Cass. 3e civ., 15 décembre 2004, n° 03-15.530
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Philippot
Avocat général :
M. Guérin
Avocats :
Me Cossa, SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Bachellier et Potier de la Varde, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 412-8 du Code rural et l'article R. 143-4 du même Code, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu que lorsqu'un propriétaire se propose, notamment par vente, d'aliéner de gré à gré et à titre onéreux un fonds agricole ou un terrain à vocation agricole situé dans une zone où la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural est autorisée à exercer le droit de préemption, le notaire chargé d'instrumenter est tenu de faire connaître à ladite société le prix et les conditions demandées ainsi que les modalités de l'aliénation projetée ; que cette communication vaut offre de vente au prix et conditions qui y sont contenus ; que les dispositions de l'article 1589, alinéa 1er, du Code civil sont applicables à l'offre ainsi faite ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué ( Poitiers, 26 mars 2003), que, le 31 octobre 1995, le notaire instrumentaire a notifié, à la Société d'aménagement foncier et d'établissement rural Poitou-Charentes (SAFER), une information relative à la vente, par Mmes X..., Marie-Josèphe et Monique Y... et M. Y... à M. Z..., de quatre parcelles de terre, d'une superficie de 2 ha 02 a 85 ca, moyennant un prix de 30 427 francs ; que cette notification précisait que les biens en cause avaient été verbalement donnés à bail à M. A..., mais que ce preneur en place avait renoncé à exercer son droit de préemption primant celui de la SAFER ; que, le 5 décembre 1995, la SAFER a fait part au notaire de sa décision d'exercer son droit de préemption aux prix et conditions par lui notifiés et en a informé l'acquéreur évincé dans les mêmes termes ; que les vendeurs se sont refusés à régulariser l'acte de vente au profit de la SAFER, soutenant n'avoir jamais donné mandat au notaire pour procéder à la vente des biens en cause ; que les 6, 10 et 24 février 1997, la SAFER a assigné Mmes Y... et X... et M. Y... pour voir juger que par la signification de son droit de préemption le 5 décembre 1995 sur la notification de vente par elle reçue le 2 novembre 1995 dont elle avait purement et simplement accepté les conditions, elle était devenue propriétaire, moyennant le prix principal de 30 427 francs des biens vendus et que le jugement à intervenir vaudrait titre de propriété ; qu'en cause d'appel, MM. Z... et le GAEC Z... frères sont intervenus volontairement à la procédure ;
Attendu que pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la notification adressée à la SAFER se trouve entachée d'une erreur qui la vicie fondamentalement dès lors qu'elle se présente sous la forme d'une vente unique consentie par des indivisaires ce qui aurait dû faire l'objet de quatre ventes distinctes consenties par chacun des propriétaires pour sa parcelle, que cette erreur qui prive d'effet la notification s'explique par le fait, reconnu par Maître Cesbron elle-même, que le notaire n'avait reçu aucun mandat des vendeurs et n'avait jamais recueilli leur accord sur le prix proposé par M. Z... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf à démontrer que la SAFER ne pouvait pas légitimement croire que le notaire, officier public et ministériel, chargé d'instrumenter et investi d'une mission légale d'information du prix, des charges, des conditions et modalités de la vente projetée, disposait des pouvoirs nécessaires pour engager le vendeur, l'acceptation par celle-ci des prix et conditions notifiés rend la vente parfaite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.