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Décisions

CA Reims, ch. soc., 29 mai 2013, n° 12/01150

REIMS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Spie Communications (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Conté

Conseillers :

Mme Ledru, Mme Aymes Belladina

Avocat :

SCP Auxis Avocats

Cons. Prud’h. Reims, du 4 avr. 2012, n° …

4 avril 2012

Exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties

Monsieur B... a été engagé par contrat à durée indéterminée à compter du 15 septembre 2003 en qualité d'ingénieur commercial, statut cadre par la société SPIE COMMUNICATIONS, puis promu chef d'agence le 1er janvier 2010.

La convention collective applicable est celle des ingénieurs et cadres des industries métallurgiques.

Par lettre du 27 mai 2011, Monsieur B... a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 juin 2011 avec mise à pied à titre conservatoire, puis par lettre du 16 juin 2011 il a été licencié pour faute grave pour avoir couvert, malgré des alertes, les commandes d'un de ses subordonné en la validant, soit deux commandes d'iphones destinés à la Préfecture d'Amiens à titre de geste commercial, en contradiction avec le manuel de conduite éthique des affaires, assimilable à une tentative de corruption de fonctionnaire pour remporter une affaire .

Contestant son licenciement, Monsieur B..., a saisi le conseil de prud'hommes de Reims le 2 août 2011, qui par jugement du 7 avril 2012 a :

- dit que le licenciement de Monsieur B... repose sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave,

- débouté Monsieur B... de sa demande en dommages et intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société SPIE COMMUNICATIONS à régler à Monsieur B... les sommes de :

- 3.156,93 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

- 315,69 euros au titre des congés payés afférents,

- 26.640 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 2.664 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 13.320 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la rectification des bulletins de paie et des documents relatifs à la rupture en fonction du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire qui est de droit dans la limite de neuf mois de salaires pour les sommes visées à l'article L. 1454-28 du code du travail,

- ordonné l'exécution provisoire du surplus des condamnations au titre de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que ces sommes seront consignées auprès de la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à ce que la décision soit devenue définitive,

- débouté Monsieur B... du surplus de ses demandes,

- débouté la société SPIE COMUNICATIONS de sa demande reconventionnelle,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit que les dépens seront partagés entre les parties.

Monsieur B... a interjeté appel le 30 avril 2012 et demande de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SPIE COMMUNICATIONS à lui payer le préavis, le rappel de salaires sur mise à pied conservatoire, les congés payés afférents et l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- constater que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

- condamner la société SPIE COMMUNUCATIONS à lui payer les sommes de :

- 116.563,92 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société SPIE COMMUNICATIONS a formé appel incident et demande :

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur B... reposait sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave, et en ce qu'il l'a condamné au paiement de certaines sommes,

- la confirmation du jugement sur le surplus,

- le rejet des demandes du salarié,

à titre subsidiaire,

- la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,

en tout état de cause,

- la condamnation de Monsieur B... à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

DÉCISION

Attendu que la lettre de licenciement datée du 16 juin 2011 est très détaillée et reproche à Monsieur B... de ne pas avoir eu une attitude correspondant à celle d'un chef d'agence qui est le représentant de la société et le garant de l'application des bonnes règles de conduite ; qu'en l'espèce, un seul fait est visé ; qu'il lui est fait grief, malgré les alertes, d'avoir couvert un subordonné, ingénieur responsable des comptes, qui pour remporter une affaire a souhaité faire un geste commercial en commandant des iphones destinés à la Préfecture d'Amiens, imputés sur une commande de la Préfecture et sur un projet de commande des Nouvelles Galeries alors que ceci est formellement interdit et qu'en outre il existe un manuel rappelant les règles d'éthique ; que la société ajoute que ceci est assimilé à une tentative de corruption de fonctionnaire et qu'il aurait dû recadrer son subordonné et bloquer toute commande au lieu de les valider pour le service achats ;

Attendu que la société se prévaut d'une faute grave, contestée par le salarié, dont la charge de la preuve incombe à l'employeur et qui est lié par les griefs contenus dans la lettre de licenciement ;

