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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 12 septembre 2023, n° 23/01366

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance Ile-De-France, Société Générale

Défendeur :

Le Procureur General, Unhycos (SAS), V&V Associes - Reajir (Selarl), Unedic, Bazar 5000 (Sté), Orlina Export (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Baumann

Conseillers :

Mme Bonnet, Mme Michon

Avocats :

Me Teriitehau, Me Dubois, Me Orengo, Me Dupuis, Me Baudry, Me Delaunay, Me de l'Aigle

T. com. Pontoise, du 10 févr. 2023, n° 2…

10 février 2023

Par jugement du 4 octobre 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Unhycos, spécialisée dans le commerce de gros de produits d'hygiène, parfumerie et beauté ; il a désigné la Selarl V&V Associés, en la personne de maître [I] [K], et la Selarl MMJ, en la personne de maître [X] [U], respectivement en qualité d'administrateur et de mandataire judiciaires.

La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et le Crédit du Nord, aux droits duquel vient la Société générale, ont chacun déclaré leurs créances au passif de la procédure, celles-ci ayant été respectivement admises à hauteur de 2 201 247,15 et 3 441 767,86 euros.

La société Unhycos, sur le fondement des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L.626-29 du code de commerce, a sollicité la constitution de classes de parties affectées, que le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a autorisée par ordonnance du 31 mai 2022.

L'administrateur judiciaire a constitué huit classes de parties affectées :

1. créanciers fiscaux et sociaux ;

2. clients créditeurs ;

3. actionnaires ;

4. fournisseurs dont le siège social ressort du territoire français ;

5. fournisseurs dont le siège social dépend d'un territoire en dehors de la France

6. établissements bancaires ;

7. crédits-bailleurs ;

8. bailleurs ;

La constitution de ces classes n'ayant fait l'objet d'opposition, ni sur leur principe, ni sur leurs modalités de constitution, l'administrateur judiciaire a établi un projet de plan en proposant aux créanciers fiscaux et sociaux, éligibles aux classes de parties affectées, un remboursement à 100% de leurs créances sur dix ans et pour l'ensemble des autres créanciers affectés, à l'exception des actionnaires auxquels il a été demandé un abandon de 100% de leurs créances, un remboursement à hauteur de 14% de la dette avec abandon du solde (86 %), selon l'échéancier suivant :

- la première année : 3% ;

- la seconde année : 4% ;

- la troisième année : 6% ;

- de la quatrième à la septième année : 12% ;

- de la huitième à la dixième : 13%,

le premier règlement intervenant à la date anniversaire du plan.

Pour les créanciers ne relevant pas des classes de parties affectées, il a été proposé le remboursement dès l'arrêté du plan des créanciers titulaires de créances d'un montant maximal de 500 euros, conformément à l'article R.626-34 du code de commerce, le paiement de la totalité des créances super privilégiées du Centre de gestion et d'étude AGS (le CGEA) d'ici 2025 ainsi que pour les autres créances du CGEA et celles des mutuelles, le remboursement de 100% des sommes dues sur la durée du plan selon l'échéancier de remboursement proposé aux classes de parties affectées, à savoir :

- Année 1 : 3% ;

- Année 2 : 4 % ;

- Année 3 : 6% ;

- Années 4 à 7: 12% ;

- Années 8 à 10: 13%,

le projet prévoyant également et le cas des créanciers non répondants et celui des créanciers ayant refusé les propositions.

A l'issue des votes par correspondance comptabilisés au 26 août 2022, une majorité des classes (six sur huit) a accepté le plan.

La Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, la Société générale, venant aux droit du Crédit du Nord et le Crédit industriel et commercial (CIC), ont, par requête reçue le 5 septembre 2022, formé un recours en sollicitant à titre principal la désignation d'un expert avec mission de déterminer la valeur d'entreprise de la société Unhycos et de se prononcer en conséquence sur le non-respect par le projet de plan de la règle du meilleur intérêt des créanciers, à titre subsidiaire que le tribunal détermine cette valeur d'entreprise de la société Unhycos et qu'en tout état de cause, il rejette le projet de plan au motif qu'il ne respecte pas la règle du meilleur intérêt des créanciers.

Après avoir précisé que l'objet de leur recours exercé en application des dispositions de l'article R.626-24 du code de commerce n'était pas de contester la constitution des classes ni leur composition, elles y ont exposé notamment que cette composition était largement critiquable au regard des critères fixés par l'article L.626-30 III du code de commerce ; motivant le bien fondé de leur recours sur les dispositions de l'article L.626-31 4° du code de commerce et contestant la valorisation de la société, elles ont demandé au tribunal de juger que la règle du meilleur intérêt des créanciers n'a pas été respectée et qu'elles se trouveraient traitées d'une manière plus favorable en cas de liquidation judiciaire de la société, de plan de cession ou de toute situation alternative.

Par requête en date du 16 novembre 2022, les sociétés Bazar 5000 et Orlina export ont sollicité du tribunal, après avoir joint la procédure ainsi introduite à la procédure en contestation diligentée par les établissements de crédit contre le plan proposé par la société Unhycos, qu'il ordonne à titre principal la délivrance du solde des marchandises commandées et qu'à titre subsidiaire, il ordonne le remboursement intégral de la contrevaleur du solde des marchandises dans le cadre du plan.

Par jugement contradictoire du 10 février 2023, le tribunal de commerce de Versailles a notamment :

- ordonné la jonction des deux affaires ;

- dit et jugé irrecevables et mal fondées les demandes présentées par les sociétés Orlinea export et Bazar 5000 ;

En conséquence,

- rejeté leurs demandes ;

- dit et jugé mal fondées les demandes formées par la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, le CIC et la Société générale venant aux droits et obligations du Crédit du Nord ;

En conséquence,

- rejeté leurs demandes ;

- débouté la société Unhycos de ses demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre des sociétés Bazar 5000 et Orlina export ;

- laissé à la charge des sociétés Bazar 5000 et Orlina export les dépens par elles exposés ;

- laissé à la charge de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France, le CIC et la Société générale venant aux droits et obligations du Crédit du Nord la charge des dépens par elles exposés ;

- arrêté le plan de redressement de la société Unhycos ;

- donné acte des délais, remises de pénalités, majorations et abandons de créances consentis expressément par les créanciers ;

- pris acte de l'abandon de l'intégralité des créances des actionnaires ;

- dit que les créances inférieures ou égales à 500 euros seront réglées dès l'arrêté du plan ;

- dit que les créanciers super privilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3% ;

