CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 13 novembre 2007, n° 04/07641
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Mandin (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Conseillers :
Mme Valantin, Mme Lonne
Avoués :
SCP Debray-Chemin, Me Binoche, SCP Gas, SCP Jupin & Algrin
Avocats :
Me Begin, Me Gayraud, Me Maisant
La société LPCP LES PLOMBIERS COUVREURS PARISIENS est une société anonyme constituée le 4 mai 1999. Son capital de 1 000 000 F était divisé en 1 000 actions de 10 000 F chacune.
Les statuts tels que mis à jour au 15 juin 1999 faisaient ressortir que les associés étaient Monsieur CANETE MUNOZ (320 parts), Monsieur BESSlOUD Zied (20 parts), Mademoiselle Yolanda SCHMIDT OTERO (40 parts), Monsieur CHEHBOUB Abdelmalik (120 parts), Monsieur CHEHBOUB Bouzid (200 parts) Madame PAGANON épouse CHEHBOUB Ariette (200 parts) Madame CHEHBOUB Belinda (100 parts). Monsieur CANETE MUNOZ aurait acquis 320 actions de Monsieur Nordine MESBAH.
Cette société a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 9 septembre 2002 et Maître MANDIN désigné en qualité de représentant des créanciers et de liquidateur.
Le bilan de la société ayant fait ressortir qu'au 31 décembre 2001, le capital social non appelé s'élevait à la somme de 114 336 euros soit 750 000 F, Maître MANDIN a fait assigner le 27 janvier 2003 les personnes physiques susnommées devant le tribunal de commerce de Nanterre pour, sur le fondement de l'article L 228.28 du code de commerce les voir condamner au paiement de diverses sommes au titre de la libération du capital et ce avec intérêts au taux légal à compter de I'assignation et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil. Il sollicitait par ailleurs la condamnation de chacun des défendeurs au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
Monsieur CANETE MUNOZ a assigné Monsieur Stéphane CHEHBOUB pour voir dire qu'il était devenu propriétaire des 320 actions lui appartenant suite à l'assemblée générale ordinaire du 5juillet 2002 et en conséquence pour le voir condamner à lui payer la somme de 12 195,20 euros et à le garantir de toute condamnation. Il réclamait en outre le versement d'une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
Messieurs Abdelmalik CHEHBOUB, Zied BESSIOUD, Bouzid CHEHBOUB, Mesdames Arlette et Belinda CHEHBOUB ont conclu au débouté, au motif qu'ils n'étaient pas actionnaires de la société LPCP, puis ils ont demandé qu'il soit sursis à statuer en raison de leur dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction de Nanterre visant l'acte constitutif de la SA.
Monsieur MESBAH a sollicité en outre, à titre subsidiaire, qu'il sait ordonner à Maître MANDIN de communiquer les pièces relatives à la liquidation judiciaire et encore plus subsidiairement, que le tribunal prononce la nullité de la société LPCP et déboute Maitre MANDIN de toutes ses prétentions. Maître MANDIN a demandé de le débouter.
Par jugement rendu le 14 septembre 2004, auquel il convient de se reporter pour un exposé plus ample des faits de la procédure et des prétentions des parties, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- condamné solidairement Monsieur Nordine MESBAH et Monsieur CANETE MUNOZ à payer à Maître MANDIN, ès qualités de liquidateur, la somme de 36 596,76 euros avec intérêts légaux à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts,
- condamné Monsieur Zied BESSIOUD à payer à Maître MANDIN en qualité de liquidateur la somme de 286,64 euros avec intérêts légaux à compter du 27janvier 2003 et capitalisation des intérêts, condamné Mademoiselle Yolanda SCHMIDT- OTERO à payer à Maître MANDIN la somme de 4573,47 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts,
- condamné Monsieur Abdelmalik CHEHBOUB à payer à Maître MANDIN la somme de 13 720,41 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts,
- condamné Monsieur Bouzid CHEHBOUB à payer à Maître MANDIN la somme de 22 867,3 5 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts,
- condamné Madame Arlette PAGANON épouse CHEHBOUB à payer à Maître MANDIN la somme de la somme de 22 867,35 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts,
- condamné Madame Belinda CHEHBOUB épouse BESSIOUD à payer à Maître MANDIN Ia somme de 11 433,68 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 janvier 2003 et capitalisation des intérêts.
