien même il existerait une différence en matière fiscale entre une exonération et une déduction d’impôts, cela ne remettrait pas en cause la constatation de la Commission quant à la description du régime en cause et à l’existence d’un avantage sélectif procuré par celui-ci, conformément aux considérations développées, en réponse au quatrième moyen, aux points 67 à 102 cidessus.

107 D’autre part, les considérants 208 et 209 de la décision attaquée sont relatifs à la méthode de récupération examinée au point 7.2 de ladite décision, et non à la description de l’avantage procuré par le régime en cause. Partant, les arguments des requérantes tirés desdits considérants ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la constatation d’un avantage sélectif.

108 Dès lors, le sixième moyen doit, en tout état de cause, être écarté.

4.   Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

109 Par leur cinquième moyen, les requérantes soulèvent une erreur d’appréciation de la Commission dans l’analyse de la justification du régime en cause. Ainsi, elles font valoir, en substance, que la décision attaquée méconnaît le fait que les conditions d’application du régime en cause résultent des mécanismes inhérents au fonctionnement et à l’efficacité du système belge de l’impôt sur les sociétés. De plus, il ne serait pas disproportionné qu’un État limitât la base imposable des revenus d’un contribuable. En effet, les avantages résultant des disparités découlant des réglementations fiscales nationales dans un contexte transfrontalier ne relèveraient pas du champ d’application des règles en matière d’aides d’État, dès lors que ces disparités ne seraient pas causées par le Royaume de Belgique.

110 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

111 Il convient de constater que, aux considérants 173 à 181 de la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que le Royaume de Belgique n’était pas parvenu à établir que les mesures en cause poursuivaient réellement l’objectif d’éviter la double imposition. Selon la Commission, dans la mesure où l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait un ajustement négatif des bénéfices d’une société si ceux-ci avaient été repris dans les bénéfices d’une autre société, l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, sans qu’il fût nécessaire de prouver que les bénéfices excédentaires à exonérer auraient été inclus dans la base imposable d’une autre société, ne pouvait se justifier par l’économie générale du système. Ainsi, la Commission en a conclu que l’exonération unilatérale en cause ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

112 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence, une mesure constituant une exception à l’application du système fiscal général peut être justifiée si l’État membre concerné parvient à démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. À cet égard, il serait nécessaire de distinguer entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs. Ainsi, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C78/08 à C80/08, EU:C:2011:550, points 64, 65, 69 et 70).

113 En l’espèce, il a été constaté, notamment au point 64 ci-dessus, que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas soumise à la condition de prouver que ceux-ci avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société. Il n’était pas non plus requis que ces bénéfices excédentaires aient effectivement fait l’objet d’une imposition dans un autre État. Ainsi, force est de constater que les mesures en cause n’étaient pas conditionnées par l’existence de situations de double imposition fiscale réelle ou possible.

114 En outre, les requérantes n’apportent pas d’éléments étayant le fait que le Royaume de Belgique serait parvenu à démontrer que le système des bénéfices excédentaires était justifié du fait des disparités découlant des réglementations fiscales nationales. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 172 de la décision attaquée, le Royaume de Belgique a fait valoir que le régime des bénéfices excédentaires était justifié pour éviter une double imposition potentielle.

115 Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’appliquée par les autorités fiscales belges, visait à éviter une double imposition, réelle ou possible. Partant, c’est à juste titre que la Commission a conclu qu’une telle exonération ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

116 Par ailleurs, contrairement aux allégations des requérantes, c’est précisément en prenant en compte l’objectif du système d’imposition belge que la Commission a constaté que le régime en cause constituait une dérogation audit système.

117 Dès lors, il convient d’écarter le cinquième moyen.

C.   Sur les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

118 Par leur septième moyen, les requérantes font valoir qu’elles ont sollicité l’exonération de leurs bénéfices excédentaires en se fondant sur une analyse des prix de transfert conforme aux principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), réalisée par des professionnels spécialisés, et examinée par le service des décisions anticipées, et que, dès lors, elles s’attendaient à ce que les décisions dudit service soient conformes au principe de pleine concurrence. Elles ajoutent que, même s’il fallait considérer le régime en cause comme étant une aide d’État irrégulière, la récupération de la totalité de l’aide, depuis qu’elle a été octroyée, ne saurait être imposée sans violer les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique. De plus, elles font valoir qu’il conviendrait d’annuler l’article 2 de la décision attaquée, dans la mesure où il ne prévoit pas de mesures transitoires et impose la récupération de l’aide depuis la première application du régime en cause.

119 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

120 Selon une jurisprudence constante, le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union et la possibilité de s’en prévaloir est ouverte à tout opérateur économique chez lequel une institution, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées (voir arrêt du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C510/11 P, non publié, EU:C:2013:696, point 76 et jurisprudence citée).

121 À cet égard, il convient de constater que les requérantes se limitent à affirmer qu’elles ne pouvaient pas s’attendre à ce que les décisions anticipées constituent des aides d’État. Elles ne soulèvent aucun argument, qui serait étayé par des éléments de preuve, pour établir qu’elles auraient reçu des assurances précises de la part de la Commission, au sens de la jurisprudence citée au point 120 ci-dessus, de nature à faire naître des espérances fondées sur le fait qu’elle n’aurait pas considéré comme des aides d’État illégales et incompatibles, des exonérations accordées par des décisions anticipées en s’écartant du système général d’imposition des sociétés en Belgique, et notamment de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

122 En tout état de cause, la Commission ayant conclu, à bon droit, au titre de son raisonnement principal, que le régime en cause avait accordé à ses bénéficiaires un avantage sélectif, au sens de l’article 107 TFUE, les arguments des requérantes faisant valoir la violation du principe de protection de la confiance légitime du fait des conclusions de la Commission au titre de son raisonnement subsidiaire sont inopérants.

123 Partant, c’est à bon droit que la Commission a ordonné la récupération de l’intégralité de l’aide illégale perçue par les bénéficiaires de celle-ci, dans la mesure où ceux-ci ne pouvaient pas nourrir une confiance légitime lui imposant de prévoir des mesures transitoires en leur faveur. En effet, conformément à une jurisprudence constante, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure (voir arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C277/00, EU:C:2004:238, point 74 et jurisprudence citée).

124 De plus, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée).

125 En l’espèce, il y a lieu de constater que la règle de droit ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, à savoir l’article 107 TFUE, est claire et précise.

126 Dès lors que les décisions anticipées accordées en vertu du régime en cause remplissent les conditions visées à l’article 107 TFUE pour être regardées comme incompatibles avec le marché intérieur, l’avantage accordé par le biais de celles-ci doit faire l’objet d’un ordre de récupération.

127 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes relatifs à la violation du principe de protection de la confiance légitime et du principe de sécurité juridique et d’écarter le septième moyen dans son intégralité.

128 Il résulte de tout ce qui précède que les recours doivent être rejetés.

IV. Sur les dépens

129 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes dans les présentes affaires ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)   Les affaires T467/16 et T681/16 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)   Les recours sont rejetés.

3)   Flir Systems Trading Belgium supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans l’affaire T467/16.

4)   Henkel Belgium supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission dans l’affaire T681/16.