* la seconde année : 4% ;

* la troisième année : 6% ;

* la quatrième à la septième année : 12% ;

* la huitième à la dixième année : 13% ;

- dit que le premier règlement interviendra à la date anniversaire du plan ;

- dit que les créances des classes des parties affectées, y compris les deux classes qui ont voté contre le projet de plan, seront remboursées à hauteur de 14% de leurs créances déclarées au passif sur dix ans avec la remise du solde de leurs créances selon les modalités suivantes :

* année 1 : 3% ;

* année 2 : 4% ;

* année 3: 6% ;

* années 4 à 7 : 12% ;

* années 8 à 10 : 13% ;

- dit que le premier règlement interviendra à la date d'anniversaire du plan

- dit que les règlements seront annuels, le premier versement intervenant à la date d'anniversaire du plan;

- mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire ;

- nommé la Selarl V & V, en la personne de maître [K], en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

- prononcé l'inaliénabilité des éléments incorporels du fonds de commerce dépendant de l'actif de la société Unhycos ;

- fixé la durée du plan de redressement de la société Unhycos jusqu'à l'apurement total du passif à dix ans selon les modalités précisées ci-dessus ;

- maintenu le mandataire judiciaire dans ses fonctions, la vérification des créances n'étant pas terminée;

- dit que les dépens seront supportés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Par déclaration du 23 février 2023, la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France (la Caisse d'épargne) et la Société générale ont interjeté appel du jugement. La déclaration d'appel a été signifiée à M. [F], en sa qualité de représentant des salariés, par acte remis à tiers présent à domicile, le 20 mars 2023, et aux sociétés Bazar 5000 et Orlina export, par actes remis à personne habilitée, le 17 mars 2023; ces intimés n'ont pas constitué avocat.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 juin 2023, les premières conclusions ayant été signifiées à M. [F] et aux sociétés Bazar 5000 et Orlina export, par actes remis à l'étude les 17 et 18 avril 2023, la Caisse d'épargne et la Société générale demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel ;

Y faisant droit,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* dit et jugé mal fondées leurs demandes ;

* arrêté le plan de redressement de la société Unhycos ;

* pris acte des délais, remises de pénalités, majorations et abandons de créances consentis expressément par les créanciers ;

* pris acte de l'abandon de l'intégralité des créances des actionnaires ;

* dit que les créances inférieures ou égales à 500 euros seront réglées dès l'arrêté du plan ;

* dit que les créanciers super privilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités définies au jugement ;

* dit que le premier règlement interviendra à date anniversaire du plan ;

* dit que les créances des classes des parties affectées, y compris les deux classes qui ont voté contre le projet de plan, seront remboursées à hauteur de 14% de leurs créances déclarées au passif sur dix ans avec la remise du solde de leurs créances selon les modalités définies au jugement ;

* dit que le premier règlement interviendra à la date d'anniversaire du plan ;

* dit que les règlements seront annuels, le premier versement intervenant à la date d'anniversaire du plan ;

* mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire ;

* nommé la Selarl V&V en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

* prononcé l'inaliénabilité des éléments incorporels du fonds de commerce dépendant de l'actif de la société Unhycos ;

* fixé la durée du plan de redressement de la société Unhycos jusqu'à l'apurement total du passif à dix ans selon les modalités précisées ci-dessus ;

* dit que les délais d'apurement du passif et les dispositions du plan dans les remises imposées par le tribunal sont opposables à tous par application des articles L. 626-1.1 et suivants du code du commerce ;

- et plus généralement, réformer le jugement de toutes dispositions non visées au dispositif et leur faisant grief ;

Et, statuant à nouveau,

- les déclarer recevables et bien fondées en leur requête en date du 5 septembre 2022 ;

- juger que le plan de redressement de la société Unhycos ne respecte pas la règle du meilleur intérêt des créanciers prévue à l'article L. 626-31, 4° du code de commerce ;

- juger que le plan de redressement de la société Unhycos ne respecte pas la règle de priorité absolue prévue à l'article L. 626-32, I, 3° du code de commerce ;

- juger que le plan de redressement de la société Unhycos a été adopté en violation des règles de constitution et de composition des classes de parties affectées prévue à l'article L. 626-30 du code de commerce ;

En conséquence,

A titre principal,

- désigner un expert avec pour mission de déterminer la valeur d'entreprise de la société Unhycos, afin qu'il soit statué sur le non-respect par le plan de la règle du meilleur intérêt des créanciers ;

A titre subsidiaire,

- déterminer la valeur d'entreprise de la société Unhycos, et se prononcer en conséquence sur le non-respect par le plan de la règle de priorité absolue et de la règle du meilleur intérêt des créanciers ;

En tout état de cause,

- rejeter le plan de redressement ;

- condamner la société Unhycos à leur payer la somme de 1 000 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de maître Stéphanie Teriitehau, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'Unedic (délégation AGS, CGEA de [Localité 9]), dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 mai 2023 puis signifiées aux intimés défaillants le 22 mai 2023, demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que les créanciers super privilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3% ;

* la seconde année : 4% ;

* la troisième année : 6% ;

* la quatrième à la septième année : 12% ;

* la huitième à la dixième année : 13% ;

- dit que le premier règlement interviendra à date anniversaire du plan ;

- dire et juger que ses créances superprivilégiées et les créances de l'article L. 622-17 du code de commerce, sont hors plan de redressement de la société Unhycos ;

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant aux demandes des appelantes ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens et frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Les sociétés Unhycos, V&V Associés et MMJ, ces dernières ès qualités, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 juin 2023 puis signifiées aux intimés défaillants par actes du 12 juin 2023, demandent à la cour de :

- dire irrecevable toute demande visant directement ou indirectement à remettre en cause la constitution de classes de parties affectées, les modalités de répartition en classe et/ou le calcul des voix correspondant aux créances ou droits relatifs aux classes de parties affectées, et notamment la demande des appelants de 'juger que le plan de redressement de la société Unhycos a été adopté en violation des règles de constitution et de composition des classes de parties affectées prévue à l'article L. 626-30 du code de commerce » ;

En tout état de cause,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement sauf à rectifier l'erreur matérielle l'affectant relatif à la créance du CGEA ;

Sur ce dernier point,

- rectifier le chef de jugement suivant :

'dit que les créanciers superprivilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3%

* la seconde année : 4%

* la troisième année : 6%

* la quatrième à la septième année : 12%

* la huitième à la dixième année : 13%'

en

' dit que les créances non superprivilégiées du CGEA et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3%

* la seconde année : 4%

* la troisième année : 6%

* la quatrième à la septième année : 12%

* la huitième à la dixième année : 13%'

- débouter la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la Société générale, venant aux droits du Crédit du Nord, de toutes leur demandes ;

- condamner ces dernières à verser à la société Unhycos la somme de 4 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les appelantes aux entiers dépens.

