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Décisions

TUE, 2e ch. élargie, 20 septembre 2023, n° T-420/16

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

St. Jude Medical Coordination Center (SJM Coordination Center)

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marcoulli

Avocats :

Me Louis, Me Bruc

TUE n° T-420/16

19 septembre 2023

1  Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, St. Jude Medical Coordination Center (SJM Coordination Center), demande l’annulation de la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision attaquée »).

I.   Antécédents du litige

2  Les faits à l’origine du litige ainsi que le cadre juridique qui y est afférent ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 28 de l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T131/16 et T263/16, EU:T:2019:91), ainsi que par la Cour aux points 1 à 24 de l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C337/19 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2021:741). Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3  Moyennant une décision anticipée adoptée par le « service des décisions anticipées » du service public fédéral des finances belge, sur le fondement de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le « CIR 92 »), lu conjointement avec l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002, modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale (Moniteur belge du 31 décembre 2002, p. 58817, ci-après la « loi du 24 décembre 2002 »), les sociétés résidentes belges faisant partie d’un groupe multinational et les établissements stables belges de sociétés résidentes étrangères faisant partie d’un groupe multinational pouvaient réduire leur base imposable en Belgique en déduisant les bénéfices considérés comme « excédentaires » des bénéfices qu’ils avaient enregistrés. Par ce système, une partie des bénéfices réalisés par les entités belges bénéficiant d’une décision anticipée n’était pas imposée en Belgique. Selon les autorités fiscales belges, ces bénéfices excédentaires découlaient des synergies, des économies d’échelle ou d’autres avantages résultant de l’appartenance à un groupe multinational et, partant, n’étaient pas imputables aux entités belges en question.

4  La requérante dans la présente affaire est une société établie en Belgique et intégrée à un groupe multinational d’entreprises. La requérante effectue des transactions avec d’autres sociétés au sein du groupe.

5  Il ressort de l’annexe de la décision attaquée ainsi que des pièces qui figurent dans le dossier que, le 26 mai 2009, le service des décisions anticipées, au sein du ministère des Finances belge, a adopté la décision anticipée relative à l’exonération des bénéfices excédentaires à l’égard de la requérante qui en avait fait la demande à la suite d’une restructuration au sein de son groupe visant à centraliser un certain nombre de fonctions et de services en Belgique. Cette décision anticipée avait une validité de cinq ans. En 2012, la requérante a obtenu une modification de la décision anticipée adoptée à son égard afin de prendre en compte l’augmentation de la gamme de produits et de l’étendue des fonctions constatée depuis 2010.

6  À la suite d’une procédure administrative qui a commencé le 19 décembre 2013, par une lettre par laquelle la Commission européenne a demandé au Royaume de Belgique de lui fournir des renseignements concernant le système des décisions fiscales anticipées, relatives aux bénéfices excédentaires, qui se fondaient sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, la Commission a adopté la décision attaquée, le 11 janvier 2016.

7  Par la décision attaquée, la Commission a constaté que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qui se fondait sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, en vertu duquel le Royaume de Belgique avait émis des décisions anticipées en faveur d’entités belges de groupes multinationaux d’entreprises, accordant auxdites entités une exonération pour une partie des bénéfices qu’elles réalisaient, constituait un régime d’aides d’État (ci-après le « régime en cause »), accordant un avantage sélectif à ses bénéficiaires, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur.

8  Ainsi, la Commission a soutenu, à titre principal, que le régime contesté octroyait un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où l’exonération de leurs bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. À titre subsidiaire, la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires pouvait procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où une telle exonération s’écartait du principe de pleine concurrence.

9  Ayant constaté que le régime en cause avait été mis à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès de leurs bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

II. Conclusions des parties

10   La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

 annuler la décision attaquée ;

 à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle l’a incluse parmi les bénéficiaires du régime en cause ;

 à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où elle a ordonné la récupération de toute prétendue aide auprès d’elle ;

 condamner la Commission aux dépens.

11   La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

 rejeter le recours comme dénué de fondement ;

 condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

12   À l’appui du recours, la requérante soulève dix moyens, tirés, le premier, de l’incompétence de la Commission pour adopter la décision attaquée, en ce qu’elle ne respecterait pas la répartition des compétences entre les États membres et la Commission, le deuxième, de la violation de son droit d’être entendue par la Commission pendant la procédure administrative, le troisième, de l’erreur de qualification de la mesure en cause en tant que régime d’aides, le quatrième, d’un défaut de motivation de la décision attaquée, le cinquième, d’une erreur de droit dans la constatation d’une sélectivité au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le sixième, de l’absence d’examen de l’existence d’un avantage, le septième, de la violation du principe d’égalité de traitement, le huitième, de la violation des principes de sécurité juridique et de légalité, le neuvième, du fait que la récupération ordonnée dans la décision attaquée conduit à une double imposition des bénéfices en cause et, le dixième, de ce que la récupération ne saurait être dépendante du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

13   Le Tribunal estime opportun, d’une part, d’examiner, d’abord, le premier, puis le troisième moyen, lesquels portent sur la compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée ainsi que sur la qualification de régime d’aide, ensuite, d’examiner, de manière conjointe, les cinquième, sixième et septième moyens, lesquels contestent en substance l’avantage sélectif qui serait accordé par le régime en cause et, enfin, d’examiner successivement, les dixième, deuxième, quatrième, huitième et neuvième moyens.

A.   Sur la compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée

14   Par son premier moyen, la requérante conteste la compétence de la Commission pour adopter la décision attaquée. Ainsi, ladite décision violerait l’article 2, paragraphe 6, TFUE ainsi que l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE et la répartition des compétences entre l’Union européenne et les États membres.

15   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

16   À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà écarté une telle argumentation à l’encontre de la décision attaquée, en considérant notamment qu’il ne pouvait pas être reproché à la Commission d’avoir outrepassé ses compétences lorsqu’elle avait examiné les mesures constituant le régime en cause et vérifié si ces mesures constituaient des aides d’État et si, dans l’affirmative, elles étaient compatibles avec le marché intérieur (arrêt sur pourvoi, point 163). En effet, en exerçant leur compétence en matière fiscale et en adoptant des mesures nécessaires pour éviter les situations de double imposition, les États membres doivent s’abstenir d’adopter des mesures susceptibles de constituer des aides d’État, dont le contrôle relève de la compétence de la Commission (arrêt sur pourvoi, point 166).

17   Il s’ensuit que la Commission n’a pas outrepassé ses compétences lorsqu’elle a décidé d’examiner la compatibilité des décisions anticipées accordées par les autorités fiscales belges en vertu du régime en cause avec les règles en matière d’aides d’État. Par conséquent, le premier moyen de la requérante doit être écarté.

B.   Sur l’existence d’un régime d’aides

18   Par son troisième moyen, la requérante conteste, en substance, la méthode suivie par la Commission visant à démontrer l’existence d’un régime d’aides et invoque une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de l’article 1er, sous d), et de l’article 12 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ainsi que de l’obligation de procéder à un examen approfondi, diligent et impartial des éléments de fait en cause.

19   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

20   À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que la décision attaquée avait établi l’existence d’un régime d’aides, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, ressortant d’une ligne systématique de conduite des autorités fiscales belges et a ainsi rejeté comme non fondé le moyen invoqué par le Royaume de Belgique et Magnetrol International, qui était tiré de la conclusion erronée relative à l’existence d’un régime d’aides.

21   Dans ces circonstances, il y a lieu d’écarter le troisième moyen de la requérante, tiré de la prétendue erreur commise par la Commission dans la constatation de l’existence d’un régime d’aides, celuici étant en substance analogue à ceux du Royaume de Belgique et de Magnetrol International écartés par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi.

C.   Sur la violation de l’article 107 TFUE en ce que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires constituait un régime d’aides d’État

22   Les arguments soulevés par la requérante dans ses cinquième, sixième et septième moyens contestent essentiellement les appréciations de la Commission relatives à l’existence d’un avantage accordé par le régime en cause et à la sélectivité de celui-ci. Plus particulièrement, s’agissant de la sélectivité, en se fondant sur la jurisprudence relative à l’analyse aux fins de la qualification de « sélective » d’une mesure fiscale, la requérante conteste l’identification par la Commission du système de référence, à savoir le régime fiscal commun ou « normal » applicable, son appréciation selon laquelle le régime contesté dérogerait audit système de référence et son rejet de l’éventuelle justification du régime par la nature et l’économie générale du système fiscal belge.

23   C’est dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une dérogation qu’il conviendra de répondre aux arguments de la requérante relatifs à l’avantage économique accordé aux bénéficiaires en vertu du régime en cause, dont l’examen, selon elle, devrait être distinct de celui de la sélectivité, et à la violation du principe d’égalité de traitement, ainsi qu’ils ressortent respectivement de ses sixième et septième moyens.

1.   Sur l’identification du système de référence

24   En premier lieu, la requérante fait valoir que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 et les décisions anticipées relatives aux bénéfices excédentaires accordés en vertu de cette disposition font partie du système général de l’impôt sur les sociétés en Belgique et ne sauraient être exclus du système de référence. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92 consacrerait la possibilité de procéder à des ajustements des bénéfices comptables d’une entité belge d’une entreprise multinationale lorsque ces derniers ne correspondraient pas à la réalité économique ou aux bénéfices de pleine concurrence. Contrairement à ce qui est indiqué au considérant 122 de la décision attaquée, les bénéfices imposables ne correspondraient pas toujours aux bénéfices comptables. Ainsi, en Belgique, les avantages accordés à une société liée qui n’auraient pas été accordés entre des sociétés autonomes devraient être ajoutés au revenu imposable du contribuable, ainsi qu’il ressortirait des articles 26, 55, 79 et 207 du CIR 92.

25   En second lieu, la requérante conteste la motivation de la décision attaquée concernant le système de référence, notamment quant à la différence entre l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 et l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. La position adoptée par la Commission au considérant 126 de la décision attaquée aurait pour conséquence de soumettre les entités d’une entreprise multinationale à un traitement moins favorable que celui auquel seraient soumises les sociétés autonomes, étant donné que la Commission accepterait, pour les entités intégrées, uniquement un ajustement à la hausse des bénéfices, mais pas un ajustement à la baisse tel que celui prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

26   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

a)   Observations liminaires

27   Il importe de rappeler que la détermination du système de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale ». En outre, la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C885/19 P et C898/19 P, EU:C:2022:859, point 69 et jurisprudence citée).

