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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 25 avril 2023, n° 22/00108

POITIERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Poit (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vetu

Conseillers :

M. Lecler, Mme Lafond

Avocats :

Me Nouri, Me Gand, Me Breger

T. com. Poitiers, du 29 nov. 2021

29 novembre 2021

La société à responsabilité limitée Poit exploite un magasin de l'enseigne de déstockage Noz, situé [Adresse 4].

La société Zéphira, société holding luxembourgeoise à la tête du groupe des franchises Noz, détient alors 98 % du capital et des droits de vote de la société Poit.

A compter du 5 novembre 2005, la société Poit a employé Monsieur [V] [B] en tant qu'animateur d'équipe magasin dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Le 28 avril 2017, Monsieur [B] a démissionné de son poste en tant que salarié.

A compter du 1er mai 2017, Monsieur [B] est devenu co-gérant associé minoritaire de la société Poit.

Monsieur [V] [B] partageait sa gérance avec 4 autres co-gérants: Monsieur [F], Monsieur [N], Monsieur [X] et Madame [C].

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 décembre 2019, la société Poit a écrit à Monsieur [B] en ces termes :

Suivant Procès-Verbal d'Assemblée Générale en date du 26 avril 2017, vous avez été nommé cogérant de la société POIT avec effet au 1er mai 2017.

En ma qualité de cogérante de la société, j'ai été informée par notre prestataire comptable de l'absence d'encaissement sur le compte bancaire de la société des espèces relatives aux recettes des 02 et 04 octobre 2019, pour une somme totale de 6.162,73 euros.

Il est d'usage de remettre quotidiennement les remises en banque pour des raisons de sécurité (lutte contre les braquages notamment). Il en va de la sécurité de nos clients et du personnel.

Il apparaît que, dans les faits, les remises en banque ne sont pas effectuées quotidiennement et que les espèces sont stockées dans le coffre du magasin avec les chèques encaissés.

Il apparaît en outre que l'accès au coffre n'était nullement sécurisé et que vous aviez, au demeurant, pleinement connaissance de cette défaillance lors de la conservation des recettes au coffre.

En effet, à titre de circonstance aggravante, les clés du coffre contenant des recettes pouvant représenter plusieurs milliers d'euros se trouvaient en libre accès dans le bureau et étaient utilisées par les salariés de la société en l'absence de tout contrôle.

Eu égard à la gravité des négligences exposées (mise en danger du personnel et de la clientèle) et au préjudice subi à ce jour par notre société, je vous informe avoir convoqué les associés en Assemblée Générale Ordinaire le vendredi 10 janvier 2020 à 14H00 au 5 et [Adresse 2] pour statuer sur votre révocation de vos fonctions de cogérant de la société POIT.

Par un courrier recommandé réceptionné le 26 décembre 2019, Monsieur [B] a été convoqué à l'assemblée générale ordinaire de la société Poit pour statuer sur l'ordre du jour suivant:

- révocation des co-gérants;

- pouvoirs en vue des formalités.

Par résolution adoptée en assemblée générale le 10 janvier 2020, Monsieur [B] a été révoqué de ses fonctions de gérant de la société Poit.

Le 19 juin 2020, Monsieur [B] a attrait la société devant le tribunal de commerce de Poitiers.

En dernier lieu, Monsieur [B] a demandé de :

- dire irrecevable la pièce n°8 versée aux débats par la société Poit;

- dire dépourvue de justes motifs et abusive sa révocation de ses fonctions de gérant de la société Poit ;

et en conséquence,

- condamner la société Poit à lui verser à titre de dommages-intérêts les sommes de :

- 40 365 euros au titre du préjudice matériel;

- 35 000 euros au titre du préjudice moral;

- condamner la société Poit à lui payer la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles.

En dernier lieu, la société Poit a demandé de débouter Monsieur [B] de toutes ses demandes, et de le condamner à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement contradictoire en date du 29 novembre 2021, le tribunal de commerce de Poitiers a :

- dit et jugé infondé(sic) les demandes de Monsieur [B] qui eussent tendu à le dédouaner ou à atténuer ses responsabilités envers la société Poit à l'occasion de la disparition des recettes des 2 et 4 octobre 2019, qui avaient disparu du fait de l'incurie de Monsieur [B];

- débouté Monsieur [B] de toutes ses demandes, fins ou conclusions;

- condamné Monsieur [B] à payer à la société Poit la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 13 janvier 2022, Monsieur [V] [B] a relevé appel de ce jugement, en intimant la société Poit.

