Cass. 3e civ., 2 octobre 1974, n° 73-11.481
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Costa
Rapporteur :
M. Deltel
Avocat général :
M. Laguerre
Avocat :
Me Boulloche
SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DES JUGES DU FOND QUE ROUAULT, AUQUEL UN CLERC DU NOTAIRE MAGOIS AVAIT FAIT VISITER LE BOIS DU BUISSON EN LUI INDIQUANT QUE CET OFFICIER PUBLIC ETAIT CHARGE DE VENDRE AU PRIS DE 240 000 FRANCS CE BIEN ECHU PAR SUCCESSION A BOUVIER RESIDANT AU MAROC, A, LE 3 MAI 1971 TELEPHONE A MAGOIS ;
QUE CELUI-CI AYANT CONFIRME LES DIRES DE SON CLERC, ROUAULT LUI A EXPRIME SON ACCORD POUR ACHETER A CE PRIX, DES QU'IL SE SERAIT PROCURE LES FONDS NECESSAIRES EN VENDANT UN BOIS LUI APPARTENANT ;
QUE MAGOIS LUI AYANT DEMANDE, PAR LETTRE DU 19 MAI 1971, UNE REPONSE FERME, ROUAULT, QUI VENAIT DE VENDRE SON BOIS, S'EST RENDU LE 4 JUIN 1971 CHEZ CE NOTAIRE, AUQUEL IL A DONNE SON ACCORD DEFINITIF ;
QUE MAGOIS, SE DECLARANT TRES ENNUYE "DE CE REVIREMENT" A, LE 22 JUIN 1971, INFORME ROUAULT DE CE QU'UN PRIX PLUS ELEVE ETAIT DEMANDE PAR BOUVIER, LEQUEL, PAR UN ACTE SOUS SEINGS PRIVES DATES DU 7 JUILLET 1971, A VENDU LE BOIS DU BUISSON A JAN AU PRIX DE 260 000 FRANCS ;
QUE ROUAULT A, LE 2 AOUT 1971, ASSIGNE BOUVIER POUR SE FAIRE DECLARER PROPRIETAIRE DE CE BOIS ET, PAR LETTRE RECOMMANDEE DU 21 SEPTEMBRE 1971, A PORTE CE LITIGE A LA CONNAISSANCE DE JAN, LEQUEL A PROCEDE LE 16 MARS 1972 A LA REITERATION PAR ACTE AUTHENTIQUE DE LA VENTE QUI LUI AVAIT ETE CONSENTIE ET, LE 17 AVRIL 1972, A L'ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES DE PUBLICITE FONCIERE ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR DECLARE ROUAULT PROPRIETAIRE DU BOIS DU BUISSON ALORS, SELON LE MOYEN, QU'UNE PERSONNE NE PEUT ETRE ENGAGEE SUR LE FONDEMENT D'UN MANDAT APPARENT QU'EN RAISON DE CIRCONSTANCES AYANT AUTORISE LE TIERS A NE PAS VERIFIER LES POUVOIRS DU PRETENDU MANDANT ;
QUE L'ARRET, SANS PRECISER CES CIRCONSTANCES, A CONSTATE QUE LE 4 JUIN 1971 MAGOIS A REFUSE DE DELIVRER A ROUAULT, QUI LE LUI DEMANDAIT, UN CERTIFICAT DE PROPRIETE AU MOTIF QU'IL ATTENDAIT POUR LE FAIRE D'AVOIR ECRIT A BOUVIER, REFUS IMPLIQUANT MANIFESTEMENT QUE LE NOTAIRE N'AVAIT PAS RECU MANDAT POUR VENDRE, ET QUE CETTE CIRCONSTANCE ETANT EXCLUSIVE D'UNE CROYANCE LEGITIME DANS LES POUVOIRS QU'AURAIT EUS LE PRETENDU MANDATAIRE APPARENT, LE TIERS NE POUVAIT ETRE CONSIDERE COMME AUTORISE A NE PAS VERIFIER LES POUVOIRS DU NOTAIRE ;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE, TANT PAR MOTIFS PROPRES QUE PAR ADOPTION DE CEUX DES PREMIERS JUGES, LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE CE NOTAIRE, QUI OFFRAIT A LA VENTE LE BIEN D'UNE PERSONNE RESIDANT A L'ETRANGER, S'EST COMPORTE COMME S'IL AVAIT RECU MANDAT DE VENDRE LE BOIS DU BUISSON AU PRIX DE 240 000 FRANCS ;
