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Décisions

Cass. 2e civ., 1 octobre 2020, n° 18-26.118

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Dumas

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Delvolvé et Trichet, SCP Foussard et Froger, SCP Lesourd

Colmar, du 18 oct. 2018

18 octobre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 octobre 2018), par acte notarié du 21 décembre 2016, M. et Mme G... ont vendu à la société Emma deux parcelles sur la commune de [...].

2. Par lettre du 4 janvier 2017, reçue le 12 janvier 2017, M. H..., séquestre amiable du prix de vente, a notifié cette vente à la société VR Bank in Mittelbaden, en sa qualité de créancier inscrit.

3. Par acte du 14 mars 2017, cette société a requis la mise aux enchères de ces biens pour purger son hypothèque, réquisition signifiée à l'acquéreur, aux vendeurs, au notaire instrumentaire et au séquestre le 20 mars 2017.

4. Par requête reçue le 23 mars 2017 par le greffe d'un tribunal d'instance, elle a demandé que soit ordonnée la mise en vente par voie d'exécution forcée, sur surenchère, de ces deux parcelles.

5. Le 3 avril 2017, la société Emma a formé opposition à cette réquisition et par ordonnance du 15 juin 2017, le tribunal d'instance a ordonné la revente sur surenchère et commis un notaire à fin de procéder à la vente aux enchères.

6. Le 29 juin 2017, la société Emma a formé un pourvoi immédiat contre cette ordonnance et par ordonnance du 10 juillet 2017, le tribunal d'instance a déclaré recevable mais mal fondé le pourvoi immédiat et maintenu l'ordonnance du 15 juin 2017, ordonnant la transmission du dossier à la cour d'appel de Colmar.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

7. La société Emma fait grief à l'arrêt de déclarer son pourvoi immédiat mal fondé, et de confirmer l'ordonnance du 15 juin 2017 du tribunal d'instance de Haguenau en tant que celui-ci a ordonné la revente sur surenchère du dixième des biens immeubles inscrits au livre foncier de la commune de [...], section C n° [...] et n° [...], fixé la mise à prix à 385 000 euros, et commis M. U... E..., notaire à [...], aux fins de procéder à la vente aux enchères après avoir rédigé le cahier des charges, alors :

« 1°/ que lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois lorsque le destinataire de la notification réside à l'étranger ; que cette augmentation des délais n'est pas applicable au délai de quarante jours dans lequel le créancier inscrit, notifié du titre de propriété de l'acquéreur, doit requérir la mise aux enchères de l'immeuble grevé de son hypothèque ; qu'en décidant d'augmenter de deux mois le délai de quarante jours prévu à l'article 2480 du code civil en raison de ce que le créancier inscrit résidait à l'étranger, les juges du fond ont violé les articles 643 du code de procédure civile et 2480 du code civil, ensemble les articles 187 et 190 de la loi du 1er juin 1924 ;

2°/ que la règle selon laquelle un délai de recours est inopposable en cas de mention erronée d'un autre délai dans l'acte de notification ne concerne que la notification des décisions de justice et des recours susceptibles d'être exercées contre celles-ci ; qu'elle est sans application au délai de signification par le créancier inscrit de la réquisition de la mise aux enchères de l'immeuble grevé d'hypothèque, dès lors que ce délai est ouvert, non par la notification d'un jugement, mais par celle de l'acte de vente dont l'acquéreur tire son titre ; qu'en décidant en l'espèce qu'il y avait lieu de proroger de deux mois le délai de réquisition de quarante jours fixé par l'article 2480 du code civil en raison de ce que la notification de l'acte de vente faite par le notaire mentionnait par erreur une augmentation du délai à raison de la distance, les juges du fond ont violé les articles 643 et 680 du code de procédure civile, ensemble l'article 2480 du code civil, ensemble les articles 187 et 190 de la loi du 1er juin 1924. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. La société VR Bank in Mittelbaden conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient d'abord l'irrecevabilité de celui-ci pour déloyauté procédurale, puisque c'est à l'initiative de la demanderesse que lui a été signifié un acte lui indiquant des délais erronés et appliquant l'article 643 du code de procédure civile. Elle conteste ensuite la recevabilité de la seconde branche du moyen pour nouveauté.

9. Cependant d'abord, la notification de la vente a été faite par le notaire ayant procédé à celle-ci et non par la partie elle-même de sorte qu'il ne peut être relevé de déloyauté procédurale de sa part, et ensuite, la critique formée par la seconde branche du moyen, si elle est nouvelle, n'est pas mélangée de fait et de droit.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 643 et 680 du code de procédure civile :

11. Le premier de ces textes n'est pas applicable au délai de surenchère prévu à l'article 2480 du code civil. Il résulte du second de ces textes que la règle selon laquelle l'absence de mention ou la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, ne fait pas courir le délai de recours, ne s'applique qu'à la notification des décisions de nature juridictionnelle.

12. Pour confirmer l'ordonnance du 15 juin 2017 du tribunal d'instance d'Haguenau, l'arrêt retient que les significations ont été effectuées soixante-sept jours après que le créancier inscrit ait reçu notification de la vente amiable, soit dans le délai de quarante jours, prescrit par l'article 2480 du code civil, augmenté du délai de deux mois prévu par l'article 643 du code de procédure civile, que mentionne l'acte de notification de vente amiable.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de E...