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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 7 septembre 2023, n° 20/09679

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Thurmelec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Prigent

Conseillers :

Mme Renard, Mme Soudry

Avocats :

Me Etevenard, Me Escard de Romanovsky

T. com. Paris, 13e ch., du 6 juill. 2020…

6 juillet 2020

FAITS

La société [M], qui fait partie du groupe Quinoa Développement, est spécialisée dans la sécurité d'incendie et l'aéraulique. Elle produit notamment des clapets coupe-feu composés de servo-moteurs qui en assurent l'ouverture et la fermeture.

La société Thurmelec est spécialisée dans la fabrication de composants électroniques.

La société Thurmelec fournissait à la société [M] des composants électroniques qui étaient intégrés dans les produits incendie qu'elle produisait.

Dans le cadre de ces relations commerciales, la société Thurmelec a fourni à la société [M] des cartes de contrôle-commande utilisées dans la fabrication de clapets coupe-feu installés au sein du nouveau centre hospitalier de [Localité 8].

A la suite de dysfonctionnements constatés sur ces clapets coupe-feu au mois de juillet 2014, le centre hospitalier de [Localité 8] a mis en cause la garantie de la société [M].

Par courriel du 7 août 2014, la société Thurmelec a alerté la société [M] sur le fait qu'elle n'avait pas reçu de commandes de sa part depuis le début de l'année alors qu'elle s'était approvisionnée en composants pour faire face à ses besoins.

Par courriel du même jour, la société [M] a répondu qu'elle attendait de la part de la société Thurmelec qu'elle l'assiste pour défendre le dossier du chantier du centre hospitalier de [Localité 8] et qu'à défaut, elle se verrait contrainte de cesser les relations commerciales.

Par lettre du 29 août 2014, la société Thurmelec a dénoncé la sommation de sa partenaire en lui faisant part des stocks de produits finis et du stock de composants spécifiques qu'elle détenait pour elle.

Par lettre du 26 décembre 2014, la société [M] a convié la société Thurmelec à une réunion le 8 janvier 2015 afin de faire le point sur leur partenariat.

Cette réunion n'a pas pu avoir lieu.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juin 2015, la société Thurmelec s'est plainte à la société Quinoa Développement, société-mère de la société [M], de la rupture brutale des relations commerciales par cette dernière et du préjudice subi résultant du stock de composants laissé par celle-ci.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2015, la société Thurmelec a, par l'intermédiaire de son conseil, mis en demeure la société Thurmelec de lui payer une somme de 16.794,23 euros correspondant au préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales.

PROCÉDURE

Par acte du 16 mars 2016, la société Thurmelec a assigné la société [M] devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar en vue d'obtenir une indemnisation en se plaignant d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 26 mai 2016, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Colmar a :

- Condamné la société [M] à payer à la société Thurmelec une somme de 16.794,23 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation et jusqu'au règlement effectif ;

- Condamné la société [M] à payer à la société Thurmelec une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société [M] aux dépens.

- Ordonné la capitalisation annuelle des intérêts échus conformément à l'article 1154 du code civil.

Par arrêt du 6 février 2019, la cour d'appel de Colmar a :

- infirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Colmar le 26 mai 2016 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Dit les dispositions d'ordre public de l'article L. 442-6 du code de commerce applicables en la cause,

- Dit que le tribunal de grande instance de Colmar ne disposait pas du pouvoir juridictionnel pour connaître du litige,

- Renvoyé les parties à mieux se pourvoir,

- Condamné à la société Thurmelec aux entiers dépens.

Par acte du 2 mai 2019, la société Thurmelec a assigné la société [M] devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 6 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

- Retenu que, par son comportement, la SAS Thurmelec a rendu impossible la poursuite de la relation commerciale, exonérant la SAS [M] de l'octroi d'un préavis ;

- Débouté la SAS Thurmelec de sa demande visant à la condamnation de la SAS [M] au paiement de la somme de 16.794,23 euros ;

- Condamné la SAS Thurmelec à payer à la SAS [M] la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la SAS Thurmelec aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 64, 64 euros dont 10,56 euros.

