CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 28 septembre 2023, n° 20/00769
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Depil Tech (SAS)
Défendeur :
FL'OR et Sens (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Gerard
Conseillers :
Mme Combrie, Mme Vincent
Avocats :
Me Magnan, Me Sider
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 décembre 2014 la société Dépil Tech a signé avec M. [R] [C] un contrat de franchise d'une durée de sept ans pour l'exploitation d'un centre à l'enseigne Dépil Tech sur la commune de [Localité 7] selon le concept de « lumière pulsée pour la photo dépilation et le photo rajeunissement ».
Par courrier recommandé du 15 avril 2016 M. [R] [C], invoquant avoir été trompé sur la légalité du concept de lumière pulsée et sur la rentabilité de l'activité, a signifié à la société Dépil Tech que le contrat était nul, et à tout le moins, résilié et qu'il déposait l'enseigne Dépil Tech, se réservant le droit de solliciter l'indemnisation de son préjudice.
La société Dépil Tech n'a donné aucune suite à ce courrier et a saisi le 15 mars 2017 le président du tribunal de commerce de Draguignan d'une demande principale de condamnation de la société Fl'or et Sens à hauteur de 18.449,73 euros au titre de factures impayées, à laquelle il a été fait droit par ordonnance d'injonction de payer du 31 mars 2017.
Suite à l'opposition formée par la société Fl'or et Sens, le tribunal de commerce de Draguignan, par jugement en date du 17 décembre 2019, a statué en ces termes :
Reçoit, en la forme, l'opposition formulée à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Draguignan le 31/03/2017, sur la demande de la SAS DEPIL TECH à l'encontre de la SASU FL'OR ET SENS, sous le numéro de rôle 2017/198.
Réforme ladite ordonnance en ce qu'elle précisait « Vu qu'il ressort des pièces fournies et notamment de l'article XVII du contrat de franchise qu'en cas d'opposition par FL '0R ET SENS (SASU), le dossier sera transmis dans son intégralité au greffe du Tribunal de Commerce de Nice » et dit et juge qu'il y a lieu de déclarer le Tribunal de Commerce de Draguignan compétent pour connaître du litige en application des dispositions de l'article 1406 du code de procédure civile.
Reçoit, au fond, la SASU FL'OR ET SENS en son opposition à cette ordonnance.
Dit et juge que le contrat de franchise signé du 15/12/2014, entre M. [C] [R] et la SAS DEPIL TECH est nul pour objet illicite et vice du consentement résultant d'un dol.
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du mardi 11 février 2020 à 9 heures.
Invite la SASU FL'OR ET SENS à fournir aux débats les justificatifs des créances invoquées.
Déclare les demandes de M. [R] [C] irrecevables en l'état, sauf à régularisation de la procédure avant l'appel de l'affaire à la prochaine audience.
Réserve les dépens.
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Par acte en date du 16 janvier 2020, la société Dépil Tech, la SCP [Y]-[O], en qualité de mandataire judiciaire et la Selarl BG&Associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, ont interjeté appel de la décision.