28   Dans ce contexte, il a été jugé que la détermination du système de référence, qui doit être effectuée à l’issue d’un débat contradictoire avec l’État membre concerné, doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (voir arrêt du 6 octobre 2021, World Duty Free Group et Espagne/Commission, C51/19 P et C64/19 P, EU:C:2021:793, point 62 et jurisprudence citée).

29   En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, si les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins que, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal » à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité. Il en va notamment ainsi de la détermination de l’assiette de l’impôt et de son fait générateur (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C885/19 P et C898/19 P, EU:C:2022:859, points 65 et 73 et jurisprudence citée).

30   Il s’ensuit que seul le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe, cette identification étant ellemême un préalable indispensable en vue d’apprécier non seulement l’existence d’un avantage, mais aussi la question de savoir si celui-ci revêt un caractère sélectif.

31   Par ailleurs, afin de déterminer si une mesure fiscale a fait bénéficier une entreprise d’un avantage sélectif, il incombe à la Commission de procéder à une comparaison avec le système d’imposition normalement applicable dans l’État membre concerné, au terme d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C885/19 P et C898/19 P, EU:C:2022:859, points 92 et 96).

32   En l’espèce, aux considérants 121 à 129 de la décision attaquée, la Commission a exposé sa position concernant le système de référence.

33   Ainsi, aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le système de référence était le système de droit commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le régime de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique. La Commission a relevé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique s’appliquait aux sociétés résidentes en Belgique ainsi qu’aux succursales belges de sociétés non résidentes. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés résidentes en Belgique étaient tenues de payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur le montant total des bénéfices qu’elles réalisaient, sauf lorsqu’une convention contre les doubles impositions s’appliquait. En outre, en vertu des articles 227 et 229 du CIR 92, les sociétés non résidentes n’étaient soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés que pour certains types de revenus spécifiques de source belge. Par ailleurs, la Commission a souligné que, dans les deux cas, l’impôt belge sur les sociétés était dû sur le bénéfice total, lequel était fixé selon les règles relatives au calcul des bénéfices tels qu’ils étaient définis à l’article 24 du CIR 92. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, lu en liaison avec les articles 1er, 24, 183, 227 et 229 du CIR 92, le bénéfice total correspondait aux revenus des sociétés, dont étaient soustraites les dépenses déductibles qui étaient généralement enregistrées dans la comptabilité, de sorte que le bénéfice réellement enregistré constituait le point de départ du calcul du bénéfice total imposable, sans préjudice de l’application, dans un second temps, des ajustements positifs et négatifs prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

34   Aux considérants 123 à 128 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges ne faisait pas partie intégrante du système de référence.

35   Plus précisément, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’une telle exonération n’était prescrite par aucune disposition du CIR 92. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 permettait à l’administration fiscale belge de procéder à un ajustement unilatéral primaire des bénéfices d’une société, pour le cas où des transactions ou des arrangements avec des sociétés liées étaient effectués dans des conditions qui s’écartaient de celles de pleine concurrence. En revanche, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs des bénéfices d’une société, générés par une transaction ou un arrangement intragroupe, à la condition supplémentaire que le bénéfice à ajuster eût été inclus dans le bénéfice de la contrepartie étrangère à cette transaction ou à cet arrangement.

36   En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique visait à imposer les entreprises soumises à l’impôt sur leurs bénéfices réels, indépendamment de leur forme juridique, de leur taille ou de leur appartenance ou non à un groupe multinational d’entreprises.

37   Par ailleurs, au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, aux fins du calcul des bénéfices imposables, les sociétés intégrées d’un groupe multinational étaient tenues de fixer les prix à appliquer à leurs transactions intragroupes au lieu d’utiliser des prix dictés directement par le marché, raison pour laquelle la législation fiscale belge prévoyait des dispositions particulières applicables aux groupes, qui visaient généralement à mettre sur un pied d’égalité les sociétés non intégrées et les entités économiques structurées sous la forme de groupes.

38   Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le système de référence à prendre en considération était le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était d’imposer de la même manière les bénéfices de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique. Ce système comprenait les ajustements applicables, conformément au système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui déterminaient le bénéfice imposable de la société aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

39   D’emblée, il convient de relever que les parties s’accordent sur le point de départ selon lequel le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique constitue le système de référence. Cependant, la requérante considère que la Commission a mal interprété ledit système.

b)   Sur la possibilité d’ajustement des bénéfices comptables aux fins du calcul des bénéfices imposables

40   À titre liminaire, il y a lieu de relever que, aux fins d’établir quel est le régime fiscal commun ou « normal » applicable en Belgique, la Commission s’est fondée sur les dispositions légales applicables, à savoir notamment le CIR 92, ainsi qu’il ressort des points 32 à 38 cidessus. En effet, sur la base des informations transmises par le Royaume de Belgique dans le cadre de la procédure administrative, la Commission a décrit le cadre législatif applicable et a exposé, notamment aux considérants 23 à 28 de la décision attaquée, le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, tel que prévu par le CIR 92. Plus particulièrement, ainsi qu’il a été relevé au point 33 cidessus, la Commission s’est référée explicitement aux articles 1er, 24, 183 et 185 du CIR 92.

41   À cet égard, il convient de constater que, en vertu de l’article 183 du CIR 92, les revenus soumis à l’impôt des sociétés sont les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d’impôt des personnes physiques, dont le calcul repose sur le principe selon lequel le revenu imposable est constitué de l’ensemble des revenus nets, dont les bénéfices, diminué des dépenses déductibles. Par ailleurs, en vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices.

42   Il en découle que, selon les dispositions du CIR 92, aux fins de l’impôt sur les sociétés, le calcul des revenus imposables se fait à partir de tous les bénéfices réalisés ou comptabilisés par les entreprises assujetties à l’impôt en Belgique, sur lesquels sont applicables les déductions légalement prévues.

43   Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas fait abstraction du fait que, s’agissant des bénéfices issus de transactions entre sociétés liées, des ajustements devaient être effectués aux fins de la détermination des bénéfices imposables de la société assujettie à l’impôt en Belgique.

44   Certes, il est indiqué au considérant 133 de la décision attaquée que, dans le cadre du système commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les entités soumises à l’impôt en Belgique sont imposées sur la base de leur bénéfice total, à savoir sur la base de leur bénéfice réellement enregistré, et non sur la base d’un niveau hypothétique de bénéfice.

45   Toutefois, cette constatation n’implique pas que la Commission n’a pas pris en compte les ajustements prévus par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique. En effet, notamment au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a reconnu que, précisément aux termes de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, afin de déterminer le bénéfice imposable d’une entreprise belge, il existait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs, lorsqu’une partie du bénéfice de cette entreprise était également incluse dans le bénéfice imposable d’une entreprise étrangère liée.

46   Ainsi, d’une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la position prise par la Commission dans la décision attaquée n’implique pas que tout bénéfice enregistré par les sociétés soumises à l’impôt en Belgique doive être imposé par les autorités fiscales belges sans que des ajustements puissent être appliqués aux bénéfices enregistrés dans la comptabilité de ces sociétés. En effet, la Commission elle-même prend en compte le fait que le bénéfice total enregistré constitue la base du calcul sur laquelle des ajustements sont prévus par le système commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tels que ceux visés par les articles 26, 55, 79 et 207 du CIR 92 invoqués par la requérante. Dès lors, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré de l’existence des ajustements prévus aux articles 26, 55, 79 et 207 du CIR 92.

47   D’autre part, il ressort du considérant 68 de la décision attaquée que la Commission ne reproche pas au Royaume de Belgique d’appliquer des ajustements en général, mais que c’est uniquement l’ajustement négatif dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires qu’elle a considéré comme étant contra legem.

48   Partant, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a pris en compte le fait que, dans le régime fiscal applicable en Belgique, spécifiquement en ce qui concerne la base imposable pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés, la possibilité existait d’effectuer des ajustements positifs et négatifs sur les bénéfices enregistrés. Pour ces mêmes raisons, les griefs de la requérante tirés d’une prétendue méconnaissance par la Commission de l’existence, dans le régime fiscal belge, d’une différence entre le bénéfice comptable et le bénéfice imposable ne sauraient prospérer.

c)   Sur la distinction entre les ajustements prévus à l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92

49   La Commission a relevé, au considérant 125 de la décision attaquée, que les ajustements positifs et négatifs prévus à l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92 constituaient des dispositions fiscales particulières applicables à des situations dans lesquelles les conditions fixées pour une transaction ou un arrangement s’écartaient de celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes.

50   La requérante reproche à la Commission d’avoir validé l’ajustement au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 uniquement parce qu’il prévoyait la possibilité d’un ajustement à la hausse des bénéfices imposables.

51 À cet égard, toutefois, il importe de souligner que ce que la Commission précise au considérant 125 de la décision attaquée est que seul l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92, qui concerne les ajustements positifs des prix de transfert, permet aux autorités fiscales belges de procéder à un ajustement unilatéral primaire des prix de transfert si les conditions fixées s’écartent de celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En revanche, la Commission relève que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoit un ajustement négatif corrélatif et, dès lors, n’autorise pas la non-imposition unilatérale d’une partie fixe ou d’un pourcentage fixe du bénéfice réellement enregistré par une entité belge appartenant à un groupe multinational.

52   Il s’ensuit que la distinction invoquée par la requérante entre les deux ajustements prévus à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 n’est pas susceptible de remettre en cause l’interprétation du système d’imposition belge par la Commission, ainsi qu’elle ressort de la décision attaquée.

d)   Sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

53   En premier lieu, il convient de souligner que la Commission n’a pas exclu l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du système de référence. En revanche, elle a considéré que le régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges n’était pas prévu par cette disposition et, partant, ne faisait pas partie du système de référence.

54   En second lieu, afin de déterminer si la Commission a correctement conclu que le régime des bénéfices excédentaires n’était pas prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, il convient d’examiner d’une part, la portée de cette disposition et, d’autre part, le régime des bénéfices excédentaires tel qu’appliqué par les autorités fiscales belges.

1)   Sur la portée de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92

55   Il y a lieu de relever que la Commission a fondé son analyse de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 sur la base du libellé de cette disposition et des textes accompagnant son entrée en vigueur. En effet, aux considérants 29 à 38 de la décision attaquée, la Commission a décrit de manière détaillée, premièrement, le texte de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, introduit par la loi du 21 juin 2004, modifiant le CIR 92 et la loi du 24 décembre 2002 (Moniteur belge du 9 juillet 2004, p. 54623, ci-après la « loi du 21 juin 2004 »), deuxièmement, l’exposé des motifs figurant dans le projet de ladite loi, présenté le 30 avril 2004 par le gouvernement belge à la Chambre des représentants de Belgique (ci-après l’« exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 ») et, troisièmement, la circulaire du 4 juillet 2006 concernant l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 (ciaprès la « circulaire administrative du 4 juillet 2006 »).

56   Tout d’abord, dans sa version applicable en l’espèce, l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, auquel fait référence le considérant 29 de la décision attaquée, est libellé comme suit :

« Sans préjudice de l’alinéa 2, pour deux sociétés faisant partie d’un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leurs relations transfrontalières réciproques :

[…]

b)   lorsque, dans les bénéfices d’une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première société sont ajustés d’une manière appropriée.

L’alinéa 1er s’applique par décision anticipée sans préjudice de l’application de la Convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de corrections des bénéfices des entreprises associées (90/436) du 23 juillet 1990 et des conventions internationales préventives de la double imposition. »

57   Ensuite, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, auquel fait référence le considérant 34 de la décision attaquée, indique que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoit un ajustement corrélatif approprié afin d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il ne faut procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement primaire est justifié en ce qui concerne son principe et son montant.

58   Par ailleurs, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 précise que ladite disposition ne s’applique pas si le bénéfice réalisé dans l’État partenaire est majoré de telle façon qu’il est supérieur à celui qui serait obtenu en cas d’application du principe de pleine concurrence, les autorités fiscales belges n’étant pas contraintes d’accepter les conséquences d’un ajustement arbitraire ou unilatéral dans l’État partenaire.

59   Enfin, la circulaire administrative du 4 juillet 2006, à laquelle fait référence le considérant 38 de la décision attaquée, réitère le constat suivant lequel un tel ajustement négatif ne s’applique pas lorsque l’ajustement positif primaire opéré par une autre juridiction est excessif. Par ailleurs, ladite circulaire reprend largement le texte de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, en ce qu’elle rappelle que l’ajustement négatif corrélatif trouve son sens dans le principe de pleine concurrence, qu’il a pour objectif d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il doit s’effectuer de manière appropriée, à savoir que les autorités fiscales belges ne peuvent procéder à cet ajustement que si ce dernier est justifié en son principe et en son montant.

60   Partant, il ressort du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que l’ajustement négatif est prévu dans le cadre des relations transfrontalières entre deux sociétés liées et qu’il doit être corrélatif, en ce sens qu’il n’est applicable qu’à la condition que les bénéfices faisant l’objet de l’ajustement soient également repris dans les bénéfices de l’autre société et que ces bénéfices ainsi inclus soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

61   Cette constatation est confirmée tant par l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 que par la circulaire administrative du 4 juillet 2006, qui soulignent que l’ajustement corrélatif doit être approprié en son principe et en son montant et qu’il n’est pas procédé à cet ajustement si les bénéfices réalisés dans un autre État sont majorés de façon à ce qu’ils deviennent supérieurs à ceux qui auraient été obtenus en application du principe de pleine concurrence. En effet, ces textes indiquent que l’ajustement négatif, prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, requiert une corrélation entre les bénéfices ajustés à la baisse en Belgique et des bénéfices repris dans une autre société du groupe établie dans un autre État.

2)   Sur le régime des bénéfices excédentaires

62   Le régime des bénéfices excédentaires, tel qu’appliqué par les autorités fiscales belges, est décrit par la Commission aux considérants 13 à 22 de la décision attaquée. En outre, aux considérants 39 à 42 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte les réponses du ministre des Finances belge à des questions parlementaires sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du 13 avril 2005, du 11 avril 2007 et du 6 janvier 2015. Ces réponses expliquent la pratique administrative des autorités fiscales belges relative aux bénéfices excédentaires.

63   Il ressort de ces réponses que, dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges, l’ajustement négatif des bénéfices permettant de déduire de la base imposable lesdits bénéfices excédentaires n’était pas conditionné par le fait que les bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

64   En outre, il ressort des explications fournies par le Royaume de Belgique, telles que reprises notamment aux considérants 15 à 20 de la décision attaquée, que l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, au titre du régime en cause, était fondée sur un pourcentage d’exonération, calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique pour l’entité belge, obtenu à partir d’un indicateur du niveau de bénéfice résultant d’une comparaison avec les bénéfices des entreprises autonomes comparables et fixé comme une valeur située dans la fourchette interquartile dudit indicateur du niveau de bénéfice choisi pour un ensemble d’entreprises autonomes comparables. Ce pourcentage d’exonération aurait été applicable pendant plusieurs années, à savoir pendant la durée de validité de la décision anticipée. Ainsi, l’imposition des entités belges qui en résultait ne prenait pas comme point de départ la totalité des bénéfices réellement enregistrés, au sens des articles 1er, 24, 183 et 185, paragraphe 1, du CIR 92, auxquels auraient été appliqués les ajustements légalement prévus dans le cas des groupes d’entreprises, au titre de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, mais plutôt un bénéfice hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par l’entité belge en question et des ajustements légalement prévus.

65   Par ailleurs, le fait que l’objectif de cette disposition soit d’éviter une possible double imposition ne saurait éliminer la condition explicitement prévue, relative au fait que les bénéfices à ajuster doivent avoir également été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En effet, c’est précisément lorsque les bénéfices d’une entité belge sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, établie dans un autre État, que la possibilité d’une double imposition peut exister.

3)   Conclusion sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

66   Il ressort de ce qui précède que, alors que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 requiert, aux fins d’un ajustement négatif, que les bénéfices à ajuster aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, le régime des bénéfices excédentaires était appliqué par les autorités belges sans prendre en considération ces conditions.

67   Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, appliquée par les autorités fiscales belges au titre du régime en cause, ne faisait pas partie du système de référence.

68   Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter l’ensemble des arguments de la requérante contestant l’identification du système de référence effectuée par la Commission dans la décision attaquée.

2.   Sur l’existence d’un avantage sélectif du fait de l’existence d’une dérogation au système de référence

69   Il convient d’examiner la deuxième branche du cinquième moyen, contestant l’existence d’une dérogation au système de référence, conjointement avec les sixième et septième moyens. En substance, la requérante conteste les conclusions de la décision attaquée sur l’existence d’un avantage qui serait accordé par le régime en cause. Premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a omis d’analyser un tel avantage. Deuxièmement, la requérante conteste les éléments identifiés comme des caractéristiques du régime en cause. Troisièmement, elle précise que lesdites caractéristiques ne sont pas applicables à son égard. Quatrièmement, la requérante conteste les conclusions de la Commission quant à l’avantage qui résulterait de l’application du principe de pleine concurrence par le Royaume de Belgique dans le cadre du régime en cause.

a)   Sur l’identification de l’avantage accordé par le régime en cause

70   La requérante soutient que la Commission a omis d’examiner dans la décision attaquée l’existence d’un avantage et qu’elle a confondu ce dernier avec la notion de sélectivité.

71   La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

72   À titre préalable, ainsi qu’il a été relevé aux points 35 à 37 ci-dessus, il convient de rappeler que, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas prévue par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique. En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue le fait que cette exonération était calculée en faisant abstraction des bénéfices totaux réellement enregistrés par l’entité belge et des ajustements légalement prévus. Au considérant 127 de la décision attaquée, elle a souligné que, bien que le système belge ait prévu des dispositions particulières applicables aux groupes, celles-ci visaient plutôt à mettre sur un pied d’égalité les entités intégrées à des groupes multinationaux et les entités autonomes.

73   Dans ce cadre, au considérant 133 de la décision attaquée, la Commission a signalé que, en vertu du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les entités de sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique étaient imposées sur la base de leurs bénéfices réellement enregistrés, et non sur la base d’un niveau hypothétique de bénéfices, raison pour laquelle l’exonération des bénéfices excédentaires conférait un avantage aux entités belges d’un groupe bénéficiant du régime en cause.

74   Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle un avantage économique peut être conféré en réduisant la charge fiscale d’une entreprise et, en particulier, en réduisant la base imposable ou le montant de l’impôt dû. Ainsi, elle a considéré que, en l’espèce, le régime en cause permettait aux sociétés bénéficiaires des décisions anticipées de réduire l’impôt dû en déduisant de leur bénéfice réellement enregistré un bénéfice dit « excédentaire ». Ce dernier était calculé en estimant le bénéfice moyen hypothétique d’entreprises autonomes comparables, de sorte que la différence entre le bénéfice réellement enregistré et le bénéfice moyen hypothétique se traduisait en un pourcentage d’exonération qui fondait le calcul de la base imposable accordée pour les cinq années pendant lesquelles la décision anticipée était d’application. Dans la mesure où cette base imposable, ainsi calculée au titre des décisions anticipées accordées en vertu du régime en cause, était inférieure à la base imposable en l’absence desdites décisions anticipées, un avantage en aurait découlé.

75   Dans ces circonstances, il convient de relever que la décision attaquée fournit les éléments que la Commission a pris en compte pour considérer l’existence d’un avantage. En effet, les considérants mis en exergue, notamment aux points 72 à 74 ci-dessus, permettent de comprendre que l’avantage retenu par la Commission consistait en la non-imposition des bénéfices excédentaires des sociétés bénéficiaires et en l’imposition des bénéfices de ces dernières calculés à partir d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, en vertu des décisions anticipées au titre du régime en cause. Selon la Commission, une telle imposition représentait un allégement de la charge fiscale supportée par les bénéficiaires du régime par rapport à celle qui aurait découlé d’une imposition normale, au titre du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, laquelle aurait visé la totalité des bénéfices réellement enregistrés, après application des ajustements légalement prévus.

b)   Sur l’analyse conjointe par la Commission du critère de l’avantage et de celui de la sélectivité

76   D’emblée, il convient de rappeler que la sélectivité et l’avantage constituent deux critères distincts. Pour ce qui est de l’avantage, la Commission doit démontrer que la mesure améliore la situation financière du bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 33). En revanche, pour ce qui est de la sélectivité, la Commission doit démontrer que l’avantage ne bénéficie pas à d’autres entreprises dans une situation juridique et factuelle comparable à celle du bénéficiaire au regard de l’objectif du système de référence (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C78/08 à C80/08, EU:C:2011:550, point 49).

77   À cet égard, selon la jurisprudence, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique, en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises (arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL, C15/14 P, EU:C:2015:362, point 59).

