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Décisions

Cass. 1re civ., 16 juillet 1992, n° 89-18.612

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Massip

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

M. Sadon

Avocats :

Me Copper-Royer, Me Vuitton

Paris, 1re ch. B, du 1 juin 1989

1 juin 1989

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu qu'en juillet 1982, Melle Nelly Y..., qui cherchait un placement pour les fonds dont elle disposait, s'est rendue au siège de la compagnie "Assurances Générales de France" (la compagnie) à Paris, où elle a été reçue par M. Gilbert X..., alors caissier principal, qui lui a remis de la documentation sur les bons d'épargne "AGF 15 000", ainsi que sa carte de visite ; que, les 6 et 21 décembre 1982, elle a souscrit, par l'intermédiaire de M. X..., en deux fois, 70 de ces bons pour une somme totale de 399 000 francs qu'elle lui a versée en espèces, dans un café, contre remise de deux quittances établies sur du papier à en-tête "AGF" Assurances Générales de France et signées de M. X..., qui précisait que "ces bons sont en dépôt dans mes coffres" ; qu'après avoir sollicité en vain auprès de la compagnie le remboursement anticipé de ces bons courant 1983, elle a appris que M. X... avait été licencié le 23 septembre 1982 à la suite de la découverte par les AGF d'une série de malversations, qui ont d'ailleurs entraîné sa condamnation ultérieure par le tribunal correctionnel ; que Melle Y... a fait alors assigner les AGF en paiement de la somme de 399 000 francs versée par elle à M. X... sur la foi du mandat dont il semblait être titulaire ; que la cour d'appel a limité à 133 000 francs la condamnation qu'elle a prononcée contre les AGF et, en raison de l'imprudence fautive qu'aurait, selon elle, commise Mlle Y..., laissé à la charge de celle-ci le surplus du préjudice qu'elle a subi ;

Attendu, cependant, que la cour d'appel s'est contredite en énonçant, d'une part, que Mlle Y... ne pouvait pas supposer que M. X... avait été licencié, et qu'elle avait pu légitimement croire qu'il avait conservé la qualité de mandataire, dont il avait toujours l'apparence, et, d'autre part, retenir que les circonstances des remises de fonds, par des procédés clandestins et dans un café, étaient de nature à éveiller la méfiance de Mlle Y..., qui avait ainsi imprudemment pris un risque, une telle faute étant exclusive de la croyance légitime l'autorisant à ne pas mettre en question les pouvoirs de M. X... ; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juin 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.