Attendu que Monsieur B... soutient qu'en qualité de chef d'agence, il encadrait une équipe, mettait en œuvre la stratégie commerciale, technique et qualité de la région et était responsable du résultat généré par ses équipes ; qu'il était sous la responsabilité du responsable de Centre de Profits (Monsieur E...) ; qu'il ne validait pas les commandes qui étaient transmises au service administration des ventes qui devait les viser et en cas de difficultés en référer à Monsieur E... ; qu'il ne validait que les commandes au dessus de 30.000 euros ;

Mais attendu que Monsieur B... commet une confusion entre délégation de commande au niveau hiérarchique et validation de commande ; que de plus, il n'est pas contestable que compte tenu de la difficulté apparue sur ces commandes comportant des iphones, son accord a été demandé ;

Attendu que Monsieur B... conteste avoir eu connaissance qu'il s'agissait d'un cadeau à la Préfecture d'Amiens et affirme ne l'avoir su que par le mail du 13 mai 2011 de Monsieur A..., ingénieur responsable des comptes qui est le seul responsable de cette affaire et n'a pourtant pas été licencié ; que la commande a été validée par Monsieur D... ; que s'il y avait une anomalie c'était à Monsieur E... de bloquer la commande ; qu'il s'agissait d'un geste commercial et non d'un cadeau ;

Mais attendu que Monsieur B... omet qu'il était le supérieur hiérarchique de Monsieur A... et les différents échanges avec Monsieur D... du service des achats ; que de plus, en matière de « geste commercial », il y a une procédure à respecter impliquant l'accord du directeur de région qui n'a pas été sollicité en l'espèce, ce que l'appelant ne conteste pas et ce que relève le conseil de prud'hommes ;

Attendu qu' il ressort des pièces produites que le manuel de conduite éthique des affaires récapitulant les règles en vigueur a été adressé au personnel de la société le 17 février 2011 et rappelle ce qui doit être entendu par cadeaux et corruption ; que surtout plusieurs mails ont été échangés entre Monsieur D..., qui s'étonnait de la demande d'achat d'iphones que la société ne vend pas, et Monsieur B... dès le 3 mars 2011 ; que Monsieur D... a bloqué la commande qui lui paraissait anormale et demandé des explications à Monsieur B... lequel ne peut donc contester qu'il ignorait tout de cette affaire ; que Monsieur D... lui a demandé son accord express le 21 mars 2011 ; que le mail du 17 mars 2011 de Monsieur A... adressé en copie à Monsieur B... ne laisse aucun doute sur le fait que les quatre iphones sont destinés au client Préfecture d'Amiens et que cette opération est effectuée à titre commercial ; que Monsieur B... aurait alors dû s'interroger et questionner son subordonné, Monsieur A... sur cette commande particulière, suivre la procédure de l'entreprise en cas de geste commercial ou recadrer son subordonné s'il s'agissait d'un geste s'apparentant à de la corruption ; que le 21 mars 2011, Monsieur B... qui affirme n'intervenir que dans les commandes supérieures à 30.000 euros a pourtant donné son accord à Monsieur D... concernant l'achat des iphones alors que depuis le 3 mars 2011, il était alerté d'une difficulté ; que le 9 mai 2011, Monsieur E... a demandé des explications à Monsieur B... sur la commande d'iphones qu'il avait confirmé ; que Monsieur B... n'a pas admis son erreur et a reporté la faute sur les autres intervenants ;

que Monsieur A... a reconnu son erreur et été sanctionné par un avertissement le 16 juin 2011, la société indiquant que Monsieur A... avait peu d'ancienneté (1 an) et avait informé son supérieur hiérarchique qui avait validé la commande ce qui justifiait le traitement différent ;

Attendu que ces faits justifient un licenciement pour faute grave en raison de la position de Monsieur B..., de sa fonction d'encadrement, de son ancienneté et du fait qu'il a donné son accord express le 21 mars 2011 à un achat destiné à assurer une commande qui s'apparente à de la corruption, ce qu'il ne pouvait ignorer au regard du mail de Monsieur A... du 17 mars 2011 ; que le jugement sera infirmé et Monsieur B... débouté de ses demandes ;

Attendu que succombant en son appel, Monsieur B... supportera les dépens ; qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont dû exposer ; qu'elles seront déboutées de cette demande.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirmant le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement pour faute grave est justifié,

Déboute Monsieur C... B... de ses demandes,

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur B... aux dépens.