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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. com. B, 12 mai 2011, n° 10/00648

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Halte Garderie Les Crocos

Défendeur :

Compagnie Fonciere Alpha Societe en Nom Collectif

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Filhouse

Conseillers :

M. Bertrand, M. Risterucci

Avoués :

SCP Pomies-Richaud-Vajou, SCP Curat Jarricot

Avocat :

Selarl Belnet

TGI Nîmes, du 1 févr. 2010

1 février 2010

EXPOSÉ

Vu les appels interjetés, respectivement le 4 février 2010 et le 5 février 2010, par l'association « Halte Garderie Les Crocos » et par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à l'encontre du jugement prononcé le 1er février 2010 par le Tribunal de Grande Instance de Nîmes.

Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la mise en état le 10 janvier 2011 par l'association « Halte Garderie Les Crocos », première appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les conclusions déposées au greffe de la mise en état le 8 juin 2010 par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha », deuxième appelante, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 14 janvier 2011.

Suivant acte sous seing privé du 11 juin 1996, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » a donné à bail commercial, pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 1996, à l'association « Halte Garderie Les Crocos » des locaux d'une surface de 115 m² avec une cour à usage privatif de 58 m², conventionnellement affectés à une activité exclusive de halte-garderie et dépendant d'un immeuble situé [...].

Suivant deuxième bail commercial du 31 mai 1999, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » a également donné en location à l'association « Halte Garderie Les Crocos », un local de 44 m² situé à la même adresse et également destiné à une activité exclusive de halte-garderie et aux activités annexes qui peuvent s'y rattacher.

L'association « Halte Garderie Les Crocos » lui ayant notifié, selon acte d'huissier de justice du 3 mai 2005, une demande de renouvellement du premier bail du 11 juin 1996, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » lui notifiait en retour, par acte d'huissier de justice du 30 mai 2005, un refus de renouvellement pour dénégation du droit au statut, au motif que la locataire n'est pas commerçante et n'exploite pas dans les lieux un fonds de commerce ;

Par exploit du 26 octobre 2005, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » a fait assigner l'association « Halte Garderie Les Crocos », en contestation du bénéfice du statut des baux commerciaux et aux fins d'expulsion sans indemnité d'éviction, devant le Tribunal de Grande Instance de Nîmes qui, par jugement du 17 octobre 2006, a :

dit que les parties ont entendu soumettre leurs relations contractuelles au statut des baux commerciaux ;

déclaré la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » redevable d'une indemnité d'éviction à l'association « Halte Garderie Les Crocos », sauf à accorder à cette dernière le renouvellement du bail ;

dit que l'association « Halte Garderie Les Crocos » bénéficiait de plein droit du maintien dans les lieux jusqu'au versement total de l'indemnité d'éviction ;

fixé l'indemnité d'occupation due par l'association « Halte Garderie Les Crocos » à compter du 31 juillet 2005, à une somme équivalente au montant du loyer ;

condamné la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à effectuer, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, les travaux de réfection du collecteur principal des eaux usées, cette disposition étant assortie de l'exécution provisoire ;

condamné la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à payer à l'association « Halte Garderie Les Crocos » :

6.652,96 euros, avec intérêts de droit à compter du 22 août 2006, en remboursement des dépenses engagées pour remédier au premier sinistre,

5.477,68 euros au titre du deuxième sinistre avec intérêts de droit à compter du jugement,

2.112 euros en réparation de la perte financière consécutive à la fermeture de la crèche courant mars 2005,

5.000 euros de dommages et intérêts complémentaires ;

ordonné une expertise avant dire droit sur le montant de l'indemnité d'éviction.