78   Il importe néanmoins de préciser qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux critères peuvent être examinés conjointement, en tant que « troisième condition » prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C270/15 P, EU:C:2016:489, point 32).

79   Dans la décision attaquée, le raisonnement de la Commission concernant l’avantage figure dans le cadre de l’analyse sur l’existence d’un avantage sélectif, à savoir le point 6.3, intitulé « Existence d’un avantage sélectif ». Dans ce cadre, ainsi qu’il vient d’être relevé aux points 72 à 74 ci-dessus, la Commission a effectivement examiné le critère de l’avantage. Ensuite, l’analyse proprement dite de la sélectivité de cet avantage se trouve aux considérants 136 à 141 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.1, en ce qui concerne le raisonnement sur la sélectivité, avancé à titre principal par la Commission, fondé sur l’existence d’une dérogation au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. Par ailleurs, la sélectivité est également analysée aux considérants 152 à 170 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.2, en ce qui concerne le raisonnement sur la sélectivité, avancé à titre subsidiaire par la Commission, fondé sur l’existence d’une dérogation au principe de pleine concurrence.

80   Partant, le fait que, d’un point de vue formel, l’analyse de l’avantage ait été insérée dans une section qui couvre également l’examen de la sélectivité ne révèle pas l’absence d’un examen au fond des deux notions, dans la mesure où l’existence d’un avantage, d’une part, et l’existence de son caractère sélectif, d’autre part, sont effectivement analysées (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission, T760/15 et T636/16, EU:T:2019:669, point 129).

c)   Sur l’existence d’un avantage favorisant les bénéficiaires du régime en cause

81   Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C522/13, EU:C:2014:2262, point 21).

82   Dans le cas de mesures fiscales, l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C88/03, EU:C:2006:511, point 56). Partant, de telles mesures confèrent un avantage économique à leurs bénéficiaires dès lors qu’elles allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C522/13, EU:C:2014:2262, point 22).

83   En conséquence, afin de déterminer s’il existe un avantage fiscal, il convient de comparer la situation du bénéficiaire résultant de l’application de la mesure en cause avec la situation de celui-ci en l’absence de cette mesure et en application des règles normales d’imposition (voir arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission, T760/15 et T636/16, EU:T:2019:669, point 147 et jurisprudence citée).

84   Par ailleurs, dans le cadre d’un régime d’aides, la Commission doit uniquement prouver que le régime fiscal en cause est de nature à favoriser ses bénéficiaires, en vérifiant que celui-ci, pris globalement, est, compte tenu de ses caractéristiques propres, susceptible de conduire, au moment de son adoption, à une imposition moindre par rapport à celle résultant de l’application du régime d’imposition général (voir arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C649/20 P, C658/20 P et C662/20 P, EU:C:2023:60, point 63 et jurisprudence citée).

85   En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué aux points 72 à 75 ci-dessus, la Commission a relevé, aux considérants 125 à 127 et 133 à 135 de la décision attaquée, que, à la suite des décisions anticipées, adoptées au titre du régime en cause, les entités belges qui faisaient partie d’un groupe multinational et qui en avaient fait la demande avaient pu réduire leur impôt dû en Belgique en déduisant de leur base imposable un pourcentage de leurs bénéfices, au titre de bénéfices dits « excédentaires », et ce pour les cinq années de validité desdites décisions anticipées.

86   Tout d’abord, il n’est pas contesté que le régime en cause était conçu comme un système qui consistait en la non-imposition d’une partie des bénéfices enregistrés par des entités belges qui faisaient partie d’un groupe multinational. Il est également constant que, en vertu de l’article 2 de la loi du 21 juin 2004, c’est uniquement par une décision anticipée adoptée par le service des décisions anticipées, à la suite d’une demande introduite par les entités belges concernées, qu’une partie des bénéfices de ces entités pouvait être qualifiée d’excédentaire, au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, et que le pourcentage d’exonération en question pouvait être appliqué à la base imposable de ces entités, de sorte que seule une partie de cette base imposable fût imposée.

87   Ensuite, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92 que les sociétés résidentes en Belgique sont imposables sur le montant total des bénéfices. En outre, il ressort de l’article 24 du CIR 92, exposé au considérant 122 de la décision attaquée, que les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité.

88   Enfin, ainsi qu’il a été indiqué aux points 55 à 61 ci-dessus, il ressort de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 qu’un ajustement négatif de la base imposable peut être effectué lorsque les bénéfices de la société en question sont également repris dans les bénéfices d’une autre société du même groupe et que ce sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes.

89   Partant, conformément aux règles normales d’imposition en Belgique, les entités belges étaient imposées sur tous leurs bénéfices réalisés, tels qu’exprimés dans leur comptabilité, le cas échéant, en procédant à des ajustements tels que celui prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, dès lors que le régime en cause consistait en une exonération des bénéfices dits « excédentaires » qui, ainsi qu’il a été relevé au point 66 ci-dessus, n’était pas prévue par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, ledit régime était susceptible de conduire à un allégement de l’impôt que les entités ayant demandé ces décisions auraient autrement dû payer, en application des règles relatives à l’impôt sur les sociétés en Belgique.

90   Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir constaté que le régime fiscal en cause était de nature à favoriser ses bénéficiaires, dans la mesure où ce régime, pris globalement et compte tenu de ses caractéristiques propres, était susceptible de conduire à une imposition moindre par rapport à celle résultant de l’application des règles normales d’imposition des sociétés en Belgique.

91   Il en résulte que les arguments de la requérante tirés d’une absence d’examen de l’avantage accordé par le régime en cause ou d’une confusion des critères de la sélectivité et de l’existence d’un avantage, doivent être écartés.

d)   Sur la constatation d’une dérogation au système de référence

92   À l’encontre du constat par la Commission de l’existence d’une dérogation au système de référence, dans le cadre de son raisonnement à titre principal, la requérante fait valoir, en premier lieu, que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne constitue pas une dérogation au système général de l’impôt sur les sociétés en Belgique du fait qu’il favorise les entités résidentes d’un groupe multinational par rapport à d’autres entités situées en Belgique qui seraient comparables sur le plan factuel et juridique.

93   Elle fait valoir, en second lieu, que la Commission n’a pas démontré que d’une telle dérogation résultait un traitement différencié de ses bénéficiaires par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation comparable.

94   Ainsi, premièrement, la requérante soutient que les entreprises appartenant à des groupes multinationaux se trouvent dans une situation juridique et factuelle distincte de celle des entités nationales. De même, le risque d’ajustement à la hausse qu’encourent les entreprises appartenant à des groupes multinationaux au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 n’est pas un risque qu’encourent les entreprises purement nationales. Par ailleurs, la différence de traitement serait justifiée par les synergies de groupe et les économies d’échelle qui se formeraient plus souvent au sein de structures plus vastes, telles que les entreprises appartenant à des groupes multinationaux.

95   Deuxièmement, elle soutient que l’existence de nouveaux investissements importants, la création d’emplois ou la relocalisation d’activités en Belgique n’étaient pas des éléments essentiels nécessaires à la déduction des bénéfices excédentaires. En effet, même s’il avait pu être nécessaire d’invoquer une « situation nouvelle » pour obtenir une décision anticipée en vertu du régime en cause, cette situation nouvelle n’aurait pas impliqué nécessairement des investissements supplémentaires, de la main-d’œuvre supplémentaire ou une relocalisation d’activités en Belgique. L’obligation d’avoir obtenu une décision anticipée visait à garantir que le service des décisions anticipées vérifie soigneusement, au cas par cas, que les contribuables avaient effectivement réalisé des bénéfices excédentaires. Cela constituerait, par ailleurs, un élément classique des systèmes de décisions anticipées, qui existerait également en dehors de la Belgique, garantissant la sécurité juridique au demandeur envisageant d’introduire des opérations ou de modifier sa structure. En tout état de cause, le fait qu’une règle fiscale s’applique uniquement aux situations survenues après son entrée en vigueur ne suffirait pas à qualifier ladite règle de sélective.

96   Troisièmement, elle reproche à la Commission d’avoir erronément conclu, lors de son examen prétendument vicié d’un échantillon de décisions anticipées individuelles, que la possibilité de déduire des bénéfices excédentaires était réservée aux entreprises d’une certaine taille. D’une part, cette condition ne ressortirait pas des dispositions applicables. D’autre part, l’absence alléguée de petite ou moyenne entreprise parmi les entreprises appartenant à un groupe multinational ayant bénéficié d’une décision anticipée ne suffirait pas à établir que les entreprises devaient remplir une condition de taille pour obtenir une décision anticipée.

97   La Commission considère qu’il convient d’écarter les arguments de la requérante.

98   À cet égard, il importe de rappeler la jurisprudence selon laquelle, dans le cadre de l’examen de la sélectivité d’une mesure fiscale, après avoir identifié et examiné, dans un premier temps, le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, à savoir le système de référence, il convient, dans un second temps, d’apprécier et d’établir l’éventuel caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale en cause en démontrant que celle-ci déroge audit système commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C78/08 à C80/08, EU:C:2011:550, point 49 et jurisprudence citée).

99   Dans la décision attaquée (point 6.3.2.1), la Commission a considéré, à titre principal, que le régime belge d’exonération des bénéfices excédentaires accordait un avantage sélectif à ses bénéficiaires en ce qu’il dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique, dans la mesure où celui-ci prévoyait que les sociétés soient imposées sur la base de leur bénéfice total, à savoir leur bénéfice réellement enregistré, et non sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus.

100 Ainsi, la Commission a conclu, au considérant 136 de la décision attaquée, que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, invoqué par le Royaume de Belgique comme fondement pour le régime en cause, n’avait pas le sens ni l’effet préconisé par ledit régime et, partant, que ce régime constituait plutôt une dérogation à la règle générale prévue par le droit fiscal belge selon laquelle le bénéfice réellement enregistré est imposé. En outre, la Commission a souligné qu’un tel régime n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

101 Par la suite, aux considérants 137 à 141 de la décision attaquée, la Commission a développé les raisons pour lesquelles elle considérait que le régime en cause introduisait des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal belge, dans une situation factuelle et juridique comparable.

1)   Sur l’existence d’une dérogation au système de référence

102 D’emblée, il convient de rappeler que ce que la Commission a considéré comme ne faisant pas partie du système de référence et partant comme y dérogeant était le régime des bénéfices excédentaires, à savoir l’ajustement négatif, tel qu’effectué par les autorités fiscales belges, sur une partie des bénéfices imposables, dits « excédentaires ».

