Cass. com., 24 octobre 1995, n° 93-17.051
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Célice et Blancpain, Me Bertrand
Sur le premier moyen :
Vu les articles 488 et 500 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si celui-ci n'a pas été exercé dans le délai ; que cette règle s'applique à l'ordonnance de référé, peu important l'absence au principal d'autorité de la chose jugée de cette ordonnance ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que, propriétaire de locaux commerciaux qu'elle avait donnés à bail à la société Madj, la société UAP vie (l'UAP), créancière de loyers impayés, a délivré à sa locataire un commandement visant la clause résolutoire insérée au contrat ; qu'une ordonnance de référé en date du 13 janvier 1992 a condamné la société Madj à régler à l'UAP une certaine somme correspondant au montant des loyers dus en 18 mensualités égales et successives, le premier versement devant avoir lieu le 15 février 1992, et a décidé qu'à défaut de respect de ces modalités, la totalité des sommes restant dues serait immédiatement exigible, la clause résolutoire acquise et l'expulsion poursuivie ; que soutenant que la société Madj n'avait pas respecté les termes de cette décision, l'UAP a procédé, le 19 mai 1992, à l'expulsion et à la saisie de ses meubles ; que la société Madj l'ayant assignée devant le juge des référés pour faire juger la clause résolutoire non acquise, annuler les procédures diligentées et arrêter un nouvel échéancier des sommes dues à la bailleresse, une ordonnance du 1er juin 1992, après avoir constaté le non-respect par la locataire des échéances fixées par la précédente décision, a rejeté les demandes ; que, le 9 juillet 1992, la société Madj a été mise en redressement judiciaire ; que cette société ainsi que l'administrateur de la procédure collective et le représentant des créanciers ont relevé appel de l'ordonnance du 1er juin 1992 ;
Attendu que, pour accueillir l'appel formé à l'encontre de l'ordonnance du 1er juin 1992, déclarer l'UAP irrecevable à poursuivre la résiliation du bail, annuler les procédures d'expulsion et de saisie-exécution et ordonner la réintégration de la société Madj dans les lieux, l'arrêt retient que l'ordonnance du 13 janvier 1992 n'avait pas produit ses effets au jour de l'ouverture de la procédure collective dès lors qu'une contestation sérieuse s'était élevée entre les parties sur le respect par la société Madj des délais de paiement fixées et que, si le juge des référés, en rejetant cette contestation, avait implicitement admis l'acquisition de la clause résolutoire au profit de l'UAP, sa décision n'avait pas acquis force de chose jugée à la date du prononcé du redressement judiciaire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'ordonnance du 13 janvier 1992 n'avait pas été frappée d'appel dans le délai légal, ce dont il résultait que cette décision était passée en force de chose jugée, la clause résolutoire étant, dès lors, réputée acquise à la date de la première échéance non respectée, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en découlaient ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mai 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.