Pendant le cours des opérations d'expertise, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha », par acte d'huissier du 17 juillet 2008, devait, en invoquant des motifs similaires, notifier également à l'association « Halte Garderie Les Crocos » son refus de renouvellement du deuxième bail du 31 mai 1999 ;

Emmanuel HÉBERT, commis pour réaliser la mesure d'expertise, ayant déposé son rapport clôturé le 5 décembre 2008, l'affaire a été rappelée devant le tribunal, étant précisé :

que par conclusions du 3 août 2009 l'association « Halte Garderie Les Crocos » a saisi le tribunal d'une demande additionnelle en reconnaissance du statut des baux commerciaux pour le deuxième bail du 31 mai 1999 et en paiement d'une deuxième indemnité d'éviction ;

que selon deux actes d'huissier en date du 4 novembre 2009, la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » a signifié à l'association « Halte Garderie Les Crocos » qu'elle lui consentait le renouvellement de ses baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999, dans le cadre de l'exercice de son droit de repentir.

Par jugement du 1er février 2010, le Tribunal de Grande Instance de Nîmes a :

dit que les parties ont entendu soumettre leur bail du 31 mai 1999 au statut des baux commerciaux ;

déclaré inopposable à l'association « Halte Garderie Les Crocos » le repentir exercé par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à la suite des refus de renouvellement des baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999 ;

dit qu'en raison de la connexité des situations locatives des baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999, l'indemnité d'éviction dont est redevable la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » doit porter sur l'ensemble des locaux objets de ces deux baux ;

condamné la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à payer à l'association « Halte Garderie Les Crocos » une indemnité d'éviction de 246.062 euros se décomposant comme suit :

89.096 euros d'indemnité principale,

150.000 euros de frais de réinstallation,

4.000 euros de frais de double loyer,

2.616 euros de frais de déménagement ;

rejeté les demandes formées par l'association « Halte Garderie Les Crocos » pour perte de clientèle, frais de remploi et frais de communication ;

dit que les sommes allouées porteront intérêts de droit à compter du jugement et se capitaliseront d'année en année par application de l'article 1154 du code civil ;

partagé les dépens par moitié, y compris les frais d'expertise, sans faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire du jugement.

L'association « Halte Garderie Les Crocos » a relevé appel de ce jugement pour voir, au visa des articles L.110-3, L.145-1 et suivants du code de commerce :

confirmer le jugement en ce qu'il lui a déclaré tardif et inopposable le repentir de la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » concernant les refus de renouvellement des deux baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999, aux constats :

qu'elle avait déjà loué les locaux de réinstallation suivant bail commercial du 27 juin 2008, payé les loyers s'y rapportant, engagé les travaux d'études et d'aménagement de la crèche, obtenu le financement bancaire s'y rapportant, et procédé aux paiements exigibles des intervenants techniques ;

que la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » avait connaissance de ce bail portant sur les locaux de remplacement, dès le 16 juillet 2008, date de sa communication à l'expert judiciaire ;

condamner la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à lui payer à titre d'indemnité d'éviction du bail du 11 juin 1996, la somme de 784.755 euros se décomposant comme suit :

216.963 euros de droit au bail,

452.088 euros de frais de réinstallation,

3.233 euros pour trouble commercial,

27.777 euros pour perte de clientèle,

59.500 euros pour frais de double loyer,

18.578 euros pour frais de remploi,

4.000 euros pour frais de communication,

2.616 euros de frais de déménagement ;

dire que les parties ont entendu soumettre le bail du 31 mai 1999 au statut des baux commerciaux ;

déclarer la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » redevable d'une indemnité d'éviction en raison du refus de renouvellement dudit bail ;

constater la connexité des situations locatives et condamner la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à lui payer une indemnité d'éviction de 73.744 euros représentant la valeur du droit au bail du 31 mai 1999 ;

dire que les sommes allouées au titre des deux indemnités d'éviction produiront intérêts à compter du jugement et avec capitalisation desdits intérêts ;

débouter la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » de ses demandes ;

condamner la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » aux dépens qui comprendront les frais d'expertise, et à lui payer 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » a également formé appel principal pour voir :

dire que la valeur du droit au bail doit être fixée globalement pour les deux baux ;

fixer globalement l'indemnité d'éviction à la somme principale de 17.794,80 euros, augmentée :

d'une somme maximum de 10.000 euros au titre des frais d'aménagement et d'installation dans des locaux semblables et des travaux indispensables à l'activité de la crèche,

des frais de déménagement pour la somme de 2.616 euros ;

débouter l'association « Halte Garderie Les Crocos » du surplus de ses demandes ;

condamner l'association « Halte Garderie Les Crocos » aux entiers dépens et à lui payer 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Attendu qu'il ne ressort pas des pièces de la procédure de moyen d'irrecevabilité des appels que la Cour devrait relever d'office, et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point ;