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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 10 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la société Dépil Tech, la SCP [Y]-[O] et la Selarl BG&Associés font valoir que :
-le contrat de franchise est parfaitement licite dès lors que l'utilisation de la lumière pulsée n'est pas réservée aux médecins au visa des articles L.1151-2 et L.1151-3 du code de la santé publique, ce qui a été confirmé par l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 8 novembre 2019 et par les arrêts rendus par la Cour de cassation le 19 mai 2021 ; en conséquence, l'objet et la cause du contrat de franchise sont licites et l'ont toujours été, excluant l'annulation du contrat pour illicéité,
-aucun dol n'est établi dans la mesure où l'objet du contrat est licite et que le franchisé a été informé, dans le cadre du document d'information pré-contractuelle (DIP), des aléas juridiques pesant alors sur l'activité d'épilation par lumière pulsée ; le franchisé n'a pas davantage fait l'objet de manoeuvres dolosives concernant les informations chiffrées contenues au DIP dès lors que le chiffre d'affaires communiqué est une moyenne, et que le développement du réseau Dépil Tech atteste de sa rentabilité; la société Fl'or et Sens ne justifie au demeurant d'aucune difficulté et a poursuivi son activité sous une autre enseigne ; l'absence de communication de l'état local du marché est insuffisante à caractériser une manoeuvre dolosive,
-elle est bien-fondée à solliciter le paiement des redevances dues par la société Fl'or et Sens s'agissant d'un contrat conclu pour sept années ; la cour d'appel, en son pouvoir d'évocation, est compétente pour statuer sur ses demandes indemnitaires dès lors que le jugement est un jugement mixte et qu'elle a été implicitement déboutée de sa demande
Ainsi, les appelants demandent à la cour de :
Vu le contrat de franchise du 15 décembre 2014,
Vu les articles 1103 et 1231-1 du code civil,
Vu les pièces produites et la jurisprudence citée,
Vu la jurisprudence cité, l'arrêt du Conseil d'Etat du 8 novembre 2019 et la jurisprudence de la Cour de Cassation,
INFIRMER LE JUGEMENT DU 17 DECEMBRE 2019 en ce qu'il a déclaré le contrat de franchise du 15 décembre 2014 nul pour défaut d'objet licite et dol, et ordonné restitution des sommes versées ;
INFIRMER LE JUGEMENT DU 17 DECEMBRE 2019 en ce qu'il a débouté la SAS DEPIL TECH de ses demandes indemnitaires visant la société FL'OR ET SENS ;
Statuant à nouveau sur ce dernier point :
CONDAMNER la société FL'OR ET SENS à payer à la SAS DEPIL TECH une somme de 18.435,38 euros au titre des factures impayées ;
En tout état de cause :
CONDAMNER la société FL'OR ET SENS à payer à la société DEPIL TECH la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
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Par conclusions enregistrées le 11 mai 2023 par voie dématérialisée, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Fl'or et Sens (Sasu) réplique que :
-en premier lieu, la nullité du contrat de franchise est encourue pour méconnaissance de l'obligation précontractuelle d'ordre public pesant sur le franchiseur d'avoir à remettre au candidat franchisé une description fiable du marché local et de ses perspectives de développement sur toute la durée du contrat au visa des articles R.330-1 4° et L.330-3 du code de commerce : la société Dépil Tech n'a communiqué aucun élément à ce titre au sein du document d'information précontractuel ; ce manquement est sanctionné par la nullité du contrat,
-en second lieu, la nullité du contrat est également encourue au titre des manoeuvres dolosives du franchiseur sur les perspectives de rentabilité et l'erreur sur la rentabilité :les chiffres prévisionnels donnés par le franchiseur sont fantaisistes et l'analyse des sociétés d'exploitation Dépil Tech traduit la réalité des difficultés rencontrées par nombre de sociétés qui ont cessé leur activité ; la rentabilité affichée par la société Dépil Tech à hauteur de 300.000 euros annuels est erronée ; le consentement de M. [C] a donc été sciemment trompé,
-en troisième lieu, la nullité du contrat est encourue pour objet et cause illicites ainsi que pour dol du franchiseur en raison de l'illicéité du concept de dépilation à la lumière pulsée :l'arrêté du 6 janvier 1962 est incontestablement applicable et prévoit que l'épilation à la lumière pulsée est un acte médical relevant de la seule compétence d'un docteur en médecine ; l'illicéité de l'objet du contrat est certaine ; la réglementation européenne n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce ; en dépit de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 mai 2021 il y a lieu de juger qu'au moment de la signature du contrat de franchise en décembre 2014 le principe était celui de l'interdiction de l'épilation à la lumière pulsée de sorte que l'objet du contrat est entaché d'une impossibilité absolue d'exécution justifiant sa nullité,
