ADLC, 26 septembre 2023, n° 23-D-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vergé
Rapporteurs :
Mme Cheikh-Braun, M. Baudin
Rapporteur général :
M. Baudin
Membres :
Mme Cabanis, M. Mano
L’Autorité de la concurrence (section III),
Vu la décision n° 20-SO-06 du 8 décembre 2020 enregistrée sous le numéro 20/0115 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des jeux de hasard ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu les observations présentées par la Confédération nationale des buralistes de France et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants de la Confédération nationale des buralistes de France et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 25 mai 2023 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») sanctionne la Confédération nationale des buralistes de France (ci-après, « la CNBF ») pour des pratiques d’entente dans le secteur de la distribution des jeux de hasard.
En 2016, dans un contexte de tensions entre la Française des Jeux (ci-après, « la FDJ »), chargée par décret de l’exploitation et de l’organisation des jeux de grattage et de tirage, et les buralistes, responsables de la distribution de ces jeux, la CNBF a cherché à faire obstacle à l’ouverture de points de distribution alternatifs des jeux de hasard chez les fleuristes sous enseigne « Florajet », que prévoyait un partenariat conclu entre la FDJ et la société Réseau Fleuri.
À cette fin, elle a engagé et organisé des opérations de boycott de la validation des jeux de la FDJ, opérations relayées au niveau local par des fédérations régionales et chambres syndicales de buralistes. Elle a notamment organisé le boycott du lancement, le 27 septembre 2016, d’une nouvelle formule du jeu « EuroMillions ».
La CNBF s’est ainsi attachée à évincer de potentiels concurrents des buralistes, pour l’activité de distribution de jeux de hasard pour le compte de la FDJ, aux moyens de pratiques de boycott d’une particulière gravité.
En conséquence, l’Autorité lui a infligé une sanction pécuniaire de 750 000 euros pour la période des pratiques en cause, s’étendant du 23 août au 27 septembre 2016.
L’Autorité lui a enfin enjoint de publier, sur la page d’accueil de son site internet ainsi que dans une lettre d’information adressée à ses adhérents, le résumé de la présente décision.
I. Constatations
A. LA PROCEDURE
1. Par lettre du 30 mars 2017, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après, « DGCCRF ») a transmis au rapporteur général de l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») un projet d’enquête relatif à des pratiques susceptibles d’enfreindre l’article L. 420-1 du code de commerce sur le marché des jeux de hasard, mises en œuvre en 2016 par la Confédération nationale des buralistes de France (ci-après, « CNBF »).
2. Par décision n° 20-SO-06 du 8 décembre 2020, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques dans le secteur de la distribution des jeux de hasard2.
3. Le rapporteur général a décidé que l’affaire serait examinée par l’Autorité sans établissement préalable d'un rapport3, par décision du 14 février 2022 prise en application de l’article L. 463-3 du code de commerce.
4. Conformément aux dispositions mentionnées ci-dessus, une notification de grief a été envoyée à la CNBF le 21 février 20224.
B. LE SECTEUR ET LES ACTEURS CONCERNES
1. LA FRANÇAISE DES JEUX
5. Par dérogation au principe d’interdiction des loteries, prévu par l’article 1er de la loi du
21 mai 1836, codifié à l’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure entre le
1er mai 2012 et le 1er janvier 2020, un décret du 9 novembre 19785 confie l’organisation et l’exploitation des jeux de loterie à une entreprise publique constituée sous forme de société anonyme, dénommée « La Française des jeux » (ci-après, « FDJ »).
6. La FDJ a réalisé un chiffre d’affaires de 14,3 milliards d’euros en 20166. Les activités de loterie (jeux de grattage, de tirage, de points de vente et de loterie interactive) représentaient 82,5 % des mises, soit l’essentiel de son activité, contre 17,5 % pour les paris sportifs.
7. La FDJ assure la distribution de ses produits via un réseau de points de vente physiques (31 110 en 2016), exploités par des détaillants ayant la qualité de commerçants indépendants7. Il s’agit pour l’essentiel de buralistes, lesquels représentaient 76 % du chiffre d’affaires global de la FDJ en 2016. L’agrément des points de vente est accordé par la FDJ à un niveau régional via un responsable de secteur8 (anciennement courtier-mandataire9).
2. LA CONFEDERATION NATIONALE DES BURALISTES DE FRANCE
8. La CNBF, constituée sous la forme juridique d’un syndicat patronal, est l’unique organisation professionnelle nationale représentative des buralistes. Ses adhérents directs sont les chambres syndicales départementales, regroupant des buralistes débitants de tabac.
Elles sont regroupées au sein de 16 fédérations régionales10 : Alsace-Moselle, Auvergne-Forez, Bourgogne, Bretagne, Centre-Ouest, Centre Sud-Est, Centre-Val de Loire, Dauphiné-Savoie, Est, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Nord, Normandie-Maine, Ouest, Méditerranée et Sud-Ouest.
9. Parmi celles-ci, la fédération régionale des buralistes d’Ile-de-France regroupe quatre chambres syndicales départementales : la chambre syndicale de la région de Paris (qui couvre les départements de Paris, de la Seine-et-Marne, des Yvelines, de l’Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne et du Val-d’Oise), les deux chambres syndicales de Seine-Maritime (région du Havre et région de Rouen) et la chambre syndicale de l’Oise11.
10. Le contexte économique est marqué par une diminution continue à la fois du revenu des buralistes et de leur nombre. Le nombre de bureaux de tabac est ainsi passé de 1 pour 1 800 habitants en 2004 à 1 pour 2 600 habitants en 201612.
3. LA SOCIETE RESEAU FLEURI (ENSEIGNE « FLORAJET »)
11. La société Réseau Fleuri exploite sous l’enseigne Florajet un réseau de télétransmission florale qui comptait 7 500 artisans fleuristes adhérents dans toute la France en 2016. Ces derniers sont des entreprises indépendantes de la tête du réseau et peuvent y adhérer sans exclusivité. Le chiffre d’affaires de la société Réseau Fleuri était de 35 millions d’euros en 201613.
12. Entre le 1er septembre 2013 et le 30 juin 2016, la société Réseau Fleuri a développé avec la FDJ des relations contractuelles autorisant la vente, via le site internet de la société, d’un bouquet additionné de jeux à gratter14, dit « Bouquet Chance ».
13. Le 2 décembre 2015, la FDJ et la société Réseau Fleuri ont conclu un contrat de partenariat visant à permettre à plusieurs adhérents fleuristes du réseau Florajet de distribuer certains jeux à gratter et jeux de tirage (grilles du Loto, de l’EuroMillions et du Keno). La société Réseau Fleuri en a informé les adhérents du réseau Florajet à travers un communiqué publié dans le magazine « Florajet Mag » en juillet 2016.
C. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. LE CONTEXTE DE TENSIONS ENTRE LES BURALISTES ET LA FDJ
14. L'agrément par la FDJ de points de vente extérieurs au réseau des buralistes a été à l’origine de tensions croissantes avec ceux-ci.
15. Le 13 avril 2016, lors d’une réunion du conseil d’administration de la CNBF, son vice-président, président de la commission Jeux, a évoqué les interrogations relatives à « la politique d’implantation et de création des points de ventes FDJ » et aux « ‘‘tests’’ réalisés avec Franprix, Total ou encore Florajet » et a indiqué être « convenu avec la FDJ de l'intérêt de renforcer notre dialogue et nos échanges afin de régler le plus en amont possible les éventuels litiges ou malentendus susceptibles de survenir dans le cadre de notre partenariat »15.