Sur l'exercice du droit de repentir :

Attendu que la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » ne remet pas en cause l'inopposabilité de l'exercice de son droit de repentir, consacrée à juste titre par le tribunal en raison de la tardiveté de sa mise en œuvre, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef, par adoption de ses motifs ;

Sur le sort du bail du 31 mai 1999 :

Attendu que la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » ne remet plus en cause le fait que le bail du 31 mai 1999 bénéficie du statut des baux commerciaux, au même titre que le bail du 11 juin 1996, de sorte que ce chef de décision non critiqué par les parties sera également confirmé ;

Attendu que par ailleurs la connexité des baux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999 est reconnue par les deux parties et résulte du fait que le bail du 31 mai 1999 ne concerne qu'un local annexe utilisé comme cuisine dans le cadre de l'activité de crèche exercée dans les locaux donnés en location le 11 juin 1996, de sorte que s'il permet d'améliorer les prestations offertes aux utilisateurs de la crèche, il n'apporte pas à l'association la possibilité d'y exploiter une clientèle distincte ;

Attendu qu'en réalité les parties ne divergent que sur les conséquences à tirer de ce constat, l'association « Halte Garderie Les Crocos » considérant qu'il convient de lui allouer une indemnité d'éviction distincte pour le refus de renouvellement de son bail du 31 mai 1999, alors que la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » prétend que l'indemnisation doit être envisagée globalement pour les deux baux non renouvelés ;

Et attendu que dans la mesure où l'association « Halte Garderie Les Crocos » n'exploitait qu'une seule crèche dans les différents locaux et a procédé à la réinstallation de son entière activité dans les nouveaux locaux donnés en location par la s.c.i. « VALEMA », elle a subi un unique préjudice à la suite du refus de renouvellement de ces deux baux, de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé une réparation globale ;

Attendu que tout au plus, afin de respecter le désir de l'association « Halte Garderie Les Crocos » de voir distinguer l'indemnité d'éviction afférente au bail du 31 mai 1999, y aura-t-il lieu de procéder à la ventilation de l'indemnité de privation du droit au bail, au prorata de la surface concernée par chacun des baux ;

Sur le montant de l'indemnité d'éviction :

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » conserve l'exploitation de sa crèche en la réinstallant dans un autre quartier de la ville, à 1.300 mètres des locaux donnés à bail par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » ;

Attendu qu'il est indifférent, pour l'appréciation du préjudice résultant du non renouvellement des baux, que les nouveaux locaux soient donnés en location par la s.c.i. « VALEMA » dont la gérante est membre de l'association locataire, quand bien même elle serait la présidente de cette association, peu important la circonstance qu'elle soit également salariée de cette dernière ;

Attendu que de même il est indifférent que l'association « Halte Garderie Les Crocos » ne doive pas poursuivre un but lucratif, cette circonstance n'étant pas de nature à diminuer l'étendue de son préjudice ;

Attendu qu'en effet le preneur évincé peut prétendre en tout état de cause à la réparation intégrale de son préjudice, et en premier lieu à la perte du bénéfice de son droit au bail qui correspond à la différence entre les loyers plafonnés qui auraient pu être exigés dans le cadre des baux renouvelés et la valeur locative des biens ainsi remis à la disposition du bailleur ;