103 Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 56 et 57 ci-dessus, au regard du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, l’ajustement négatif des bénéfices imposables est soumis à la condition que les bénéfices à déduire pour une société donnée aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En revanche, la pratique des autorités fiscales belges consistant à effectuer un ajustement négatif unilatéral sans qu’il soit besoin d’établir que les bénéfices à ajuster aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les transactions concernées avaient été réalisées entre sociétés indépendantes n’est pas prévue par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

104 En effet, ainsi qu’il a été confirmé par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi, même si les décisions fiscales anticipées invoquaient formellement l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qualifié par la Commission de régime d’aides d’État, reposait sur la pratique administrative constante des autorités fiscales belges. Or, ainsi qu’il vient d’être constaté au point 103 ci-dessus, cette pratique différait de ce qui était prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

105 Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’effectuée par les autorités fiscales belges, constituait une dérogation au système de référence qu’elle avait retenu, à savoir le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui comprenait notamment l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, ainsi qu’il a été relevé au point 53 cidessus.

2)   Sur l’existence d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation comparable du fait de la dérogation au système de référence

106 S’agissant du constat de la Commission selon lequel le régime en cause a introduit une différenciation entre les bénéficiaires des exonérations et les autres opérateurs se trouvant dans une situation comparable, il convient de relever que la Commission a avancé, aux considérants 138 à 140 de la décision attaquée, trois motifs alternatifs pour étayer sa conclusion, qu’il convient d’examiner successivement aux fins d’exhaustivité.

i)   Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

107 Au considérant 138 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que le régime était sélectif parce qu’il était ouvert uniquement aux entités faisant partie d’un groupe multinational d’entreprises.

108 Certes, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 a vocation à s’appliquer à des sociétés intégrées à un groupe multinational. Toutefois, ainsi que le fait valoir la requérante, la finalité de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise précisément à placer sur un pied d’égalité les entreprises liées et les entreprises non liées.

109 À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 64 ci-dessus, il importe de rappeler que l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tel qu’il ressort du considérant 129 de la décision attaquée, est d’imposer tous les bénéfices imposables des entités soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qu’elles soient autonomes ou intégrées dans un groupe multinational d’entreprises. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 87 ci-dessus, selon les règles normales d’imposition en Belgique, les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité ou les comptes annuels de celles-ci.

110 En revanche, l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges, en ce qu’elle déroge à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, octroyait un allégement fiscal aux bénéficiaires concernés, au motif qu’ils faisaient partie d’un groupe multinational d’entreprises, en leur permettant de déduire de leur assiette imposable une partie de leurs bénéfices enregistrés, sans que ces bénéfices exonérés n’aient été repris dans les bénéfices d’une autre société du groupe.

111 Il existerait, partant, un traitement différencié entre les entités intégrées à un groupe multinational ayant bénéficié, en vertu du régime en cause, de l’exonération des bénéfices excédentaires à hauteur d’un pourcentage d’exonération calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus et d’autres entités autonomes ou intégrées au sein d’un groupe d’entreprises qui auraient été imposées conformément aux règles normales d’imposition des sociétés en Belgique sur la totalité de leurs bénéfices réellement enregistrés, le cas échéant, s’agissant des entités intégrées, après application de l’ajustement au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, suivant les conditions qui y sont prévues.

112 Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu que les entités faisant partie d’un groupe multinational ayant bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires au titre du régime en cause, qui constitue un ajustement qui n’est pas en tant que tel prévu par la loi, auraient reçu un traitement différencié par rapport à d’autres entités en Belgique n’en ayant pas bénéficié, alors que ces entités se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, à savoir imposer tous les bénéfices imposables de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique.

113 Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel l’imposition nationale d’une entreprise serait différente de son imposition transfrontalière est inopérant, dans la mesure où, en l’espèce, la Commission a fondé son examen uniquement sur l’imposition nationale des entreprises belges en cause. À cet égard, il importe de rappeler que la Commission a fondé son analyse sur l’objectif du système d’imposition belge qui était de déterminer la base imposable des entités établies sur son territoire à partir des bénéfices qui figuraient dans leur comptabilité. Or, la possibilité de la réduction de la base imposable ainsi qu’elle résulte du régime en cause n’était pas accessible aux entités autonomes, indépendamment de l’éventuelle imposition transfrontalière de ces dernières.

114 En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 64 ci-dessus, l’exonération des bénéfices excédentaires telle qu’appliquée par les autorités fiscales belges ne porte pas sur l’imposition des bénéfices issus des transactions intragroupes enregistrées en Belgique par une société belge faisant partie d’un groupe multinational d’entreprises, mais consiste en l’imposition d’une telle société belge sur la base d’un bénéfice hypothétique, déconnecté des transactions intragroupes effectivement réalisées. Dans la mesure où une telle exonération améliore la position financière nette du bénéficiaire par rapport à d’autres entreprises concurrentes établies en Belgique, comme par exemple des entreprises autonomes ou des sociétés membres d’un groupe national, lesquelles sont imposées non sur des bénéfices hypothétiques, mais sur leurs bénéfices réels, c’est à juste titre que la Commission a considéré qu’elle donnait lieu à une différenciation entre opérateurs se trouvant dans une situation comparable.

115 Pour les mêmes raisons, il convient de rejeter également l’argument de la requérante tiré du point 148 de l’arrêt du 24 septembre 2019, Pays-Bas e.a./Commission (T760/15 et T636/16, EU:T:2019:669), dès lors qu’il porte sur des mesures et une analyse de la Commission entièrement différentes de celles en cause en l’espèce.

ii) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la création d’emplois ou à la centralisation d’activités en Belgique

116 Au considérant 139 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était sélectif dans la mesure où il n’était pas ouvert à des sociétés qui auraient décidé de ne pas effectuer des investissements, de ne pas créer des emplois ou de ne pas centraliser des activités en Belgique. La Commission a relevé que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 subordonnait l’adoption des décisions anticipées à l’existence d’une situation ou d’une opération n’ayant pas produit d’effets sur le plan fiscal et qu’une décision anticipée était nécessaire pour bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

117 La Commission a également relevé que, dans l’échantillon des décisions anticipées accordant une exonération des bénéfices excédentaires qu’elle a analysé, chaque décision anticipée mentionnait des investissements importants, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique. De ce fait, elle a considéré que l’obligation relative à la « situation nouvelle », à laquelle étaient soumises les demandes de décisions anticipées afin de bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires, donnait lieu à un traitement différencié des groupes multinationaux qui modifiaient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique par rapport à tous les autres opérateurs économiques, y compris les groupes multinationaux, qui continuaient de suivre leur modèle d’entreprise existant en Belgique.

118 À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a confirmé que le choix d’un échantillon constitué de 22 décisions anticipées, adoptées au cours des années 2005, 2007, 2010 et 2013, était approprié et suffisamment représentatif.

119 En outre, il convient de relever que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 définit la décision anticipée comme étant l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine, conformément aux dispositions en vigueur, comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Par ailleurs, l’article 22 de cette même loi précise qu’une décision anticipée ne peut être adoptée, notamment, lorsque la demande a trait à des situations ou à des opérations identiques à celles ayant déjà produit des effets sur le plan fiscal à l’égard du demandeur.

120 Certes, de la lecture des dispositions indiquées au point 119 ci-dessus il ne saurait être déduit que la réalisation d’investissements, la création d’emplois ou la centralisation d’activités en Belgique constituent des conditions explicitement exigées pour l’obtention d’une décision anticipée.

121 Toutefois, il ressort de l’échantillon des décisions anticipées, analysé par la Commission dans la décision attaquée, que ces décisions ont effectivement été accordées à la suite de propositions des demandeurs de réaliser des investissements en Belgique, d’y relocaliser certaines fonctions ou d’y créer un certain nombre d’emplois. En effet, les trois exemples décrits dans la note en bas de page no 80 de la décision attaquée, dans lesquels les demandeurs des décisions anticipées en question ont décrit leurs plans d’investissements et de recentralisation d’activités en Belgique, révèlent que, dans la pratique, la condition pour l’adoption d’une décision anticipée, relative à l’existence d’une situation n’ayant pas produit des effets fiscaux, a été remplie par des investissements, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique.

122 À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, c’est précisément la pratique administrative des autorités fiscales belges, consistant à exonérer des bénéfices par des décisions anticipées, qui a été considérée comme étant dérogatoire à ce qui est prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, en vertu desdites décisions anticipées, leurs bénéficiaires ont obtenu un avantage consistant en l’allégement de leur assiette imposable, du fait de l’exonération des bénéfices dits « excédentaires ». En revanche, les entités n’ayant pas procédé à une modification de leur modèle d’entreprise afin de créer des situations fiscales nouvelles qui, au regard d’une telle pratique, consistaient systématiquement en des investissements, en la centralisation d’activités ou en la création d’emplois en Belgique et, partant, n’ayant pas demandé de décisions anticipée ont été imposées sur l’ensemble de leurs bénéfices imposables. Partant, le régime en cause a donné lieu à un traitement différencié de sociétés se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

123 Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 139 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert à des sociétés qui avaient décidé de ne pas effectuer des investissements en Belgique, de ne pas y centraliser des activités et de ne pas y créer des emplois.

iii) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

124 En l’espèce, la Commission a soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le régime en cause était sélectif dans la mesure où seules les entités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne pouvaient effectivement bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

125 En effet, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que seules les entités appartenant à un groupe multinational suffisamment grand étaient incitées à obtenir une décision anticipée, étant donné que c’était uniquement au sein de grands groupes d’entreprises qu’étaient susceptibles d’être générés des bénéfices tirés de synergies, d’économies d’échelle et d’autres avantages, d’une hauteur significative justifiant la demande de décision anticipée. En outre, la Commission a relevé que le processus d’obtention d’une telle décision nécessitait une demande détaillée présentant la situation nouvelle qui justifiait l’exonération ainsi que des études sur les bénéfices excédentaires, ce qui aurait été plus contraignant pour les petits groupes de sociétés que pour les grands.

