Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch., 28 septembre 2023, n° 21/00561

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Speed Rabbit Pizza (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Thomas

Conseillers :

Mme Gautron-Audic, Mme Meurant

Avocats :

Me Lafon, Me Elmaleh Wininger, Me Abitan-Bessis, Me Dumeau, Me Hatte

T. com. Nanterre, 3e ch., du 8 oct. 2020…

8 octobre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Speed Rabbit Pizza exploite en franchise, sur le territoire national, un réseau de points de restauration de vente à emporter et livraison à domicile, essentiellement de pizzas, sous l'enseigne 'Speed Rabbit Pizza'.

De mai 2005 à novembre 2011, M. [G] [U] a exercé à [Localité 1] (02), en qualité de franchisé, une activité de fabrication, vente et livraison de pizzas sous l'enseigne 'Speed Rabbit Pizza'.

Le 17 janvier 2013, la société Speed Rabbit Pizza a conclu avec la SARL [U] un nouveau contrat de franchise d'une durée de dix ans pour l'exploitation sous l'enseigne 'Speed Rabbit Pizza' d'une unité située [Adresse 4] à [Localité 8] (62), avec une exclusivité pour le secteur de la ville d'[Localité 7].

M. [U], gérant de la société [U], s'est porté caution solidaire de cette dernière, par acte sous seing privé du 17 janvier 2013, de toutes les sommes pouvant être dues au franchiseur dans le cadre du contrat de franchise, dans la limite de la somme de 150.000 €.

Dans le cadre de ce contrat de franchise, la société [U] s'est engagée à verser une redevance mensuelle correspondant à 5 % de son chiffre d'affaires HT, outre une redevance publicitaire de 1 % de son chiffre d'affaires HT, payable chaque trimestre.

L'exploitation a débuté le 4 février 2013. Seule la première facture de redevance du mois de février 2013 a été réglée.

Par ordonnance du 3 février 2015, le président du tribunal de commerce d'Arras a fait injonction à la société [U] de payer la somme en principal de 29.897,63 €. Le 20 mars 2015, la société [U] a formé opposition à cette ordonnance. Cependant, la société Speed Rabbit Pizza n'a pas consigné les frais d'opposition dans les délais requis par l'article 1425 du code de procédure civile.

Par courrier du 3 mars 2017, la société Speed Rabbit Pizza a mis en demeure la société [U] de régler le montant de ses royalties s'élevant à 59.905,66 €.

Par acte du 21 décembre 2017, la société [U] et M. [U] ont fait assigner la société Speed Rabbit Pizza devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de franchise et de voir condamner la société Speed Rabbit Pizza à leur verser diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 8 octobre 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Débouté la SARL [U] et M. [U] de leur demande de nullité du contrat de franchise et M. [U] de sa demande de nullité de son engagement de caution ;

- Débouté la SARL [U] et M. [U] de leur demande de résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SA Speed Rabbit Pizza ;

- Prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SARL [U] ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U], en qualité de caution de la SARL [U], à payer à la SA Speed Rabbit Pizza la somme de 72.580,77 € au titre des royalties impayées avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement et la somme de 36.046 € à titre de dommages-intérêts, et débouté les demandeurs de leurs autres demandes ;

- Dit que les condamnations à l'égard de M. [U] en qualité de caution de la SARL [U] seront limitées globalement à la somme de 150.000 €, plafond de son engagement de caution ;

- Enjoint la SARL [U] de déposer l'enseigne Speed Rabbit Pizza et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à cette franchise (objet publicitaire, papier à entête, cartes de visite, dépliants, vêtements, etc) et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, cette astreinte courant à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification du jugement à intervenir (sic) et pendant une durée de 60 jours, le tribunal se réservant la liquidation de cette astreinte ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U] à payer à la SA Speed Rabbit Pizza la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U] aux dépens.

Par déclaration du 28 janvier 2021, la société [U] a interjeté appel du jugement.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal de commerce d'Arras avait précédemment ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société [U].

La société Speed Rabbit Pizza a déclaré sa créance le 11 janvier 2021.

Aux termes d'un jugement rendu le 3 mars 2022, le tribunal de commerce d'Arras a fait droit à la tierce opposition de la société Speed Rabbit Pizza et a annulé la procédure de sauvegarde ouverte le 18 décembre 2020.

Par jugement du 1er avril 2022, le tribunal de commerce d'Arras à ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [U] et désigné la SELARL [X] et associés, prise en la personne de Me [I] [X], en qualité de mandataire judiciaire.