Attendu que pour la détermination de cette valeur locative de référence, le tribunal s'est fondé sur la valeur locative réelle des nouveaux locaux donnés à bail par la s.c.i. « VALEMA », estimée par l'expert à 2.500 euros par mois pour une superficie de 245 m², sur la base d'une valeur locative mensuelle moyenne de 10,15 euros par m² pour un logement neuf, alors qu'il convenait de rechercher la valeur locative des locaux donnés à bail par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » ;

Attendu que dans la mesure où ces locaux se situent dans un quartier dont la commercialité est proche de celle des nouveaux locaux, compte tenu de la spécificité de l'activité exercée par l'association, et dans la mesure où ils s'agit de locaux anciens, la valeur locative mensuelle moyenne au m² de 8,65 € sera retenue par la Cour, au vu du tableau figurant en annexe 2 du rapport d'expertise, de sorte que la valeur locative annuelle de référence ramenée à la superficie totale de 217 m² donnée en location à l'association « Halte Garderie Les Crocos » au titre de ses deux baux s'établit à :

8,65 x 217 x 12 = 22.524,60 euros ;

Attendu que dans la mesure où l'association « Halte Garderie Les Crocos » aurait dû payer un loyer annuel total de 12.036 euros dans le cadre du renouvellement de ses deux baux, le différentiel s'établit à :

22.524,60 ' 12.036 = 10.488,60 euros ;

Attendu que compte tenu de la qualité et de la stabilité de la clientèle des crèches, de la qualité de l'emplacement des locaux délaissés, de leur bon état d'entretien et de leur adéquation à l'activité exercée, ainsi que du rapport financier actuel des placements en argent, c'est à bon droit que le tribunal a retenu un coefficient multiplicateur de 7, de sorte que l'indemnité principale à laquelle l'association « Halte Garderie Les Crocos » peut prétendre pour l'éviction de ses deux baux s'établit à :

10.488,60 x 7 = 73.420,20 euros, dont 58.533,15 euros pour le bail du 11 juin 1996 et 14.887,05 euros pour le bail du 31 mai 1999 ;

Attendu que si l'indemnité de déplacement n'est pas en principe supérieure à l'indemnité de remplacement allouée lorsque le fonds de commerce a disparu en raison du refus de renouvellement, elle n'est pas pour autant exclusive des réparations annexes ;

Attendu qu'ainsi, dans la mesure où pour exercer son activité dans les nouveaux locaux, l'association « Halte Garderie Les Crocos » est contrainte d'effectuer des travaux d'aménagements, elle peut prétendre à la compensation du préjudice que lui occasionnent ces frais de transfert de son activité, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure d'amortir l'intégralité des investissements qu'elle est amenée à abandonner dans les locaux dont elle est évincée ;

Et attendu qu'il importe peu que la s.c.i. « VALEMA », constituée pour acquérir les murs dans lesquels l'association « Halte Garderie Les Crocos » va désormais exercer son activité, retirera un enrichissement des travaux réalisés par sa locataire qui en tout état de cause a droit à la réparation intégrale de son préjudice ;

Attendu que pour autant, afin d'atteindre cette réparation intégrale, il n'est pas nécessaire que cette indemnité corresponde à l'intégralité des dépenses exposées par l'association « Halte Garderie Les Crocos » en raison des engagements souscrits à l'égard de la s.c.i. « VALEMA », lesdites dépenses constituant également des investissements effectués dans la perspective de l'extension de la capacité d'accueil de la crèche, ainsi que de l'amélioration de l'accueil de ses utilisateurs, mais doit être limitée aux frais normaux de réinstallation dans des conditions d'exploitation similaires à celles qui étaient les siennes dans les locaux dont elle a été évincée ;

Attendu qu'au vu de la description des travaux réalisés qui est contenue dans les dossiers de demande de permis de construire et de consultation des entreprises établi par le maître d'œuvre de l'association « Halte Garderie Les Crocos », il apparaît que les travaux de réhabilitation de l'immeuble de la s.c.i. « VALEMA » doivent être mis pour moitié à la charge de la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » en ce que cette participation correspond aux travaux minimums à exécuter pour que la locataire soit mise en mesure de fonctionner dans des conditions similaires à celles qui lui étaient offertes dans les anciens locaux ;

