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Décisions

Cass. com., 27 juin 1995, n° 93-13.208

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Dumas

Avocat général :

M. Raynaud

Avocat :

Me Boullez

Paris, 3e ch., sect. B, du 22 janv. 1993

22 janvier 1993

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que M. X..., préposé du Crédit Industriel d'Alsace et de Lorraine, a avalisé pour le compte de cette banque, alors qu'il n'en n'avait pas le pouvoir, des billets à ordre souscrits par la société de Verreries Varoises au profit de M. A... ;

que celui-ci a réclamé le paiement des effets à la banque ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1985 du Code civil ;

Attendu qu'une personne peut être engagée sur le fondement d'un mandat apparent, à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire soit légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ;

Attendu que, pour lui dénier le droit de se prévaloir du pouvoir apparent de M. X... d'engager la banque en avalisant les billets à ordre, l'arrêt retient que M. A... avait seulement la volonté de réaliser une opération financière lucrative, sa seule garantie réelle de remboursement devant être celle que lui donnait la banque, qu'il lui appartenait donc de s'assurer que l'aval des billets était donné par une personne habilitée pour ce faire, que cette exigence s'imposait d'autant plus que l'opération était réalisée selon des modalités sur la régularité desquelles il devait s'interroger ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, insusceptibles de caractériser de façon précise en quoi la croyance de M. A... aux pouvoirs de M. X... n'était pas légitime, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ;

Attendu que, pour décider que M. A... ne peut invoquer à son profit les dispositions de l'article 1384 du Code civil, l'arrêt, après avoir constaté que M. X... n'avait pas agi dans le cadre normal de ses attributions, retient que M. A... n'a pas pu ne pas avoir conscience du caractère inhabituel, pour une banque, de l'opération à laquelle il s'est prêté, et qu'il n'a pu ignorer que l'opération de prêt mise en place par M. X... s'inscrivait dans une entreprise personnelle de conseil financier ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, insusceptibles de caractériser de façon précise en quoi M. A... ne pouvait légitimement ignorer que M. X... agissait hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.