Par déclaration du 16 juillet 2020, la société Thurmelec a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Retenu que, par son comportement, la SAS Thurmelec a rendu impossible la poursuite de la relation commerciale, exonérant la SAS [M] de l'octroi d'un préavis ;

- Débouté la SAS Thurmelec de sa demande visant à la condamnation de la SAS [M] au paiement de la somme de 16.794,23 euros ;

- Condamné la SAS Thurmelec à payer à la SAS [M] la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement ;

- Condamné la SAS Thurmelec aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 64, 64 euros dont 10,56 euros.

Par jugement du 18 mai 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Thurmelec.

Par conclusions du 1er octobre 2021, la SELARL AJ associés en la personne de Me [B] [R] est intervenue volontairement à la procédure en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Thurmelec et la SAS [U] et associés en la personne de Me [Z] [U] est intervenue à la procédure en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Thurmelec.

Par jugement du 16 novembre 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar a ordonné la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire et arrêté le plan de cession de la société Thurmelec au profit d'une société à constituer à l'initiative de la société Thurconnect systems.

Par jugement du 14 décembre 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Colmar a prononcé la liquidation judiciaire de la société Thurmelec. La société [U] en la personne de Me [Z] [U] a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire dans cette procédure.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par RPVA le 2 août 2022, la société [U] et associés, en la personne de Me [U] intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Thurmelec, et la société Thurmelec demandent à la cour de :

- Déclarer l'appel interjeté contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2020 recevable et bien fondé ;

- Donner acte à la SAS [U] et associés, prise en la personne de Me [Z] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Thurmelec de son intervention volontaire à la présente procédure et l'en déclarer bien fondée;

- Donner acte à la SAS [U] et associés, prise en la personne de Me [Z] [U] et associés, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Thurmelec, de ce qu'elle reprend en son nom l'intégralité des conclusions régularisées par la société Thurmelec ;

- Mettre hors de cause la SELARL AJ associés - Me [B] [R] qui avait la qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Thurmelec ;

- Mettre hors de cause la SAS [U] et associés - Me [Z] [U] qui avait la qualité de mandataire judiciaire de la SAS Thurmelec ;

- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS, 13ème Chambre, le 6 juillet 2020 (RG 2019026910).

Y faisant droit et statuant à nouveau,

- Dire et juger que la société [M] a brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société Thurmelec ;

- Condamner la société [M] à payer à la SAS [U] et associés, Me [Z] [U], en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Thurmelec une somme de 16.794,23 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure et jusqu'au règlement effectif ;

- Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- Débouter la société [M] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société [M], outre aux entiers frais et dépens, à payer à la SAS [U] et Associés - Me [Z] [U] en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Thurmelec la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 décembre 2020, la société [M] demande à la cour, au visa des articles L. 442-6 et suivants du code de commerce, de :

- Déclarer recevable et bien fondée la société [M] en l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

- Débouter la société Thurmelec de l'intégralité de ses demandes et confirmer la décision du tribunal de commerce de Paris du 6 juillet 2020 en son intégralité.

En tout état de cause :

- Condamner la société Thurmelec à payer à la société [M], la somme de 5.000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 janvier 2023.

MOTIFS

Sur les demandes de mises hors de cause,

Compte tenu de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de la société Thurmelec, il convient de mettre hors de cause la SELARL AJ associés en la personne de Me [B] [R] intervenue à l'instance en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Thurmelec et la SAS [U] et associés en la personne de Me [Z] [U] intervenue à l'instance en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Thurmelec.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies,

Sur l'imputabilité de la rupture,

La société Thurmelec prétend qu'après avoir été le fournisseur de la société [M] de diverses pièces électroniques depuis 2007, cette dernière a brutalement rompu les relations au mois d'août 2014 et a cessé toute commande. Elle dément être à l'origine de la rupture comme le prétend la société [M]. En tout état de cause, elle soutient n'avoir commis aucun manquement justifiant la rupture des relations commerciales. Elle fait valoir qu'il appartient à l'intimée, qui se prévaut d'un tel manquement, d'en rapporter la preuve et que cette preuve ne saurait résulter de la production d'un rapport d'expertise non contradictoire et non définitif. Elle ajoute que quand bien même il serait avéré que huit des cartes fournies auraient été défectueuses, un tel fait isolé ne pouvait justifier la rupture brutale de relations durant depuis huit ans d'autant plus que ces relations avaient porté sur la fourniture de plus de 2.000 cartes.

