Cass. 3e civ., 29 novembre 1995, n° 93-14.250
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. BEAUVOIS
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mars 1993), que la société EMS, propriétaire de locaux à usage commercial, donnés à bail à M. X..., a délivré congé à ce locataire avec refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction ;
Attendu que la société EMS fait grief à l'arrêt de refuser tout effet à la clause résolutoire visée à la sommation de justifier du garnissement des lieux loués délivrée le 9 mars 1988, alors, selon le moyen, "que le débiteur de l'obligation a la charge de prouver l'exécution de celle-ci selon les modalités, notamment de délai, prévues par la convention des parties (violation de l'article 1315, 2e alinéa, du Code civil)" ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a retenu que la société EMS ne rapportait pas la preuve que l'infraction alléguée, à la supposer établie, s'était poursuivie plus d'un mois après une mise en demeure, sommation de commandement, n'a pas inversé la charge de la preuve ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 9 du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ;
que, toutefois, s'il s'agit de l'inexécution d'une obligation, l'infraction commise par le preneur ne pourra être invoquée par le preneur que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser ;
Attendu que, pour écarter le motif de refus de renouvellement du bail tenant à la sous-location irrégulière des locaux, l'arrêt retient qu'aucune mise en demeure conforme à l'article 9 du décret du 30 septembre 1953 n'a été faite au préalable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'omission par le preneur du respect des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 21 du décret du 30 septembre 1953 constituant un manquement instantané qui ne peut ni se poursuivre ni se renouveler, la mise en demeure n'est pas exigée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 21, alinéa 2, du décret du 30 septembre 1953 ;
Attendu qu'en cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte ;
Attendu que, pour écarter le motif de refus de renouvellement du bail tenant à la sous-location irrégulière des locaux, l'arrêt retient, par motifs propres adoptés, que la société EMS ne rapporte pas la preuve d'une sous-location irrégulière, celle-ci étant prévue dans le bail au profit d'une personne exerçant la même activité, ce qui est le cas pour le fils de M. X..., que si une irrégularité a été commise en 1976, le locataire n'ayant pas appelé le propriétaire à l'acte, le bailleur a agréé, au moins tacitement, la présence de l'occupant qui lui réglait directement le loyer sur son compte personnel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la connaissance ou la tolérance du bailleur ou l'autorisation de principe donnée à la sous-location ne peuvent être assimilées à son concours à l'acte, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour écarter le motif de refus de renouvellement du bail tenant à la sous-location irrégulière des locaux de 1982 à 1986, l'arrêt retient que celle-ci s'est faite avec l'accord du précédent propriétaire des lieux qui, en ayant conclu deux avenants de révision du loyer et consenti au renouvellement du bail en 1982, avait renoncé à se prévaloir des dispositions de l'article 21 du décret du 30 septembre 1953 ;
Qu'en statuant ainsi, sans relever aucun acte manifestant sans équivoque la volonté du bailleur de renoncer, pour la période postérieure à 1982, à se prévaloir de cette disposition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a refusé tout effet à la clause résolutoire, l'arrêt rendu le 9 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.