Le 13 janvier 2023, Monsieur [V] [B] a demandé de :

- dire irrecevable la pièce n°7 versée au débat par la société Poit;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

' dit et jugé infondé ses propres demandes qui eussent tendu à le dédouaner ou atténuer ses responsabilités envers la société Poit à l'occasion de la disparition des recettes des 2 et 4 octobre 2019, qui avaient disparu du fait de sa propre incurie;

- l'a débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles;

- dire dépourvu (sic) de justes motifs et abusive sa révocation de ses fonctions de gérant de la société Poit ;

Et en conséquence :

- condamner la société Poit à lui verser à titre de dommages et intérêts :

- la somme de 40 365 euros au titre du préjudice matériel ;

- la somme de 35 000 euros au titre du préjudice moral ;

- condamner la société Poit à la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 2 février 2023, la société Poit a demandé de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions;

Subsidiairement et en toute hypothèse,

- débouter Monsieur [B] de ses demandes au titre d'un préjudice matériel et moral ;

Y additant,

- condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 16 janvier 2023, l'affaire a été clôturée à l'audience de la cour.

MOTIVATION:

Sur l'écart des débats de la pièce n°7 de la société Poit :

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Si la preuve est libre en matière commerciale, il appartient au juge de rejeter les procédés dérivant de l'utilisation de moyens de preuve frauduleux ou illicites.

La pièce n°7 de la société Poit est constituée par le compte rendu d'investigation de la société Apri, sur la base duquel a été prise la décision de révocation.

Monsieur [B] demande l'écart des débats de cette pièce, motif de sa violation de la règle tenant à la loyauté dans l'établissement de la preuve, alors qu'il n'a pas été avisé, en sa qualité de cogérante, que la société Poit allait diligenter une enquête privée dès le 8 octobre 2019, et alors que ce rapport, pourtant daté du 29 novembre 2019, n'avait jamais été porté à sa connaissance.

Mais l'appelant n'allègue ni ne démontre en quoi cette d'enquête présenterait un caractère illicite ou frauduleux, alors que celle-ci a été réalisée, dans les locaux professionnels de la société Poit où ont été interrogés ses gérants et salariés.

Surtout, il ressort de ce rapport d'enquête que Monsieur [B] a été personnellement interrogé par les enquêteurs, a été entendu sur les faits, a notamment présenté une photographe de la remise des espèces dans le coffre, mais sans que celle-ci contiennent d'information sur la date ou le lieu de sa prise (deuxième et troisièmes pages), a confirmé que les remisages en coffre des recettes pouvaient durer jusqu'à plusieurs jours (cinquième page), a nié en bloc être l'auteur de la disparition des fonds, et a tenté de diriger les suspicions vers une salariée après connaissance de ses demandes d'acompte (dernière page).

Ainsi, Monsieur [B] avait nécessaire connaissance des investigations en cours, qui n'ont pas été réalisées à son insu.

Monsieur [B] reproche encore à la société Poit d'avoir mandaté l'enquêteur privé aux fins d'investigations sur un abus de confiance ou un vol commis à son préjudice.

Mais alors qu'il est constant que les recettes en espèces des 2 et 4 octobre 2019 n'ont jamais été déposées en banque et ont disparu du coffre dans lequel elles étaient détenues dans le magasin, la société Poit était bien fondée à solliciter des investigations sur des faits susceptibles de recevoir de telles qualifications pénales, sans qu'il en résulte une quelconque déloyauté à l'égard des gérants.

Au surplus, il conviendra d'observer l'expression prudente et mesurée de cette enquête, qui se borne parfois à évoquer des hypothèses, et qui, si elle a conclu à certaines défaillances, n'a pas permis de retrouver le ou les auteurs ayant subtilisé les recettes en espèces des 2 et 4 octobre 2009.