-au visa de l'article 568 du code de procédure civile la cour n'a pas la faculté d'évoquer au cas d'espèce et renverra la société Dépil Tech devant le tribunal de commerce, sauf à invoquer un paiement à déduire ; le tribunal de commerce devra également trancher ses demandes indemnitaires à hauteur de 96.427,45 euros
Ainsi, l'intimée demande à la cour de :
Vu l'article 18 du contrat de franchise,
Vu les articles 1108, 1109, 1110, 1116 du Code civil,
Vu les articles 1126, 1130, 1131, 1133, 1134, 1147, 1149 et 1184 du Code civil ;
Vu les articles 1382 et 1383 du Code civil,
Vu l'article 1235 du Code civil,
Vu les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce,
Vu les articles 561 et 562 du Code de procédure civile,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le contrat de franchise signé le 15 décembre 2014 entre Monsieur [C] et la société FL'OR & SENS d'une part, et la SAS DEPIL'TECH d'autre part, est nul pour objet illicite et vice du consentement résultant d'un dol,
En conséquence,
Juger que la société FLOR et SENS est recevable et bien fondée en son opposition,
Juger que le contrat de franchise conclu entre les parties le 15 décembre 2014 est nul,
Renvoyer la présente affaire devant le Tribunal de commerce de Draguignan (RG 2018/272 et 2018/3713), invité par la Concluante à condamner la société DEPIL TECH à lui payer la somme de 96.427,45 euros, qui a renvoyé l'affaire à une audience subséquente pour examiner les conséquences financières de l'annulation du contrat de franchise du 15 décembre 2014, afin que le Tribunal tranche les demandes indemnitaires de la société FL'OR & SENS à la suite de ladite annulation,
Déclarer la société Dépil'Tech irrecevable à former sa demande de paiement de factures impayées devant la Cour, seul le Tribunal saisi de l'opposition à l'ordonnance en injonction de payer ayant pouvoir de statuer sur cette prétention,
Débouter la société DEPIL'TECH de l'ensemble de ses demandes, moyens fins et conclusions, en ce compris sa demande d'évocation,
Subsidiairement :
Juger que la société FL'OR & SENS a d'ores et déjà réglé en tout ou partie les factures n° 1961, n° 2597, n° 2679 et n° 2800, dont le paiement est réclamé par la société Dépil'Tech, ce à hauteur de la somme totale de 2.682,60 euros,
Retrancher de la créance invoquée par la société Dépil'Tech cette somme de 2.682,60 euros,
En toute hypothèse :
Condamner la société DEPIL'TECH à payer à la société FL'OR & SENS la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la société DEPIL'TECH aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la nullité du contrat de franchise :
La société Fl'or et Sens soutient, en réplique à la demande principale en paiement de factures formée par le franchiseur Dépil Tech, que le contrat de franchise est nul, en faisant valoir trois moyens de nullité.
En premier lieu, la société Fl'or et Sens invoque la méconnaissance par la société Dépil Tech de l'obligation précontractuelle d'ordre public pesant sur le franchiseur d'avoir à remettre au candidat franchisé une description fiable du marché local et de ses perspectives de développement sur toute la durée du contrat.
Ainsi, au visa des articles R.330-1 4° et L.330-3 du code de commerce le franchiseur doit remettre au franchisé, avant la signature du contrat, un document d'information précontractuel contenant, notamment, « une présentation de l'état général et local des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ».
Cette information n'est pas prévue à peine de nullité.
Pour autant, la nullité d'un contrat peut être invoquée en application des articles 1109 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 s'agissant d'un contrat conclu le 15 décembre 2014, dès lors qu'il est démontré que le manquement allégué à une obligation légale est constitutif d'un dol ou d'une erreur de nature à vicier le consentement du franchisé.
A cet égard, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle porte sur la substance même de la chose qui en est l'objet. Le dol est une cause de nullité lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, conformément aux articles 1110 et 1116 du code civil.
En l'espèce, en se bornant à solliciter la nullité du contrat de franchise au seul motif, au demeurant non contesté par la partie adverse, de l'absence de communication d'informations relatives au marché local de la dépilation à [Localité 7], et sur le seul fondement des articles R.330-1 4° et L.330-3 du code de commerce, la société Fl'or et Sens n'a pas caractérisé l'existence d'un vice du consentement, seul de nature à justifier la nullité.