16. Le procès-verbal de la réunion de la commission Jeux du 2 juin 2016 précise que les questions concernaient notamment « les créations de points de vente à proximité d’un détaillant déjà installé » et « les cas de créations en galeries marchandes ou des points de vente ‘‘exotiques’’ »16. Ces derniers correspondent aux points de vente de produits de la FDJ hors bar-tabac-presse, à l’instar des fleuristes, ainsi que l’ont indiqué la directrice du pôle administratif et financier et le directeur juridique de la CNBF lors de leur audition le 10 juillet 2019 par les services d’instruction de l’Autorité17.
17. Le 8 juin 2016, le conseil d’administration de la CNBF a discuté de la possibilité de coordonner une action à l’encontre de la FDJ. À la suite de l’intervention d’un membre du conseil d’administration demandant : « [q]uand allons-nous mettre quelque chose en place contre la FDJ ? », le président de la CNBF a indiqué qu’« [a]vant de mener une action, de bouger, il faut savoir quand, comment, pourquoi. »18
18. Les 13 et 14 juin 2016, un séminaire des présidents des chambres syndicales départementales, animé par le président de la CNBF19, les a conduits à échanger sur les « futures actions à venir contre la Française des Jeux », ainsi que le rapporte le compte-rendu de la réunion du conseil d’administration de la chambre syndicale des buralistes du Rhône du 1er septembre 201620.
19. Durant l’été 2016, les présidents des chambres syndicales de l’Aude21 et du Rhône22 ont envoyé à leurs adhérents des courriers visant à les mobiliser sur le projet de partenariat entre la FDJ et Florajet et leur demandant d’identifier les fleuristes à proximité de leurs bureaux de tabac. D’autres présidents de chambres syndicales se sont adressés directement aux adhérents du réseau Florajet : le président de la chambre syndicale de l’Allier en leur transmettant un courrier23 ; la présidente de la chambre syndicale de l’Hérault par l’intermédiaire d’un article publié sur le site www.lemondedutabac.com, dans laquelle elle indique : « [n]ous demandons à nos collègues fleuristes de bien réfléchir avant d’accepter ce partenariat »24.
2. L’ORGANISATION AU NIVEAU NATIONAL D’OPERATIONS RELAYEES AU NIVEAU LOCAL
20. Le 23 août 2016, le comité de direction de la CNBF a échangé sur l’« [a]ffaire Florajet ».
Le président de la CNBF a débuté cet échange en affirmant : « [i]l faut que nous fassions une action très dure contre la FDJ », avant de préciser : « [i]l va falloir planter leur nouveau jeu, qui sort courant septembre. »25
21. Le secrétaire général de la CNBF, également président de la Fédération Sud-Ouest et président de la chambre syndicale du Lot-et-Garonne, a réagi en indiquant : « [i]l faut mettre cette action en place et la faire voter au CA, ou au Séminaire de Rentrée. »26
a) Le boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions du 27 septembre 2016
22. Le 6 septembre 2016, le bureau de la fédération régionale des buralistes d’Ile-de-France a pris la décision, à l’unanimité, d’annoncer dans les médias le boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions, dont le premier tirage national était prévu le 27 septembre 2016, et de relayer cette annonce auprès des adhérents, en réaction au partenariat entre Florajet et la FDJ27.
23. Le 7 septembre 2016, lors du conseil d’administration de la CNBF, le président de la CNBF a souligné, au sujet des relations entre Florajet et la FDJ, la nécessité « [d’]aller plus fort, [de] taper du poing sur la table »28. Le président de la fédération régionale des buralistes d’Ile-de-France a mentionné, à cette occasion, la décision de boycott prise la veille par le bureau de sa fédération. Il a précisé pouvoir faire publier un article dans le quotidien Le Parisien du vendredi suivant, en vue d’alerter les buralistes sur le boycott, en soulignant, à l’endroit des membres présents « [j]e ne le ferai pas sans votre accord. »29. Le président de la CNBF a indiqué en réponse pouvoir « très bien imaginer de lancer un mot d’ordre général », précisant que « les initiatives locales ne me gênent pas », et affirmant : « que ce soit n’importe quelle opération, il va falloir monter en puissance au niveau du réseau »30.
24. À la suite de cette réunion de la CNBF, l’appel au boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions a été explicitement relayé par plusieurs responsables syndicaux. Leurs interventions sont récapitulées dans le tableau ci-dessous.
Responsable concerné | Nature de l’intervention | Date
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Président de la Fédération Ile-de-France
| Intervention dans les médias (RTL, France Inter, Le Parisien) et sur les réseaux sociaux pour relayer l’appel au boycott31. Envoi à l’ensemble des buralistes de la Fédération, ainsi qu’aux présidents départementaux de la CNBF, d’un courrier relayant l’appel au boycott32ainsi que d’une affiche visant à présenter cette décision aux clients avec les mentions « Jeux chez les fleuristes, Trop, c’est Trop… Votre buraliste boycotte la nouvelle formule de l’Euromillions » et « Pas de validation le 27 septembre 2016 »33.
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7 septembre 2016
13 septembre 2016
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Président de la chambre syndicale de Seine-Maritime
| Article de presse paru sur le site internet d’un journal local (Le Courrier Cauchois), sous le titre « Pays de Caux : les buralistes boycottent la Française des Jeux », indiquant : « tous les buralistes de Seine-Maritime sont appelés à boycotter ce mardi 27 septembre, jour du lancement de la nouvelle formule de l'Euromillions, en ne validant pas les grilles de La Française des Jeux (FDJ) »34.
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23 septembre 2016
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Président de la Fédération Occitanie
| Intervention dans un journal local (La Dépêche du Midi)35 et dans un article d’un site internet spécialisé (www.lemondedutabac.com) pour relayer l’appel au boycott36.
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9 et 10 septembre 2016
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Président de la chambre syndicale du Rhône
| Menace de boycott de l’EuroMillions évoquée à travers trois articles de journaux locaux (MLyon37, Lyon Mag38, Le Progrès39) et un article d’un site internet spécialisé (www.lemondedutabac.com)40. |
9, 11 et 13 septembre 2016
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Président de la chambre syndicale de l’Aube
| Envoi aux buralistes adhérents de la chambre syndicale d’un courrier appelant au boycott41. |
Antérieure au 13 septembre 2016
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25. Le président de la CNBF a affiché son soutien à l’opération dans les médias, comme l’illustrent les propos repris, d’une part, dans un article publié le 22 septembre 2016 sur le site spécialisé www.lemondedutabac.com : « [c]’est incroyable (…) qu’on nous donne un nouveau coup de massue avec cette proposition de la Française des Jeux — qui appartient aux pouvoirs publics — d’aller s’éparpiller dans d’autres points de vente. On n’y comprend rien. C’est pour cela que des actions commencent à se mettre en place. (…) En fonction des avancées des négociations qui vont avoir lieu dans les prochains jours, nous n’écartons pas l’idée de lancer un mot d’ordre national contre la Française des Jeux »42 ; et, d’autre part dans un article le 27 septembre 2016 sur le site internet de France 3 Grand Est : « [o]n nepeut pas admettre que la Française des Jeux, qui est détenue par l'Etat, puisse signer un partenariat avec Florajet pour vendre ce que nous vendons déjà, chez plus de27.000 buralistes. (…) Ce partenariat est un peu la goutte d'eau (…). Si rien ne bouge, nous mènerons des actions en France »43.