126 À cet égard, il n’est pas contesté que, au sein de l’échantillon de 22 décisions anticipées au titre du régime en cause examiné par la Commission, tel que décrit au considérant 65 de la décision attaquée et qui a été considéré comme étant approprié et représentatif, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, aucune de ces décisions ne concernait des entités appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

127 En outre, ainsi qu’il est indiqué au considérant 66 de la décision attaquée, il n’est pas contesté que, au cours de la procédure administrative, à la suite d’un tel constat par la Commission sur la base de l’échantillon de 22 décisions anticipées et en réponse à une demande formulée par celle-ci à cet égard, le Royaume de Belgique n’est pas parvenu à étayer son allégation selon laquelle l’exonération avait été accordée aussi à des entreprises appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

128 Partant, au regard de la pratique administrative visée par la Commission, ce sont des entreprises faisant partie de groupes de grande et de moyenne taille qui se sont prévalues du régime d’exonération des bénéfices excédentaires, à l’exclusion des entreprises faisant partie de groupes d’entreprises de petite taille.

129 Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert aux entreprises faisant partie d’un groupe d’entreprises de petite taille.

130 En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait retenu à tort un tel motif relatif au traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille, cela n’affecterait pas la validité des deux autres motifs avancés par la Commission et examinés respectivement aux points 107 à 115 et 116 à 123 ci-dessus.

3)   Conclusion sur l’existence d’un avantage a priori sélectif, constatée par la Commission au titre de son raisonnement à titre principal

131 Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas erronément constaté, à l’issue de son raisonnement à titre principal, d’une part, que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. D’autre part, la Commission n’a pas erronément considéré que le régime en question n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

132 Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner le bienfondé des arguments de la requérante développés dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen à l’encontre du raisonnement à titre subsidiaire sur la sélectivité, développé par la Commission au point 6.3.2.2 de la décision attaquée.

133 Dans ces conditions, il convient d’écarter la deuxième branche du cinquième moyen dans son ensemble, dans la mesure où la Commission a suffisamment démontré les raisons pour lesquelles le régime en cause était sélectif dans le cadre de son raisonnement à titre principal.

e)   Sur les éléments caractéristiques du régime en cause qui ne seraient pas applicables au cas de la requérante

134 La requérante fait valoir que plusieurs éléments considérés par la Commission comme faisant partie du régime en cause ne seraient pas applicables à son égard. Ainsi, tout d’abord, les critiques de la Commission à l’encontre de la méthode utilisée pour le calcul des bénéfices excédentaires par les autorités belges en vertu du régime en cause ne concerneraient la requérante que partiellement.

135 Ensuite, la requérante estime qu’elle n’a pas bénéficié d’un avantage, dans la mesure où la partie des bénéfices du groupe qui n’aurait pas été imposée par le Royaume de Belgique en vertu de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 aurait été imposée par les États-Unis d’Amérique.

136 Enfin, la requérante fait valoir une contradiction entre le refus de la Commission de tenir compte des effets produits au niveau du groupe par des synergies et des économies d’échelle et la conclusion quant aux bénéficiaires de l’aide en cause, qui seraient les groupes d’entreprises considérés dans leur ensemble. Selon le considérant 203 de la décision attaquée, l’existence de l’aide dépendrait de l’existence d’un ajustement équivalent potentiel dans un autre pays. Cependant, le groupe auquel appartient la requérante n’aurait bénéficié d’aucun avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

137 En tout état de cause, la Commission aurait omis d’analyser, dans la décision attaquée, les éléments concrets qui sous-tendraient chaque décision anticipée individuelle relative aux bénéfices excédentaires et de démontrer l’existence d’un avantage dans chaque cas d’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 par le service des décisions anticipées.

138 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

139 D’emblée, il y a lieu de constater que, dans le cadre d’une décision portant sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. En effet, ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C71/09 P, C73/09 P et C76/09 P, EU:C:2011:368, point 63 et jurisprudence citée). Partant, l’argument de la requérante tiré du fait que la Commission n’aurait pas suffisamment prouvé l’avantage pour chaque bénéficiaire concerné et pour elle-même en particulier ne saurait prospérer.

140 Il en résulte que, premièrement, la méthode choisie par la requérante en l’espèce afin de déterminer ses bénéfices imposables est dépourvue de pertinence quant aux conclusions sur l’avantage économique accordé par le régime en cause à ses bénéficiaires. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a retenu dans l’arrêt sur pourvoi que le considérant 102 de la décision attaquée expliquait que le montant de l’exonération des bénéfices excédentaires correspondait systématiquement à la différence entre les bénéfices réellement enregistrés par le bénéficiaire et un bénéfice, hypothétique, généré si ce dernier avait été opéré indépendamment de son groupe, et ce indépendamment de la méthode utilisée pour aboutir à ce constat (arrêt sur pourvoi, point 151). Par ailleurs, ainsi que le fait valoir la Commission, en invoquant le point 125 de l’arrêt du 6 avril 2022, Mead Johnson Nutrition (Asia Pacific) e.a./Commission (T508/19, EU:T:2022:217), elle était en droit de se fonder sur la description faite par le Royaume de Belgique de la manière dont les bénéfices excédentaires exonérés avaient été déterminés pour les bénéficiaires du régime en cause.

141 Deuxièmement, la notion d’avantage accordé aux bénéficiaires d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE se détermine par comparaison avec les autres entreprises du même État et non avec des entreprises des autres États membres (arrêts du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 28, et du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T538/11, EU:T:2015:188, point 124), voire des États tiers. Dès lors, il convient de rejeter l’argument de la requérante en l’espèce, tiré de la prétendue erreur de la Commission qui a analysé uniquement l’imposition des sociétés en Belgique et pas dans les autres États où étaient situés les groupes multinationaux bénéficiaires de l’aide litigieuse.

142 Par ailleurs, l’allégation de la requérante selon laquelle ses bénéfices belges exonérés par l’effet du régime en cause auraient été imposés dans un pays tiers est dépourvue de pertinence s’agissant de l’existence d’un avantage sélectif découlant de ce régime. En effet, ainsi qu’il ressort du point 63 ci-dessus, la pratique des autorités fiscales belges consistait à accorder l’exonération en cause unilatéralement, sans vérifier le caractère corrélatif de l’ajustement négatif demandé. Dès lors, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 139 ci-dessus, les circonstances inhérentes à la situation individuelle de la requérante quant à son imposition dans des pays tiers ne sauraient remettre en cause les conclusions de la Commission quant à l’avantage économique accordé par le régime en cause à ses bénéficiaires.

143 Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée est entachée d’une erreur dans la qualification des bénéficiaires, qui étaient, en l’espèce, le groupe multinational dans son ensemble et non pas elle-même, alors que l’avantage n’avait été examiné que pour l’entité belge du groupe, force est de constater que, en l’espèce, la Commission a indiqué, au considérant 183 de la décision attaquée, que les entités belges ayant obtenu une décision anticipée leur permettant de déduire les bénéfices considérés comme excédentaires, aux fins de la détermination de leur bénéfice imposable, étaient les bénéficiaires des aides d’État en cause.

144 En outre, au considérant 184 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que, en matière d’aides d’État, des entités juridiques distinctes pouvaient être considérées comme constituant une seule unité économique, laquelle était susceptible d’être considérée comme étant bénéficiaire de l’aide. Elle a ainsi considéré que, en l’espèce, les entités belges bénéficiant des aides en cause avaient opéré en tant qu’entrepreneurs centraux au bénéfice d’autres entités au sein de leurs groupes d’entreprises qu’elles contrôlaient souvent. Elle a également relevé que les entités belges étaient à leur tour contrôlées par l’entité gérant le groupe d’entreprises dans son ensemble. Ainsi, la Commission en a déduit que le groupe multinational dans son ensemble pouvait être considéré comme le bénéficiaire de la mesure d’aide.

145 Par ailleurs, au considérant 185 de la décision attaquée, la Commission a souligné que ce serait le groupe dans son ensemble, indépendamment du fait qu’il soit organisé en différentes entités juridiques, qui aurait décidé de centraliser certaines activités en Belgique et d’y effectuer les investissements nécessaires pour bénéficier des décisions anticipées.

146 C’est ainsi que, au considérant 186 de la décision attaquée, elle a conclu que, en plus des entités belges ayant été admises au régime en cause, les groupes multinationaux auxquels appartenaient ces entités devaient être considérés comme étant bénéficiaires du régime d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

147 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C310/99, EU:C:2002:143, points 89 et 91 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C71/09 P, C73/09 P et C76/09 P, EU:C:2011:368, point 63, et du 13 juin 2019, Copebi, C505/18, EU:C:2019:500, points 28 à 33).

148 En outre, selon une jurisprudence bien établie, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée à déterminer, dans le cadre de l’application des dispositions relatives aux aides d’État, si, aux fins de l’application de celles-ci notamment, des entités juridiques distinctes constituent une unité économique (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C480/09 P, EU:C:2010:787, point 63, et du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T371/94 et T394/94, EU:T:1998:140, point 314).

149 Ainsi, il a été jugé que la Commission pouvait considérer, aux fins de l’appréciation des bénéficiaires d’une aide d’État et des conséquences à tirer d’une décision ordonnant la récupération de celle-ci, qu’il existait une unité économique entre plusieurs entités juridiques distinctes, notamment lorsque celles-ci étaient liées par des relations de contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 11, et du 16 décembre 2010, AceaElectrabel Produzione/Commission, C480/09 P, EU:C:2010:787, point 64).

150 Aux considérants 184 à 186 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue le fait que, dans le cadre du régime en cause, il existait des liens de contrôle entre l’entité belge et les autres entités du groupe auquel elles appartenaient. Ainsi, d’une part, la Commission a relevé le fait que l’entité belge exerçait des fonctions centrales pour d’autres entités du groupe, lesquelles étaient souvent contrôlées par ladite entité. D’autre part, la Commission a souligné le fait que les décisions au sein des groupes multinationaux d’entreprises quant aux structures qui ont donné lieu aux exonérations en question, à savoir la centralisation d’activités en Belgique ou les investissements effectués en Belgique, avaient été prises par des entités au sein du groupe, nécessairement par des entités qui en exerçaient le contrôle. Par ailleurs, il ressort de la description du régime des bénéfices excédentaires effectuée par le Royaume de Belgique, telle qu’elle est reprise notamment au considérant 14 de la décision attaquée, que les bénéfices excédentaires exonérés étaient censés être générés par des synergies et des économies d’échelle du fait de l’appartenance des entités belges en question à un groupe multinational d’entreprises.