Dans son avis notifié par RPVA le 12 mai 2023, le ministère public demande à la cour de confirmer le jugement selon des motifs qui seront rappelés aux motifs du présent arrêt.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'est soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, étant observé que conformément aux articles L.626-33 et R.626-64 II du code de commerce, applicables au plan de redressement, la décision prise par le tribunal, en application des articles L.626-31 ou L.626-32 du même code, est susceptible de recours formé devant la cour d'appel dans un délai de dix jours à compter de sa notification, 'par chaque partie, le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le ministère public ' ; les appelantes principales, parties affectées, justifient que le jugement a été notifié à leur avocat par lettre recommandée postée le 14 février 2023 dont elles précisent qu'elle a été réceptionnée le 15 février 2023.

Il convient par conséquent de déclarer recevables l'appel principal de la Caisse d'épargne et de la Société générale, en date du 13 février 2023 ainsi que l'appel incident de l'Unédic.

Sur la demande de l'Unédic :

L'association Unédic, sur le fondement de l'article 462 du code de procédure civile, soutient en premier lieu que le jugement comporte une erreur matérielle manifeste dès lors qu'à la lecture de ses motifs, seul le plan proposé par l'administrateur judiciaire pouvait être adopté par le tribunal, lequel n'a jamais prévu d'inclure dans les créances remboursées sur dix ans les créances super privilégiées et celles de l'article L.622-17 de l'AGS, alors que dans son dispositif, le jugement prévoit que les créanciers super privilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100 % de leurs créances sur dix ans selon les modalités qui y sont définies. Compte tenu de cette contradiction, elle sollicite l'infirmation du jugement sur ce point en ajoutant, en second lieu, que cette infirmation est d'autant plus fondée que les articles L.631-19 d'une part et L.626-18 à L.626-20 du code de commerce d'autre part, disposent que le plan du débiteur, arrêté par le tribunal, emporte obligation pour ce dernier de régler la créance super privilégiée du CGEA-AGS et la créance de l'article L.622-17, immédiatement, sans qu'aucun délai puisse être imposé à l'AGS.

La société Unhycos et les organes de la procédure confirment qu'il était effectivement prévu dans le plan présenté au tribunal que les créances super privilégiées seraient réglées hors plan, dans le cadre d'un accord de règlement sur 24 mois de sorte que seules les créances des AGS ne bénéficiant pas du super privilège sont soumises au plan sur dix ans et que le jugement doit être rectifié comme indiqué dans le dispositif de leurs conclusions.

La Caisse d'épargne et la Société générale qui ont sollicité l'infirmation du jugement de ce chef ne formulent pas d'autre observation sur cette demande de rectification.

Selon l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Selon les motifs du jugement, le tribunal, après avoir notamment relevé que le plan proposé offrait une perspective raisonnable de garantir la viabilité de l'entreprise et que l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, le juge-commissaire et le ministère public se sont prononcés en faveur du plan présenté, a considéré qu'il convenait 'd'arrêter, par application des articles L.626-9 et suivants et R.626-17 et suivants du code de commerce, le plan de redressement de la société Unhycos tels que proposé et d'imposer aux autres créanciers visés à l'articles L.626-18 qui ont voté contre les propositions de plan, des délais et remises fixés dans le dispositif ci-après' ; le tribunal a également indiqué, lors du rappel des positions des parties, que 'l'avocat des AGS' avait confirmé 'accepter le plan de redressement'.

Le plan proposé par l'administrateur judiciaire, conformément aux dispositions de l'article L.626-20 du code de commerce, ne prévoit pas de remboursement sur dix ans des créances super privilégiées du CGEA, d'un montant de 634 409 euros, dont il est mentionné qu'elles seront remboursées et soldées en 2025 ; seul le règlement des créances du CGEA, d'un montant de 411 547 euros, est prévu sur dix ans.

Ce n'est par conséquent qu'à la suite d'une erreur purement matérielle que le tribunal a indiqué dans le dispositif du jugement que 'les créanciers superprivilégiés sont remboursés à 100 % de leurs créances sur dix ans selon les modalités' détaillées à la suite ; il convient de rectifier cette erreur selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt, étant observé que les créances de l'article L.622-17 n'étant pas expressément mentionnées dans le jugement, il n'y a pas lieu à rectification de ce chef.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux appelantes par la société Unhycos et les organes de la procédure :

La société Unhycos et les organes de la procédure concluent à l'irrecevabilité de toute demande visant directement ou indirectement à remettre en cause la constitution des classes de parties affectées, les modalités de répartition en classe et/ou le calcul des voies correspondant aux créances ou droits relatifs aux classes de parties affectées en invoquant :

- l'absence de contestation devant le juge-commissaire de la composition des classes, dans le délai de dix jours prévu à peine d'irrecevabilité à l'article R.626-58-1 alinéa 1 du code de commerce, observant que le tribunal a relevé que la composition des classes, en l'absence de contestation et de saisine du juge-commissaire dans les délais impartis par la loi, s'imposait à tous, y compris à lui et empêchait toute contestation ultérieure ;

- l'irrecevabilité des demandes nouvelles dans la mesure où la contestation du principe et des modalités de constitution des classes de parties affectées ne figurait pas dans le dispositif de la requête saisissant le tribunal en première instance ; soulignant que les appelantes y précisaient d'ailleurs que leur action n'avait pas pour objet de remettre en cause la constitution des classes de créanciers, ils invoquent également, au regard de cette 'contradiction évidente', l'irrecevabilité de cette demande en application du principe de l'estoppel;

- le défaut d'intérêt à agir des deux appelantes qui sont des créanciers chirographaires qui ont voté contre le plan et qui ne sauraient plaider par procureur dans l'intérêt des bailleurs ou de la société BPI France, observant que la constitution différente des classes, par l'ajout d'une classe des créanciers privilégiés, n'aurait pas changé ou modifié leurs droits.