26. Postérieurement à l’opération de boycott, le président de la Fédération Ile-de-France a publié dans le magazine « Buralistes » d’octobre 2016, diffusé aux adhérents de sa fédération, un éditorial les remerciant de l’action de boycott du 27 septembre 2016. Dans le même numéro, un communiqué de presse intitulé « Française des Jeux : Florajet fait déborder le vase » indique que « [l]es buralistes parisiens et franciliens ont boycotté la nouvelle formule de l’Euro Millions pour protester contre la concurrence des fleuristes (…). Pendant dix minutes, une heure, une matinée, ou une après-midi, chacun s’est mobilisé comme il a pu en refusant de valider les tickets tout au long de cette journée de protestation [du 27 septembre 2016] »44. Le communiqué évoque une déclaration du président de la CNBF du 28 septembre 2016, à l’occasion d’un séminaire extraordinaire de la profession, selon laquelle « [t]outes les actions sont utiles car elles peuvent peser dans les discussions que nous avons avec le gouvernement pour un nouveau contrat d’avenir »45.
b) Le boycott de la validation des jeux en ligne du 22 septembre 2016
27. Le 18 septembre 2016, les chambres syndicales de la Fédération Est ont décidé ensemble d’appeler leurs adhérents à ne pas valider les jeux en ligne (Loto, Loto sportif et EuroMillions) le jeudi 22 septembre entre dix heures et midi, afin de protester contre le partenariat entre la FDJ et Florajet46. Le président de la Fédération Est, présent lors de la réunion du conseil d’administration de la CNBF du 7 septembre 2016, a annoncé cette décision le lendemain dans un article publié sur un site internet spécialisé (www.lemondedutabac.com)
28. Cette action a été conçue comme une alternative au boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions envisagé pour le 27 septembre 2016. Le président de la Fédération Est affirmé ainsi, dans l’article du 8 septembre 2016 annonçant son action, que « [b]oycotter la validation des jeux pendant deux heures, c’est lourd de signification et plus pénalisant que de ne pas vendre l’Euro Millions le 27 septembre ».
29. Le 26 septembre 2016, le président de cette fédération est revenu sur ce boycott, dans un article publié sur le même site internet spécialisé, en indiquant que « la réaction des clients fut très bonne. Ils ne comprennent pas pourquoi la FDJ cherche un nouveau partenariat »48.
3. L’EXTINCTION DES RELATIONS ENTRE LA FDJ ET LA SOCIETE RESEAU FLEURI
30. Le 6 septembre 2016, le président de la CNBF a rencontré la présidente-directrice générale de la FDJ49.
31. Cette rencontre a été évoquée le 8 septembre 2016 lors d’une réunion du comité de direction de la CNBF. Le secrétaire général de la CNBF a mentionné à cette occasion avoir reçu un SMS du chargé de mission auprès de la direction générale de la FDJ, lui indiquant : « [s]uite à la réunion d’hier, je vous confirme avoir donné l’ordre d’arrêter la promo llliko avec les quelques bouquets Florajet commandés sur Internet et livrés en point de vente »50.
32. Dans un courrier du 9 septembre 2016, la FDJ a indiqué à la société Réseau Fleuri sa volonté de ne pas renouveler le contrat relatif au « Bouquet Chance », lequel avait pris fin le 30 juin 201651.
33. Le même courrier mentionne aussi la « suspension [du] partenariat » entre la FDJ et la société Réseau Fleuri, celui-ci correspondant au partenariat pour la commercialisation des autres produits de la FDJ, conclu par contrat à durée indéterminée le 2 décembre 2015.
34. Selon les déclarations du directeur administratif et financier de la société Réseau Fleuri aux services d’instruction, cette décision de la FDJ est consécutive aux protestations des buralistes : « [c]’est la Française des jeux (FDJ) qui a eu connaissance dans un premier temps du mouvement de protestation national de la part de la fédération des buralistes. La FDJ a décidé de différer la mise en œuvre de ce partenariat qui s’est totalement éteint. Il n’y a donc pas eu de plan de déploiement massif de la part de FDJ dans le réseau Florajet »52.
D. RAPPEL DU GRIEF NOTIFIE
35. Au vu des éléments de fait exposés dans la notification de griefs du 21 février 2022, les services d’instruction ont notifié le grief suivant :
« Il est fait grief à la Confédération Nationale des Buralistes de France d’avoir mis en œuvre une entente visant à limiter la concurrence sur le marché de la distribution des jeux de hasard commercialisés par la FDJ, et ce, en particulier en mettant fin à son partenariat conclu avec le réseau de fleuristes Florajet.
Cette pratique a eu pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de la distribution des produits de la FDJ, en limitant ou en contrôlant la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique, ce qui est prohibé par l’article L. 420-1 du code de commerce et l’article 101, paragraphe 1 du TFUE.
Cette entente a été mise en œuvre du 14 janvier au 22 novembre 2016. »
II. Discussion
36. Seront successivement examinés la compétence de l’Autorité (A), l’applicabilité du droit de l’Union (B), la définition des marchés (C), le bien-fondé du grief notifié (D), l’imputabilité
(E) et les sanctions pécuniaires (F) et non-pécuniaires (G).
A. LA COMPETENCE DE L’AUTORITE
1. PRINCIPES APPLICABLES
37. Ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation53, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Paris relatif à la décision de l'Autorité n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre par l'Ordre des architectes54 : « [s]elon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, si une activité, qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l'exercice de prérogatives de puissance publique, échappe à l'application des règles de concurrence du traité, lorsqu'une organisation comme un ordre professionnel n'exerce pas de prérogatives typiques de puissance publique, elle apparaît comme l'organe de régulation d'une profession dont l'exercice constitue, par ailleurs, une activité économique entrant dans le champ d'application du TFUE (CJUE, 19 février 2002, Wouters e.a., C-309/99,§ 57 et 58) ».
38. Ainsi, l’Autorité est compétente pour connaître des pratiques d’organisations professionnelles, telles que celles des syndicats, dès lors qu’elles ne sont pas la simple manifestation de la défense des intérêts des membres de la profession concernée mais qu’elles constituent, au contraire, une intervention sur le marché et partant, que ceux-ci sont sortis des limites de leur activité syndicale légitime55.
39. Dans une décision n° 20-D-17 du 12 novembre 202056, l’Autorité a rappelé qu’il ressort d’une pratique décisionnelle et d’une jurisprudence constante que « pour trancher la question de la compétence de l’Autorité à l’égard d’actes émanant d’organisations professionnelles, il convient de faire la part entre :
− les comportements qui, parce qu’ils invitent des opérateurs économiques à adopter telle ou telle attitude sur le marché, en particulier sous la forme de mises en garde ou de consignes, constituent une intervention sur un marché ;
− et ceux qui relèvent purement de la défense des intérêts professionnels des membres de l’organisation sans constituer une intervention sur un marché (...) »57.
40. Le Conseil de la concurrence a par ailleurs rappelé que « la défense de la profession par tout syndicat créé à cette fin ne l’autorise nullement à s’engager, ni à engager ses adhérents dans des actions collectives visant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence ou susceptibles d’avoir de tels effets (...) »58.
41. Il découle de ces principes que l’Autorité est compétente pour connaître de pratiques de syndicats, qui, outrepassant le cadre de leurs missions, invitent leurs membres à adopter un certain comportement sur le marché.