La société Speed Rabbit Pizza a de nouveau déclaré sa créance le 12 avril 2022 à hauteur de 112.047,13 €, dont 72.580,77 € au titre des redevances impayées et 36.046 € de dommages-intérêts.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022, la société [U], exerçant sous l'enseigne Coyote Pizza, assistée de la société [X], en sa qualité de mandataire judiciaire, demande à la cour de :

- Recevoir la société [U] en son appel, l'y déclarer bien fondée ;

- Lui donner acte de ce qu'elle a exécuté l'injonction de déposer l'enseigne Speed Rabbit Pizza et a cessé toute utilisation et toute référence à cette franchise (pièce n°25) ;

- Infirmer le jugement rendu le 8 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

- Juger qu'en dissimulant intentionnellement à l'appelante les difficultés concurrentielles rencontrées par son réseau du fait de la présence dans son secteur de la société Domino's Pizza, la société Speed Rabbit Pizza a commis un dol qui n'a pas permis à la société [U] de s'engager en connaissance de cause ;

- Juger que la réticence dolosive de la société Speed Rabbit Pizza a vicié le consentement de la société [U] qui ne se serait, à l'évidence, pas engagée si elle avait eu connaissance de la situation de précarité des franchisés en position de concurrence avec la société Domino's Pizza ;

En conséquence,

- Prononcer la nullité du contrat de franchise du 17 janvier 2013 ;

Subsidiairement,

- Prononcer la résiliation du contrat de franchise du 17 janvier 2013 aux torts exclusifs de la société Speed Rabbit Pizza ;

En tout état de cause,

- Condamner la société Speed Rabbit Pizza au remboursement à la société [U] de la somme de 15.000 € (soit 17.240 € TTC) versée au titre du droit d'entrée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2017 ;

- Condamner la société Speed Rabbit Pizza à payer à la société [U] la somme de 149.342,74 € correspondant aux sommes engagées en pure perte, à titre de dommages et intérêts ;

- Débouter la société Speed Rabbit Pizza de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires ;

- Condamner la société Speed Rabbit Pizza à payer à la société [U] la somme de 6.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2021, M. [U] demande à la cour de :

- Le dire et juger recevable et bien fondé en son appel incident ;

L'y recevant

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 8 octobre 2020, en ce qu'il a :

- Débouté la SARL [U] et M. [U] de leur demande de nullité du contrat de franchise, et M. [U] de sa demande de nullité de son engagement de caution ;

- Débouté la SARL [U] et M. [U] de leur demande de résiliation du contrat de franchise aux torts de la SA Speed Rabbit Pizza ;

- Prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts de la SARL [U] ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U], en qualité de caution de la SARL [U], à payer à la SARL Speed Rabbit Pizza la somme de 72.580,77 € au titre des royalties impayées avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et la somme de 36.046 € à titre de dommages et intérêts, et débouté les demandeurs de leurs autres demandes ;

- Dit que les condamnations à l'égard de M. [U] en qualité de caution de la SARL [U] seront limitées globalement à la somme de 150.000 €, plafond de son engagement de caution ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U] à payer à la SARL Speed Rabbit Pizza la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire ;

- Condamné solidairement la SARL [U] et M. [U] aux dépens ;

- Prononcer la nullité de l'engagement de caution de M. [U] au profit de la SA Speed Rabbit Pizza du 17 janvier 2013 ;

- Condamner la SA Speed Rabbit Pizza à payer à M. [U] la somme de 20.000 € en réparation du préjudice subi ;

- Débouter la SA Speed Rabbit Pizza de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la SA Speed Rabbit Pizza à payer à M. [U] la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SA Speed Rabbit Pizza aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Danielle Abitan-Bessis, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la société Speed Rabbit Pizza demande à la cour de :

A titre principal

- Débouter la société [U], M. [U] et Me [I] [X] de toutes leurs demandes ;

- Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- Débouté la société [U] de sa demande de nullité de son contrat de franchise signé avec la société Speed Rabbit Pizza ;

- Débouté la société [U] de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société Speed Rabbit Pizza ;

- Prononcé la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la SARL [U] ;

- Dit que la société [U] et M. [U] sont redevables à l'égard de la société Speed Rabbit Pizza de la somme de 72.580,77 € au titre des royalties impayées avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et la somme de 36.046 € à titre de dommages et intérêts ;

- Condamné M. [U], en sa qualité de caution, à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 72.580,77 € au titre des royalties impayées avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement, et la somme de 36.046 € à titre de dommages et intérêts ;