Les appelantes concluent à la constitution 'contra legem'des classes de parties affectées sur le fondement de l'article L.626-30 du code de commerce dont il résulte notamment que les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur doivent appartenir à une classe distincte de celle des autres créanciers et que la répartition des parties affectées entre les différentes classes doit être réalisée au regard de critères objectifs vérifiables afin de respecter au sein de chaque classe une

certaine homogénéité, soulignant que selon la doctrine le rang des créances est l'un des critères principaux dans l'appréciation de la communauté d'intérêt économique suffisante ; elle font valoir qu'en méconnaissance de ce texte la classe des établissements bancaires et celle des bailleurs regroupent aussi bien des créanciers privilégiés que chirographaires et critiquent le jugement en ce que le tribunal s'est contenté de se référer à l'absence de recours dans les délais impartis sur la composition des classes de parties affectées, commettant en cela une erreur puisque indépendamment de tout recours, le tribunal, en application de l'article L.626-32 du code de commerce qui renvoie à l'article L.626-30 III du même code, ne peut arrêter le plan que si les classes de parties affectées ont été composées conformément aux dispositions précitées de sorte qu'il aurait dû vérifier la composition des classes et rejeter le plan de redressement au motif que les classes avaient été constituées 'contra legem'.

Les appelantes font valoir que leur 'demande' n'est pas nouvelle et qu'elles ont un intérêt personnel dans la mesure où 'le respect des conditions légales d'adoption du plan aurait par exemple pu conduire à ce qu'une majorité de classes rejette le projet de plan'.

Le ministère public observe que les appelantes ne peuvent plus contester la composition des classes de créancier au titre de l'article L.626-33 du code de commerce puisqu'aucun recours n'a été engagé dans le délai imparti par l'article R.626-58-1 du même code.

Il ressort des conclusions des appelantes, en leur dispositif et leurs motifs, qu'à l'appui de leurs demandes tendant à titre principal à la désignation d'un expert, à titre subsidiaire à la détermination de la valeur de la société Unhycos et, en tout état de cause, au rejet du plan de redressement concernant cette dernière, elles invoquent trois moyens énoncés en leur dispositif et introduits par la locution 'juger que', qu'elles ont ensuite développés en trois parties, dénommées 'a- Sur la constitution contra legem des classes de parties affectées', 'b- Sur la violation de la règle de priorité absolue' et 'c- Sur la règle du meilleur intérêt des créanciers'.

Le moyen par lequel elles soutiennent que les classes de parties affectées n'ont pas été constituées conformément aux dispositions du III de l'article L.626-30 du code de commerce en estimant que ces irrégularités font elles aussi obstacle à l'arrêté du plan, lequel se distingue d'une prétention, doit donc être examiné au fond par la cour sans que la société Unhycos et les organes de la procédure puissent utilement opposer une fin de non-recevoir laquelle est sans objet dès lors qu'aucune autre demande que celles tendant à la détermination de la valeur de la société et au rejet du plan de redressement n'est formulée par les appelantes en lien avec ce moyen, celles-ci ne discutant la composition des classes que pour soutenir que le tribunal n'a pas procédé aux vérifications qui s'imposaient à lui.

Sur la recevabilité de la requête en date du 5 septembre 2022 :

Dans le dispositif de leurs conclusions, les appelantes demandent à la cour de les déclarer recevables en leur requête du 5 septembre 2022.

La société Unhycos et les organes de la procédure ne formulent aucune observation à cet égard.

Devant le tribunal, les appelantes, dans leur requête alors dénommée 'requête aux fins de contestation du vote des classes de parties affectées', ont sollicité, outre la désignation d'un expert ou la détermination de la valeur d'entreprise de la société Unhycos, le rejet du projet de plan de cette société au motif qu'il ne respectait pas la règle du meilleur intérêt des créanciers ; celle-ci est établie au visa des articles L.626-33 et R.626-64 du code de commerce, les requérantes invoquant également l'article L.626-31 4° et le non respect du critère du meilleur intérêt.

Selon l'article R.626-64 du code de commerce en son I applicable au plan de redressement conformément à l'article L.631-19 du même code, au plus tard dans un délai de dix jours à compter du vote des classes sur le projet de plan, la partie affectée, qui a voté contre le projet de plan et qui entend contester le respect de la condition prévue au 4 ° de l'article L. 626-31 ou du cinquième ou du dixième alinéa de l'article L.626-32, saisit le tribunal par requête déposée au greffe contre récépissé.

Les votes par correspondance ayant été comptabilisés le 26 août 2022, la requête, reçue au greffe du tribunal de commerce le 5 septembre 2022 et contestant le respect de la condition prévue au 4 ° de l'article L.626-31, est par conséquent recevable, ce qui n'a fait l'objet d'aucune discussion en première instance ; la cour ajoute au jugement de ce chef.

Sur le bien fondé des demandes des appelantes :

Outre la constitution contra legem des classes de parties affectées, présentée précédemment, les appelantes, pour soutenir au visa de l'article L. 626-32 du code de commerce que le plan ne peut pas être imposé aux classes dissidentes dès lors que les conditions cumulatives n'en sont pas réunies, invoquent de deuxième part la violation de la règle de la priorité absolue ; elles exposent, au visa de l'article L.632-32, 3° du code de commerce, les conséquences juridiques de cette règle et qu'en l'espèce la classe des établissements bancaires à laquelle elles appartiennent, constituée de créanciers bénéficiant de sûretés ou de privilèges, comme la société BPI France notamment, de sorte qu'elle est réputée 'senior', se voit imposer un abandon de créance à hauteur de 86 % alors que les créanciers de la classe des crédits-bailleurs, réputée 'junior', seront intégralement payés aux termes du plan ; elles en concluent que le tribunal a commis une erreur alors que les créanciers chirographaires, en ce compris les crédits-bailleurs, n'auraient dû recevoir aucun paiement en l'absence de désintéressement intégral des créanciers d'une classe de rang supérieur, peu important que la classe dont il s'agit ait une créance de moins de 6 000 euros et que la société BPI France ait voté en faveur du plan dans la mesure où la règle de priorité absolue a vocation à s'appliquer à tous les créanciers d'une classe dissidente et à protéger toutes les créances de cette classe, sans distinguer selon que les créanciers ont voté pour ou contre le plan. Elles ajoutent enfin que la société Unhycos n'ayant pas fait de demande pour qu'il soit dérogé à cette règle de priorité absolue, il ne pouvait y être dérogé.