2. L’APPRECIATION AU CAS D’ESPECE
42. En l’espèce, il est reproché à la CNBF d’avoir invité ses adhérents à adopter sur le marché un comportement donné, consistant à boycotter la validation de jeux de la FDJ, dans l’objectif de mettre fin aux relations entre la FDJ et la société Réseau Fleuri.
43. Cette pratique de la CNBF, qui ne s’inscrit pas dans le cadre de sa mission de défense des intérêts de ses membres, constitue une intervention sur le marché qui relève de la compétence de l’Autorité, ce que ne conteste pas la CNBF dans ses observations en réponse à la notification de grief.
B. L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
1. PRINCIPES APPLICABLES
44. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et la communication de la Commission européenne portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après, « TFUE »)59, trois éléments doivent être établis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union :l’existence d’un courant d’échanges entre les États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
45. Concernant le deuxième élément, il est précisé aux paragraphes 78 et 79 des lignes directrices, que : « [l]es ententes horizontales couvrant l’ensemble d’un État membre sont normalement susceptibles d’affecter le commerce entre États membres. Du reste, les juridictions communautaires considèrent souvent que l’entente qui s’étend à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité. La capacité qu’ont ces accords de cloisonner le marché intérieur est due au fait que, normalement, les entreprises qui participent à des ententes dans un seul État membre doivent se protéger contre les concurrents d’autres États membres. Si elles ne le font pas et si le produit concerné par l’accord est commercialisable, l’entente risque d’être affaiblie par la concurrence d’entreprises d’autres États membres ».
46. Dans le cas d’ententes s’étendant à l’intégralité ou à la vaste majorité du territoire d’un État membre, le Tribunal de première instance des Communautés européennes (devenu Tribunal de l’Union européenne, ci-après, le « Tribunal »), dans un arrêt du 14 décembre 2006, a jugé « qu’il existe, à tout le moins, une forte présomption qu’une pratique restrictive de la concurrence appliquée à l’ensemble du territoire d’un État membre soit susceptible de contribuer au cloisonnement des marchés et d’affecter les échanges intracommunautaires. Cette présomption ne peut être écartée que si l’analyse des caractéristiques de l’accord et du contexte économique dans lequel il s’insère démontre le contraire »60. Sur pourvoi, la Cour de justice a précisé à cet égard que : « (...) le fait qu’une entente n’ait pour objet que la commercialisation des produits dans un seul État membre ne suffit pas pour exclure que le commerce entre États membres puisse être affecté. En effet, une entente s’étendant à l’ensemble du territoire d’un État membre a, par sa nature même, pour effet de consolider des cloisonnements de caractère national, entravant ainsi l’interpénétration économique voulue par le traité CE »61.
47. La circonstance que des ententes ou abus de position dominante ne soient commis que sur le territoire d’un seul État membre ne fait pas obstacle à ce que les deux premières conditions soient remplies. À cet égard, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31 janvier 2012, que les termes « susceptibles d’affecter » énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE « supposent que l’accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d’un ensemble d’éléments objectifs de droit ou de fait, d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d’un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire »62.
48. Enfin, s’agissant du troisième élément, la Cour de cassation a jugé, dans ce même arrêt, que « le caractère sensible de l’affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d’un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause »63.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
49. En premier lieu, le courant d’échanges entre États membres, pour l’activité de distribution de jeux de hasard pour le compte de la FDJ, peut se traduire par la volonté d’opérateurs économiques ressortissants d’un autre État membre, actifs sur ce marché, de venir s’établir sur le territoire national. Dès lors que les pratiques en cause sont de nature à désinciter un tel établissement, la condition relative à l’existence d’un courant d’échanges doit être regardée comme remplie.
50. En deuxième lieu, les pratiques constatées ont couvert l’ensemble du territoire national (voir les paragraphes 20 et suivants ci-avant). Elles sont donc susceptibles d’avoir affecté, au moins potentiellement, le commerce entre États membres en contribuant à cloisonner le marché national, entravant ainsi le développement des échanges au sein du marché intérieur.
51. En troisième lieu, s’agissant du caractère sensible de cette affectation, les pratiques constatées ont été élaborées et mises en œuvre par une instance à compétence nationale, présente sur l’ensemble du territoire français via ses 113 fédérations départementales etre présentant plus de 20 000 buralistes64. Elles ont été mises en œuvre à l’encontre de la société Réseau Fleuri, deuxième réseau de transmission florale en France (en valeur) et qui compte le plus grand nombre de point de vente adhérents65. Elles sont donc susceptibles d’affecter, au moins potentiellement, le commerce entre États membres de manière sensible.
52. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques litigieuses doivent être examinées au regard du droit de la concurrence de l’Union et du droit national et respectivement des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce, ce que ne conteste pas la CNBF.
C. SUR LE MARCHE PERTINENT
1. PRINCIPES APPLICABLES
53. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause, la Commission rappelle « [qu’]un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »66.
54. Au niveau national, l’Autorité estime que « [l]e marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (...) Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »67.
55. Néanmoins, il ressort de la jurisprudence de l’Union que « l’obligation d’opérer une délimitation du marché en cause dans une décision adoptée en application de l’article 81 CE s’impose à la Commission uniquement lorsque, sans une telle délimitation, il n’est pas possible de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause est susceptible d’affecter le commerce entre États membres et a pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun »68.
56. Cette appréciation a été partagée par le Conseil puis l’Autorité de la concurrence qui, lorsque « les pratiques (...) sont recherchées au titre de la prohibition des ententes », estiment qu’« il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d’abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre »69.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
57. La pratique décisionnelle du Conseil et de l’Autorité a identifié en tant que marché distinct, à dimension nationale, le marché « des jeux organisés et commercialisés par la FDJ », dont relèvent les jeux de grattage et de tirage70.
58. Sur ce marché, les pratiques en cause – qui sont de dimension nationale – ne concernent que l’activité de distribution des jeux via un réseau de points de vente physiques. Ces pratiques étant examinées au titre de la prohibition des ententes, l’Autorité considère, conformément à la pratique décisionnelle rappelée au paragraphe 56 ci-avant, que la délimitation du marché opérée en l’espèce par les services d’instruction, au demeurant non contestée, est suffisante pour qualifier les pratiques constatées et pour les imputer à la CNBF.
D. SUR LE BIEN-FONDE DU GRIEF NOTIFIE
59. Le grief imputé à la CNBF est constitué par une pratique d’association d’entreprises contraire au droit de la concurrence. Seront successivement étudiés l’existence d’un accord de volontés (1), le caractère anticoncurrentiel (2) et la durée (3) des pratiques.
1. EN CE QUI CONCERNE L’ACCORD DE VOLONTES
a) Principes applicables
60. Les articles 101, paragraphe 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce prohibent les ententes, pratiques concertées et décisions d’association d’entreprises restrictives de concurrence qui résultent d’accords de volontés entre entités autonomes.
61. S’agissant des pratiques mises en œuvre par des organismes collectifs (syndicats, associations, ordres professionnels, etc.), la Cour de cassation a jugé, par un arrêt de principe du 16 mai 200071, que ces organismes représentent « la collectivité de [leurs] membres et (...) [qu’]une pratique susceptible d’avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en œuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente, au sens de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, entre ses membres ».
62. Il ressort d’une jurisprudence constante que ce type d’entente peut résulter de tout acte émanant des organes d’un groupement professionnel, tel qu’un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire. En effet, « l’élaboration et la diffusion, à l'initiative d'un syndicat professionnel, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents peuvent (...) constituer une entente, une action concertée contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence »72.