En second lieu, la société Fl'or et Sens invoque les manoeuvres dolosives du franchiseur sur les perspectives de rentabilité et l'erreur sur la rentabilité.
S'agissant d'un contrat à but lucratif, les éléments d'information donnés au franchisé à l'occasion des pourparlers, quant à la rentabilité de l'activité envisagée, constituent des données essentielles et déterminantes de son engagement, sans lesquelles il ne peut apprécier l'opportunité et la pérennité de son projet, notamment eu égard aux charges financières pesant sur le franchisé à l'ouverture d'un centre (droit d'entrée, redevance mensuelle, investissements mobiliers et publicitaires notamment).
Il s'ensuit que la fourniture d'informations tronquées ou mensongères ainsi que la réticence dans la transmission d'éléments de nature à éclairer le franchisé sur les obstacles ou difficultés de son activité à venir, en ce qu'elles le conduisent à prendre une décision qui n'aurait pas été identique dans l'hypothèse d'une information complète et sincère, sont susceptibles de constituer des manoeuvres dolosives et d'induire une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise.
Il apparaît également que la circonstance que le franchisé, en sa qualité de professionnel, se trouve investi d'un devoir d'étude de son projet, ne saurait dispenser le franchiseur de fournir une information fiable et loyale sur ce projet, a fortiori en l'état d'éléments relatifs à la situation financière d'autres franchisés de la même enseigne.
En l'espèce, la société Fl'or et Sens fait grief à la société Dépil Tech de lui avoir communiqué des informations erronées sur la rentabilité des franchises en se prévalant d'un « chiffre d'affaires moyen constaté de 300K€ annuel », « 170 K€ de bénéfice brut annuel », « 14 k€ de bénéfice brut mensuel » et d'un « salaire net mensuel moyen pour le dirigeant : 4500 € » (page 9 du document d'information précontractuel, pièce 1 de l'intimée).
Au regard des pièces produites par la société Dépil Tech, la pertinence de ces affirmations ne peut être vérifiée considérant d'une part, que l'enseigne se contente de communiquer des chiffres parcellaires concernant l'activité de ses centres, aucune attestation d'expert-comptable ne venant confirmer qu'à la date du document d'information précontractuel signé par M. [C], le 24 novembre 2014, les franchises exerçant sous cette enseigne dégageaient un chiffre d'affaires moyen de 300.000 euros par an.
Tout au plus, est-il possible de constater que certains centres ont atteint ce chiffre en 2015, soit en tout état de cause postérieurement à la date de signature du contrat par M. [C], la société Fl'or et Sens justifiant pour sa part de chiffres d'affaires situés bien en deçà, voire de l'échec de certains centres, placés en liquidation judiciaire.
Ainsi, l'attestation invoquée par la société Dépil Tech (pièce 44 de l'appelante) comme confirmant « un chiffre d'affaires moyen mensuel de 25.000 € HT (soit 300.000 €HT par an) sur les années 2014,2015 et 2016 pour l'ensemble des succursales exploitées directement par Dépil Tech » n'est valable, comme indiqué, que pour les succursales et non les franchises, et ne vient que confirmer que le chiffre d'affaires de « l'entreprise Dépil Tech, [Adresse 1] » est de 25.000 euros par mois en moyenne, à l'exclusion de toute mention sur l'activité des franchisés.
Le document d'information précontractuel fait état, au 24 novembre 2014, des centres ouverts à cette date (liste détaillée en pages 28 et 29) sans qu'il soit établi que la moyenne de leur chiffre d'affaires était de 300.000 euros par an, aucune analyse complète de la rentabilité de ces centres n'ayant été produite.
Par ailleurs, les considérations relatives à la progression du nombre d'ouvertures de centres et à la progression du chiffre d'affaires de la société Dépil Tech sont indifférentes au litige en ce qu'elles sont postérieures à la signature du contrat dont la nullité est invoquée, et sans corrélation avec le chiffre d'affaires d'un franchisé.
