Cass. 3e civ., 15 septembre 2010, n° 09-14.519
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Rapporteur :
Mme Proust
Avocat général :
M. Cuinat
Avocats :
SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Ortscheidt
Attendu que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d'aucune indemnité s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du locataire sortant ; que toutefois, s'il s'agit soit de l'inexécution d'une obligation, soit de la cessation sans raison sérieuse et légitime de l'exploitation du fonds, compte tenu des dispositions de l'article L. 145-8, l'infraction commise par le preneur ne peut être invoquée que si elle s'est poursuivie ou renouvelée plus d'un mois après mise en demeure du bailleur d'avoir à la faire cesser ; que cette mise en demeure doit, à peine de nullité, être effectuée par acte extrajudiciaire, préciser le motif invoqué et reproduire les termes du présent alinéa ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (cour d'appel de Nancy, 5 mars 2009), que la SCI Alpha (la SCI), propriétaire de locaux commerciaux donnés à bail à la société Régaliz, a signifié au mandataire liquidateur de cette dernière le 4 septembre 2003 un congé à effet au 31 mars 2004 sans offre de renouvellement ni indemnité d'éviction ; que le 7 novembre 2003, le mandataire liquidateur a signifié à la SCI la cession du fonds de commerce à la société GV développement (la société GV) ; que la bailleresse a refusé le 27 avril 2004 le renouvellement sollicité par la société GV le 3 avril précédent, sans offrir d'indemnité d'éviction ; que la société GV a alors assigné la SCI en paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société GV et la déclarer occupante sans droit ni titre, la cour d'appel retient que la cession de contrat plaçant le cessionnaire dans la situation qui était celle du cédant, la société GV n'a pu acquérir et revendiquer plus de droits que n'en avait la société Régaliz, que les fautes graves commises par cette dernière, consistant en défaut et retards de paiement de loyers, sont opposables à la société GV, qui avait connaissance, à la date de la cession, de la délivrance du congé, que ces fautes constituent un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans versement de l'indemnité d'éviction, et que le congé notifié le 4 septembre 2003 est donc valable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bailleur ne peut relever comme motifs graves et légitimes de refus de renouvellement que des faits imputables au locataire sortant lui-même, la cour d'appel, qui a constaté que les faits invoqués à l'appui du refus de renouvellement n'étaient imputables qu'à la société Régaliz, a violé le texte sus-visé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article L. 145-16, alinéas 1 et 3 du code de commerce ;
Attendu que sont nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ; qu'en cas de cession, de fusion ou d'apport, si l'obligation de garantie ne peut plus être assurée dans les termes de la convention, le tribunal peut y substituer toutes garanties qu'il juge suffisantes ;
Attendu que pour rejeter les demandes de la société GV et la déclarer occupante sans droit ni titre, la cour d'appel retient que la clause de garantie solidaire à la charge du cédant figurant au bail initial étant opposable au mandataire liquidateur, la cession régularisée par ce dernier avec la société GV sans mention de la garantie contractuelle due par la société Régaliz, cédant, est entachée d'irrégularité, que cela constitue une infraction irréversible justifiant le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction, que le bailleur n'est pas tenu dans ce cas de saisir le tribunal pour demander une substitution de garantie et que le refus de renouvellement notifié le 27 avril 2004 est donc valable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une substitution de garantie pouvant être demandée au tribunal à l'initiative de l'une ou l'autre partie et aucun délai n'étant prévu pour former cette demande, la cession du bail d'un preneur en liquidation judiciaire, sans mention de la clause de garantie solidaire mise à la charge du cédant, est régulière dès lors que le bailleur n'a pas sollicité cette substitution, la cour d'appel, qui a constaté que le bailleur n'avait pas saisi le tribunal d'une telle demande, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée.