Cass. com., 20 octobre 1998, n° 96-18.253
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Garnier
Avocat général :
M. Jobard
Avocat :
Me Guinard
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 1996), que la société Ordinabail a assigné la société Etablissements X... avec laquelle elle a conclu un contrat de crédit-bail pour la location de matériels informatiques en lui réclamant le paiement des loyers ; que le 16 novembre 1990, cette demande a été rejetée au motif que la société Etablissements X... avait été enregistrée au registre du commerce postérieurement à la conclusion du contrat et sous un numéro différent de celui figurant sur le contrat ; que la société Ordinabail a alors assigné, à titre personnel, en paiement M. Jean-Louis X... ;
Attendu que la société Ordinabail fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, que les juges du fond ne peuvent excéder les limites du litige, définies par les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, elle a expressément fait valoir qu'elle ignorait que M. Y..., signataire du contrat, n'en était pas le bénéficiaire, tandis que dans ses écritures signifiées le 18 mars 1996, M. X... a au contraire soutenu qu'il convenait d'écarter la théorie de l'apparence et ainsi de considérer que le cocontractant de la société Ordinabail était bien M. Y..., qui ne pouvait être perçu, par elle, comme un mandataire, même apparent, de sorte que seul demeurait en litige le point de savoir si la bailleresse avait su que M. Y... agissait pour son propre compte et non pour un tiers ; que, dès lors, en estimant, pour décider quelle ne s'était pas trompée sur l'identité de son cocontractant, que celle-ci avait assigné en paiement la société Etablissements X... et non Jean-Louis X..., et qu'elle avait produit sa créance entre les mains du représentant des créanciers, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'est légalement engagée sur le fondement d'un mandat apparent la personne qui, n'étant pas étrangère à la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire, a, par son attitude, créé les circonstances autorisant le dit tiers à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire ; qu'en l'espèce, pour la débouter de ses demandes à l'encontre de M. X..., la cour d'appel a relevé qu'il lui appartenait de vérifier la qualité de la personne avec laquelle elle allait contracter, la société ou la personne que cette dernière représentait, et qu'une simple consultation du registre du commerce et des sociétés lui aurait permis de constater que le numéro d'immatriculation des Etablissements X... qui figurait sur le tampon humide apposé sur le contrat par M. Y... était faux, tandis qu'une vérification auprès de la banque dont un relevé d'identité bancaire avait été remis à la bailleresse aurait révélé que cet établissement bancaire n'avait jamais eu M. X... pour client ; qu'en statuant ainsi, tout en relevant également qu'elle avait été victime, du fait de M. Y..., d'une usurpation verbale de titre, étayée par l'apposition d'un cachet fictif, et que l'intéressé avait, à l'initiative de M. X..., été accueilli dans les locaux de l'entreprise que ce dernier s'apprêtait à lui céder, ce dont il résulte qu'indépendamment de l'importance de l'investissement litigieux, I'apparence à laquelle M. X... n'était pas étranger la dispensait de vérifier les pouvoirs de M. Y..., la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé, par fausse application, I'article 1985 du Code civil ;.
Mais attendu que l'arrêt retient que la société Ordinabail savait qu'elle concluait le contrat litigieux avec la société Etablissements X... et non avec M. X..., et qu'en raison de l'importance de la somme engagée dans cette convention, elle se devait de procéder à des vérifications simples et faciles tant au registre du commerce, ce qui lui aurait permis de constater que le numéro d'immatriculation de la société figurant sur le tampon humide était faux, qu'auprès de la banque dont elle avait un relevé d'identité bancaire, ce qui lui aurait permis de constater que M. Cals n'en était pas client ; que la cour d'appel, qui recherchait l'existence éventuelle du mandat apparent invoqué par la société Ordinabail, a pu sans méconnaître l'objet du litige, statuer ainsi qu'elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.