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Décisions

Cass. 3e civ., 24 octobre 1990, n° 89-12.404

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Senselme

Rapporteur :

M. Gautier

Avocat général :

M. Marcelli

Versailles, du 17 nov. 1988

17 novembre 1988

Attendu que la société d'habitations à loyer modéré Emmaüs, propriétaire de locaux à usage commercial donnés en location à la société Primistères, à laquelle elle a refusé le renouvellement de son bail, fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 1988) de l'avoir condamnée à réparer l'entier préjudice subi par cette société du fait de son éviction, alors, selon le moyen ; " 1° que, lorsqu'un immeuble donné à bail fait l'objet d'un arrêté de péril, le propriétaire peut refuser le renouvellement dudit bail sans être tenu au paiement d'une indemnité d'éviction ; qu'il en est ainsi même si la notification de l'arrêté de péril intervient postérieurement au refus de renouvellement assorti d'une offre d'indemnité ; qu'en effet, la notification de l'arrêté de péril constitue un fait nouveau dont le bailleur peut se prévaloir ; que, dès lors, la cour d'appel qui a refusé à la société Emmaüs le bénéfice de l'article 9, alinéa 2, du décret du 30 septembre 1953, motifs pris de ce que celle-ci avait notifié au locataire, antérieurement à l'arrêté de péril, son refus de renouvellement de bail avec offre d'indemnité d'éviction, a violé le texte susvisé ; 2° que l'indemnité d'éviction prend sa source dans les principes gouvernant la propriété commerciale tandis que les dommages-intérêts, dus pour un prétendu défaut de l'immeuble loué, ne peuvent être alloués que sur le fondement de la responsabilité contractuelle ; que la société Primistères avait, aux termes de ses conclusions, réclamé le versement d'une indemnité d'éviction ; qu'en lui accordant une réparation fondée sur une prétendue faute contractuelle de la société Emmaüs, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; 3° que le contrat de bail ne fait naître à l'égard des parties que des obligations personnelles ; que si, aux termes de l'article 1743 du Code civil, le bail est transféré à l'acquéreur de l'immeuble loué, ce transfert ne saurait avoir d'effet rétroactif ; que, dès lors, le nouveau propriétaire ne saurait être tenu des dettes de son auteur relativement audit bail ; que la cour d'appel, qui constate que la ruine de l'immeuble loué était due à un défaut d'entretien imputable aux propriétaires antérieurs et qui cependant a condamné la société Emmaüs à réparer l'entier préjudice subi par la société locataire, a violé l'article 1151 du Code civil " ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que des travaux de confortation indispensables, qui auraient pu être effectués à un coût raisonnable, ne l'avaient pas été, en raison de la négligence de la société Emmaüs et des propriétaires antérieurs, et que l'état de péril de l'immeuble était donc imputable aux bailleurs, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que la société Emmaüs ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 9, alinéa 2, du décret du 30 septembre 1953, et qu'elle devait réparer le préjudice résultant, pour la société Primistères, de son éviction ;

Sur le troisième moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.