D'autre part, la comparaison entre les chiffres annoncés au document d'information précontractuel et les chiffres communiqués par mail le 9 janvier 2014 par la société Dépil Tech elle-même (pièce 12 de l'intimée) atteste des incohérences dans les déclarations du franchiseur dès lors que l'échantillonnage communiqué dans le cadre d'une demande de financement bancaire par un autre franchisé permet de constater que seuls deux centres auraient atteint le chiffre d'affaires indiqué ([Localité 6] : 300K€ en 2012, [Localité 5] : 370K€ en 2013).
Il en résulte que la société Dépil Tech n'établit pas avoir valablement rempli l'obligation d'information qui pesait sur elle.
Néanmoins, au-delà de ces comparaisons générales, il convient de rappeler qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un vice du consentement de prouver que l'erreur ou le dol invoqués ont eu un caractère déterminant dans sa prise de décision, par référence à sa situation personnelle.
En dépit des incohérences relevées dans les chiffres proposés par la société Dépil Tech, la société Fl'or et Sens ne prouve pas davantage pour sa part que les moyennes énoncées au document d'information précontractuel sont erronées bien qu'ayant eu en sa possession la liste de tous les franchisés installés à la date de ce document, étant rappelé que conformément à l'article 1116 du code civil, le dol ne se présume pas, il doit être prouvé.
En outre, la société Fl'or et Sens ne précise pas les difficultés personnelles auxquelles elle aurait été soumise en lien avec les manoeuvres dolosives invoquées, se contentant de produire aux débats sa déclaration au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice 2016 ainsi qu'un bilan simplifié (pièce 39 de l'intimée), sans en tirer de conséquences chiffrées.
Ainsi, le courrier adressé à la société Dépil Tech le 15 avril 2016, en vue de la rupture des relations contractuelles, ne fait pas mention de ces difficultés, se limitant à des considérations d'ordre général (pages 3 et 4 de la pièce 3 de l'intimée).
Il convient également de relever que la société Fl'or et Sens affirmait dès le 15 avril 2016, par le biais de son Conseil, déposer l'enseigne Dépil Tech au 17 mai 2016 (pièce 3 de l'intimée). De fait, l'analyse de son activité sous l'enseigne Dépil Tech apparaît restreinte eu égard à la signature du contrat de franchise datée du 15 décembre 2014.
En conséquence, si la présentation faite par la société Dépil Tech, au sein de son document d'information précontractuel, peut être considérée comme exagérément optimiste quant aux prévisions de rentabilité des centres franchisés, il n'en demeure pas moins que la société Fl'or et Sens n'établit pas, dans son cas personnel, qu'il est évident qu'elle n'aurait pas contracté si l'ensemble des données chiffrées avaient été portées à sa connaissance au jour de la remise du document d'information.
En troisième lieu, la société Fl'or et Sens invoque un objet et une cause illicites ainsi que le dol du franchiseur en raison de l'illicéité du concept de dépilation à la lumière pulsée.
Ainsi, aux termes des articles 1126 et 1131 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le contrat doit avoir un objet et une cause licites.
A cet égard, il est incontestable que les incertitudes juridiques ayant pesé sur le statut de l'activité de dépilation à la lumière pulsée, considérée dans un premier temps comme ressortant de la compétence exclusive des médecins sur la base de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, ont été source d'interrogations et de confusion, tant pour les praticiens que pour les clients.
Par ailleurs, si ce statut a été clarifié sous l'impulsion de la réglementation européenne, il l'a été postérieurement à la signature du contrat de franchise par M. [C], par décisions du Conseil d'Etat en date du 8 novembre 2019 et de la Cour de cassation en date du 19 mai 2021.
Il a été ainsi jugé que la pratique par un professionnel non médecin d'épilation à la lumière pulsée n'est plus illicite et que, si elle peut être soumise à des restrictions pour des motifs d'intérêt général, elle ne justifie pas l'annulation des contrats que ce professionnel a pu conclure aux seuls motifs qu'ils concernent une telle pratique.