Il a en outre condamné solidairement les défendeurs à payer à Maître MANDIN, ès qualités, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens.
Le tribunal a considéré que la preuve d'une plainte avec constitution de partie civile n'était pas apportée et qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer. Il a en outre estimé que les statuts de la LPCP faisaient apparaître que les défendeurs étaient actionnaires de la société et que Monsieur CANETE MUNOZ avait acquis des actions ; qu'en effet, si le rapprochement des signatures laissait un doute sur l'authenticité de certaines d'entre elles, d'autres éléments(des PV d'assemblées générales et la feuille de présence dont les signatures n'étaient pas contestées, les lettres de démissions de fonctions d'administrateur et les projets de cessions d'action) permettaient de retenir la qualité d'actionnaires des défendeurs ;
Qu’en outre, il n'y avait pas lieu d'annuler la société pour défaut d'affectio societatis, Monsieur Nordine MESBAH a interjeté appel en intimant Maitre MANDIN, ès qualités, et Monsieur CANETE MUNOZ, Par ailleurs, ensemble Monsieur Zied BESSIOUD, Monsieur Abdelmalik CHEHBOUB, Bouzid CHEHBOUB, Madame Ariette PAGANON épouse CHEHBOUB, Madame Belinda CHEHBOIJB épouse BESSIOUD ont ensuite formé appel en intimant outre, les deux précédents, Monsieur Nordine MESBAH, Mademoiselle Yolanda SCHMIDT-OTERO et Monsieur Stéphane CHERHBOUB. Les deux procédures ont été jointes.
Monsieur Stéphane CHEHBOUB et Madame Yolanda SCHMIDT OTERO assignés dans les conditions de l'article 659 du NCPC n'ont pas constitué avoué.
Par arrêt en date du 16 mars 2006, la cour de ce siège a sursis à statuer jusqu'à l'intervention d'une décision irrévocable sur l'action publique mise en oeuvre par la constitution de partie civile déposée par les consorts CHEHBOUB au début de l'année 2004.
Le 25 août 2006, une ordonnance de non-lieu a été rendue (action prescrite mais falsification affirmée).
Monsieur MESBAH dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 10 mai 2007) demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de dire Maître MANDIN irrecevable et en tout cas mal fondé et subsidiairement sollicite la condamnation de Monsieur CANETE MUNOZ à le garantir de toutes condamnations. Il réclame par ailleurs, le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
II fait valoir qu'ayant cédé ses actions le 15juillet 1999 en faveur de Monsieur CANETE MUNOZ, il n'est plus tenu des versements non appelés te 15 juillet 2001 en application de l'article L 228-28 alinéa 3 du code de commerce. En réponse à l'argumentation développée par Maître MANDIN es qualités, il expose que l'objet du virement de compte à compte visé par l'article susvisé qui est de rendre opposable à la société les cessions intervenues, a été rempli et qu'au surplus la cession a été portée à la connaissance des tiers par le dépôt au greffe le 28 juillet 1999 d'un original de l'acte de cession. Il soutient que ni la loi, ni [es statuts de la société n'ont imposé le moindre formalisme à la tenue des comptes dans les sociétés ne faisant pas appel à l'épargne. A titre subsidiaire, il fait valoir que Monsieur CANETE MUNOZ cessionnaire de ses actions pour le prix de 1 F et ayant une parfaite connaissance du caractère non libéré du capital, lui doit garantie.
