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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 6 septembre 2023, n° 20/18039

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Superplaque (SA)

Défendeur :

Cabinet Phenix (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

M. Richaud, Mme Depelley

Avocats :

Me Obadia Achille, Me Le Jariel, Me Pelit-Jumel, Me Sulusoglu

T. com. Paris, 13e ch., du 9 nov. 2020, …

9 novembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE

La société La Superplaque a pour principale activité la fabrication d'équipements automobiles et notamment de plaques minéralogiques.

La société Cabinet Phénix a pour principale activité le recouvrement de créances.

La société Superplaque a fait appel aux services de la société Cabinet Phénix pour le recouvrement de ses créances impayées, suivant une convention de prestations de recouvrement conclue entre les parties le 11 juillet 2014 pour une durée de trois ans. Des bons de renouvellement ont été émis régulièrement, en dernier lieu le 28 mars 2017 pour 60 mandats. Pour chaque dossier, le Cabinet Phénix était rémunéré sur les créances recouvrées.

Le 13 juillet 2018, la société Superplaque a, suite à un changement de direction, demandé au Cabinet Phénix un point de situation pour les dossiers en cours ainsi que son "devis frais de résiliation", l'objet du courriel étant intitulé "résiliation de notre collaboration".

Aucun dossier nouveau ne lui a été confié depuis cette date. Les parties ont poursuivi leurs échanges sur les prestations réalisées et les méthodes de facturation.

La société Cabinet Phénix estime qu'elle a été victime d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Par acte extrajudiciaire du 27 juin 2019, la société Cabinet Phenix a assigné la société La Superplaque devant le tribunal de commerce de Paris en paiement des commissions dues pour les dossiers en cours et en indemnisation pour préjudice subi sur le fondement de l'ancien article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Par jugement du 9 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- Condamné la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 21 857,70 €, assortie des intérêts de retard, au dernier taux de la BCE, majoré de 10 points, à compter du 6 mars 2019, date de la mise en demeure, pour retrait des dossiers en cours de gestion ;

- Prononcé la résiliation judiciaire, à effet du 6 mars 2019, du contrat de prestations de services de recouvrement signé entre les parties ;

- Condamné la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 2 450 €, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture brutale des relations commerciales établies par application de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;

- Débouté la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 2 000€, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

- Condamné la SA La Superplaque aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour en date du 9 novembre 2020, la société La Superplaque a interjeté appel de ce jugement.

La société Cabinet Phénix a formé appel incident.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 12 septembre 2022, la société La Superplaque demande à la Cour de :

Vu les articles 914, 73, 74, 112, 901 et 562 du code de procédure civile,

Vu les articles 1103, 1229, 1231-5, 1217 du code civil,

Vu les articles 1214, 1211, 1353 et 1363 du code civil,

Vu les articles L.442-1 et L.110-4 du code de commerce,

Vu la jurisprudence citée,

A titre liminaire,

- Se déclarer incompétente pour se prononcer sur la régularité de la déclaration d'appel de la société La Superplaque et écarter, en conséquence, l'argumentation de la société Cabinet Phénix sur ce point,

- En tout état de cause, de dire et juger que la déclaration d'appel de la société La Superplaque est parfaitement régulière et produit plein effet, et débouter en conséquence la société Cabinet Phénix de sa contestation de ce chef,

Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Condamné la société La Superplaque à payer à la société Cabinet Phénix la somme de 21 857,70 euros assortie des intérêts de retard au taux de la BCE majoré de 10 points à compter du 6 mars 2019 pour retrait des dossiers en cours de gestion,

- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de recouvrement de créance à effet au 6 mars 2019,

- Condamné la société La Superplaque à payer à la société Cabinet Phénix la somme de 2 450 euros de dommages et intérêts pour rupture brutale des pourparlers,

- Débouté la société La Superplaque de sa demande de condamnation de la société Cabinet Phénix,

- Condamné la société La Superplaque à 2 000 euros d'article 700 outre dépens,

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal :

- Débouter la société Cabinet Phenix de sa demande en paiement de dommages et intérêts faute de preuve d'une quelconque rupture brutale et d'un quelconque préjudice,

- Débouter la société Cabinet Phenix de sa demande en paiement des commissions faute de preuve de sa créance,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la demande en paiement des commissions devait aboutir, limiter le préjudice de la société Cabinet Phenix à la perte de chance de bénéficier de ses commissions, limitée à la somme de 954,95 euros,

A titre reconventionnel :

- Dire que la société Cabinet Phénix a manqué à ses engagements contractuels,

- Dire que par sa faute, la société La Superplaque a perdu la chance de recouvrer ses créances s'élevant à la somme totale de 190 991,72 euros,

En conséquence,

- Ordonner la résiliation judiciaire du contrat conclu entre la société La Superplaque et la société Cabinet Phénix,

- Condamner la société Cabinet Phénix à la somme de 152 793,37 euros,

En tout état de cause :

- Condamner la société Cabinet Phénix à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

- La condamner à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- La condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 13 février 2023, la société Cabinet Phénix demande à la Cour de :

Vu les articles 1103, 1104 (ancien1134), 1211, 1231-5 et 1353 du code civil,

Vu l'article L.442-1 (ancien L. 442-6, I, 5°) du code de commerce et les articles 54, 58, 542, 700 et 901 du code de procédure civile,

A titre principal :

- Juger que la déclaration d'appel formée par La Superplaque est dépourvue d'effet dévolutif et que la Cour n'est pas valablement saisie de l'appel interjeté,

- Juger n'y avoir lieu à statuer pour la Cour,

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 novembre 2020 en toutes ses dispositions, exceptées sur le quantum de l'indemnité allouée au Cabinet Phénix au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies,

Par conséquent :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 novembre 2020 en ce qu'il :

* Condamne la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 21 857,70 €, assortie des intérêts de retard, au dernier taux de la BCE, majoré de 10 points, à compter du 6 mars 2019, date de la mise en demeure, pour retrait des dossiers en cours de gestion ;

* Déboute la SA La Superplaque de sa demande visant à la condamnation de la SARL Cabinet Phénix au paiement de la somme de 152 793,37 € au titre d'une prétendue perte de chance ;

* Condamne la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 2 000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne la SA La Superplaque aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA ;

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 novembre 2020 en ce qu'il condamne la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix une indemnité en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture brutale des relations commerciales établies par application de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce,

- Déclarer recevable et bien fondé le Cabinet Phénix en son appel incident au titre du quantum de cette indemnité,

- Infirmer partiellement le jugement du tribunal de commerce de Paris du 9 novembre 2020 seulement sur le quantum de l'indemnité allouée au Cabinet Phénix au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies en ce qu'il a condamné la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 2 450 €, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une rupture brutale des relations commerciales établies par application de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ;

Statuant à nouveau sur ce chef :

- Condamner la SA La Superplaque à payer à la SARL Cabinet Phénix la somme de 3.718,13 euros assortie des intérêts de retard au taux contractuel à compter de la date de mise en demeure, au titre des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties ;

Ajoutant au jugement déféré :

- Débouter la SA La Superplaque de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner La Superplaque à payer au Cabinet Phénix la somme de du montant de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civil, ainsi qu'aux entiers dépens et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, Maître Turgut et Maître Sulusoglu pouvant recouvrer directement les frais dont ils ont fait l'avance sans en avoir reçu provision.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échan-gés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échan-gées en appel.

MOTIVATION

Sur l'absence alléguée d'effet dévolutif de l'appel

Exposé du moyen :

Le Cabinet Phénix soutient que la déclaration d'appel de La Superplaque est dépourvue d'effet dévolutif puisque conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'acte d'appel doit préciser la nature du recours formé : appel réformation et/ou appel annulation et/ou appel nullité, la Cour n'étant à défaut pas saisie selon lui. Contestant qu'il y ait lieu d'appliquer l'article 914 du même code, il fait valoir que le moyen relatif à l'absence d'effet dévolutif n'est pas une exception de procédure.

La Superplaque répond que les dispositions de l'article 901 du code de procédure civile ont été respectées en l'espèce puisque les chefs du jugement critiqués sont expressément mentionnés dans l'acte d'appel. Il s'agit par ailleurs d'un vice de forme (Cass. 2e Civ., 30 janvier 2020, 18-22.528, point n°8), étant observé que postérieurement à la déclaration d'appel, les parties ont développé leur argumentation par le biais d'écritures.

Réponse de la Cour :

Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile, "l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à sa réformation ou son annulation par la cour d'appel".