63. Ainsi, les organismes professionnels peuvent être sanctionnés pour des pratiques qui, bien que d’apparence unilatérale, constituent en réalité des ententes en ce qu’elles expriment la volonté collective de leurs membres. Ce principe a été rappelé par l’Autorité dans la décision n° 18-D-06 du 23 mai 201873, qui énonce que « les décisions des organismes collectifs, bien que se présentant comme des actes unilatéraux, résultent d’un accord de volonté de leurs membres et sont, à ce titre, susceptibles de relever des règles de prohibition des ententes ».
64. En droit de l’Union, ce type d’infraction constitue une décision d’association d’entreprises.
65. Cette notion concerne « les formes institutionnalisées de coopération, c’est-à-dire les situations où les opérateurs économiques agissent par l’intermédiaire d’une structure collective ou d’un organe commun »74.
66. Une telle qualification requiert que l’association soit composée d’entreprises75 ou d’associations d’entreprises76. En outre, la décision en cause doit constituer l’expression fidèle de la volonté de l’association de coordonner le comportement de ses membres sur le marché77. En d’autres termes, la décision doit constituer « l’expression de la volonté de représentants des membres d’une profession tendant à obtenir de ceux-ci qu’ils adoptent un comportement déterminé dans le cadre de leur activité économique »78.
67. La preuve des accords et pratiques concertées peut résulter soit de preuves se suffisant à elles-mêmes, soit d’un faisceau d’indices constitué par le rapprochement de divers éléments recueillis en cours d’instruction, qui peuvent être tirés d’un ou plusieurs documents ou déclarations et qui, pris isolément, peuvent ne pas avoir un caractère probant79. Les juridictions nationales ont confirmé la valeur probatoire d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants80.
b) Application au cas d’espèce
68. La CNBF est une confédération dont les adhérents directs sont les chambres syndicales départementales qui regroupent les buralistes débitants de tabac, dont il n’est pas contesté qu’il s’agit d’entreprises au sens du droit de la concurrence. Dès lors, la CNBF doit être qualifiée d’association d’associations d’entreprises.
69. Comme il a été relevé aux paragraphes 20 et suivants, cet organisme a pris position à deux reprises, à partir du mois d’août 2016, contre la commercialisation de jeux par les fleuristes adhérents du réseau Florajet, dans un contexte de tensions croissantes avec la FDJ.
70. Les pratiques que la CNBF a mises en œuvre ont essentiellement consisté en des actions de communication appelant au boycott des jeux de la FDJ, dont l’EuroMillions, engagées à l’initiative du comité de direction du 23 août 201681, initiative confirmée lors du conseil d’administration du 7 septembre 2016. Ces actions de communication ont été largement diffusées auprès des buralistes grâce à diverses interventions de présidents de fédérations régionales et de présidents de chambres syndicales, lesquelles ont pris plusieurs formes complémentaires : prises de parole dans les médias, publications réalisées sur un site internet spécialisé, ou encore envois de courriers à des buralistes adhérents. Le boycott lui-même a pris des formes diverses :
− boycott de la validation de l’EuroMillions le mardi 27 septembre 2016 dans la plupart des fédérations régionales ;
− boycott de la validation des jeux en ligne (Loto, Loto sportif et EuroMillions) le jeudi 22 septembre 2016 entre dix heures et midi dans la Fédération Est.
71. Conformément aux principes rappelés aux paragraphes 60 à 67 de la présente décision, ces pratiques sont considérées en droit de la concurrence comme des ententes, constitutives de décisions d’association d’entreprises au sens de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, en ce qu’elles résultent de l’expression de la volonté commune de l’ensemble des membres qui composent le syndicat et cherchent à obtenir de ceux-ci un comportement déterminé dans le cadre de leur activité, à savoir le boycott de jeux de la FDJ, dans l’objectif de mettre fin aux relations entre la FDJ et la société Réseau Fleuri.
72. Alors que la CNBF fait valoir dans ses observations qu’elle n’aurait jamais « exprimé son accord quant au boycott du tirage de l'Euro Millions de la FDJ du 27 septembre 2016 »82, il résulte du compte-rendu de la réunion de son comité de direction du 23 août 201683 qu’elle a clairement pris position, à cette occasion, en faveur d’une « action très dure contre la FDJ », mentionnant la nécessité de « planter leur nouveau jeu, qui sort courant septembre ».
73. Si la CNBF fait valoir que ces propos, tenus par le président de la CNBF et par son secrétaire général, avaient un caractère « purement interne », dès lors que les représentants élus des instances syndicales locales ne participaient pas à la réunion du comité de direction, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que puisse être identifiée une prise de position de la CNBF lors de cette réunion, au demeurant non démentie lors de la réunion du conseil d’administration du 7 septembre 2016.
74. Il ressort en effet du compte-rendu de la réunion du 7 septembre 2016, au cours de laquelle l’opération de boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions a de nouveau été évoquée par le président de la fédération Ile-de-France, que le président de la CNBF ne s’en est pas distancié publiquement, indiquant même : « les initiatives locales ne me gênent pas »84.
75. Ces propos attestent d’autant plus de la position de la CNBF en faveur du boycott qu’ils émanent de son président, qui les a tenus au sein même du conseil d’administration de la CNBF, alors qu’il était de son devoir d’informer ses membres du fait que de tels agissements pouvaient constituer des pratiques anticoncurrentielles.
76. Antérieurement et postérieurement aux boycotts en question, le président de la CNBF a en outre affiché son soutien à l’opération dans les médias, comme le démontrent les propos qu’il a tenus à ce sujet, rapportés dans Le buraliste85, sur le site internet de France 3 Grand Est86 et sur le site internet www.lemondedutabac.com87.
77. En tout état de cause, il découle de la jurisprudence que « l’approbation tacite d’une initiative illicite, sans se distancer publiquement de son contenu ou la dénoncer aux entités administratives, a pour effet d’encourager la continuation de l’infraction et compromet sa découverte. Cette complicité constitue un mode passif de participation à l’infraction qui est donc de nature à engager la responsabilité de l’entreprise dans le cadre d’un accord unique »88.
78. Ainsi, contrairement à ce que soutient la CNBF, l’initiative des pratiques en cause ne saurait être reprochée à la seule fédération régionale d’Ile-de-France. La décision de cette fédération, intervenue le 6 septembre 2016, d’annoncer dans les médias le boycott de la nouvelle formule de l’EuroMillions est en tout état de cause postérieure à la réunion du comité de direction de la CNBF du 23 août 2016. La circonstance qu’un encart publicitaire relatif à l’EuroMillions ait figuré dans un magazine édité par la CNBF en octobre 2016, postérieurement à l’opération de boycott du 27 septembre 2016, ne saurait davantage remettre en cause, au regard des éléments exposés, l’accord de volontés relevé ci-dessus.
79. Il résulte de ce qui précède que l’accord de volontés des membres de la CNBF est établi.
2. EN CE QUI CONCERNE LE CARACTERE ANTICONCURRENTIEL DES PRATIQUES
a) Principes applicables
Sur l’existence d’un objet ou d’un effet anticoncurrentiel
80. Les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du code de commerce distinguent les pratiques qui restreignent la concurrence en raison de leur « objet » ou de leurs « effets » nocifs.
81. Il résulte de la jurisprudence interne et européenne que l’objet et l’effet anticoncurrentiels de telles pratiques sont des conditions alternatives pour apprécier si celles-ci peuvent être sanctionnées.