QU'A AUCUN MOMENT AU COURS DES POURPARLERS ET LORSQUE ROUAULT L'A INFORME QU'IL PERSISTAIT DANS SA VOLONTE D'ACQUERIR, IL N'A FAIT ALLUSION A LA NECESSITE OU IL SE TROUVE D'EN REFERER A BOUVIER, QU'IL N'IGNORAIT CEPENDANT PAS QUE ROUAULT CONSIDERAIT COMME FERME ET DEFINITIVE L'OFFRE DE VENTE QUI LUI ETAIT FAITE PUISQU'ELLE LE DETERMINAIT, AFIN DE SE PROCURER LES FONDS NECESSAIRES A ALIENER UN BOIS LUI APPARTENANT, OPERATION QUI S'EST REALISEE AVEC LE CONCOURS DE MAGOIS, ET QU'IL Y A EU ENTRE EUX, POUR LA VENTE DU BOIS DU BUISSON, ACCORD SUR LA CHOSE ET SUR LE PRIX ;
QU'ELLE RELEVE ENSUITE QU'IL N'EST PAS D'USAGE, EN RAISON DE L'AUTORITE ET DE L'HONORABILITE QUI S'ATTACHENT A SES FONCTIONS, DE VERIFIER L'ETENDUE DES POUVOIRS DE MANDATAIRE D'UN NOTAIRE, ET QUE LES CIRCONSTANCES PRECITEES DANS LESQUELLES MAGOIS LUI A OFFERT LA VENTE D'UN BIEN DEPENDANT D'UNE SUCCESSION QU'IL ETAIT CHARGE DE LIQUIDER, ONT FAIT NAITRE CHEZ ROUAULT UNE CROYANCE LEGITIME EN L'ETENDUE DU MANDAT CONFERE A CE NOTAIRE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE SI LES JUGES D'APPEL ONT RETENU QUE MAGOIS AVAIT, LE 4 JUIN 1971, REFUSE DE REMETTRE A ROUAULT UN CERTIFICAT DE PROPRIETE EN LUI DECLARANT QU'IL ATTENDAIT POUR LE FAIRE D'AVOIR ECRIT A BOUVIER MAIS QU'IL S'AGISSAIT LA D'UNE SIMPLE FORMALITE, CE REFUS DU NOTAIRE, EN ADMETTANT QU'IL AIT ETE DE NATURE A JETER UN DOUTE SUR LES LIMITES DU MANDAT CONFIE A MAGOIS, N'A ETE FORMULE PAR CELUI-CI QU'UNE FOIS EXPRIME L'ACCORD DEFINITIF DE ROUAULT, LEQUEL S'ESTIMANT DEJA PROPRIETAIRE DEMANDAIT UNE ATTESTATION A PRODUIRE A L'APPUI D'UNE DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE, EN SORTE QU'IL N'A PU, AVANT L'ECHANGE DES CONSENTEMENTS, AFFECTER LA CROYANCE LEGITIME DE CET ACQUEREUR EN L'ETENDUE DES POUVOIRS DU MANDATAIRE QUI TRAITAIT AVEC LUI ;
D'OU IL SUIT QU'EN DECIDANT QUE LE COMPORTEMENT DE MAGOIS, NOTAIRE, PAR EUX CONSTATE, AVAIT PERMIS A ROUAULT DE CROIRE LEGITIMEMENT QUE CELUI-CI AGISSAIT DANS LES LIMITES DU MANDAT DONNE PAR BOUVIER, ET QU'AINSI CE DERNIER SE TROUVAIT ENGAGE PAR L'ACCORD INTERVENU ENTRE SON MANDATAIRE APPARENT ET ROUAULT, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT EXACTEMENT DEDUIT LES CONSEQUENCES JURIDIQUES RESULTANT DE LEUR APPRECIATION SOUVERAINE DES FAITS DE LA CAUSE ;