Les consorts CHEHBOUB et Monsieur BESSIOUD demandent à la cour de déclarer Maître MANDIN irrecevable en ses demandes au motif que le capital a, selon l'article 7 des statuts, été entièrement libéré. En toute hypothèse, ils concluent à l'infirmation du jugement et au débouté de Maître MANDIN au motif qu'ils n'ont jamais été associés de LPCP et que cette société n'existe pas ou à tout le moins est nulle de plein droit. Ils prétendent n'avoir signé ni l'acte constitutif de la société, ni les statuts et soutiennent que les signatures apposées sur ces actes ne sont pas les leurs ;
Qu’ils n'ont réalisé aucun apport, qu'il n'y a jamais eu d'acte constitutif de la société LPCP et que de plus, selon les certificats de dépôt, seul le quart du capital social aurait été libéré alors que la loi exige une libération minimum de la moitié. Enfin ils relèvent que la société ne comptait pas un nombre minimal de 7 associés et précisent que les irrégularités n'ont pu être régularisées par une assemblée générale ultérieure.
Les consorts CHEFIBOUB et Monsieur BESSIOUD sollicitent reconventionnellement le paiement à chacun d'eux d'une somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts outre une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Le 17 avril 2007, Maître MANDIN ès qualités de représentant des créanciers et liquidateur à la liquidation judiciaire de la société LES PLOMBIERS COUVREURS PARISIENS LPCP a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et sollicité la condamnation de chacun des appelants à lui payer es qualités une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
Il fait valoir que Monsieur MESBAN ne peut se prévaloir du bénéfice de l'article L 228-28 du code de commerce dès lors qu'il ne justifie pas d'un quelconque virement de compte à compte.
S'agissant des cinq autres appelants, Maitre MANDIN expose qu'il résulte des projets de cession du 9 juillet 2002, du procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 5 juillet 2002, de la feuille de présence correspondante et des ordres de mouvements reçus du Crédit Lyonnais que ceux-ci avaient la qualité d'actionnaires de LPCP.
Monsieur CANETE MUNOZ n'a pas repris de nouvelles conclusions. Le 15 avril 2005, il avait conclu à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapportait sur l'appel des consorts CHEHBOUB-BESSIOUD, au mal fondé de l'appel de Monsieur Nordine MESI3AH et à la confirmation du jugement en ce qu'il l'avait condamné solidairement avec ce dernier à payer à Maître MANDIN la somme de 36 596,76 euros mais de condamner par ailleurs Monsieur Stéphane CHEHBOUB qui lui a acheté ses 320 actions le 9juillet 2002, à le garantir et à lui payer la somme de 12 195,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2003, date de l'assignation avec capitalisation outre une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du NCPC.
SUR CE LA COUR
I. Sur la recevabilité des demandes de Maître MANDIN:
Considérant que les consorts CHEHBOUB et Monsieur BESSIOUD ne sauraient valablement soutenir que Maître MANDIN est irrecevable à solliciter le paiement de la fraction non libérée du capital de la société LPCP au motif que selon l'article 7 des statuts, ce capital a été entièrement libéré ;
Considérant en effet que dès lors que les statuts mis à jour le 15 juin 1999 précisent à l'article 6 titre 2 et titre 3 que le capital social n'a été libéré qu' à concurrence d'un quart, en indiquant le montant des apports de chacun des associés, les consorts CHEHBOUB et Monsieur BESSIOUD ne peuvent se prévaloir de l'article 7 des statuts "capital social" qui indique que les parts souscrites en totalité par les associés sont intégralement libérées, pour s'opposer à la recevabilité de la demande; que demeure le problème du bien-fondé de la demande;
Considérant que Monsieur Nordine MESBAH soutient également que la demande formée par Maitre MANDIN à son encontre est irrecevable au motif qu'à la date de l'assignation il avait cédé depuis plus de deux ans ses actions à Monsieur CANETE MUNOZ après avoir respecté les dispositions prévues aux statuts de la société LPCP ;
Considérant dès lors que la validité de la société elle-même est contestée, la validité et l'opposabilité de la cession des parts de Monsieur Nordine MESBAH à Monsieur CANETE MUNOZ ne peut être examinée qu'après avoir déterminé si la société LPCP a été valablement constituée ;