La société [M] expose que les relations entretenues avec la société Thurmelec ont débuté en 2012. Elle explique être intervenue sur le chantier du centre hospitalier de [Localité 8] pour installer des clapets coupe-feu pour la production desquels elle a utilisé des composants fournis par la société Thurmelec. Elle expose qu'en 2014, le centre hospitalier de [Localité 8] a sollicité sa garantie en raison d'une défectuosité affectant les servo-moteurs de ces clapets. Elle affirme que le défaut constaté trouvait son origine dans les composants fournis par la société Thurmelec et que cette dernière a refusé de lui prêter son concours face aux demandes de garantie de son client. Elle prétend que c'est la société Thurmelec qui a mis fin aux relations commerciales par un courrier en date du 29 aout 2014. En tout état de cause, elle estime que la carence de la société Thurmelec, qui a refusé d'apporter une garantie effective face à la défaillance des composants fournis, justifiait la rupture immédiate et sans préavis des relations commerciales.

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (') Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats (factures, courriels, courriers) que la société Thurmelec est devenue fournisseur de la société [M] à compter de 2007 et que les relations ont porté sur la vente de plusieurs milliers de pièces chaque année de sorte que la relation commerciale doit être qualifiée d'établie.

Les parties s'opposent sur l'imputabilité de la rupture.

Il ressort des courriels et tableaux de commandes versés aux débats qu'à la suite de la mise en cause de sa garantie par le centre hospitalier de [Localité 8] au titre du dysfonctionnement des clapets coupe-feu, la société [M] a cessé toute commande auprès de la société Thurmelec de quelque pièce que ce soit, et non uniquement de la pièce (CIE commande moteur SEREM) utilisée dans la fabrication des clapets coupe-feu.

Il sera relevé que cet arrêt brutal de toute commande a fait suite à un courriel du 7 août 2014 de la société [M] à la société Thurmelec qui l'interrogeait sur son absence de commande depuis le début de l'année ainsi rédigé :

« Je prends note de votre message. Pour l'instant je suis sur un gros dossier sur lequel les cartes Thurmelec et le Moteur Serem sont directement et clairement mis en cause et j'aurais aimé un appui franc pour défendre le dossier auprès de notre client final. Il est question d'un très gros enjeu financier que [M] est obligé de défendre seul sur le chantier. Mr [T] est parfaitement au courant de ce dossier.

Le rapport d'analyse fourni par Thurmelec ne permettra pas tel qu'il est conçu de défendre le dossier correctement.

Je suis donc au regret de vous annoncer que sans intervention de Thurmelec à nos côtés au titre du partenariat qui doit nous unir pour défendre le dossier chez notre client à [Localité 8], je me verrais contraint de cesser les relations commerciales. »

Il sera constaté qu'à la suite de ce courriel du 7 août 2014, la société [M] n'a plus adressé aucune commande à la société Thurmelec.

Elle est donc à l'origine de la rupture des relations commerciales et elle ne saurait invoquer un courrier du 29 août 2014 de la société Thurmelec prenant acte de cette rupture et lui demandant de bien vouloir « reconsidérer (sa) position au regard des relations commerciales suivies (') depuis 8 ans ».

Il convient dès lors de rechercher si cette rupture peut être justifiée par l'inexécution par la société Thurmelec de ses obligations comme le prétend la société [M].

Cette dernière soutient que la défaillance des clapets coupe-feu trouve son origine dans la défectuosité de cartes de contrôle-commande fournies par la société Thurmelec et qu'en refusant d'apporter sa garantie, elle a commis une inexécution justifiant la rupture immédiate des relations. A l'appui de ses allégations, elle produit un rapport préliminaire "dommages-ouvrage" daté du 12 juillet 2016 qui n'apporte aucune conclusion sur l'origine du dysfonctionnement des clapets et préconise des investigations plus poussées dont le résultat n'est pas communiqué dans le cadre de la présente instance. Elle verse également aux débats un courrier de l'expert, la société EQUAD, l'assistant aux opérations d'expertise daté du 21 novembre 2016 qui observe que : « En l'état des investigations, la cause technique du dysfonctionnement des moteurs alimentant les trappes de désenfumage n'est pas déterminée et, de ce fait, est susceptible d'engager la responsabilité de la société [M] ». Elle se prévaut également d'un rapport de tests sur la carte électronique [M], non daté, qui fait état d'une tension maxi trop faible du transistor Q2 à la suite de tensions générées par la charge inductive d'un moteur électrique et qui préconise de remplacer le transistor Q2 par un transistor supportant une tension maxi de 300V. Or la société Thurmelec fait état d'un rapport de son bureau d'études daté du 4 août 2014 indiquant que : « Les niveaux de tension alimentant les cartes contrôle-commande doivent respecter les critères définis, en statique, mais aussi lors des régimes transitoires.