L'article 901, 4° du même code, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2017, dispose que la déclaration d'appel contient, à peine de nullité, "les chefs du jugement expres-sément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible".

Un acte d'appel qui ne mentionne pas les chefs critiqués du jugement est privé d'effet dévolu-tif dès lors qu'il ne peut produire d'effet au-delà de l'objet qu'il se donne (Cass. 2e Civ., 30 jan-vier 2020, n°18-22.528). En effet, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du ju-gement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (Cass. 2e Civ., 2 juillet 2020, n°19-16.954).

Seule la cour d'appel, dans sa formation collégiale, a le pouvoir, en application des articles L. 311-1 du code de l'organisation judiciaire et 542 du code de procédure civile, de statuer sur l'absence d'effet dévolutif, à l'exclusion du conseiller de la mise en état dont les pouvoirs sont strictement définis à l'article 914 du code de procédure civile (Cass. 2e Civ., 19 mai 2022, n°21-10.685).

En l'espèce, la déclaration d'appel contient, conformément à l'application de l'article 901, 4°, du code de procédure civile, les chefs du jugement critiqué auxquels l'appel est limité.

La Cour retient que dans ces circonstances, le moyen portant sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel n'est pas fondé.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

La Cour rappelle que les ruptures brutales intervenues avant le 26 avril 2019 sont soumises à l'ancien article L. 442-6, I, 5e du code de commerce, lequel dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé par le fait, pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au registre des métiers :

(...) 5° de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels."

Au cas présent, les parties ne contestent pas, durant la période courant du 3 juillet 2014 au 13 juillet 2018, l'existence d'une relation commerciale établie.

Exposé du moyen :

La société La Superplaque fait valoir que la brutalité de la rupture de la relation commerciale établie n'est pas démontrée. Elle soutient qu'en juillet 2018, elle a sollicité du Cabinet Phénix les justificatifs des démarches engagées pour chaque client, mais qu'elle n'a jamais acté la résiliation du contrat. Selon elle, les propos d'une de ses salariées et la compréhension par cette dernière de la situation contractuelle n'engage qu'elle, puisqu'elle n'était aucunement en capacité d'engager La Superplaque.

Elle prétend que ce sont les manquements contractuels de la société Cabinet Phénix qui sont à l'origine du "blocage" puis à l' "enlisement" des relations commerciales, notamment l'absence de justification des démarches entreprises pour permettre le recouvrement des créances, permettant le paiement des commissions sur les créances recouvrées. Elle ajoute que les engagements et décisions prises par l'ancienne direction de La Superplaque sont dépourvus de portée.

En tout état de cause, elle allègue que le préjudice du Cabinet Phénix n'est pas démontré et considère que le tribunal s'est substitué à ce dernier dans l'administration de la preuve, dès lors qu'aucun élément financier n'avait été communiqué afin d'apprécier le montant du chiffre d'affaires de la société Cabinet Phénix, la part du chiffre d'affaires de cette société réalisée avec la société La Superlaque et la baisse de la marge brute sur l'année 2018. Le tableau produit établi postérieurement lui paraît devoir nécessairement être écarté puisque nul ne saurait se constituer de preuve à soi-même.

La société Cabinet Phénix renvoie au mail de résiliation qu'elle a reçu le 13 juillet 2018, dans lequel la Superplaque fait référence à un entretien téléphonique du 11 juillet 2018. Elle considère que son partenaire a rompu de manière brutale, sans préavis, la relation commerciale, dès lors qu'aucun dossier n'a été confié au Cabinet Phénix depuis cette date.

Elle ajoute effectuer de nombreuses diligences, selon des procédés usuels pour les cabinets de recouvrement de créance : appel téléphonique (pour 90 % des cas), mail, lettre simple, lettre recommandée. Elle verse aux débats des lettres relances envoyées aux débiteurs, des réponses en lien et des preuves de mandatement d'huissier (pièces n°21 à 25) et soutient avoir exécuté ses engagements contractuels. Il ne peut lui être utilement reproché de ne pas avoir assigné tous les débiteurs, ce qui ne correspond pas du tout au mode opératoire adapté, étant entendu par ailleurs que selon le contrat liant les parties, elle ne pouvait pas engager d'action judiciaire sans l'accord exprès de La Superplaque. Il est constant, en outre, que son mandant n'a jamais sollicité de justificatifs particuliers préalablement à la rupture du contrat et qu'il n'a jamais indiqué au Cabinet Phénix être mécontent des prestations effectuées par ce dernier.