151 Il s’ensuit que, dans la décision attaquée, la Commission a mis en exergue des éléments lui permettant de conclure à l’existence, en principe, de liens de contrôle au sein des groupes multinationaux d’entreprises auxquels appartenaient les entités belges ayant obtenu des décisions anticipées. Compte tenu de ces éléments du régime en cause, il ne saurait être conclu que la Commission a outrepassé sa marge d’appréciation lorsqu’elle a estimé que lesdits groupes constituaient une unité économique avec ces entités, bénéficiant d’aides d’État au titre de ce régime, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

152 Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le grief tiré de l’erreur d’appréciation commise par la Commission quant à l’identification de l’avantage accordé aux bénéficiaires du régime en cause.

153 Dans ces circonstances, il convient d’écarter l’ensemble des arguments de la requérante contestant le constat de la Commission, effectué dans le cadre de son raisonnement à titre principal, relatif à l’existence d’un avantage sélectif accordé par le régime en cause, notamment les arguments faisant valoir que la situation de la requérante s’écarterait des éléments caractéristiques du régime en cause.

f)   Sur l’application du principe de pleine concurrence dans le cadre du régime en cause

154 La requérante soutient que l’avantage éventuel résultant de l’application correcte du principe de pleine concurrence ne serait pas imputable au Royaume de Belgique, mais découlerait simplement de disparités fiscales existant entre cet État et les autres pays où opèreraient les groupes multinationaux concernés.

155 De plus, dans le cadre du septième moyen, la requérante invoque une violation du principe d’égalité de traitement, dans la mesure où la Commission reconnaîtrait dans le cadre de son raisonnement subsidiaire, au considérant 177 de la décision attaquée, le droit aux administrations fiscales d’augmenter la base imposable des entreprises qui effectuent des transactions intragroupes, en exigeant cependant, au considérant 178, que les entreprises apportent la preuve de l’existence d’un risque concret de double imposition pour pouvoir bénéficier d’ajustements à la baisse. Or, limiter l’analyse de l’avantage à la seule entité belge violerait le principe d’égalité de traitement.

156 À cet égard, il convient de relever que ce n’est que dans le cadre de l’analyse de la sélectivité du régime en cause que la Commission a examiné, à titre subsidiaire, dans quelle mesure ce régime dérogeait au principe de pleine concurrence. Ces arguments sont, partant, dénués de pertinence s’agissant de l’examen par la Commission de l’existence d’un avantage ainsi que de l’examen opéré, à titre principal, de sa sélectivité.

157 Dans ces circonstances, il convient d’écarter les arguments de la requérante relatifs au raisonnement subsidiaire de la Commission, y compris ceux tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement entre les entreprises intégrées et les entreprises autonomes, soulevés dans le cadre de la deuxième branche du cinquième moyen, la deuxième branche du sixième moyen et le septième moyen.

3.   Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

158 La requérante fait valoir, à titre subsidiaire, que, si la déduction des bénéfices excédentaires prévue à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 constituait une dérogation au système de référence, cette dérogation aurait été justifiée, dans le but d’éviter une double imposition, qui aurait représenté une charge pour les entreprises et aurait restreint leurs libertés fondamentales. Or, dans la décision attaquée, la Commission aurait tenté de priver les États membres de leur compétence fiscale et de procéder à une harmonisation forcée dans ce domaine. En tout état de cause, le Royaume de Belgique n’aurait pas le droit de contrôler si les contribuables établis dans d’autres pays auraient été imposés en vertu des lois applicables dans ces pays.

159 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

160 Il convient de constater que, aux considérants 173 à 181 de la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que le Royaume de Belgique n’était pas parvenu à établir que les mesures en cause avaient réellement pour objectif d’éviter la double imposition. Selon la Commission, dans la mesure où l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait un ajustement négatif des bénéfices d’une société si ceux-ci avaient été repris dans les bénéfices d’une autre société, l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, sans qu’il fût nécessaire de prouver que les bénéfices excédentaires à exonérer auraient été inclus dans la base imposable d’une autre société, ne pouvait se justifier par l’économie générale du système. Ainsi, la Commission en a conclu que l’exonération unilatérale en cause ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

161 À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence, une mesure constituant une exception à l’application du système fiscal général peut être justifiée si l’État membre concerné parvient à démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. À cet égard, il serait nécessaire de distinguer entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs. Ainsi, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C78/08 à C80/08, EU:C:2011:550, points 64, 65, 69 et 70).

162 En l’espèce, il a été constaté, notamment au point 103 ci-dessus, que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas soumise à la condition de prouver que ceux-ci avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société. Il n’était pas non plus requis que ces bénéfices excédentaires aient effectivement fait l’objet d’une imposition dans un autre État. Ainsi, force est de constater que les mesures en cause n’étaient pas conditionnées par l’existence de situations de double imposition fiscale réelle ou possible.

163 Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’appliquée par les autorités fiscales belges, visait à éviter la double imposition, réelle ou possible. Partant, c’est à juste titre que la Commission a conclu qu’une telle exonération ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

164 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante selon lesquels l’économie générale du système fiscal belge permet de taxer uniquement les bénéfices relevant de la compétence du Royaume de Belgique. En effet, ainsi qu’il a été constaté aux points 102 à 105 cidessus, l’exonération des bénéfices excédentaires par les autorités fiscales belges n’était pas prévue par le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique. Partant, en dépit de leur exonération au titre du régime en cause, ces bénéfices étaient, à la base, imposables en Belgique, en vertu dudit système, et ils ne sauraient donc être considérés comme ne relevant pas de la compétence fiscale du Royaume de Belgique.

165 Quant à l’argument de la requérante tiré du fait que la décision attaquée s’immisce dans la compétence fiscale de la Belgique et établit une harmonisation forcée des règles fiscales, il y a lieu de constater que, en substance, cet argument fait référence au premier moyen du recours et qu’il doit donc être écarté.

166 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter les cinquième, sixième et septième moyens, tirés, respectivement, de l’absence de sélectivité du régime en cause, de l’absence d’examen de l’existence d’un avantage et de la violation du principe d’égalité de traitement par la décision attaquée, en ce que cette dernière n’aurait pas permis de prendre en compte les particularités de l’imposition des entreprises intégrées.

D.   Sur l’interférence de la Commission dans la méthode de récupération de l’aide

167 Par son dixième moyen, la requérante fait valoir une violation de l’article 107 TFUE et de l’article 16 du règlement 2015/1589 par les considérants 208 à 211 de la décision attaquée, qui présentent la méthode de récupération de l’aide. En effet, si lesdits considérants devaient être interprétés en ce sens qu’ils ne permettraient pas aux bénéficiaires concernés de demander, sauf autorisation expresse de la Commission, une réduction de la base imposable qu’ils auraient pu demander pendant la période couverte par une décision anticipée, la décision attaquée empêcherait une adaptation à la situation factuelle et juridique réelle du bénéficiaire en question.

168 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

169 En vertu de l’article 16 du règlement 2015/1589, lorsque la Commission constate l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et illégale, elle décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire, à moins que, ce faisant, elle aille à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

170 Ainsi qu’il résulte du point 139 ci-dessus, dans une décision qui porte sur des régimes d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire pour les États membres de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée. Toutefois, la décision de la Commission doit être suffisamment motivée pour permettre sa mise en œuvre par les autorités nationales. En effet, la vérification, à effectuer par les autorités nationales, de la situation individuelle de chaque bénéficiaire concerné doit être suffisamment encadrée par la décision de la Commission concernant un régime d’aides qui est assortie d’un ordre de récupération (arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C71/09 P, C73/09 P et C76/09 P, EU:C:2011:368, points 28 à 33 et 120).

171 En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé au point 143 ci-dessus, il convient de relever que, au considérant 183 de la décision attaquée, la Commission a identifié les bénéficiaires des aides en cause comme étant les entités belges ayant déduit des bénéfices excédentaires de leurs bénéfices imposables au titre d’une décision anticipée. En outre, ainsi qu’il a été exposé aux points 144 à 146 ci-dessus, aux considérants 184 à 186 de la décision attaquée, la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait qu’il existait une unité économique formée par ces entités belges et les sociétés liées à celles-ci au sein des groupes auxquels elles appartenaient, à la lumière de la jurisprudence.

172 Par ailleurs, en ce qui concerne les montants à récupérer, force est de constater que, aux considérants 207 à 211 de la décision attaquée, la Commission a fourni des explications relatives à la méthode de calcul des aides à récupérer. Ainsi, la Commission a indiqué qu’il y avait lieu de calculer le montant de l’impôt qui aurait dû être payé si l’exonération des bénéfices excédentaires n’avait pas été accordée, en tenant compte du montant de l’impôt épargné du fait de l’ensemble des décisions anticipées adoptées en faveur du bénéficiaire concerné et de l’intérêt cumulé sur ce montant, calculé à compter de la date d’octroi de l’aide, à savoir la date à laquelle le montant épargné aurait dû être acquitté, pour chaque exercice fiscal, en l’absence de la décision anticipée. En outre, des précisions étaient incluses pour effectuer les ajustements correspondant aux différentes déductions applicables. Enfin, il y était fait état du fait que le montant à récupérer pouvait encore être précisé, par la suite, lors des échanges entre le Royaume de Belgique et la Commission.

173 Il en découle que la Commission a fourni des explications permettant au Royaume de Belgique de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée en ce qui concerne, d’une part, les bénéficiaires auprès desquels les aides devaient être récupérées et, d’autre part, le montant à récupérer. En outre, au vu des griefs formulés dans le cadre du présent recours et des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la Commission a fourni suffisamment d’explications pour permettre au Royaume de Belgique de connaître le raisonnement justifiant la décision de la Commission et au Tribunal d’exercer son contrôle.

174 Il en résulte que les allégations de la requérante dans le cadre du dixième moyen doivent être rejetées, dans la mesure où la décision attaquée ne rejette pas la possibilité d’adapter la fixation du montant à récupérer à la situation individuelle du bénéficiaire concerné.

175 Dès lors, le dixième moyen doit être écarté.

E.   Sur la violation du droit d’être entendue de la requérante

176 La requérante invoque dans son deuxième moyen la violation de son droit d’être entendue dans le cadre de la procédure administrative qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée. En substance, la requérante allègue qu’elle n’a pas pu présenter ses observations au sujet des conclusions de la décision attaquée relatives à l’origine, à la portée et au contenu du principe de pleine concurrence, tel qu’interprété par la Commission.