82. S’agissant de la notion de restriction par objet, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’il convient, « afin d’apprécier si un accord entre entreprises ou une décision d’association d’entreprises présente un degré suffisant de nocivité pour être considéré comme une restriction de concurrence «par objet» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a lieu également de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question »89.
Sur les pratiques de boycott
83. S’agissant en particulier des pratiques en cause, la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationale définissent le boycott comme « une action délibérée en vue d’évincer un opérateur du marché »90. Pour caractériser l’existence d’un boycott, il est donc nécessaire de caractériser l’existence d’une volonté d’éviction91.
84. De même, selon la pratique décisionnelle et la jurisprudence, l’interdiction générale des pratiques de boycott englobe également les consignes d’appel au boycott diffusées par des syndicats ou organismes professionnels92.
85. Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que cette pratique, « compte tenu de sa gravité, devait être sanctionnée même si elle n’avait eu qu’un effet limité »93. L’Autorité a également récemment rappelé que « des pratiques consistant à empêcher un ou plusieurs opérateurs économiques d’exercer librement leur activité sur un marché en déployant des comportements en vue de leur éviction constituent des pratiques anticoncurrentielles par objet, leurs effets étant sans conséquence sur leur qualification »94. S’agissant des pratiques de boycott, elle a expressément relevé qu’elles avaient, « par nature, un objet anticoncurrentiel »95.
b) Application au cas d’espèce
86. La CNBF, sans remettre en cause le caractère anticoncurrentiel par objet des pratiques de boycott, conteste avoir exercé des pressions auprès de la FDJ ou des fleuristes adhérents du réseau Florajet.
87. Toutefois, les opérations de boycott de jeux organisées à son initiative, dans un contexte d’opposition à l’ouverture de nouveaux points de vente de jeux, dits points de vente « exotiques », visaient explicitement à inciter la FDJ à mettre fin à ses relations avec la société Réseau Fleuri.
88. Ainsi l’échange du 26 août 2016, au cours duquel a été évoquée la nécessité de « planter [le]nouveau jeu [de la FDJ], qui sort courant septembre », portait sur l’« [a]ffaire Florajet »96selon les termes du compte-rendu de la réunion. De même, les propos tenus lors du conseil d’administration du 7 septembre 2016 par lesquels le président de la CNBF a souligné la nécessité d’« aller plus fort, taper du poing sur la table »97 portaient sur les relations entre la société Réseau Fleuri et la FDJ. Enfin, ainsi qu’il a été décrit aux paragraphes 20 et suivants, les opérations de boycott ont été relayées par des adhérents de la CNBF qui se sont référés sans ambiguïté à la volonté de protester contre la vente de jeux de hasard dans les enseignes Florajet.
89. L’intention de la CNBF de faire obstacle à la distribution de jeux de la FDJ par le réseau de fleuristes sous enseigne Florajet, telle qu’elle ressort des éléments du dossier rappelés aux paragraphes 20 et suivants, est manifeste.
90. La CNBF fait valoir que la FDJ aurait, postérieurement aux pratiques en cause, continué de contracter avec de nouveaux fleuristes. Toutefois, cette circonstance, à la supposer vérifiée, n’est pas de nature à contredire l’existence de pressions exercées par la CNBF sur la FDJ en vue d’évincer la société Réseau Fleuri du marché de la distribution des jeux de hasard et le caractère anticoncurrentiel par objet des pratiques de boycott.
91. Il découle en effet de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 80 et suivants ci-avant que, s’agissant d’une infraction par objet, il est indifférent que les effets escomptés du boycott ne se soient pas matérialisés.
92. À titre surabondant, il sera relevé que les relations entre la FDJ et la société Réseau Fleuri ont été suspendues le 9 septembre 2016, soit très peu de temps après la réunion du conseil d’administration de la CNBF au cours de laquelle les pratiques en cause ont été discutées, pour ne jamais reprendre postérieurement aux opérations de boycott.
93. Il ressort de ce qui précède que les pratiques de la CNBF ont consisté à empêcher la société Réseau Fleuri d’exercer librement son activité sur le marché de la distribution des jeux de hasard en déployant des comportements en vue de son éviction – en l’espèce, des opérations de boycott de jeux visant à faire pression sur la FDJ. Le caractère anticoncurrentiel par objet des pratiques en cause doit donc être regardé comme établi.
3. EN CE QUI CONCERNE LA DUREE DES PRATIQUES
94. Afin de déterminer la durée d'une infraction aux règles du droit de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s'est écoulée entre la date de début des pratiques et la date à laquelle il y a été mis fin98.
95. En l’espèce, la date de début des pratiques peut être fixée au 23 août 2016, date de la réunion du comité de direction de la CNBF au cours de laquelle a été évoquée l’« [a]ffaire Florajet »et ont été envisagées les pratiques reprochées.
96. Ces pratiques ont donc débuté le 23 août 2016 et ont perduré jusqu’au 27 septembre 2016, date de la seconde opération de boycott organisée à l’encontre de la FDJ.
E. SUR L’IMPUTABILITE
97. Il ressort d’une jurisprudence constante que les griefs doivent être notifiés à une personne juridique pouvant être tenue responsable de l’infraction au droit de la concurrence99.
98. En l’espèce, l’article L. 2132-1 du code du travail prévoit que « [l]es syndicats professionnels jouissent de la personnalité civile », de sorte que la CNBF, organisation syndicale reconnue représentative au sens de l’article L. 2151-1 du code du travail, dispose de la personnalité juridique.
99. Par ailleurs, la CNBF est inscrite au répertoire SIRENE en tant que « syndicat patronal »100, forme d’association à laquelle l’article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association reconnaît la personnalité morale.
100. Dans ces conditions, les pratiques de la CNBF doivent lui être imputées en tant qu’auteur de l’infraction.
F. SUR LA SANCTION PECUNIAIRE
1. EN CE QUI CONCERNE L’ADOPTION D’UNE METHODE FORFAITAIRE
a) Méthode applicable de détermination des sanctions
101. Le I de l’article L. 464-2 du code de commerce habilite l’Autorité à imposer des sanctions pécuniaires aux entreprises et aux associations d’entreprises mettant en œuvre des pratiques anticoncurrentielles prohibées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce.
102. Dans la mesure où les pratiques en cause ont pris fin le 27 septembre 2016 – soit antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 – il convient de faire application des dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce selon lesquelles « Si le contrevenant n’est pas une entreprise, le montant maximum de la sanction est de 3 millions d’euros. (…) » (voir l’article 6 de l’ordonnance du 26 mai 2021 précitée).
103. Le grief ayant été notifié à la CNBF le 21 février 2022, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, sont applicables à la présente procédure, aux termes de l’article 6 de cette ordonnance, les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce selon lesquelles « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. »
104. L’Autorité apprécie, en principe, les critères légaux rappelés ci-avant selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après, « communiqué sanctions »). Elle peut toutefois, « après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, décider de s’en écarter, en motivant ce choix. » (Paragraphe 6 du communiqué sanctions).
105. S’agissant des organismes professionnels qui se bornent à représenter les intérêts de leurs membres actifs sur le ou les marchés concernés et qui ne disposent pas, dès lors, d’un chiffre d’affaires ou d’une valeur des ventes en relation avec le produit ou le service concerné par les pratiques, l’Autorité a déjà considéré que « sa sanction pécuniaire doit être déterminée selon des modalités propres au cas d’espèce »101.
b) Application au cas d’espèce
106. La CNBF, en tant que syndicat, ne réalise aucun chiffre d’affaires correspondant à des prestations de services relevant de la distribution de jeux de hasard pour le compte de la FDJ.