Attendu qu'ainsi, le montant des travaux totalisant la somme de 452.088 euros au vu des pièces produites par l'association « Halte Garderie Les Crocos », il sera mis à la charge de la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » une indemnité de réinstallation de 226.044 euros ;

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » réclame par ailleurs une indemnité de perte de clientèle correspondant à une estimation forfaitaire égale à 10 % de la moyenne des produits d'exploitation enregistrés au cours des trois derniers exercices comptables, au motif que la clientèle des crèches est une clientèle de proximité, de sorte que l'éloignement de la zone piétonne des locaux de remplacement devrait être apprécié avec une sensibilité accrue et en considération de la proximité de quatre structures concurrentielles existantes ;

Mais attendu qu'en raison de l'importance de la demande des utilisateurs de crèches, non seulement l'association « Halte Garderie Les Crocos » qui était déjà confrontée à la concurrence des autres structures, ne justifie pas que le déplacement de son centre d'activité à une faible distance des anciens locaux aurait modifié les conditions de cette concurrence à son détriment, alors qu'elle pourrait aisément produire notamment une étude du délai de satisfaction des candidatures d'utilisateurs actuellement enregistrées par sa propre structure, mais encore son projet de réinstallation s'inscrit dans une perspective d'accroissement de sa capacité d'accueil, ce qui démontre qu'au contraire elle ne va subir aucune perte de clientèle ;

Attendu qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce chef de demande d'indemnisation ;

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » sollicite une indemnité pour préjudice d'exploitation relatif à l'arrêt d'activité correspondant aux opérations de transfert de son activité dans les nouveaux locaux, arrêt dont elle demande réparation sur la base de trois mois de produit d'exploitation ;

Mais attendu que les premiers juges retiennent exactement que les opérations de transfert ne doivent pas nécessiter un arrêt d'activité supérieur à sept jours, de sorte que ce préjudice a été exactement compensé par la somme de 350 euros sur la base d'un produit d'exploitation journalier de 50 euros ;

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » réclame par ailleurs l'indemnisation de l'obligation d'assumer un double loyer afin de réaliser les travaux d'aménagement des nouveaux locaux, et, critiquant les premiers juges d'avoir limité cette indemnité à quatre mois, elle sollicite le remboursement de 17 mois du loyer convenu avec la s.c.i. « VALEMA » pour la mise à disposition des nouveaux locaux, au vu d'une attestation de son maître d'œuvre en date du 7 janvier 2011 ;

Mais attendu que dans un précédent dire en date du 7 novembre 2008, l'association « Halte Garderie Les Crocos » soutenait auprès de l'expert que la durée des travaux devait être de trois mois ;

Or attendu que si le maître d'œuvre atteste en dernier lieu que la date prévisionnelle de fin de chantier est fixée au 30 mars 2011, alors que le devis avec l'entreprise générale a été signé le 30 octobre 2009 et que les travaux ont débuté le 3 novembre 2009, il n'est pas produit le calendrier prévisionnel d'exécution des travaux du cahier des charges techniques, ni d'explications relatives à la durée anormalement longue du chantier ;

Attendu qu'ainsi, en l'état des devis produits et de l'importance du chantier, il ne sera retenu qu'une période normale d'exécution des travaux de quatre mois ;

Attendu que la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » soutient à tort que l'indemnité ferait double emploi avec l'indemnité compensant l'arrêt d'activité qui concerne le temps de fermeture de l'établissement pendant la période de déménagement, afin de permettre le transfert effectif de la crèche entre les anciens et les nouveaux locaux ;

Mais attendu que ce préjudice doit être compensé à concurrence des indemnités d'occupation versées mensuellement par l'association « Halte Garderie Les Crocos » à la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha », soit pour la période retenue :

1.105 x 4 = 4.420 euros ;

