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Décisions

Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-10.162

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lemontey

Rapporteur :

M. Thierry

Avocat général :

Mme Le Foyer de Costil

Avocats :

SCP Boré et Xavier, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Bordeaux, du 14 oct. 1993

14 octobre 1993

Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M. X..., qui était hospitalisé, a remis devant témoins à M. A... un chèque de 188 700 francs, ainsi qu'une procuration générale sur ses livrets de caisse d'épargne, le 27 janvier 1989 ; qu'il est décédé le lendemain, 28 janvier 1989, à 5 heures du matin ; que, muni de cette procuration générale, M. A... a procédé au retrait, sur les livrets A et B et sur le Codevi, d'une somme globale de 241 136,52 francs ; qu'avisés par un généalogiste, Mmes Y... et Z..., parentes au cinquième degré du défunt, ont assigné M. A... en restitution de cette somme ; que l'arrêt attaqué (Bordeaux, 14 octobre 1993) a décidé que celle-ci demeurerait acquise à M. A... comme constituant un don manuel ;

Attendu que Mmes Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, de première part, que le mandant ne peut conférer au mandataire que la qualité de détenteur de fonds, dont demeure propriétaire ce mandant ; que la précarité, qui s'attache à une telle détention, est exclusive de toute donation, laquelle est translative de propriété ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les articles 894, 1984 et 1993 du Code civil ; alors, de deuxième part, qu'entre les parties, la preuve de simulation doit être faite par écrit, lorsque l'acte apparent est constaté en cette forme ; qu'en déclarant le mandat " apparent ", sans constater que le prétendu donataire rapportait la preuve par écrit d'une contre-lettre, la cour d'appel a violé l'article 1341 du Code civil ; alors, de troisième part, que le don manuel suppose une tradition antérieure au décès du donateur ; qu'en l'espèce les héritières soutenaient que les retraits de fonds opérés en vertu de la procuration litigieuse à concurrence de 241 136,52 francs avaient été effectués le 28 janvier 1989, donc postérieurement au décès, de sorte que le don manuel invoqué par M. A... devait être écarté ; qu'en déclarant au contraire ce dernier bénéficiaire d'un tel don manuel, sans rechercher ni constater la date des retraits et leur antériorité par rapport à ce décès, la juridiction du second degré a privé sa décision de base légale au regard des articles 894 et 931 du Code civil ; alors, de quatrième part, que le don manuel doit être accepté par son bénéficiaire ; qu'en l'espèce les héritières faisaient valoir que M. A... n'avait accepté la procuration générale litigieuse qu'après s'être reconnu " responsable personnellement vis-à-vis des héritiers de l'utilisation du solde du livret au jour du décès de son titulaire " ; qu'en omettant de rechercher si cette mention manifestait un engagement du bénéficiaire de la procuration, incompatible avec l'acceptation d'un don manuel, l'arrêt attaqué n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134 et 894 du Code civil ; et alors, enfin, que, dans leurs conclusions d'appel, les héritières soutenaient encore que la procuration litigieuse était limitée au Codevi et aux livrets A et B de la caisse d'épargne, mais ne s'étendait pas au compte-dépôt du défunt, de sorte qu'en opérant deux retraits de 6 000 francs sur ce compte M. A... avait outrepassé les pouvoirs conférés par la procuration ; qu'en omettant de répondre à ce chef de conclusions la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que la remise d'une procuration sur des livrets de caisse d'épargne ne saurait entraîner par elle-même une renonciation du mandant à la propriété des fonds déposés sur ces livrets, ni de ce fait opérer tradition, la cour d'appel a souverainement retenu que M. X..., animé envers les époux A... d'une intention libérale dont la preuve n'était pas soumise à l'article 1341 du Code civil, et qui consistait à leur faire don de la totalité de ses économies, avait ainsi marqué sa volonté de se dessaisir définitivement et irrévocablement de celles-ci, de telle sorte que l'opération constituait bien un don manuel ; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses cinq branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.