Elle fait valoir qu'aucune faute ne peut non plus lui être reprochée s'agissant tant de la facturation opérée, que de son taux de réussite et de l'établissement de la liste des dossiers en cours de gestion et des créances liées aux matériaux en dépôt (pièces n°5, 14 à 19, 31). Elle observe que les sommes ont été recouvrées par 159 encaissements différents. Elle justifie par différentes pièces les dossiers traités, qu'elle classe en 3 groupes : dossiers exploitables et cloturés, dossiers inexploitables, dossiers exploitables et en cours (pièces n°7, 10 et 14). Sur 103 dossiers cloturés, la somme de 187 877, 74 euros a été recouvrée, ce qui correspond à la somme totale due. Elle ajoute que le cabinet Phenix accusait bonne réception des dossiers reçus par mail et que La Superplaque n'a jamais contesté ces messages.

S'agissant du préjudice, elle soutient que la durée des relations commerciales est de 4 ans et la durée du préavis nécessaire est de 5 mois. Elle sollicite la somme de 3 718, 13 euros sur le fondement d'une marge brute mensuelle d'un montant de 743, 62 euros.

Réponse de la Cour :

Il ressort des éléments produits au débat qu'en juillet 2017, la société La Superplaque a fait part au Cabinet Phenix de son intention de rompre la relation entre les parties, mais que cette rupture n'a pas donné lieu à préavis écrit, que ce soit à cette date ou postérieurement.

Les échanges de mails et de courriers fournis, qui font référence aux dossiers en cours et attestent de la dégradation des relations entre les parties, ne peuvent constituer l'écrit prévu à l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, car ce document doit exprimer la volonté non équivoque de son auteur de notifier la rupture et de faire débuter le préavis, et ce pour une durée qu'il appartient de préciser au même moment et durant laquelle la relation est maintenue aux conditions antérieures.

La société La Superplaque reconnaît avoir repris la gestion de ses dossiers de recouvrement et il est constant qu'elle n'a confié aucun dossier nouveau au Cabinet Phenix après le 13 juillet 2017.

Il s'ensuit qu'elle n'a octroyé aucun délai à son co-contractant avant la cessation de la relation.

Il est par ailleurs de jurisprudence constante que la rupture brutale ne peut intervenir sans préavis qu'à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit d'une certaine gravité.

Certains courriers produits par le Cabinet Phenix pour justifier de ses diligences ont été établis en courrier simple, datent de 2015 et certains clients sont désormais en liquidation judiciaire. Cependant, contrairement à ce qu'allègue La Superplaque, il ne peut être déduit de ces circonstances que le partenaire délaissé ne justifie pas avoir satisfait à ses engagements contractuels. La faute du Cabinet Phenix justifiant une rupture brutale n'est donc pas établie.

C'est à raison que le tribunal a, dans la décision attaquée, retenu que la relation commerciale établie a duré quatre ans et que le marché de recouvrement de créance est aisément substituable, si bien que le délai de préavis doit être fixé à trois mois.

Le Cabinet Phenix verse, à hauteur d'appel, un tableau visé par son cabinet d'expertise-comptable détaillant le chiffre d'affaires réalisé avec La Superplaque de 2015 à 2017 (pièce n°28), lequel comprend les numéros de factures émises. Il produit à l'appui l'intégralité de ces factures (pièce n°29). Il justifie en complément de documents, visés par son expert-comptable, intitulés "analyse comparative des ratios" (analyse financière ; analyse économique ; soldes intermédiaires de gestion), lesquels précisent tant la marge commerciale que la marge brute d'exploitation (pièces n°35).

Il en ressort que la marge brute moyenne annuelle réalisée par le Cabinet Phénix, calculée sur les trois dernières années, s'élève à 74, 64 % (73, 74 % en 2015 ; 74,17 % en 2016 et 76, 01 % en 2017).

Il convient dans ces circonstances de retenir, comme l'a fait le tribunal, une marge sur coût variable de 70 %.