QU'EN CONSEQUENCE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR DEBOUTE JAN DE SES DEMANDES EN REMBOURSEMENT DE L'IMPOT FONCIER, DES FRAIS ET LOYAUX COUTS DE L'ACQUISITION ET EN PAIEMENT DE DOMMAGES-INTERETS, DIRIGEES CONTRE SON VENDEUR BOUVIER, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE JAN ETAIT DEVENU ACQUEREUR DU BOIS DU BUISSON PAR ACTE SOUS SEINGS PRIVES DU 7 JUILLET 1971, DATE A LAQUELLE N'A PAS ETE CONSTATEE SA CONNAISSANCE D'UNE ALIENATION DEJA CONSENTIE A UN AUTRE ACQUEREUR, QUE LA NOTIFICATION FAITE PAR ROUAULT LE 21 SEPTEMBRE 1971 LA PROCEDURE ENGAGEE CONTRE BOUVIER N'ETAIT PAS DE NATURE A CONFERER UN CARACTERE DE MAUVAISE FOI A L'ACQUISITION REALISEE ANTERIEUREMENT LE 7 JUILLET 1971, QUE JAN, AYANT AVANT CETTE NOTIFICATION PAYE UNE PARTIE DU PRIX ET S'ETANT ENGAGE A VERSER LE SOLDE AVANT LE 31 OCTOBRE 1971, ETAIT TENU ENVERS BOUVIER DE REITERER LA VENTE PAR ACTE AUTHENTIQUE SANS QUE SA PRETENDUE MAUVAISE FOI PUISSE ETRE LEGALEMENT CARACTERISEE PAR DES CIRCONSTANCES POSTERIEURES, L'ARRET ATTAQUE N'AYANT AU SURPLUS PAS PRECISE EN QUOI LE COMPORTEMENT DE JAN SERAIT CONSTITUTIF DE MAUVAISE FOI OU DE COLLUSION FRAUDULEUSE ;
MAIS ATTENDU QUE LES JUGES D'APPEL RELEVENT NOTAMMENT QUE, PAR LETTRE RECOMMANDEE DU 21 SEPTEMBRE 1971, ROUAULT AVAIT INFORME JAN DE L'INSTANCE QU'IL VENAIT D'ENGAGER CONTRE BOUVIER, ET QU'EN REITERANT NEANMOINS LA VENTE PAR ACTE AUTHENTIQUE LE 16 MARS 1972 EN COURS DE PROCEDURE, PUIS EN ACCOMPLISSANT LES FORMALITES DE PUBLICITE FONCIERE LE 17 AVRIL 1972, PEU DE TEMPS AVANT LE PRONONCE DU JUGEMENT DU TRIBUNAL, JAN A DEMONTRE SA MAUVAISE FOI ET SA COLLUSION FRAUDULEUSE AVEC BOUVIER ;
ATTENDU QU'AYANT AINSI RETENU QUE JAN AVAIT, EN PLEINE CONNAISSANCE DU RISQUE DE NULLITE DE SA PROPRE ACQUISITION, EXPOSE LES LOYAUX COUTS DU CONTRAT AUTHENTIQU FONCIERE ET, LES FRAIS D'ACHAT ET DE PUBLICITE PAYE L'IMPOT FONCIER CORRESPONDANT A SA PERIODE DE JOUISSANCE, LA COUR D'APPEL A, PAR CE SEUL MOTIF, LEGALEMENT JUSTIFIE SON REFUS DE LUI ACCORDER LES REMBOURSEMENTS ET INDEMNISATIONS COMPLEMENTAIRES QU'IL RECLAMAIT EN SUS DE LA RESTITUTION DU PRIX PAR LUI PAYE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 29 JANVIER 1973 PAR LA COUR D'APPEL DE RENNES.