Elles se prévalent de troisième part de la violation de la règle du meilleur intérêt des créanciers

en faisant valoir, sur le fondement de l'article L.626-31 4° qui est applicable à l'hypothèse de l'adoption d'un plan dans les conditions de l'article L.626-32 (application forcée interclasses ) et à la procédure de redressement judiciaire (L.631-19), que les valorisations de la société Unhycos et du fonds de commerce, retenues par le tribunal dans le cadre d'une liquidation judiciaire, ne sont absolument pas sérieuses dès lors qu'en premier lieu elles ne sont fondées que sur la valeur liquidative des actifs, ce qui entraîne une diminution considérable et ne seraient donc pas pertinentes en cas de plan de cession ou de meilleure solution alternative alors que l'article L.626-31 4° fait expressément référence à ces situations ; elles exposent en deuxième lieu que les valorisations retenues par le tribunal ne reflètent pas la situation réelle de la société Unhycos en contestant tant le coefficient d'usage et le mutiple appliqué au bénéfice, choisis de manière arbitraire, que le chiffre d'affaires et le bénéfice retenus par l'expert sur la base des prévisions de l'exercice 2022, particulièrement sinistré, alors que les difficultés de cette société ayant mené à ces mauvais résultats ont été présentées comme purement conjoncturelles dans le jugement d'ouverture ; elles estiment qu'il eut été notamment plus pertinent de retenir les éléments financiers de l'exercice 2019, avant la crise sanitaire ou qu'à tout le moins la formule retenue dans le rapport aurait dû être appliquée sur plusieurs exercices comme c'est toujours le cas dans le cadre d'une valorisation d'entreprise.

Outre les éléments précédemment développés à propos de la fin de non-recevoir, la société Unhycos et les organes de la procédure soutiennent en premier lieu, à propos de la composition des classes de créanciers, qu'il est faux d'affirmer, comme le font les appelantes, que la loi, dans son article L.626-30 III, imposerait de séparer les créanciers privilégiés des créanciers chirographaires, observant en outre que dans la classe des établissements bancaires, il n'existe qu'un seul créancier privilégié dont le vote positif n'a pas influé sur le vote négatif de l'entière classe. Ils ajoutent que le texte prévoit non pas une nullité de la constitution des classes de parties affectées de plein droit si la composition des classes ne respecte pas tel ou tel critère, et ce, de façon absolue sous le contrôle du tribunal mais au contraire une possibilité pour le créancier de contester et à défaut une irrecevabilité ultérieure de toute contestation portant sur cette classe ; qu'ainsi la composition des classes s'est faite sur la base de critères objectifs vérifiables d'une communauté d'intérêts économiques des membres de chaque classe. En outre, ils contestent que la composition des classes aurait permis un traitement inéquitable des créanciers, relevant que 'les créanciers de la classe des établissements bancaires sont composés à hauteur de 80,97 % de prêts garantis par l'Etat' qui, en cas d'abandon de créance au moins partiel imposé par le tribunal, seront réglés immédiatement de 90 % de la partie de leur créance abandonnée par la garantie de l'Etat.

S'agissant, en deuxième lieu, de la règle de la priorité absolue, la société Unhycos et les organes de la procédure font valoir que c'est vainement qu'il est soutenu que 'le déséquilibre de traitement en faveur des crédits-bailleurs' constitue une violation de la règle de priorité absolue instituée à l'article L.626-32 I 3° du code de commerce dès lors que cette règle n'a vocation à s'appliquer qu'aux seuls créanciers qui ont voté 'contre'et non à la classe de créanciers dans son ensemble et 'au surplus' dans le cas où une autre classe de créanciers de rang inférieur aurait droit à un paiement supérieur ; ils font valoir qu'en l'espèce dans la classe des établissements financiers, le seul créancier qui aurait une créance privilégiée, la société BPI, a voté en faveur du plan et que ceux qui ont voté contre n'ont pas de créances privilégiées de sorte que le texte invoqué par les appelantes ne s'applique pas. Ils ajoutent qu'au surplus, l'article L.626-32 II prévoit expressément que le tribunal peut, à la demande du débiteur, décider de déroger aux dispositions précitées et considèrent que la demande d'adoption du plan prévoyant, selon les appelantes, une dérogation à la règle de priorité absolue, vaut demande de dérogation. Ils estiment qu'au regard du montant total de la créance de l'ensemble des crédits-bailleurs qui s'élève à la somme de 5 892 euros, il ne peut être sérieusement prétendu que le paiement de ces créances, négligeable au surplus sur la durée du plan, constituerait une atteinte excessive aux droits des créanciers appelants, d'autant que le règlement des crédits-bailleurs permet la conservation d'actifs utiles à la réalisation de l'actif de la société Unhycos, ce qui est son intérêt, au contraire de la résiliation de ces contrats qui emporte l'obligation de payer les loyers jusqu'à leur terme et induit une créance postérieure. Ils ajoutent que la société Unhycos, du fait de l'ouverture de la procédure, rencontre la plus grande difficulté à souscrire de nouveaux contrats de crédit-bail de sorte qu'il est bien de l'intérêt de la procédure et de l'ensemble des créanciers de préserver pour le débiteur sa faculté de lever l'option des crédits-bails et de conserver l'usage des biens qui en sont l'objet.

Concernant enfin la prétendue absence de violation de la règle du meilleur intérêt, les intimées, après avoir souligné que l'expert judiciaire qui a procédé à l'évaluation contestée, est un technicien parfaitement indépendant désigné à leur demande par ordonnance du juge-commissaire du 17 juillet 2022, observent que celui-ci a bien expliqué sa méthode de valorisation qu'il n'a notamment pu baser ni sur les chiffres réalisés à l'époque de l'ancienne activité qui a disparu ni sur le prévisionnel de la nouvelle activité en l'absence de réalisation des perspectives chiffrées, l'activité non développée s'interrompant de surcroît brusquement en cas de liquidation de sorte que seuls les stocks et autres actifs matériels pourraient être au mieux cédés.

En retenant la valeur la plus optimiste du fonds de commerce à hauteur de 250 000 euros et celle de 2 470 352 euros pour la valeur liquidative de la société, les intimés font valoir qu'au regard du montant des créances superprivilégiées et privilégiées et après déduction du coût des licenciements induits par la liquidation et des frais de justice, montants attestés par le mandataire judiciaire, il resterait une somme de 444 646,47 euros à répartir entre les créanciers chirographaires qui pourraient prétendre chacun à une somme nettement inférieure aux règlements prévus dans le cadre du projet de plan qui respecte donc la règle du meilleur intérêt.