107. En conséquence, l’Autorité déterminera le montant des sanctions pécuniaires applicables dans la présente affaire selon un mode de fixation forfaitaire prenant en compte les circonstances propres au cas d’espèce, conformément au paragraphe 6 du communiqué sanctions. À cet égard, elle tiendra notamment compte des ressources propres de la CNBF et de la circonstance qu’elle a la possibilité, au-delà de ses ressources immédiatement disponibles, de faire appel à ses membres pour lever les fonds nécessaires au paiement de sa sanction pécuniaire102.
2. EN CE QUI CONCERNE LA DETERMINATION DU MONTANT DE LA SANCTION
108. Ainsi qu’il a été rappelé ci-dessus, d’après le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2, l’Autorité peut infliger des sanctions proportionnées à la gravité des faits reprochés, à la durée de l'infraction, à la situation de l’entreprise ou du groupe auquel elle appartient, et à l’éventuelle réitération de pratiques anticoncurrentielles.
a) La gravité des pratiques
109. La CNBF a cherché à faire obstacle à la distribution de jeux de hasard pour le compte de la FDJ par les fleuristes sous enseigne Florajet. À cette fin, elle a organisé au niveau national des opérations de boycott relayées au niveau local, visant à faire pression sur la FDJ en invitant les buralistes à suspendre la validation de certains jeux, notamment de l’EuroMillions.
110. La gravité particulière de ces pratiques de boycott, qui ont été mises en œuvre par une instance syndicale, est reconnue tant par la pratique décisionnelle103 que par lajurisprudence104.
b) La durée des pratiques
111. Comme il ressort des paragraphes 94 à 96 ci-dessus, l’infraction a été mise en œuvre du 23 août 2016 au 27 septembre 2016, soit sur une durée d’un mois et quatre jours.
c) L’individualisation
112. La CNBF ne peut se prévaloir d’aucune circonstance de nature à atténuer le montant de la sanction. Aucune circonstance aggravante ne sera davantage retenue en l’espèce.
d) Le montant de la sanction
113. Compte tenu de l’ensemble des éléments qui précèdent, l’Autorité inflige une sanction pécuniaire de 750 000 euros à la CNBF. Cette entité n’étant pas une entreprise, le plafond légal fixé par l’article L. 464-2 du code de commerce est de 3 millions d’euros, ainsi que cela a été indiqué au paragraphe 102 ci-dessus. La sanction infligée n’excède pas ce plafond.
G. SUR LES SANCTIONS NON-PECUNIAIRES
114. Aux termes du cinquième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, « l’Autorité de la concurrence peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'elle précise. Elle peut également ordonner l'insertion de la décision ou de l'extrait de celle-ci dans le rapport établi sur les opérations de l'exercice par les gérants, le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise. Les frais sont supportés par la personne intéressée ».
115. Ainsi que l’a jugé la cour d’appel de Paris, « la faculté d’imposer une publication de sa décision, donnée au Conseil de la concurrence [devenu l’Autorité de la concurrence] (…) ajoute à l’exemplarité de la sanction et participe à l’effectivité du respect des règles de la concurrence »105.
116. Afin d’informer les buralistes du caractère prohibé des pratiques sanctionnées dans la présente affaire, il y a lieu d’ordonner la publication dans une lettre d’information adressée à tous les adhérents de la CNBF du résumé de la présente décision figurant ci-après :« Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après, « l’Autorité ») sanctionne la Confédération nationale des buralistes de France (ci-après, « la CNBF ») pour des pratiques d’entente dans le secteur de la distribution des jeux de hasard.
En 2016, dans un contexte de tensions entre la Française des Jeux (ci-après, « la FDJ »), chargée par décret de l’exploitation et de l’organisation des jeux de grattage et de tirage, et les buralistes, responsables de la distribution de ces jeux, la CNBF a cherché à faire obstacle à l’ouverture de points de distribution alternatifs des jeux de hasard chez les fleuristes sous enseigne « Florajet », que prévoyait un partenariat conclu entre la FDJ et la société Réseau Fleuri.
À cette fin, elle a engagé et organisé des opérations de boycott de la validation des jeux de la FDJ, opérations relayées au niveau local par des fédérations régionales et chambres syndicales de buralistes. Elle a notamment organisé le boycott du lancement, le 27 septembre 2016, d’une nouvelle formule du jeu « EuroMillions ».
La CNBF s’est ainsi attachée à évincer de potentiels concurrents des buralistes, pour l’activité de distribution de jeux de hasard pour le compte de la FDJ, aux moyens de pratiques de boycott d’une particulière gravité.
En conséquence, l’Autorité lui a infligé une sanction pécuniaire de 750 000 euros pour la période des pratiques en cause, s’étendant du 23 août au 27 septembre 2016.
L’Autorité lui a enfin enjoint de publier, sur la page d’accueil de son site internet ainsi que dans une lettre d’information adressée à ses adhérents, le résumé de la présente décision. Le texte intégral de la décision de l’Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr ».
117. Par ailleurs, la CNBF rendra accessible sur la page d’accueil de son site internet le texte du résumé de la présente décision.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que la Confédération nationale des buralistes de France a enfreint les dispositions de l’article 101, paragraphe 1 du TFUE, et de l’article L. 420-1 du code de commerce.
Article 2 : Est infligée à la Confédération nationale des buralistes de France, au titre des pratiques visées à l’article 1er, une sanction pécuniaire de 750 000 euros.
Article 3 : Il est enjoint à la Confédération nationale des buralistes de France de communiquer, à ses frais, à l’ensemble de ses adhérents une lettre d’information reprenant le texte figurant au paragraphe 116 de la présente décision. La lettre d’information respectera la mise en forme du texte, qui sera reproduit dans un encadré, en caractères noirs sur fond blanc, sous le titre suivant, en caractères gras de même couleur : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 23-D-09 du 26 septembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des jeux de hasard ». Les caractères du texte et du titre seront d’une hauteur au moins égale à trois millimètres. Le texte pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la présente décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. La CNBF adressera, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Par ailleurs, la CNBF rendra accessible, sur la page d’accueil de son site internet (www.buralistes.fr), dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et pendant une durée de sept jours consécutifs, le texte figurant à la page 2 de cette dernière, par un lien html intitulé « La Confédération nationale des buralistes de France sanctionnée par l’Autorité de la concurrence française », dans une police d’écriture de taille 14. Ce lien pourra être suivi, le cas échéant, de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. La CNBF informera le service de la procédure de la mise en ligne de ce texte le jour même.
NOTES
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cote 2.
3 Cote 2036.
4 Cotes 2041 à 2160.
5 Décret n° 78-1067 du 9 novembre 1978 relatif à l'organisation et à l'exploitation des jeux de loterie autorisés par l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 et de l'article 48 de la loi n° 94-1163 du 29 décembre 1994.
6 https://www.pappers.fr/entreprise/fdj-la-francaise-des-jeux-315065292.
7 Cote 209.
8 https://www.groupefdj.com/fr/detaillants.html.
9 Décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative à des pratiques mises en œuvre par la Française des Jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir.
10 Cote 309.
11 https://www.buralistes.fr/region-de-paris.
12 Cote 10.
13 https://www.pappers.fr/entreprise/reseau-fleuri-388006603.