Il s'infère par ailleurs des éléments produits que le chiffre d'affaires HT des trois dernières années entre les parties s'élève à la somme totale de 39 196, 26 euros (12 950, 58 euros en 2015 ; 15 092, 09 euros en 2016 et 11 153, 59 euros en 2017) soit une moyenne annuelle de 13 065, 42 euros, qu'il n'y a pas lieu d'arrondir à 14 000 euros, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal.

La marge mensuelle sur coût variable correspondant à somme arrondie de 762, 15 euros, le préjudice résultant du préavis non effectué pendant trois mois doit être fixé à 2 286, 44 euros.

Le jugement sera infirmé quant au montant alloué en réparation de la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties, la Superplaque devant être condamnée payer, sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5e du code de commerce, à la somme de 2 286, 44 euros au Cabinet Phénix à titre de dommages et intérêts.

Sur le paiement des commissions

Exposé du moyen :

La société Cabinet Phénix fait valoir que le solde restant du des dossiers en cours s'élevait à la somme de 182 263, 52 euros, et que conformément aux stipulations contractuelles, elle a en conséquence droit au paiement de la somme de 21 857, 70 euros, car ces commissions sont dues quelque soit l'état d'avancement du dossier, puisqu'elles aménagent les conditions de retrait d'un dossier et ne représentent que le prix de la faculté de ce retrait unilatéral, en dehors de toute notion d'inexécution.

Elle relève que La Superplaque prétend que des dossiers auraient été inexploitables, mais qu'elle ne communique pas la liste des créances qui, au moment où ces dossiers ont été retirés au Cabinet Phenix, auraient été prescrites ou concernaient un débiteur en liquidation judiciaire. Elle ne communique pas non plus d'éléments visés par son commissaire aux comptes de nature à démontrer qu'elle n'a reçu ni paiement, ni restitution du matériel prêté de la part des débiteurs concernés. Elle n'explique par ailleurs pas pourquoi le cabinet Phenix a des éléments sur la facturation dont le recouvrement a été poursuivi, si ce dernier n'était pas saisi de cette mission.

La société La Superplaque soutient, au visa des articles 1353 et 1363 du code civil, que la preuve du bien-fondé des commissions réclamées par la société Cabinet Phénix n'est pas rapportée, car son co-contractant ne prouve pas qu'elle était en charge des dossiers pour lesquels elle réclame le paiement de ses commissions, le tableau Excel produit par ses soins ne pouvant constituer une preuve. Elle ajoute que le Cabinet Phenix n'aurait recouvré que 5 % des créances confiées et que l'indemnisation ne peut correspondre à l'intégralité des commissions, le préjudice se limitant à une perte de chance d'obtenir ces commissions. Elle précise enfin n'avoir procédé au recouvrement direct que de deux créances sur l'ensemble listé dans le tableau de Cabinet Phenix.

Dans l'hypothèse où elle devrait être condamnée au paiement d'une commission résultant non pas de l'achèvement des prestations mais du retrait de dossiers en cours de gestion, La Superplanque soutient que la stipulation à laquelle il est fait référence est une clause pénale, si bien que le juge peut, en application de l'article 1231-5 du code civil, en modérer le montant. Elle sollicite que ce dernier soit dans cette hypothèse limité à la somme de 954,95 euros.

Réponse de la Cour :

Les conditions générales de recouvrement stipulées entre les parties comprennent une clause selon laquelle "la commission du Cabinet Phenix est également exigible en cas de retrait d'un dossier en cours de gestion".

Il ressort des pièces versées aux débats que les dossiers étaient confiés au Cabinet Phenix lors de réunions physiques ou par courrier et que des listings récapitulatifs étaient dressés régulièrement par le cabinet Phenix, ce qui permettait à la Superplaque de croiser ces éléments avec ceux en sa possession.

Dans ces circonstances, le document joint au mail du 13 juillet 2018 (pièce Cabinet Phenix n°7), lequel n'a pas donné lieu à aucune critique à l'époque, et n'est pas discuté dans son détail en procédure, mais uniquement dans son principe, ne peut être écarté au simple motif qu'il émane du Cabinet Phenix.

La circonstance que certains doublons aient pu exister ne peut être utilement retenue, alors même qu'aucune précision n'est apportée en cause d'appel à cet égard.

C'est à raison, en outre, que Le Cabinet Phenix observe :

- avoir versé aux débats un certain nombre de factures et de lettres de relance de la Superplaque concernant ces créances (pièces n°34), ce qui démontre que ces dossiers lui avaient été confiés aux fins de poursuivre le recouvrement des sommes litigieuses ;

- que dans la lettre que La Superpaque lui a adressé le 12 novembre 2018, son partenaire reconnaît que la Cabinet Phenix était en charge de ces dossiers ("comme je vous l'ai clairement expliqué de visu, la majorité de ces lignes que vous aviez en charge et qui restent à ce jour (non traitées) ne pourront in fine trouver une solution de règlement" (pièce n°22 -souligné par nous).

Le tribunal a de surcroît retenu, de manière pertinente, que la Superplaque objecte que la société Cabinet Phenix ne justifie pas des diligences de recouvrement engagées, mais que cet argument est inopérant s'agissant de commissions dues en raison d'un retrait des dossiers en cours de traitement.

Il s'en suit qu'ainsi qu'en a jugé le tribunal, les justificatifs transmis établissent que le Cabinet Phenix est titulaire, à l'encontre de La Superplaque, d'une créance liquide, certaine et exigible de 21 857, 70 euros au titre de la clause contractuelle sanctionnant le retrait de dossiers en cours de recouvrement.

Cette disposition ne doit pas s'analyser comme une clause pénale, mais comme le prix de la faculté de résiliation unilatérale offerte à tout moment au mandant, en dehors de toute notion d'inexecution. Les conditions d'application de l'article 1231-5 du code civil ne sont donc pas réunies.

Les stipulations prévues contractuellement prévoient par ailleurs que "tout retard de paiement le 1er jour suivant la date d'exigibilité de la facture verra l'application au prorata temporis d'une pénalité égale au dernier taux de la BCE majoré de dix points".

Le jugement attaqué est donc confirmé en ce qu'il a condamné La Superplaque à payer, au titre du retrait des dossiers en cours de gestion, la somme de 21 857, 70 euros, assortie des intérêts de retard prévus à cette autre clause, et ce à compter du 6 mars 2019.

Sur les demandes reconventionnelles de la société La Superplaque

Exposé du moyen :

La société La Superplaque demande à titre reconventionnel, au visa des articles 1103 et 1217, 1229 du code civil, la résiliation judiciaire du contrat et la condamnation de la société Cabinet Phénix à des dommages et intérêts. Elle soutient que la société Cabinet Phénix lui a fait perdre l'espoir de recouvrer des créances pourtant certaines, liquides et exigibles représentant un total de 190 991,72 euros puisqu'aujourd'hui, ces créances non traitées sont prescrites. Elle demande une indemnisation au titre de la perte de chance de recouvrer ces créances, faisant valoir que l'aléa se limitait à 10 % maximum. Elle en déduit subir un préjudice d'un montant de 152 793, 37 euros.

La société Cabinet Phénix répond que la société La Superplaque l'a mise dans l'impossibilité de finaliser ses prestations sur les dossiers en cours. Par ailleurs, il n'est pas démontré de mauvaise exécution de sa part.

Réponse de la Cour :

La Cour confirme le jugement en ce qu'il a retenu que la résiliation judiciaire du contrat de prestation de service de recouvrement signé entre les parties devait être prononcée à effet du 6 mars 2019, date de la lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure des avocats du Cabinet Phenix (pièce Cabinet Phenix n°13). Les prestations échangées avaient jusqu'à cette date trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat.

Elle retient en outre qu'aucun manquement imputable au Cabinet Phenix n'est établi et que le préjudice allégué par La Superplaque n'est pas justifié.

Le jugement attaqué est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la Superplaque de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre d'une prétendue perte de chance.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Cabinet Phenix les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits en justice.

La Superplaque sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de La Superplaque formulée au titre des frais irrépétitibles est rejetée.

La Superplaque, qui succombe, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette le moyen portant sur l'absence d'effet devolutif de la déclaration d'appel de la société La Superplaque,

CONFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société La Superplaque à payer à la société Cabinet Phenix la somme de 2.450 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subli du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Statuant de nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne la société La Superplaque à payer à la société Cabinet Phenix la somme de 2.286, 44 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subli du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamne la société La Superplaque à verser à la société Cabinet Phenix la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société La Superplaque aux dépens d'appel.