Ils ajoutent que cette règle s'analyse par la comparaison avec la situation dans laquelle se trouveraient les créanciers en cas de liquidation judiciaire et non dans une autre situation, arguant que le texte vise d'ailleurs la liquidation judiciaire à l'exclusion de toute autre situation et qu'en outre, en l'espèce, parallèlement à la constitution des classes de parties affectées, il a été procédé par voie d'appel d'offre qui est demeuré vain.

Le ministère public expose, s'agissant de la règle de priorité absolue, outre que les appelantes sont des créanciers chirographaires, que le tribunal, comme le prévoit l'article L.626-32 en son II, peut en tout état de cause déroger à cette règle pour les besoins de la procédure ; qu'en l'espèce, l'ensemble des créances de la classe des crédits-bailleurs ne totalisant que 5 892 euros, et leur règlement permettant à la société de réaliser des actifs en acquérant des biens utiles à son fonctionnement, leur désintéressement est nécessaire au redressement de la société Unhycos et ne porte pas d'atteinte excessive aux droits des appelantes eu égard au faible montant engagé ; que s'agissant de la règle du meilleur intérêt, au regard des sommes que pourraient percevoir les appelants dans le cadre d'une liquidation judiciaire de la société, l'exécution du plan de redressement arrêté est plus favorable et respecte le meilleur intérêt des créanciers ; il observe de surcroît que leurs créances constituant en majorité des PGE, les appelantes vont bénéficier d'un remboursement quasi-intégral par l'Etat, qu'aucun repreneur ne s'est manifesté pendant la période d'observation malgré les recherches en ce sens et que le plan a fait l'objet en première instance de son approbation et de celle de l'administrateur et du mandataire judiciaires ainsi que du juge-commissaire.

Sur la composition des classes :

Conformément aux dispositions de l'article L.626-32 (I) du code de commerce, applicables au plan de redressement selon les modalités prévues à l'article L.631-19 du même code, lorsque le plan n'est pas approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2, il peut être arrêté par le tribunal sur demande du débiteur ou de l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur et être imposé aux classes qui ont voté contre le projet de plan sous certaines conditions énumérées sous ce texte.

En premier lieu 'le plan respecte les conditions posées par les deuxième à septième alinéas de l'article L.626-31', lesquelles prévoient notamment que 'le tribunal vérifie' la réunion de plusieurs conditions et en particulier, selon le 1° de cet article, que 'le plan a été adopté conformément à l'article L.626-30' du même code.

Au regard de l'indicatif qui est employé, la juridiction chargée d'appliquer ces textes est tenue de vérifier que ces conditions sont remplies.

Selon l'article L.626-30, en son paragraphe III, 'la composition des classes de parties affectées est déterminée au vu des créances et droits nés antérieurement à la date du jugement d'ouverture de la procédure. L'administrateur répartit, sur la base de critères objectifs vérifiables, les parties affectées en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante' en respectant les trois conditions énumérées par le texte dont en particulier la première (au 1° du III), sur laquelle s'opposent les parties, selon laquelle 'les créanciers titulaires de sûretés réelles portant sur les biens du débiteur, pour leurs créances garanties, et les autres créanciers sont répartis en classes distinctes' .

Ainsi, même si la qualité de partie affectée et les modalités de répartition en classes et de calcul des voix permettant d'exprimer un vote n'ont pas fait l'objet de contestation selon les modalités du recours prévu à l'article R.626-58-1 du code de commerce, il appartient néanmoins à la juridiction saisie d'une contestation sur le plan, soumis au vote des classes de parties affectées, de s'assurer que ces classes ont été établies dans le respect des dispositions légales et le cas échéant, dans l'hypothèse d'une méconnaissance des dispositions légales, d'en tirer les conséquences sur la validation du projet de plan pour le cas en particulier où les parties, à l'origine de la contestation du plan, en subiraient un grief ; en effet, comme le relèvent la société Unhycos et les organes de la procédure, le texte ne prévoit pas de nullité de plein droit de la constitution des classes de parties affectées dans le cas où la composition des classes ne respecterait pas les critères du texte.

La sûreté réelle, comme la définit désormais l'article 2323 du code civil, est l'affectation d'un bien ou d'un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier.

Si le texte discuté par les parties (1° du III) ne mentionne pas expressément les créanciers privilégiés et chirographaires, il n'en demeure pas moins, au regard de la définition précitée d'une sûreté réelle et de l'énumération des ces différentes sûretés telle qu'elle ressort des dispositions du code civil, que doivent en principe être répartis en classes distinctes les créanciers chirographaires et les créanciers titulaires, en particulier au titre des sûretés sur les meubles, de privilèges, gages ou nantissements.

Il est ainsi exact, comme l'allèguent les appelantes, que l'administrateur judiciaire n'a pas respecté ces dispositions en affectant dans la même classe, d'une part celle des établissements bancaires et d'autre part celle des bailleurs, des créanciers chirographaires et des créanciers titulaires de sûretés ; la Caisse d'épargne, la Société générale et le CIC, créanciers chirographaires, sont effectivement classés avec la société BPI France, titulaire tant de créances chirographaire que de deux créances garanties par un gage ; les sociétés bailleresses, d'après l'état des créances, sont chacune titulaire d'une créance pour partie garantie par le privilège du bailleur et chirographaire pour le surplus.

Les appelantes ne démontrent pas pour autant avoir subi un quelconque préjudice de ce chef dès lors notamment que la décision de la société BPI France qui a voté en faveur du plan, n'a pas influé sur le vote de la classe à laquelle elles appartiennent, lequel a été négatif.

Les explications fournies par l'administrateur judiciaire dans la lettre en date du 28 juin 2022 adressée aux créanciers affectés à propos des huit classes constituées et énumérées au début du présent arrêt, même si la motivation en est relativement succincte, justifient assez qu'il a regroupé les créanciers en classes représentatives d'une communauté d'intérêt économique suffisante, sur la base de critères objectifs vérifiables, caractérisés notamment par la nature des créances dont sont titulaires les créanciers concernés, en isolant les actionnaires dans une classe spécifique comme prévu par les textes. Les classes constituées caractérisent une homogénéité des créances dont sont titulaires les

membres de chacune de ces classes, étant observé au demeurant qu'aucun d'eux, à réception de la lettre recommandée ayant pour objet la 'constitution de classes de parties affectées', n'a émis de contestation dans le délai offert par le texte.

Par conséquent, il n'y a pas lieu pour ce motif à rejet du plan proposé par l'administrateur judiciaire.