14 Cotes 45 et 51 à 81.
15 Cotes 405 et 406.
16 Cote 529.
17 Cotes 311 et 312.
18 Cotes 410-438.
19 Cotes 993-995.
20 Cotes 876-880.
21 Cotes 757-759.
22 Cotes 876-880.
23 Cote 451.
24 Cotes 981-983.
25 Cote 557.
26 Cote 557.
27 Cote 283.
28 Cote 448.
29 Cote 449.
30 Le contenu du compte-rendu du conseil d’administration de la Confédération nationale du
7 septembre 2016 a été validé lors de la réunion suivante du conseil d’administration du
25 octobre 2016 – cf. cote 469.
31 Cotes 286-296.
32 Cote 295.
33 Cote 296.
34 Cotes 794-795.
35 Cote 33.
36 Cote 782.
37 Cote 155.
38 Cote 779.
39 Cotes 158-159.
40 Cote 788.
41 Cote 542 et cotes 595-596.
42 Cotes 970-971.
43 Cote 596.
44 Cotes 296-297.
45 Cote 297.
46 Cotes 775-777
47 Cotes 775-777
48 Cotes 972-974.
49 Cotes 546-548 et 942 à 947.
50 Cote 548.
51 Cote 1091.
52 Cote 763.
53 Cass. comm., 1er février 2003, N° 20-21.844.
54 Cour d’appel de Paris, 15 octobre 2020, N° RG 19/18632.
55 Cour d’appel de Paris, 14 septembre 2023, N° RG 20/17860, paragraphe 194.
56 Décision n° 20-D-17 du 12 novembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire.
57 Décision n° 10-D-11, paragraphe 53.
58 Décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s’opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l’occasion d’appels d’offres en matière d’examens anatomo-cyto-pathologiques, paragraphe 111.
59 Communication de la Commission Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (2004/C 101/07), point 18.
60 Arrêt du Tribunal de l’Union du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission,
T-259/02 à T–264/02 et T–271/02, point 181.
61 Arrêt de la Cour de justice, 24 septembre 2009, Erste Group Bank/Commission, C-125/07 P,
C-133/07 P, C-135/07 P et C-137/07 P, point 38.
62 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6.
63 Arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, Orange Caraïbe e.a., n° 10-25.772, page 6 ; voir également, en ce sens, arrêt de la cour d’appel de Paris, du 28 mars 2013, Société des pétroles Shell e. a., n° 2011/18 245 et arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Société Chevron Products Company e. a., n° 13-16.745.
64 https://www.buralistes.fr/la-confederation-des-buralistes.
65 Cote 11.
66 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.
67 Décision n° 10-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.
68 Arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM et autres/Commission (FETTCSA), T-213/00, point 206.
69 Décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc, paragraphe 28 ; décision n° 10-D-13 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 221 ; décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques, paragraphe 364
70 Décision n° 00-D-50 du 5 mars 2001 relative aux pratiques mises en œuvre par la FDJ dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir et décision n° 17-D-17 du 27 septembre 2017 relative à des pratiques mises en œuvre par la Française des Jeux dans le secteur des jeux de grattage.
71 Arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, Ordre national des pharmaciens n° 98-12.612.
72 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juin 2013, Gefil, n° 2012/02945, page 8 et la décision n° 07-D-41, précitée, paragraphe 111.
73 Décision n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 92 ; cf. aussi la décision n° 20-D-17, précitée, paragraphe 569.
74 Arrêt du Tribunal du 24 mai 2012, MasterCard, T-111/08, point 243.
75 Arrêt de la Cour de justice du 12 septembre 2000, Pavel Pavlov, aff. C-180/98 à C-184/98, paragraphes 73 à 77.
76 Voir par exemple, TUE, arrêt du 13 décembre 2006, Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV), aff. T-217/03, et Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et autres, aff. T-245/03, ECLI : EU : T : 2006 : 391, paragraphe 49.
77 Arrêt de la Cour de justice du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer, aff. C-45/85, paragraphes 29 à 32.
78 Arrêt de la Cour de justice du 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99, paragraphe 64.
79 Voir notamment l’arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Porland e.a./Commission,
aff. C-204/00, paragraphes 55 à 57.
80 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Société puériculture de France, pourvoi n° 0911853.
81 Cote 557.
82 Cote 2192.
83 Cote 557.
84 Cotes 449.
85 Cote 297.
86 Cotes 594-596.
87 Cotes 969-971.
88 CJCE, 7 janvier 2004, Aalborg Portland, affaire C-204/00 P, paragraphe 83.
89 Cf. les arrêts de la Cour de justice du 11 septembre 2014, Groupements des cartes bancaires C-67/13, point 53 et du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító e.a., point 36.
90 Arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2002, S.A. Vidal, pourvoi n° 00-18.408 ; voir également, les décision n° 97-D-18 du mars 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile ; décision n° 03-D-68 du 23 décembre 2003 relative aux pratiques mises en œuvre par le Centre National des Professions de l’Automobile (CNPA) dans le secteur de la distribution automobile, décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphe 95, ou encore décision n° 20-D-17, précitée, paragraphes 619 et suivants.
91 Cour d’appel de Paris, 27 juin 2000, n° RG 1043/2000 ; confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2002, S.A. Vidal, pourvoi n° 00-18.408.
92 Voir notamment décision n° 10-D-11 du 24 mars 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF) concernant le renouvellement des lunettes de vue, paragraphes 73 et 95 ; voir également l’étude thématique sur les organismes professionnels de l’Autorité de la concurrence de janvier 2021.
93 Arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, Syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie, pourvoi n° 96-13602.
94 Décision n° 16-D-09 du 12 mai 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, paragraphe 306.
95 Décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 138 confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 janvier 2010, RG n° 2009/06049, et par l’arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2011, pourvoi n° 10-12.038.
96 Cote 557.
97 Cote 448.
98 Voir, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. 113033, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. 114567, point 138.
99 Arrêts de la Cour de cassation du 22 novembre 2016, Euro cargo rail, n° 14-28224 et de la cour d’appel de Paris du 26 octobre 2017, Caisse des dépôts et consignations, n° 17/01658, pp. 9 et 10.
100 Cote 985.
101 Voir par exemple les décisions n° 16-D-20 du 29 septembre 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins, paragraphe 463, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 juillet 2017, société Smith & Smith Characters, RG n° 2016/22365 ; n° 18-D-06 du 23 mai 2018 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la commercialisation des vins en vrac AOC des Côtes du Rhône, paragraphe 135 ; n° 19-D-19 du 30 septembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations d’architecte, paragraphe 475 ; n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphe 285 ; n° 20-D-17, précitée, paragraphe 823.
102 Voir, en ce sens : décision n° 07-D-05 du 21 février 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par l’Union française des orthoprothésistes (UFOP) sur le marché de la fourniture d’orthoprothèses, paragraphe 93 ; décision n° 20-D-12 du 17 septembre 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace, paragraphe 388 ; décision n° 20-D-17, précitée, paragraphe 823.
103 Voir, en ce sens : décision n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l’encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assurance complémentaire santé, paragraphe 152 ; décision n° 20-D-17, précitée, paragraphe 830.
104 V. notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mars 1998, Syndicat des pharmaciens de Haute-Savoie, n° 96-13602 et l’arrêt de la cour d'appel de Paris du 19 janvier 2010, n° 2009/06049.
105 Cour d’appel de Paris, arrêt du 29 septembre 2009, Sté Ets. A. Mathe, n° 2008/12495, page 17.