Pour le surplus, l'appelant se borne à critiquer la valeur probante de cette pièce, qui est étrangère au principe de loyauté, et dont la teneur sera examinée ci-après.

Il n'y aura donc pas lieu de l'écarter des débats, et Monsieur [B] sera débouté de sa demande en ce sens.

Sur l'existence de justes motifs de révocation du gérant:

Selon l'article L. 223-25 du code de commerce,

Le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation a été décidée sans justes motifs, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

En outre, le gérant est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.

Le juste motif de révocation peut résulter d'une faute du gérant, particulièrement lorsqu'elle se rattache à l'exercice de ses fonctions, ou à un manquement de ce dernier à ses obligations légales ou statutaires.

Il ressort du guide des procédures internes à l'entreprise, s'agissant de la fermeture de caisse, que la remise en banque doit être effectuée tous les jours.

Monsieur [B] ne vient pas contester sa connaissance de cette règle.

Le rapport d'enquête privé vient mettre en évidence que Monsieur [B], aux côtés de trois autres cogérants Messieurs [F], [N], et [X], avaient principalement en charge la partie opérationnelle, et se devaient, en fin de journée, exclusivement et eux-mêmes, procéder après la fermeture à la remise en banque.

Il met en évidence que les deux remises en espèce des recettes des 2 et 4 octobre 2019 n'avait pas été portées au crédit de la société.

Il rapporte que l'analyse couvrant la période du 2 septembre 2019 au 12 octobre 2019 a mis en exergue des écarts de remise pouvant aller jusqu'à 8 jours.

Il énonce que les recettes de ses deux jours n'ont jamais été acheminées en banque, mais au contraire, manifestement remisées, un temps, dans le coffre du magasin, celle du 2 octobre 2019 par Monsieur [N], et celle du 4 octobre par Monsieur [B].

Ce rapport retrace les déclarations de Monsieur [N], qui a reconnu ne pas avoir remisé les fonds à la banque à la fin de la journée, pour préférer les laisser au coffre, sans s'en soucier par la suite, pensant que cette remise allait être faite par les autres gérants.

Ce rapport observe que pour le 3 octobre, journée suivante, la clôture a été assurée par Monsieur [B]

Le rapport vient énoncer, que la recette du 4 octobre 2019, a été remisée dans le coffre par Monsieur [B], qui a déclaré l'avoir laissé au coffre du magasin, car il était attendu.

Ce rapport vient énoncer que le 5 octobre 2019, Monsieur [B] a réalisé l'ouverture du magasin, et a déclaré avoir donné accès au coffre à un salarié en fin de journée.

Il narre que la clé du coffre était à la libre disposition des salariés, dans un tiroir du bureau.

Il constate qu'au lundi 7 octobre 2019, les remises en chèques pour les journées des 2 et 4 octobr e précédents étaient toujours en attente, déposées dans le coffre du magasin.

Ce rapport vient relater les propos de Monsieur [B], conjointement avec Monsieur [N], quant au constat selon lequel les remises en coffre des recettes pouvaient durer jusqu'à plusieurs jours.

Selon ce rapport, l'ensemble du personnel entendu sur les faits a confirmé les habitudes des cogérants consistant à laisser aux salariés la possibilité d'accéder aux coffres contenant les fonds.

Au total, ce rapport met en évidence des négligences des cogérants susdits constitués par:

- des remises en banque non effectuées quotidiennement;

- le stockage, dans le coffre-fort du magasin, des espèces et chèques pendant plusieurs jours, alors que le coffre-fort ne répond pas aux standards de sécurité;

- le fait de laisser les clés du coffre-fort dans le bureau, à libre disposition des salariés, celles-ci étant régulièrement utilisées par l'ensemble du personnel, au vu et au su des cogérants ;

- la disparition des recettes des 2 et 4 octobre 2019, pour un total de 6162,73 euros.

L'essentiel de ce rapport a été repris dans le rapport de la gérance exposé au cours de l'assemblée générale du 10 janvier 2020, en présence de Monsieur [B] qui n'en a pas contesté la teneur, et qui a concédé ne pas déposer les fonds en banque une fois par mois, et notamment le 4 octobre 2019, tout en mettant en avant pour le surplus son très important investissement professionnel dans la société.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments des défaillances personnelles de Monsieur [B] quant à la sécurisation des fonds lors de leur détention au magasin, dans un coffre où l'ensemble des salariés pouvait avoir accès librement, de même que quant à l'obligation d'un dépôt quotidien des fonds en banque, spécialement le 4 octobre 2019, susceptibles d'affecter tant la sécurité des salariés et clients que de causer un préjudice à la société, et ayant contribué à la disparition des recettes en espèce pour les journées des 2 et 4 octobre 2019.

Et si Monsieur [B] a avisé la société Poit de la disparition de ces recettes le 10 octobre 2019, en sollicitant la conduite à tenir, cette diligence n'est pas de nature à compenser ses défaillances antérieures.

Ces circonstances caractérisent de justes motifs justifiant la révocation de Monsieur [B] de ses fonctions de gérant.

Monsieur [B] sera donc débouté de sa demande indemnitaire pour préjudice matériel, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Il sera aussi confirmé en ce qu'il a dit et jugé infondées les demandes de Monsieur [B] qui tendraient à le dédouaner ou à atténuer ses responsabilités envers la société Poit à l'occasion de la disparition des recettes des 2 et 4 octobre 2019, qui avaient disparu du fait de l'incurie de Monsieur [B] ;

Sur le caractère brutal, abusif et vexatoire de la révocation:

La révocation d'un gérant peut intervenir à tout moment, et n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances ou a été prise dans des conditions portant atteinte à son honneur ou à sa réputation ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation.

S'il n'est pas nécessaire de communiquer au dirigeant concerné les motifs de la révocation envisagée préalablement à la réunion de l'organe social chargé de la prononcer, il faut, en revanche, que l'intéressé, fût-il révocable ad nutum, ait été convoqué à cette réunion et que, s'il était présent, il ait eu la possibilité de connaître les motifs de la décision prise à son encontre, et de les discuter.

En substance, le dirigeant concerné doit avoir été mis en mesure d'avoir eu connaissance des motifs de sa révocation et de présenter ses observations avant qu'il soit procédé au vote.

Cependant, si le manquement de la société à son obligation de loyauté est de nature à constituer une faute délictuelle, cet éventuel manquement n'emporte en lui-même aucune conséquence quant à la justesse des motifs de la révocation.

Monsieur [B] fait grief à la société des circonstances brutales et déloyales entourant sa révocation, puisque sa convocation à l'assemblée générale lui a été envoyé le 24 décembre, à l'occasion de ses congés de fin d'année de manière à ce que ce dernier dispose du moins de temps possible pour préparer sa défense, alors qu'aucun de ses interlocuteurs ne l'avait recontacté depuis octobre 2019, et qu'il venait d'être avisé le 3 décembre 2019 de l'obtention d'une prime liée aux résultats du groupe.

Mais en ménageant un délai de 16 jours à l'intéressé pour préparer sa défense, la convocation de la société Poit est exclusive de toute brutalité ou déloyauté, sans qu'il puisse à ce dernier titre être fait reproche à la société Poit, qui n'y était pas tenue, de le recontacter à l'issue des investigations avant de lui adresser sa convocation pour l'assemblée générale.

Le fait que cette convocation interviennent en fin d'année, hors de tout autre élément, n'est pas de nature à caractériser des circonstances brutales, abusives ou vexatoires, pas plus que le fait d'avoir auparavant avisé l'intéressé de la perception d'une prime, alors que cette information n'avait que pour objet et pour effet de le remplir de ses droits.

Monsieur [B] fait grief à la société Poit ne pas lui avoir fourni plus d'explication sur les circonstances des faits d'octobre 2019 et sur les résultats de l'enquête.

Mais il sera rappelé que l'intéressé avait été interrogé lors de la réalisation de l'enquête, que la teneur de celle-ci avait été portée à sa connaissance dans le courrier la convocation en assemblée générale, et que le procès-verbal d'assemblée générale met en évidence que l'intéressé, qui y a assisté, a eu connaissance du rapport de la gérance relatant la teneur de cette enquête, et qu'il a été mise en mesure de s'expliquer, longuement, sur les motifs envisagés pour sa révocation.