Sur la règle de priorité absolue :

Conformément aux dispositions de l'article L.626-32, I, précité, pour que le plan, non approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2, puisse être arrêté par le tribunal et imposé aux classes qui ont voté contre le projet de plan, il est prévu au 3° de ce texte que 'les créances des créanciers affectés d'une classe qui a voté contre le plan sont intégralement désintéressées par des moyens identiques ou équivalents lorsqu'une classe de rang inférieur a droit à un paiement ou conserve un intéressement dans le cadre du plan.'

Le même article prévoit en son II que 'sur demande du débiteur ou de l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur, le tribunal peut décider de déroger au 3 ° du I, lorsque ces dérogations sont nécessaires afin d'atteindre les objectifs du plan et si le plan ne porte pas une atteinte excessive aux droits ou intérêts de parties affectées. (...)'

Pour l'application de cette règle, le texte visant les créanciers d'une 'classe qui a voté contre le plan' et non les créanciers qui 'ont voté contre le plan', il est nécessaire, comme le soutiennent les appelantes, de comparer les modalités de règlement des créances de cette classe avec celles des classes de rang inférieur, la comparaison ne devant pas s'effectuer uniquement avec les créanciers qui ont voté 'contre'.

La classe des établissements bancaires, dès lors qu'elle ne comprend pas uniquement des créanciers titulaires de créances chirographaires mais aussi une créancière titulaire non seulement de créances chirographaires mais aussi de créances privilégiées, en la personne de la société BPI France, est une classe qui doit être considérée comme 'supérieure' ou 'senior' par rapport à la classe des crédits-bailleurs, uniquement titulaires de créances chirographaires.

Or comme le relèvent les appelantes, cette classe des crédits-bailleurs bénéficie d'un règlement privilégié puisqu'il est prévu, sur dix ans, le remboursement intégral des créances dont ils sont titulaires alors qu'il est imposé aux créanciers de la classe des établissements bancaires, comme d'ailleurs les autres créanciers affectés par le plan à l'exception des créanciers fiscaux et sociaux éligibles aux classes de parties affectées, un règlement de 14 % de leurs créances sur dix ans avec abandon de 86 % du solde.

Pour autant, dès lors que le projet de plan a été présenté selon les modalités adoptées par l'administrateur judiciaire et avec l'accord du président de la société Unhycos, ainsi qu'il l'a confirmé à l'audience du tribunal, assisté de son directeur financier et de son conseil, il doit être considéré, même si aucune demande expresse n'a été faite en ce sens, que l'administrateur judiciaire a sollicité l'adoption de son projet conformément aux modalités prévues par les textes, relatives en particulier à la possibilité de dérogation à la règle de priorité absolue. Dans ces circonstances, la cour peut rechercher si en l'espèce les conditions de dérogation à cette règle sont remplies.

Etant observé que le montant total des créances des crédits-bailleurs se limite à 5 892 euros, que leur règlement par la société Unhycos permettra à cette dernière d'acquérir la propriété des biens qui sont l'objet de ces contrats et qui sont utiles et nécessaires à l'exploitation de son activité, il est ainsi de l'intérêt de l'adoption d'un plan de la société Unhycos et aussi de l'intérêt de l'ensemble des créanciers qui ne peuvent qu'être favorables à la poursuite de l'activité de la société, de privilégier le paiement de ces créances afin que la société Unhycos puisse conserver l'usage de ces biens sans qu'il soit ainsi porté atteinte de manière excessive aux intérêts et droits des appelantes, lesquelles au demeurant ne discutent pas être titulaires de créances correspondant à des prêts garantis par l'Etat.

Dans ces circonstances, les appelantes ne sont pas fondées à invoquer le non respect de la règle de priorité absolue.

Sur la règle du meilleur intérêt :

Au titre des conditions posées par les deuxième à septième alinéas de l'article L.626-31, le tribunal doit également vérifier, lorsque des parties ont voté contre le projet de plan, qu'aucune de ces parties affectées ne se trouve dans une situation moins favorable, du fait du plan, que celle qu'elle connaîtrait s'il était fait application soit de l'ordre de priorité pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l'entreprise en application de l'article L.642-1, soit d'une meilleure solution alternative si le plan n'était pas validé.

Il est rappelé par la société Unhycos et les organes de la procédure dans leurs écritures qu'il a été vainement procédé par voie d'appel d'offres, ce qui n'est pas discuté par les appelantes ; le projet de plan précise d'ailleurs en page 4 qu'une annonce judiciaire proposant le rachat de l'entreprise a été publiée, sans résultat et dans la note complémentaire au rapport de plan de continuation remise au tribunal le 12 janvier 2023, l'administrateur judiciaire a indiqué que 'malgré de sérieux contacts, la recherche de partenaires ou de repreneurs n'a pas abouti'.

Dans ces conditions, aucune cession ne pouvant être envisagée, l'appréciation de la situation des parties qui ont voté contre le plan n'a pas à être envisagée au regard d'une éventuelle cession.

S'agissant de l'hypothèse d'une meilleure solution alternative si le plan n'était pas validé, également envisagée par le texte du 4° de l'article L.626-31, il n'est justifié par les appelantes d'aucune proposition de solution alternative de sorte que le respect de la règle du meilleur intérêt doit être apprécié au regard de l'ordre de priorité pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire.

Dans cette configuration, il convient de se référer à l'expertise qui a été ordonnée et aux termes de laquelle l'expert, inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Versailles et désigné par ordonnance du 7 septembre 2022, a notamment indiqué, dans son rapport daté du 15 septembre 2022 :

- l'essentiel du chiffre d'affaires de la société Unhycos (près de 90 %) reposait jusqu'en 2019 sur la distribution exclusive des produits L'Oréal en Algérie mais ce marché s'est complètement effondré à compter de 2020, suite au blocage des importations par le pays, le chiffre d'affaires réalisé avec ce pays, de 27 millions d'euros en 2019, étant devenu inexistant en 2022 ;

- le chiffre d'affaires de 7,5 millions d'euros sur l'année 2021 est 'reparti à la hausse en 2022', celui-ci s'élevant à 6,3 millions d'euros sur six mois ;

- il a rappelé les valeurs fournies par le commissaire-priseur relatives aux éléments corporels du fonds (mobilier, matériel, véhicules et stock) en valeur d'exploitation et en valeur de réalisation, dans le cadre d'une vente aux enchères publiques en cas de liquidation judiciaire, ce qui explique la minoration entre la seconde et la première des valorisations ;