- Enjoint la société [U] de déposer l'enseigne Speed Rabbit Pizza et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à cette franchise (objet publicitaire, papier à entête, cartes de visite, dépliants, vêtements, etc) et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard, cette astreinte courant à compter d'un délai de quinze jours suivant la signification du jugement et pendant une durée de 60 jours, le tribunal se réservant la liquidation de cette astreinte ;

- Condamné M. [U] à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Eu égard à l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société [U],

- Fixer la créance de la société Speed Rabbit Pizza au passif de la société [U] au titre des redevances impayées à la somme de 72.580,77 € ;

- Fixer la créance de la société Speed Rabbit Pizza au passif de la société [U] au titre de l'indemnité de résiliation à la somme de 36.046 € € ;

A titre très subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire la cour prononcerait la nullité du contrat de franchise,

- Fixer la créance indemnitaire de la société Speed Rabbit Pizza au passif de la société [U] à la somme de 72.580,77 € au titre des prestations fournies au franchisé et non contestées et ordonner la compensation entre les créances respectives des parties ;

Y ajoutant,

- Condamner M. [U] à payer à la société Speed Rabbit Pizza la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- Condamner M. [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité du contrat de franchise

La société [U], assistée de la société [X] ès qualités, invoque la nullité du contrat de franchise, motif pris d'une réticence dolosive du franchiseur, qui a vicié le consentement de la société [U] en lui dissimulant intentionnellement, à l'occasion de la remise du nouveau document d'information précontractuel (DIP) le 23 avril 2012, les difficultés concurrentielles rencontrées par son réseau du fait de la concurrence de la société Domino's Pizza mais aussi en ne l'informant pas qu'il avait engagé une action judiciaire à l'encontre de cette dernière. Elle soutient que ces informations, si elles avaient été portées à la connaissance de la société [U], l'auraient dissuadée de contracter et de s'installer à proximité d'un point de vente Domino's Pizza.

Elle fait valoir que le DIP ne présente pas, même succinctement, le marché local et ne donne aucun élément nécessaire à l'étude de ce marché ; qu'il ne fait aucune allusion aux difficultés rencontrées par les franchisés Speed Rabbit Pizza en situation de concurrence avec Domino's Pizza, ni à la procédure en concurrence déloyale initiée, avant même la communication du DIP, à l'encontre de celle-ci, ni au rapport du cabinet d'experts Sorgem déposé avant la remise du DIP qui constate que la concurrence déloyale exercée par la société Domino's Pizza a conduit à de nombreuses fermetures et liquidations judiciaires de franchisés Speed Rabbit Pizza ; qu'ainsi la société [U] s'est engagée sur la foi d'informations fausses et trompeuses.

Elle estime que le franchiseur n'a pas agi avec loyauté et sincérité, qu'il s'est au contraire employé à tromper la société [U] en lui cachant délibérément la situation alarmante des franchisés du réseau qui voyaient s'installer dans leur zone un magasin Domino's Pizza. Elle souligne que par la suite, la société Speed Rabbit Pizza a annexé au DIP adressé aux candidats à la franchise, la procédure l'opposant à son concurrent, ce qui démontre qu'elle était parfaitement consciente de son comportement fautif. Elle reconnaît que la société [U] n'ignorait pas que son magasin serait en concurrence avec l'enseigne Domino's Pizza mais indique qu'elle n'imaginait pas la situation catastrophique des franchisés Speed Rabbit Pizza.

M. [U], ès qualités de caution, fait sien les arguments et demandes de la société [U]. Il prétend qu'il n'était pas en mesure d'appréhender avec exactitude la pérennité du réseau et qu'il n'a pas été informé des départs effectifs et à venir des franchisés au jour de la signature du contrat et à tout le moins dans les 12 mois la précédant. Il indique qu'il ne se serait pas engagé en qualité de caution de sa société s'il avait connu la situation réelle des franchisés Speed Rabbit Pizza, soulignant à cet égard qu'il ne lui avait pas été demandé son cautionnement personnel lorsqu'il avait pris en 2005 la franchise de [Localité 1].

La société Speed Rabbit Pizza sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du contrat de franchise.

Elle soutient que la société [U] et M. [U] se sont engagés en toute connaissance de cause ; qu'ils connaissaient parfaitement l'état du marché et la concurrence à laquelle se livrait la société Domino's Pizza à l'égard de tous les acteurs de ce secteur d'activité de la livraison rapide de pizzas à domicile, et ce d'autant que M. [U] avait une expérience de plus de 7 ans dans ce secteur d'activité ; que comme il le rappelle lui-même, il n'avait eu qu'à se féliciter de l'activité de sa première exploitation sous enseigne Speed Rabbit Pizza à [Localité 1] en qualité de franchisé, de 2005 à novembre 2011, raison pour laquelle il avait souhaité en ouvrir une seconde à [Localité 7] ; que le DIP remis le 23 avril 2012 ne contenait aucune présentation du marché local car M. [U] n'avait pas arrêté définitivement le secteur sur lequel il voulait ouvrir une nouvelle franchise. Elle énonce encore que M. [U] et la société [U] étaient parfaitement informés, avant la signature du contrat de franchise, de la présence d'une boutique Domino's Pizza sur le secteur de la ville d'[Localité 7] ; qu'ils connaissaient tout le détail des reproches formulés à la société Domino's Pizza et en particulier du contexte de concurrence déloyale ; qu'ils avaient fait appel à un courtier pour financer le projet et pouvaient en outre obtenir toutes les informations nécessaires pour décider ou non de le maintenir.

Elle considère que le fait que ces informations n'aient pas été reprises dans le DIP n'a pas d'incidence car d'une part, le franchisé les connaissait et d'autre part, le dol suppose une volonté délibérée de cacher des informations, qui fait défaut en l'espèce puisqu'elle n'a rien dissimulé et qu'elle a au contraire largement communiqué, notamment dans la presse, au risque même de perdre des candidats à sa franchise. Elle fait valoir que le 5 avril 2011, elle avait adressé un courriel à l'ensemble du réseau, auquel appartenait M. [U], pour l'informer qu'elle rentrait « en guerre ouverte » contre Domino's Pizza ; qu'en outre, M. [U] a été destinataire d'un autre courriel adressé le 22 novembre 2012, auquel était joint un article paru le même jour dans le journal 'Le Nouvel Economiste', dans lequel elle exposait la concurrence déloyale qu'elle reprochait à la société Domino's Pizza et son impact sur la concurrence. Elle précise que si elle annexe désormais les éléments de la procédure en concurrence déloyale au DIP remis aux nouveaux candidats à la franchise, c'est parce que ceux-ci ne sont pas nécessairement informés comme M. [U] a pu l'être.

Elle rappelle enfin que la société [U] n'a jamais rien payé depuis le départ et qu'elle a utilisé pendant plus de 6 années tous les signes distinctifs du réseau et profité de tous les avantages de ce dernier à l'instar des autres franchisés, qui eux payent leurs redevances.

*****

En application des dispositions des articles 1108 et 1109 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige, le consentement de la partie qui s'oblige est une condition essentielle de la validité d'une convention et il n'y a point de consentement valable si ce consentement a été surpris par dol. L'article 1116 ancien de ce code précise que le dol est une cause de nullité lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et qu'il doit être prouvé.

Par ailleurs, l'article L.330-3 du code commerce dispose que « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». Ce document d'information précontractuelle (DIP), « dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités ». Il doit être communiqué vingt jours minimum avant la signature du contrat.

Selon l'article R.330-1 du même code, dans sa rédaction issue du décret n°2009-557 du 19 mai 2009, le DIP doit contenir notamment :

« 4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.

Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.

Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du III de l'article L.451-1-2 du code monétaire et financier ;

5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :

a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;

b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;

Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;

c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;

d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci. »

Il résulte de la combinaison des articles susvisés qu'un manquement à l'obligation d'information précontractuelle prévue à l'article L.330-3 du code de commerce n'entraîne la nullité du contrat de franchise que s'il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé.

En l'espèce, le document d'information précontractuelle (DIP) a été adressé à M. [U] le 23 avril 2012 dans sa version de 2010 mise à jour au 1er juillet 2011. Il présente notamment le franchiseur, le réseau constitué au 1er juillet 2011 de 121 magasins sous enseigne Speed Rabbit Pizza dont 111 franchisés, avec leurs noms et coordonnées ; il précise quels sont les franchisés qui ont cessé leurs activités entre août 2009 et juillet 2011, période dont il convient de souligner qu'elle ne correspond pas à « l'année précédant celle de la délivrance du document », telle que prévue par l'article R.330-1 du code de commerce. Si ce document comporte en son annexe V les rapports du commissaire aux comptes de la société Speed Rabbit Pizza, la cour relève que ces rapports portent sur les exercices 2009 et 2010 et qu'aucune actualisation de ces informations ne sera effectuée par la suite alors que le contrat de franchise sera finalement signé le 17 janvier 2013, soit près de neuf mois plus tard.

L'annexe VIII relative aux 'Eléments nécessaires à la réalisation de l'Etude de Marché Locale' ne comporte aucune information. Toutefois, il est mentionné en page 9 du DIP dans la rubrique 'Zones d'activité' :

« La zone d'activité sera précisément définie au sein du contrat de franchise.

La zone d'implantation souhaitée par [G] [U] est la suivante : à déterminer.

Le candidat déclare avoir reçu du Franchiseur les éléments nécessaires à la réalisation de son étude de marché local. Annexe VIII. »

La société [U] indique que M. [U] a acquis un local commercial à [Localité 7] en 2012, sans autre précision sur le moment de l'année auquel cet achat est intervenu, de sorte qu'il n'est pas possible pour la cour de déterminer si, lorsque le DIP lui a été remis, la zone d'implantation avait déjà été déterminée. Il n'en demeure pas moins qu'une fois encore, le DIP n'a pas été actualisé sur ce point préalablement à la signature du contrat.

S'agissant des informations sur le marché national, figurant en annexe VI du DIP, il convient d'observer que les données communiquées sont anciennes, portant sur les années 2000 à 2004. Ainsi l'évolution des différentes enseignes de livraison de pizzas est envisagée uniquement sur cette période. En outre, les « tendances prospectives du marché » se limitent à l'horizon 2010, et ce alors que le DIP est remis en avril 2012 et que l'article L.330-3 du code de commerce met à la charge du franchiseur l'obligation de présenter « l'état et les perspectives de développement du marché concerné ».

Mais surtout, le DIP ne fait aucunement état de la procédure en concurrence déloyale introduite le 20 mars 2012 contre la société Domino's Pizza, soit le mois précédant l'envoi du DIP à M. [U], ni du rapport du cabinet d'experts Sorgem pourtant remis en mars 2012 à la société Speed Rabbit Pizza avant la saisine du tribunal de commerce de Paris. L'appelante verse aux débats les conclusions de la société Speed Rabbit Pizza devant la cour d'appel de Paris dans le litige l'opposant à la société Domino's Pizza. On peut y lire que la société Speed Rabbit Pizza, préoccupée depuis plus de dix ans par la situation, a pu observer que « lorsque l'un de ses franchisés se trouvait en concurrence avec un franchisé Domino's Pizza, le franchisé Speed Rabbit Pizza rencontrait de grosses difficultés, voire était contraint de déposer le bilan », que la stratégie commerciale mise en oeuvre par la société Domino's Pizza est « la cause de la disparition de nombreux points de vente franchisés au sein du réseau de franchise Speed Rabbit Pizza », que « la situation va en s'aggravant d'année en année » et que « le nombre de fermetures et de faillites des franchisés Speed Rabbit Pizza a fortement augmenté ces dernières années ». Les conclusions de la société Speed Rabbit Pizza devant la cour d'appel de Paris visent ainsi le rapport Sorgem, selon lequel « en 2004/2005 seuls 2 points de vente Speed Rabbit Pizza avaient fermé ou étaient tombés en liquidation judiciaire, ce nombre étant passé à 6 entre 2006 et 2008 pour atteindre 24 points de vente entre 2009 et 2011 ».

Ces éléments constituaient des informations essentielles pour le candidat à la franchise lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause, ce que la seule comparaison des DIP de 2005 et 2012 ne pouvait lui offrir, contrairement à ce que soutient la société Speed Rabbit Pizza.

Cette dernière considère que M. [U] et la société [U] étaient suffisamment informés, avant la signature du contrat de franchise, du contexte concurrentiel et en particulier de la présence d'une boutique Domino's Pizza sur le secteur de la ville d'[Localité 7]. Elle se prévaut en premier lieu d'un courriel du 5 avril 2011 adressé à l'ensemble de ses franchisés, dont M. [U], dans lequel elle écrivait : « Chers adhérents, Speed Rabbit Pizza rentre en litige ouvert contre Domino's Pizza. Si vous vous situez sur le même secteur qu'une ou plusieurs unités Domino's Pizza et que vous vous sentez pénalisés par leur activité, nous vous remercions de nous adresser par retour de mail la liste des faits reprochés. Dans l'attente, veuillez croire, chers adhérents, en l'assurance de notre détermination ». Il ne se déduit pas de ce message qu'une action judiciaire est engagée ou va l'être à l'encontre de la société Domino's Pizza, action qui ne sera d'ailleurs introduite que le 20 mars 2012, soit presqu'un an plus tard. Par ailleurs, il est important de souligner qu'à la date du 5 avril 2011, M. [U] exploitait alors un point de vente Speed Rabbit Pizza à [Localité 1] (02), ville dans laquelle la société Domino's Pizza n'était pas implantée. Il ne pouvait dès lors se sentir concerné par la demande d'informations du franchiseur sur les effets de la concurrence de la société Domino's Pizza, ce d'autant que le message adressé le 5 avril 2011 n'est pas particulièrement explicite quant à l'exercice d'une concurrence déloyale de la part de cette dernière.

La société Speed Rabbit Pizza invoque en second lieu un autre courriel qu'elle a adressé à ses franchisés le 22 novembre 2012 et qui est ainsi rédigé : « Chers adhérents, En page 12 du journal 'Le Nouvel Economiste' (en pièces jointes), Speed Rabbit Pizza continue le combat contre nos concurrents aux méthodes déloyales. Nous le dénonçons par articles de presse. 4 autres articles sont prévus. Merci de relayer ce message ». L'article de presse joint à ce message décrit les pratiques du franchiseur Qubiq sur le marché de la pizza et formule des propositions à ajouter au rapport de M. [T] [B] (note de la cour : Rapport sur la compétitivité de l'industrie française, dit rapport [B], remis le 5 novembre 2012 au premier ministre) mais à aucun moment, l'enseigne Domino's Pizza n'y est citée.

En toute hypothèse, ces éléments extérieurs à la nouvelle relation contractuelle ne dispensaient pas la société Speed Rabbit Pizza de délivrer au candidat à la franchise des informations récentes et sincères.

M. [U] bénéficiait certes d'une expérience de plus de 7 ans dans le secteur, quoique dans une ville de dimension plus réduite, et il n'ignorait pas qu'en ouvrant un point de vente Speed Rabbit Pizza dans la ville d'[Localité 7], il serait confronté à la concurrence d'autres enseignes, en particulier celle de Domino's Pizza. Avant d'obtenir un prêt bancaire pour mener à bien son projet, il s'est d'ailleurs heurté au refus de trois banques qui, selon le courriel adressé le 20 juillet 2012 par M. [N] [E], courtier, ont considéré que « la concurrence est trop présente sur [Localité 7] ». Pour autant, cette appréciation générale émanant de banques et relayée de surcroît par un tiers, n'était pas de nature à permettre à M. [U] de prendre toute la mesure de la gravité de la situation, ni à dispenser la société Speed Rabbit Pizza de son obligation d'information. La cour observe à cet égard que le courriel du 20 juillet 2012 a été transmis le jour même à la société Speed Rabbit Pizza, qui n'a pas saisi cette occasion pour informer son interlocuteur du contentieux en cours avec la société Domino's Pizza.

Le contrat de franchise a été signé le 17 janvier 2013, sans que la société Speed Rabbit Pizza ne communique plus d'informations que celles évoquées ci-dessus et sans que le DIP soit actualisé avec des données plus récentes sur l'état réel de la concurrence. Dès le 17 mai 2013, M. [U] a été convoqué par le franchiseur à une « réunion de crise » et les comptes annuels de la société [U] démontrent que l'activité s'est avérée déficitaire dès le premier exercice.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Speed Rabbit Pizza n'a pas fourni au candidat à la franchise des informations sincères qui lui auraient permis de s'engager en connaissance de cause. Bien au contraire, elle lui a délibérément dissimulé des informations essentielles et déterminantes de son consentement, en violation de ses obligations légales d'information précontractuelle. Ce comportement est constitutif d'un dol ayant vicié le consentement de M. [U] qui, dûment informé de la gravité des risques d'échec de l'ouverture d'un point de vente à [Localité 7], n'aurait pas contracté.

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer la nullité du contrat de franchise conclu le 17 janvier 2013. Par suite, il n'y a pas lieu d'examiner la demande en résiliation du contrat.

Sur les conséquences de la nullité du contrat de franchise

En conséquence de l'annulation du contrat de franchise, la société [U] sollicite la condamnation de la société Speed Rabbit Pizza à lui restituer la somme de 15.000 € (17.240 € TTC) versée au titre du droit d'entrée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2017.

Elle considère que doit également être dédommagée la perte de chance de ne pas avoir engagé utilement les dépenses réalisées dans le cadre du contrat de franchise, à hauteur de la somme de 149.342,74 €, dépensée selon elle en pure perte et correspondant à :

- des fonds propres à hauteur de 50.000 € outre un emprunt du même montant pour aménager les locaux selon le concept Speed Rabbit Pizza,

- l'acquisition d'un véhicule pour 15.000 €,

- l'acquisition du matériel nécessaire à l'exploitation auprès de la société Horecol, gérée par M. [S], fondateur et associé majoritaire de la société Speed Rabbit Pizza, au moyen d'un leasing de 70.000 € sur cinq ans.

M. [U] s'estime quant à lui bien fondé à se voir indemnisé du préjudice résultant de « la perte d'une chance de ne pas investir ses fonds dans la franchise » et évalue ce préjudice à la somme de 20.000 € dont il réclame le paiement.

La société Speed Rabbit Pizza répond que la société [U] ne peut prétendre tout au plus qu'à la restitution du droit d'entrée s'élevant à 15.000 €, dans la mesure où elle n'a jamais payé les redevances ; que l'indemnisation sollicitée des investissements non amortis ou du prix du véhicule acquis n'a aucun fondement juridique, d'autant que l'appelante ne produit aucune pièce à l'appui de ses demandes.

Elle rappelle que le prononcé de la nullité du contrat de franchise a pour effet de remettre les deux parties, et donc également le franchiseur, dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de l'acte annulé. Elle considère qu'elle a droit à une indemnité correspondant aux prestations fournies au franchisé et non restituables. Elle sollicite en conséquence la fixation au passif de la société [U] de sa créance, d'un montant de 72.580,77 €, à titre d'indemnité correspondant au bénéfice des prestations fournies au franchisé. Elle demande à la cour d'ordonner la compensation entre les créances respectives des parties.

Elle s'oppose enfin à la demande indemnitaire formulée par M. [U], en faisant observer que ce dernier ne justifie même pas des fonds qu'il aurait investis à titre personnel.

*****

La nullité d'un contrat emporte son effacement rétroactif. Il est donc censé n'avoir jamais existé et a pour effet de remettre les parties dans leur état initial.

Il y a lieu en conséquence de restituer à la société [U] les sommes effectivement versées au franchiseur dans le cadre du contrat annulé. La société Speed Rabbit Pizza sera condamnée à lui rembourser la somme réclamée et non contestée de 15.000 € versée au titre du droit d'entrée.

L'appelante invoque ensuite un préjudice né de la « perte de chance de n'avoir pas engagé utilement [les] sommes » investies au titre de la franchise. Il est certes exact que la société [U] ne s'est pas vue délivrer les informations lui permettant de s'engager en toute connaissance de cause et qu'elle a ainsi perdu une chance de ne pas contracter et donc de ne pas engager les sommes qu'elle a investies dans la franchise. La cour en a tiré la conséquence qui s'imposait en déclarant nul le contrat de franchise conclu le 17 janvier 2013, au motif que le consentement de la société [U] avait été obtenu par dol. Pour autant, celle-ci ne justifie pas d'un préjudice indemnisable au titre de la perte de chance qu'elle invoque car, contrairement à ce qu'elle prétend, les sommes qu'elle indique avoir investies ne l'ont pas été en pure perte.

En effet, il ressort des éléments produits aux débats, et notamment de l'extrait Kbis au 20 novembre 2022, que la SARL [U] fait l'objet depuis le 1er avril 2022 d'une procédure de redressement judiciaire, la période d'observation ayant été successivement prolongée jusqu'au 1er avril 2023, et qu'elle continue d'exploiter dans les locaux sis [Adresse 4] à [Localité 8] (62), depuis le 4 février 2013 soit depuis plus de dix ans, son fonds de commerce de fabrication, vente et livraison de pizzas, désormais sous l'enseigne 'Coyote Pizza', et ce même si l'activité se révèle déficitaire comme l'indiquent les comptes annuels produits pour les exercices 2013 à 2018. Or, la société [U] ne démontre pas qu'elle n'utilise plus, dans le cadre de son activité sous cette nouvelle enseigne, les équipements de cuisine qu'elle a acquis au moyen d'un crédit-bail ayant expiré le 23 janvier 2018. Elle n'établit pas non plus qu'elle n'utilise plus le véhicule d'entreprise Citroën C3, également acquis au moyen d'un crédit-bail ayant expiré le 28 décembre 2015, dont elle communique, comme pour le précédent, l'échéancier. Elle ne peut donc sérieusement soutenir qu'elle a effectué ces investissements en pure perte, sachant qu'elle est aujourd'hui propriétaire tant des équipements que du véhicule.

L'examen des comptes annuels produits pour les exercices 2013 à 2018 confirme que les capitaux investis pour constituer la SARL [U], immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Arras le 17 octobre 2012, s'élèvent à 50.000 €, les parts sociales étant intégralement détenues par M. [U], et qu'un emprunt bancaire a par ailleurs été souscrit à hauteur de la même somme. Ainsi, les sommes investies figurent bien toujours dans les comptes de la société [U] qui poursuit depuis février 2013 son activité. Elles n'ont pas non plus été engagées en pure perte, étant relevé qu'il n'est pas produit d'éléments comptables postérieurs à 2018.

La cour observe en outre que les comptes de résultat de la société font état chaque année de redevances ou royalties sur le chiffre d'affaires (10.723 € en 2013, 14.948 € en 2014, 12.952,16 € en 2015, 11.467,28 € en 2016, 9.445,87 € en 2017, 8.863,54 € en 2018), ce qui permet de déduire qu'ont été comptabilisées des dépenses liées à des redevances restées impayées en majeure partie puisqu'il n'est pas discuté que seule la première facture de redevance du mois de février 2013 a été effectivement réglée au franchiseur.

Au vu de ces éléments, la société [U], qui ne justifie pas du préjudice allégué, ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Pour solliciter le versement de la somme de 20.000 € de dommages-intérêts, M. [U] invoque quant à lui un préjudice « résultant de la perte d'une chance de ne pas investir ses fonds dans la franchise ». Si, comme la SARL [U], dont il détient l'intégralité des parts sociales, il est en effet en droit de se prévaloir d'une perte de chance résultant du dol dont il a été victime, il ne justifie pas pour autant d'un préjudice indemnisable. Il a été précédemment constaté, sur la base des éléments comptables produits jusqu'en 2018 seulement, que l'apport de 50.000 € figurait bien au passif du bilan de la société [U]. M. [U] ne fournit par ailleurs aucune explication ni aucune pièce au soutien du préjudice allégué. Il sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts.

Il convient en revanche de faire droit à sa demande de nullité de l'engagement de caution souscrit le 17 janvier 2013. En effet, la nullité du contrat de franchise a été prononcée à raison d'un vice du consentement. Il en résulte que l'engagement de caution, qui n'a plus de cause, est nul.

La société Speed Rabbit Pizza s'estime bien fondée à être indemnisée des prestations fournies au franchisé et non restituables, à hauteur de 72.580,77 €, correspondant au montant des redevances restées impayées. Cependant, comme elle le rappelle elle-même dans ses écritures, lorsqu'un contrat de franchise est annulé, il ne peut produire aucun effet. Sa demande ne saurait dès lors prospérer.

Il y a lieu enfin, du fait de la nullité du contrat de franchise, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a enjoint à la société [U] de déposer l'enseigne Speed Rabbit Pizza et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à cette franchise, la cour relevant néanmoins que la société [U] exploite désormais son activité sous l'enseigne 'Coyote Pizza'.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société Speed Rabbit Pizza, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à verser à la société [U] la somme de 4.000 € et à M. [U] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 8 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Nanterre sauf en ce qu'il a enjoint la société [U] de déposer l'enseigne Speed Rabbit Pizza et de cesser l'utilisation de tout autre support faisant référence à cette franchise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du contrat de franchise conclu le 17 janvier 2013 entre la société Speed Rabbit Pizza et la société [U] ;

PRONONCE la nullité de l'engagement de caution souscrit par M. [U] au profit de la société Speed Rabbit Pizza le 17 janvier 2013 ;

CONDAMNE la société Speed Rabbit Pizza à payer à la société [U], assistée de la société [X] et associés, prise en la personne de Me [I] [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [U], la somme de 15.000 € versée au titre du droit d'entrée, avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2017 ;

DÉBOUTE la société [U], assistée de la société [X] et associés, prise en la personne de Me [I] [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [U], de sa demande de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE M. [G] [U] de sa demande de dommages-intérêts ;

DÉBOUTE la société Speed Rabbit Pizza de ses demandes ;

CONDAMNE la société Speed Rabbit Pizza aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Speed Rabbit Pizza à verser à la société [U], assistée de la société [X] et associés, prise en la personne de Me [I] [X], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [U], la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Speed Rabbit Pizza à verser à M. [G] [U] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.