Monsieur [B] fait encore reproche à la société Poit d'avoir diligenté une enquête privée le 8 octobre 2019 sans en avoir avisé préalablement ses cogérants, et de ne pas avoir porté à sa connaissance le rapport d'enquête y afférent, daté du 29 novembre 2019.

Mais la société Poit n'avait aucune obligation à ces deux égards, mais seulement celle de mettre en mesure l'intéressé de s'expliquer préalablement à sa révocation quant au motifs envisagés pour celle-ci, et cette obligation a été en l'espèce parfaitement respectée.

Monsieur [B] reproche à la procédure son caractère vexatoire, sans égard pour sa personne et ses 15 années d'ancienneté dans l'entreprise, notamment en ce que Madame [C], autre cogérante à l'initiative de la convocation de l'assemblée générale du 10 janvier 2020, ne s'y est pas déplacée et a mandaté une personne tierce.

En effet, l'examen du procès-verbal y afférent met en évidence que l'assemblée générale a été présidée par un représentant de la société holding Zéphira, actionnaire majoritaire de la société Poit.

Mais la seule absence de cette cogérante ne revêt aucun caractère vexatoire, sans que par ailleurs la personne ou l'ancienneté du gérant ne soit de nature en elle-même à faire revêtir un tel caractère à l'occasion de la procédure de révocation suivie contre ce dernier.

Monsieur [B] reproche enfin à la société Poit d'avoir fait publier, dès le 24 décembre 2019, jour d'envoi de sa convocation à l'assemblée générale, une annonce pour le recrutement d'un responsable de magasin pour le magasin Noz de [Localité 7].

Et la société Poit entend justifié ce dépôt d'une offre d'emploi par un souci de bonne gestion de l'entreprise, dans l'attente de la décision qui serait prise par les associés à l'assemblée générale du 10 janvier 2020, en rappelant que le poste n'a été pourvu qu'après la décision de révocation.

Or, il est constant entre parties que Monsieur [B] occupait les fonctions de responsable de magasin.

Dès lors, en publiant, le jour même de sa convocation à l'assemblée générale ayant pour objet sa révocation de ses fonctions de gérant, une offre d'emploi sur le poste occupé par le gérant, la société Poit a ainsi laissé présumer, de surcroît publiquement, la décision qu'elle prendrait à cet égard en assemblée générale.

Cette circonstance, seule à être vexatoire, a ainsi généré du chef de Monsieur [B] un préjudice moral, qui sera entièrement réparé par une indemnité de 5000 euros, mais sans pouvoir être appréciée au regard de la totalité de son temps de présence dans l'entreprise, puisqu'il y a lieu d'exclure le temps où il en était le salarié, et non le dirigeant social.

Il y aura donc lieu de condamner la société Poit à payer à Monsieur [B] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et le jugement sera infirmé de ce chef.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

Le jugement sera infirmé pour avoir condamné Monsieur [B] aux entiers dépens de première instance et à payer à la société Poit une somme au titre des frais irrépétibles d'appel.

La société Poit sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances.

La société Poit sera condamnée aux dépens des deux instances et à payer à Monsieur [B] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Rejette la demande de Monsieur [V] [B] tendant à écarter des débats la pièce n°7 de la société à responsabilité limitée Poit ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit et jugé infondé(sic) les demandes de Monsieur [V] [B] qui eussent tendu à le dédouaner ou à atténuer ses responsabilités envers la société à responsabilité limitée Poit à l'occasion de la disparition des recettes des 2 et 4 octobre 2019, qui avaient disparu du fait de l'incurie de Monsieur [V] [B] ;

Confirme le jugement déféré de ce seul chef;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant:

Déboute Monsieur [V] [B] de sa demande à titre de dommages-intérêts pour préjudice matériel;

Condamne la société à responsabilité limitée Poit à payer à Monsieur [V] [B] la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Déboute la société à responsabilité limitée Poit de ses demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré;

Condamne la société à responsabilité limitée Poit aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [V] [B] la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.