Cass. com., 5 mai 2004, n° 01-12.404
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 30 avril 2001), que la société Tobbi (la société), qui exerçait son activité dans des locaux loués à la société Ofigim (la bailleresse), a été mise en redressement judiciaire le 11 juillet 1995, M. X... étant désigné administrateur ; que mis en demeure de se prononcer sur la poursuite du bail par la bailleresse le 1er septembre 1995, l'administrateur a opté pour sa poursuite le 13 septembre 1995 ; que le 2 novembre 1995, la société a été mise en liquidation judiciaire, M. Y... étant nommé liquidateur ; que par ordonnance de référé du 28 février 1996, la résiliation du bail a été constatée et l'expulsion ordonnée ; que le liquidateur a restitué les lieux donnés à bail ; que le tribunal a partiellement accueilli la demande de dommages-intérêts formée par la bailleresse contre les mandataires sur le fondement de leur responsabilité personnelle ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la bailleresse fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir rejeté ses demandes tendant à obtenir la réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par l'administrateur, en ne restituant pas les locaux donnés à bail, alors, selon le moyen :
1 / que pour considérer que l'administrateur n'avait pas commis de faute engageant sa responsabilité, la cour d'appel, tout en constatant que M. X... justifiait de documents dont l'établissement était postérieur à la date à laquelle il a pris position sur la continuation des contrats en cours, n'a pas recherché si, au vu des documents dont il disposait au jour où il a pris sa décision, il pouvait disposer des fonds nécessaires au paiement des loyers, privant sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-28 du Code de commerce, ensemble l'article 1382 du Code civil ;
2 / que par conclusions régulièrement signifiées le 6 mars 2001, la bailleresse avait fait valoir que les documents produits par l'administrateur pour établir qu'il avait, au jour de sa décision, le 13 septembre 1995, étudié la situation exacte de la société, avaient en réalité été établis postérieurement au 13 septembre 1995 ; que la cour d'appel a totalement omis de répondre à ce moyen en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la bailleresse avait soutenu, par conclusions signifiées le 6 mars 2001, qu'après avoir opté pour la continuation, l'administrateur, qui avait l'obligation de s'assurer qu'il pourrait régler chaque échéance au comptant, n'avait pas libéré les lieux alors qu'un commandement de payer, visant la clause résolutoire pour défaut de paiement d'une échéance, lui avait été notifié le 24 octobre 1995 ; que la cour d'appel a omis de répondre à ce moyen, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'administrateur s'est prononcé pour la poursuite du bail au vu d'un compte prévisionnel d'exploitation prévoyant un résultat bénéficiaire pour les mois de juillet à octobre 1995, établi suivant les indications du gérant, confirmé le 25 septembre 1995 par l'expert-comptable de la société, la cour d'appel, répondant en les écartant aux conclusions prétendument délaissées, retient que rien ne permettait de suspecter le bien fondé du compte prévisionnel sur lequel l'administrateur a fondé sa décision ; qu'il retient encore que l'administrateur a payé le loyer d'octobre 1995 avec les fonds disponibles et qu'il n'entrait pas dans ses pouvoirs de régler le loyer du mois de septembre 1995 qui, payable à terme d'avance le 1er juillet 1995, devait être déclaré au passif de la société en redressement judiciaire ;
qu'en l'état de ces constatations et appréciations excluant l'existence d'une faute commise par l'administrateur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la bailleresse fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait des fautes commises par M. Y..., liquidateur de la société preneuse, en ne restituant pas les locaux donnés à bail, alors, selon le moyen, qu'il ressort de l'article L. 621-28 que le règlement des sommes dues en exécution du contrat poursuivi doit se faire au comptant et que le mandataire doit mettre fin au contrat s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant ;
qu'en constatant qu'antérieurement à la conversion du redressement judiciaire en liquidation, la société bailleresse avait fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour défaut de paiement, d'où il s'évinçait que le mandataire chargé d'administrer la société ne disposait plus des fonds nécessaires à la poursuite du contrat, la cour d'appel qui a néanmoins considéré que le liquidateur, qui n'avait pas mis fin au contrat en cours, n'avait pas commis de faute, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 621-28 du Code de commerce ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le liquidateur, en demandant et obtenant du juge-commissaire l'autorisation de céder le fonds de commerce et en s'opposant à la résiliation du bail, avait accompli des diligences utiles à l'intérêt des créanciers et susceptibles de permettre le redressement de l'entreprise par l'adoption d'un plan de cession qui aurait, seul, permis à la bailleresse de recouvrer tout ou partie de sa créance, l'arrêt retient que, dès qu'il a eu connaissance du refus de la bailleresse de poursuivre le bail, et avant même de recevoir la signification de la décision ordonnant l'expulsion de la société, le liquidateur a pris les dispositions nécessaires pour libérer les lieux qui ont été restitués dans un délai de trois semaines après la signification de la décision d'expulsion ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations excluant l'existence d'une faute commise par le liquidateur, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.