Il a été jugé par ailleurs que l'évolution de jurisprudence s'applique immédiatement aux contrats en cours, en l'absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d'un droit d'accès au juge.
Il en résulte que la société Fl'or et Sens n'est pas fondée à faire valoir la nullité du contrat de franchise au motif de l'illicéité de la pratique du concept de dépilation à la lumière pulsée par un professionnel non médecin.
En outre, au cas d'espèce, M. [C] ne pouvait ignorer, au moment de la signature du contrat de franchise, les incertitudes juridiques existant à cette date.
Ainsi, le document précontractuel, en son paragraphe 7, insère sur plusieurs pages, une note établie par maître [D] concernant la licéité de l'activité de dépilation à la lumière pulsée, dans laquelle elle expose les conséquences de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962 prévoyant que l'épilation, hormis à la cire ou à la pince, constitue un acte médical ressortant du seul monopole des médecins.
Elle poursuit en invoquant « l'ouverture induite par le droit européen et par la nouvelle définition, en droit français, de l'acte à visée purement esthétique » et conclut qu' « un avenir encourageant est réservé à la lumière pulsée ».
Si l'arrêt du Conseil d'Etat en date du 8 novembre 2019 n'a pas eu pour effet d'abroger rétroactivement les dispositions du 5° de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, et n'a pas rendu, ipso facto, licites les activités de dépilation pratiquées par des professionnels non médecins antérieurement à cette date, il apparaît néanmoins que la société Fl'or et Sens n'établit pas que l'exercice de son activité ait été interdit ou restreint de ce fait.
Au surplus, au regard de la multiplicité des centres ouverts à la date de la signature du contrat de franchise et en l'état de l'évolution de la réglementation, M. [C] a pu raisonnablement apprécier les risques induits par l'application de l'article 2 de l'arrêté du 6 janvier 1962, et les avantages à se positionner sur le marché, sans pouvoir invoquer a posteriori l'illicéité du contrat.
Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a jugé que le contrat de franchise signé du 15 décembre 2014, entre M. [C] [R] et la société Dépil Tech est nul pour objet illicite et vice du consentement résultant d'un dol.
Sur la demande en paiement des factures :
Au visa de l'article 568 du code de procédure civile la société Dépil Tech demande à la cour de statuer sur sa demande en paiement des factures.
Au-delà du pouvoir d'évocation de la cour, lequel n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce au visa de l'article 568 du code de procédure civile au regard de la nature du jugement rendu, il y a lieu de considérer, comme le soutient la société Dépil Tech, que si les premiers juges n'ont pas expressément rejeté sa demande, elle a néanmoins été déboutée implicitement en l'état du prononcé de la nullité du contrat de franchise.
La société Dépil Tech sollicite le paiement de dix factures correspondant aux prestations contractuelles et aux services fournis à l'égard du franchisé, notamment au titre de l'affichage ou de la publicité, et ce, pour un total de 18.435,38 euros (pièces 4 à 13 incluses de l'appelante).
En réponse, la société Fl'or et Sens demande l'imputation de certains règlements qui ont été effectués par ses soins et produit pour ce faire une attestation de son expert-comptable M. [F] [K] (pièce 47 de l'intimée).
Pour autant, les paiements invoqués par la société Fl'or et Sens font d'ores et déjà l'objet d'une imputation sur les trois factures visées (n°2597, n°2800 et n°1961), de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande principale de la société Dépil Tech et de condamner la société Fl'or et Sens au paiement de la somme de 18.435,38 euros.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais et dépens :
La société Fl'or et Sens, partie succombante, conservera la charge des dépens de première instance et d'appel.
En revanche, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Draguignan,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Fl'or et Sens à payer à la société Dépil Tech la somme de 18.435,38 euros au titre des factures impayées,
Déboute la société Fl'or et Sens de ses demandes,
Condamne la société Fl'or et Sens aux dépens de première instance et d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.