177 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

178 À titre liminaire, il convient de constater que, dans la procédure de contrôle des aides d’État, la requérante, en tant que bénéficiaire de l’aide, ne peut se prévaloir de véritables droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendue. En effet, en vertu d’une jurisprudence constante, la procédure administrative en matière d’aides est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné, le bénéficiaire de l’aide n’étant considéré que comme intéressé dans cette procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir arrêt du 13 mars 2018, Alouminion/Commission, T542/11 RENV, non publié, EU:T:2018:132, point 189 et jurisprudence citée ; arrêt du 19 octobre 2022, Sogia Ellas/Commission, T347/20, non publié, EU:T:2022:639, point 100). Ainsi, les intéressés disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T103/14, EU:T:2016:152, point 53 et jurisprudence citée).

179 À cet égard, il importe de rappeler que, lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a l’obligation de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée). En ce qui concerne cette obligation, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constituait un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17), tout en précisant que cette communication visait exclusivement à obtenir de la part des intéressés toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T103/14, EU:T:2016:152, point 56 et jurisprudence citée).

180 Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence que, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, cette décision peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T269/99, T271/99 et T272/99, EU:T:2002:258, point 104).

181 Partant, dans la procédure de contrôle des aides d’État, tant les intéressés autres que l’État membre que les bénéficiaires de l’aide concernés ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit dudit État, ou encore, de manière générale, à une communication des documents échangés entre la Commission et l’État membre concerné au cours de la procédure d’enquête, aucune disposition de la procédure de contrôle des aides d’État ne réservant, parmi les intéressés, un rôle particulier au bénéficiaire de l’aide (voir arrêt du 19 octobre 2022, Sogia Ellas/Commission, T347/20, non publié, EU:T:2022:639, point 104 et jurisprudence citée).

182 Dans ce contexte, il importe, en particulier, de relever que, dans le cadre de la procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel de la mesure faisant l’objet de ladite procédure d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire [voir, en ce sens, arrêts du 18 novembre 2004, Ferriere Nord/Commission, T176/01, EU:T:2004:336, point 93, et du 6 avril 2022, Mead Johnson Nutrition (Asia Pacific) e.a./Commission, T508/19, EU:T:2022:217, point 125].

183 En l’espèce, il résulte de la jurisprudence citée aux points 178 à 182 ci-dessus que la requérante ne saurait soutenir que la Commission était tenue de l’entendre dans le cadre de la procédure administrative en matière d’aides d’État ouverte à l’encontre du Royaume de Belgique. En effet, la Commission n’était tenue par aucune obligation en ce sens.

184 De surcroît, il y a lieu de constater que la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 5 juin 2015 la décision d’ouvrir une procédure formelle d’examen en raison des mesures en cause, dans laquelle elle a indiqué les éléments essentiels qui avaient fondé sa décision d’ouvrir une telle procédure, et que la requérante n’a pas réagi à la suite de ladite publication. En effet, la requérante elle-même admet qu’elle avait décidé de ne pas présenter d’observations au cours de la procédure devant la Commission, dans la mesure où elle était convaincue que la décision anticipée qu’elle avait obtenue conformément à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 serait jugée conforme aux principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

185 Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir entendu la requérante dans le cadre de la procédure administrative précédant l’adoption de la décision attaquée. D’ailleurs, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution, sans notification préalable à la Commission, de sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T328/09, non publié, EU:T:2012:498, point 21 et jurisprudence citée), sauf existence de circonstances exceptionnelles (arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T427/04 et T17/05, EU:T:2009:474, point 263).

186 Dans ces circonstances, le deuxième moyen de la requérante doit être écarté.

F.   Sur la violation de l’obligation de motivation de la décision attaquée

187 Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante fait valoir que la motivation de la décision attaquée ne permet pas, premièrement, d’établir l’existence d’un avantage sélectif imputable au Royaume de Belgique, deuxièmement, de justifier en quoi il n’aurait pas été porté atteinte aux principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique et, troisièmement, de comprendre les raisons pour lesquelles il y aurait lieu d’ordonner la récupération de l’aide en cause.

188 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

189 Premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante quant à un défaut de motivation dans la décision attaquée sur l’existence d’un avantage sélectif imputable au Royaume de Belgique, il résulte des réponses apportées aux cinquième et sixième moyens que la Commission a suffisamment motivé ses conclusions à cet égard.

190 Deuxièmement, quant à la motivation adéquate sur la protection des principes d’égalité de traitement et de sécurité juridique, il y a lieu de comprendre, par le renvoi que la requérante opère aux autres moyens de son recours, qu’elle conteste, en substance, la motivation apportée dans la décision attaquée en ce qui concerne le principe de pleine concurrence. Ainsi qu’il résulte du point 132 ci-dessus, ce grief doit être également écarté, dès lors qu’il porte sur le raisonnement à titre subsidiaire sur la sélectivité.

191 Troisièmement, s’agissant de la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne la récupération de l’aide, il résulte des points 172 et 173 ci-dessus que la décision attaquée présente suffisamment les raisons pour lesquelles la récupération doit être ordonnée.

192 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen, tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée.

G.   Sur la violation des principes de protection de la confiance légitime, de sécurité juridique et de légalité du fait de la récupération de l’aide ordonnée par la décision attaquée

193 Le huitième moyen est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de légalité en ce que, aux considérants 200 à 204 de la décision attaquée, la Commission aurait affirmé qu’elle n’était pas liée par sa pratique décisionnelle antérieure quant à l’appréciation du principe de pleine concurrence et qu’une récupération de l’aide présumée illégale était possible. Or, selon la requérante, un opérateur consciencieux aurait pu légitimement croire qu’il pouvait légitimement profiter de l’exonération des bénéfices excédentaires en cause. La Commission aurait changé sa position en ce qui concerne, premièrement, les méthodes et les principes de l’OCDE, deuxièmement, l’application de règles visant à définir le droit d’imposition d’un État conformément aux conventions applicables, troisièmement, la prise en compte du risque de double imposition, quatrièmement, l’exigence de preuve qui lui incomberait quant à l’existence d’un avantage, cinquièmement, la condition que l’avantage soit apprécié au niveau du groupe d’entreprises bénéficiaire de la mesure et non de l’une des composantes dudit groupe et, sixièmement, le fait que les avantages issus des disparités entre les juridictions fiscales seraient indépendants de la notion d’aide d’État.

194 La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

195 Il y a lieu de constater que la requérante répète dans une large mesure les arguments qu’elle a soulevés dans le cadre des autres moyens, par lesquels elle a contesté les appréciations de la Commission dans la décision attaquée en ce qui concerne l’avantage, l’application du principe de pleine concurrence dans le cadre du régime en cause, le risque de double imposition ou les compétences fiscales du Royaume de Belgique.

196 S’agissant, plus particulièrement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, il résulte de la jurisprudence citée au point 185 cidessus que les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et qu’un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. Dès lors, la requérante ne saurait se prévaloir d’une confiance légitime quant à la conformité du régime en cause avec les articles 107 et 108 TFUE.

197 Il en résulte que le grief tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être écarté.

198 S’agissant, ensuite, de la violation des principes de sécurité juridique et de légalité, en raison de la récupération ordonnée auprès des groupes multinationaux auxquels appartiennent les entités belges ayant ajusté leurs bénéfices imposables en vertu d’une décision anticipée, du fait que seules les entités bénéficiaires d’une décision anticipée auraient pu bénéficier des exonérations en question, conformément à la conclusion reprise au point 155 ci-dessus, ce grief doit être écarté.

199 Dans ces circonstances et eu égard aux considérations qui précèdent, il convient d’écarter le huitième moyen.

H.   Sur le risque d’une double imposition du fait de la récupération ordonnée

200 Dans le neuvième moyen, la requérante fait valoir que la récupération ordonnée par la décision attaquée conduit à une double imposition. Ainsi, elle conteste le considérant 203 de la décision attaquée, selon lequel la convention d’arbitrage ou des conventions préventives de double imposition seraient susceptibles de résoudre d’éventuels conflits, puisque l’expérience aurait démontré que ces instruments ne protégeaient pas correctement les contribuables. La récupération violerait l’article 107 TFUE et l’article 16 du règlement 2015/1589, lus conjointement avec les libertés fondamentales.

201 La Commission considère qu’il convient d’écarter les arguments de la requérante.

202 Tout d’abord, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une mesure fiscale, l’existence d’un avantage se détermine par rapport aux règles d’imposition normale de l’État membre concerné, de sorte que les règles fiscales d’un autre État membre ne sont pas pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 28). Par conséquent, la Commission pouvait limiter son analyse aux règles fiscales applicables dans l’État membre où était établie l’entreprise bénéficiaire concernée. Ainsi, si la Commission établissait que le régime en cause octroyait une aide illégale à ses bénéficiaires, elle devait en ordonner la récupération, la charge fiscale des autres entreprises du groupe auquel la requérante appartenait étant dépourvue de toute pertinence à cet égard.

203 Ensuite, il y a lieu de constater que, d’une part, les bénéfices exonérés sur le fondement du régime en cause étaient des bénéfices générés par l’entité belge du groupe.

204 D’autre part, au considérant 203 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’argument du Royaume de Belgique selon lequel la récupération pourrait conduire à une double imposition, en retenant, en substance, que l’exonération des bénéfices excédentaires résultait d’un ajustement unilatéral qui n’était pas corrélatif et que, dès lors, en l’absence d’ajustement primaire corrélatif, il ne pouvait pas y avoir de double imposition. Or, les arguments de la requérante ne remettent nullement en cause de tels constats.

205 En tout état de cause, à supposer même que, comme elle le prétend, les bénéfices de la requérante exonérés en Belgique soient doublement imposés du fait de la récupération ordonnée par la décision attaquée et de leur imposition dans un autre pays, ce que la requérante n’a par ailleurs pas démontré, cela résulterait de sa situation individuelle et ne serait pas une caractéristique générale du régime en cause. Une telle circonstance ne serait donc pas susceptible de remettre en cause la constatation de l’existence d’un régime d’aides illégal et l’ordre de récupération qui y est afférent.

206 Il s’ensuit que les allégations de la requérante tenant au fait que le groupe multinational auquel elle appartient fait déjà l’objet d’une double imposition et que la récupération ne ferait que l’augmenter de manière considérable sont inopérantes.

207 Partant, il convient d’écarter le neuvième moyen de la requérante, selon lequel la récupération de l’aide conduirait automatiquement à une double imposition de ses bénéfices.

208 Tous les moyens soulevés par la requérante ayant été écartés, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

209 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)   Le recours est rejeté.

 

2)   St. Jude Medical Coordination Center (SJM Coordination Center) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.