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » réclame une indemnité forfaitaire de 4.000 euros pour compenser les frais divers qu'elle sera, selon elle, amenée à exposer pour faire connaître sa nouvelle implantation et drainer la clientèle d'un nouveau secteur ;

Mais attendu qu'en l'absence de production de justificatifs des dépenses actuelles ou de devis de dépenses futures auxquelles elle devrait faire face, l'association « Halte Garderie Les Crocos » a été à juste titre déboutée de ce chef de demande ;

Attendu que l'association « Halte Garderie Les Crocos » réclame également l'indemnisation de frais de remploi à concurrence d'une somme forfaitaire égale à 10 % de la valeur du droit au bail ;

Mais attendu qu'il incombe au preneur évincé de justifier de la réalité des frais de remploi qu'il serait amené à exposer, alors qu'en l'espèce la demanderesse ne justifie pas du moindre frais, actuel ou futur, susceptible d'être pris en charge à ce titre, de sorte qu'elle en a été à bon droit déboutée ;

Attendu que le devis de frais de déménagement produit par l'association « Halte Garderie Les Crocos » est accepté par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha », de sorte que ce chef de jugement qui n'est critiqué par aucune des parties, sera confirmé pour la somme réclamée de 2.616 euros ;

Attendu qu'en définitive l'indemnité d'éviction globale sera fixée à la somme totale de 306.850,20 euros, somme qui produira intérêts à compter du jugement déféré pour compenser les effets de la longueur de la procédure et la levée partielle de l'exécution provisoire dudit jugement en vertu d'une ordonnance de référé prononcée le 7 avril 2010 par le Premier Président de la Cour d'Appel ;

Attendu qu'il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts moratoires conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Sur les frais de l'instance :

Attendu que dans la mesure où les prétentions manifestement excessives de l'association « Halte Garderie Les Crocos » ne permettaient pas d'espérer une solution transactionnelle et ont participé au développement des errements procéduraux, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a statué sur le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance ;

Attendu que dans la mesure où chaque partie succombe partiellement en son recours, chacune d'elles supportera la charge des dépens et frais irrépétibles de l'instance d'appel qui auront été par ailleurs été exposés de son chef ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Reçoit les appels en la forme.

Au fond,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a, complétant le précédent jugement du 17 octobre 2006 :

dit que le bail du 31 mai 1999 avait été volontairement soumis au statut des baux commerciaux ;

déclaré le repentir, exercé par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à la suite du refus de renouvellement des baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999, inopposable à l'association « Halte Garderie Les Crocos » en raison de son caractère tardif ;

dit qu'en raison de la connexité des baux commerciaux du 11 juin 1996 et du 31 mai 1999, l'indemnité d'éviction due par la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » devait porter sur l'ensemble des locaux mis à la disposition de l'association « Halte Garderie Les Crocos » au titre de ces deux baux ;

rejeté les demandes d'indemnisation de perte de clientèle, de frais de remploi et de frais de communication présentées par l'association « Halte Garderie Les Crocos » ;

statué sur les dépens, incluant les frais d'expertise, et sur les frais irrépétibles de première instance ;

Mais le réformant pour le surplus,

Condamne la s.n.c. « Compagnie Foncière Alpha » à payer à l'association « Halte Garderie Les Crocos » une indemnité d'éviction de 306.850,20 euros se décomposant comme suit :

droit au bail 73.420,20 euros, dont :

58.533,15 euros pour le bail du 11 juin 1996

14.887,05 euros pour le bail du 31 mai 1999 ;

frais de réinstallation 226.044,00 euros

trouble commercial 350,00 euros

frais de double loyer 4.420,00 euros

frais de déménagement 2.616,00 euros

Dit que cette indemnité produira intérêts au taux légal à compter du jugement déféré et que ceux de ces intérêts échus pour une année entière au moins seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au même taux, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

Et y ajoutant,

Dit que chaque partie supportera les dépens et frais irrépétibles d'appel qui auront été exposés de son chef, sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.