II Sur la validité de constitution de la société :
Considérant que le consentement donné par une personne en vue de la création d'une société anonyme et d'être actionnaire de celle-ci se manifeste, en vertu de l'article L 225-15 du code de commerce par l'apposition de sa signature sur les statuts soit en personne, soit par mandataire justifiant d'un pouvoir spécial ;
Or considérant qu'en l'espèce il résulte des termes de l'ordonnance rendue le 25 août 2006 par le premier juge d'instruction du tribunal de grande instance de Nanterre que les statuts de la société LPCP ont été falsifiés de même que la liste des souscripteurs de cette société, le certificat de dépôt des fonds, les déclarations de non-condamnation des dirigeants, le procès-verbal de nomination du président directeur général ;
Que même si cette ordonnance prononce, compte tenu de la prescription, un non-lieu à l'encontre de Monsieur Stéphane CHEHBOUB elle constate que les documents susvisés ont été falsifiés ; que la simple comparaison des signatures figurant sur les statuts avec celles figurant sur les pièces d'identité de Messieurs Zied BESSIOUD, Abdelmalik CHEHBOUB, Bouzid CHEFIBOUB, Ariette CHEHBOUB, et Belinda CHEHBOUB épouse BESSIOUD confirme que ceux-ci ne sont pas les signataires des statuts ;
Que Messieurs Zied BESSIOUD, Abdelmalik CHEHBOUB, Bouzid CHEHBOUB et Mesdames Ariette CHEHBOUIB, Belinda BESSIOUD et Yolanda SCHMIDT OTERO n'ont donc pas convenu d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter au sens de l'article 1832 du code civil ;
Considérant que Messieurs Zied BESSIOUD, Abdelmalik CHEHBOUB, Bouzid CHEHBOUB, Monsieur CANETE MUNOZ et Mesdames Ariette CHEHBOUB, Belinda BESSIOUD et Yolanda SCHMIDT OTERO n'ayant pas régularisé les statuts de la société, le fait qu'ils aient signé le 9 juillet 2002 des projets de cession d'actions et Ia feuille de présence d'une assemblée du 5 juillet 2002 n'a pu avoir pour effet de leur conférer la qualité d'associé ;
Considérant qu'une société anonyme devant compter au moins sept associés, il en résulte que cette exigence n'était pas satisfaite ;
Considérant par ailleurs qu'alors que l'article L 225-3 du code de commerce exige que pour les sociétés anonymes les actions de numéraire soient libérées, lors de la souscription, de la moitié au moins de leur valeur nominale, il résulte des pièces mises au débat que le jour de la constitution de la société anonyme LPCP, soit le 4 mai 1999, aucun apport n'avait été libéré et que si à la date du 21 mai 1999, une partie des apports en numéraire a été libérée, ceux-ci ne l'ont été qu'à concurrence du quart ;
Que compte tenu de l'ensemble de ces éléments il convient de constater la nullité de la société LPCP et par voie de conséquence de débouter Maître MANDIN es qualités de sa demande de condamnation au titre de la libération du capital social ; que le présent arrêt en ce qu'il prononce la nullité de la société devra être publié au BODACC en application des dispositions de l'article L 210-5 du code de commerce ;
Que la société LPCP étant nulle, il importe peu de savoir si Monsieur Nordine MESBAH a valablement cédé des actions à Monsieur CANETEMUNOZ ; que de même l'appel en garantie formé par Monsieur CANETE MUNOZ à l'encontre de Monsieur Stéphane CHEHIBOUB est devenu sans objet ;
III. Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que les consorts BESSIOUD et CHEHBOUB ne rapportant pas la preuve que Maitre MANDIN a poursuivi la procédure dans le but de nuire à leurs intérêts et ne justifiant d'aucun préjudice, seront déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts ;
IV. Sur l'article 700 du NCPC :
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du NCFC l'une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par défaut,
- INFIRME le jugement entrepris.
- CONSTATE la nullité de la société LES PLOMBIERS
COUVREURS PARISIENS.
- DEBOUTE Maître MANDIN es qualités de l'intégralité de ses demandes.
- ORDONNE la publication du présent arrêt au BODACC en ce qu'il constate la nullité de Ia société LES PLOMBIERS COUVREURS PARISIENS.
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC.
- CONDAMNE Maitre MANDIN es qualités aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- ADMET Maître BINOCHE, la SCP DEBRAY CHEMIN et la SCP GAS au bénéfice de l'article 699 du NCPC.