- pour écarter les méthodes financières de valorisation des éléments incorporels du fonds de commerce, l'expert a précisé que compte tenu de l'importante chute du chiffre d'affaires entre 2019 et 2021, celui-ci étant passé de 33 millions d'euros à 8,4 millions d'euros, et de la dégradation en parallèle du résultat d'exploitation, il n'est 'pas raisonnable' de déterminer la valeur du fonds à partir d'une approche financière, évaluée sur les données financières passées ; au regard du prévisionnel sur dix ans qui lui a été communiqué, dont il a noté qu'il 'apparaît réalisable mais sous plusieurs conditions importantes', lesquelles ne sont pas encore réalisées ou viennent de l'être, il a expliqué qu'il n'était pas possible de fonder la valeur du fonds sur un prévisionnel réalisé dans le cadre d'une sortie de crise car il apparaît trop incertain pour un investisseur de valoriser le fond sur cette base ;

- pour déterminer la valeur des éléments incorporels du fonds et retenir une valeur vénale hors actifs corporels de 250 000 euros, diminuée à 100 000 euros en cas de départ du dirigeant, il a appliqué une formule basée sur le chiffre d'affaires de 2022, anticipé à 12,3 millions d'euros d'après le chiffre d'affaires réalisé sur les six premiers mois de l'année, auquel il a appliqué un 'coefficient d'usage' de 4 % après avoir énuméré les 'facteurs favorables' et les 'facteurs défavorables' parmi lesquels il a notamment listé l'importance du dirigeant dans la relation commerciale, l'importance du partenariat avec l'Oréal, l'importance de la levée même partielle du blocage du marché algérien, l'investissement nécessaire mais compliqué par les difficultés financières depuis 2019, la nette tension de l'environnement économique et géopolitique en 2022.

Les appelantes qui contestent cette évaluation, en particulier le chiffre d'affaires pris comme référence ainsi que le coefficient appliqué au chiffre d'affaires et le multiple du bénéfice, ne fournissent aucune analyse contraire à l'appui de leurs critiques, étant observé en tout état de cause par la cour que toute contestation sur le multiple appliqué au bénéfice est inopérante dans la mesure où l'expert a retenu ' prudemment une absence de bénéfice' au regard de la perte d'exploitation constatée depuis le début de l'année malgré une relance du chiffre d'affaires ; en outre l'expert n'a effectivement pu appliquer cette formule sur plusieurs exercices dans la mesure où la société Unhycos a été contrainte de réorganiser son activité suite à la perte du marché qui constituait l'essentiel de son chiffre d'affaires et de développer de nouveaux partenariats qui ne présentaient pas une ancienneté suffisante pour permettre de prendre en compte le prévisionnel établi sur plusieurs années.

Dans ces circonstances, en l'absence d'éléments sérieux permettant d'apporter la contradiction au rapport de l'expert, il doit être considéré, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise, que la valeur liquidative de la société Unhycos s'établit, comme l'indiquent cette dernière et les organes de la procédure, à la somme de 2 470 252 euros en tenant compte de la valeur des éléments incorporels telle qu'elle ressort de ce rapport ; les éléments comptables cités dans le tableau figurant en page 22 des conclusions des intimées, permettant l'évaluation des actifs de la société Unhycos,ne sont pas contestés par les appelantes, étant observé qu'ils sont mentionnés en page 19 du projet de plan transmis au tribunal le 1er décembre 2022,.

Au regard du montant de la valeur du passif privilégié tel qu'attesté le 3 novembre 2022 par le mandataire judiciaire, à hauteur de 1 596 529,01 euros, du coût des licenciements (187 398 euros) et des frais de justice ( 241 778,05 euros) également attestés par le mandataire judiciaire, il ne resterait donc aux créanciers chirographaires, dans le cadre d'une liquidation judiciaire, qu'une somme équivalant à 3,4 % du passif chirographaire comme le mandataire judiciaire l'a indiqué dans un courrier du 10 novembre 2022, étant observé que la liste des créances figure en pièce 6 des intimés.

Dans ces circonstances, la créance de la Société générale s'élevant à la somme totale de 3 441 767,86 euros et celle de la Caisse d'épargne à celle de 2 201 247,15 euros selon leurs déclarations de créance versées aux débats, celles-ci ne pourraient prétendre respectivement, en cas de liquidation judiciaire, qu'à une somme de l'ordre de 117 000 euros et de 75 000 euros alors qu'elles ont vocation à percevoir dans le cadre du projet de plan chacune la somme de 481 847,50 euros et 308 174,60 euros.

Il est par conséquent établi que la règle du meilleur intérêt a également été respectée de sorte que les appelantes sont déboutées de l'intégralité de leurs contestations et de leur demande d'expertise ; le jugement est confirmé en ce qu'il a arrêté le plan selon les modalités fixées en son dispositif, étant observé de surcroît par la cour que le CSE et le mandataire judiciaire, consultés le 22 juillet 2022 sur le projet de plan, ont émis un avis favorable, le mandataire judiciaire ayant en particulier relevé à l'appui de son avis que si 'le passif admis par rapport à la capacité de remboursement générée par l'exploitation impose un effort drastique à l'ensemble des classes de parties affectées', 'le plan de restructuration proposé répondait au 'best interest' pour les créanciers'.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt par défaut, dans la limite de l'appel,

Déclare recevables l'appel principal de la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et de la Société générale et l'appel incident de l'Unédic (AGS, CGEA de [Localité 9]) ;

Dit que les créances superprivilégiées de l'Unédic (CGEA de [Localité 9]) sont hors plan de redressement de la société Unhycos ;

Rectifie le chef du jugement suivant :

'Dit que les créanciers superprivilégiés et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3%

* la seconde année : 4%

* la troisième année : 6%

* la quatrième à la septième année : 12%

* la huitième à la dixième année : 13%'

en

'Dit que les créances non superprivilégiées du CGEA et les créanciers fiscaux et sociaux seront remboursés à 100% de leurs créances sur dix ans selon les modalités suivantes :

* la première année : 3%,

* la seconde année : 4%,

* la troisième année : 6%,

* la quatrième à la septième année : 12%,

* la huitième à la dixième année : 13% ;'

Pour le surplus,

Confirme le jugement du 10 février 2023 en toutes ses dispositions ;

Ajoutant au jugement,

Déclare recevable la requête de la Caisse d'épargne Ile-de-France et de la Société générale en date du 5 septembre 2022 ;

Déboute la Caisse d'épargne Ile-de-France et de la Société générale de leur demande d'expertise et de leurs contestations sur le projet de plan ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la Société générale à verser chacune la somme de 2 000 euros à la société Unhycos en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France et la Société générale aux dépens de la procédure d'appel.