Il n'est pas possible de considérer la carte de contrôle-commande comme un organe de protection ; elle a été conçue et réalisée conformément à un cahier des charges pour assurer une fonction de contrôle-commande. Si un risque, autre qu'une erreur de cablage subsiste, il y a lieu de prévoir un circuit de protection en tête de l'installation. » Il ressort des éléments des débats que les cartes de commande-contrôle fabriquées par la société Thurmelec devaient fonctionner avec une tension maximale de 80V.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est aucunement démontré que les cartes de commande-contrôle fournies par la société Thurmelec soient à l'origine de la défaillance des clapets coupe-feu et que cette dernière aurait dû sa garantie.

Il sera en outre relevé qu'au moment de la rupture des relations par la société [M], l'origine des dysfonctionnements était inconnue et aucun manquement ne peut être caractérisé à l'encontre de la société Thurmelec pour avoir contesté sa garantie. Il ressort de surcroît que la société Thurmelec a pris des dispositions pour fournir à sa partenaire les éléments nécessaires sur les cartes fabriquées puisque, après avoir pris connaissance des désordres, elle a mandaté son bureau d'études pour expertiser les cartes litigieuses et a proposé à sa cliente d'envoyer un ingénieur ou de l'assister lors d'une réunion prévue avec le client de celle-ci.

Enfin la défectuosité de huit cartes sur 2450 cartes fournies en huit années de relations ne pouvait justifier la rupture immédiate et sans préavis des relations.

En conséquence, la responsabilité de la société [M] doit être retenue. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur le préjudice,

A titre d'indemnisation du préjudice résultant de la brutalité de la rupture, la société Thurmelec demande une indemnité de 16.794,23 euros correspondant à une somme de 12.150,40 euros au titre d'un stock de produits finis réalisés pour la société [M] et une somme de 4.643,83 euros au titre d'un stock de composants spécifiques pour la fabrication de produits de la société [M]. Elle explique que ces stocks ont été réalisés exclusivement pour les besoins de la société [M] et ne peuvent être revendus à aucun autre client.

La société [M] conteste le préjudice invoqué par la société Thurmelec. Elle fait valoir que le stock de composants peut être utilisé par d'autres clients. En ce qui concerne le stock de produits finis, elle observe que la société Thurmelec a pris le risque de produire des produits spécifiques sans attendre de commande ferme de sa part.

Il sera rappelé que l'action en réparation du préjudice subi du fait de la rupture brutale des relations commerciales a pour objet d'indemniser non pas la rupture, mais sa brutalité.

En l'espèce, la société Thurmelec justifie par les courriels versés aux débats que la société [M] exigeait que la société Thurmelec planifie sa production sur des prévisionnels de commandes des années précédentes afin d'éviter toute rupture au sein de ses unités de production. La société Thurmelec établit en outre par les plans qu'elle verse aux débats que les produits fabriqués pour la société [M] répondaient spécifiquement aux attentes de cette dernière et qu'elle ne pourra donc pas vendre lesdits produits à un autre client ni même les composants destinés à la fabrication de tels produits. Par ailleurs, c'est bien du fait de la brutalité de la rupture imputable à la société [M] que la société Thurmelec n'a pas pu écouler auprès d'elle les stocks constitués pour ses besoins.

Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande d'indemnisation de la société Thurmelec et de condamner la société [M] à lui payer une somme de 16.794,23 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

S'agissant d'une créance indemnitaire et non contractuelle, les intérêts portant sur cette somme sont régis par les dispositions de l'article 1231-7 du code civil.

Eu égard aux circonstances du litige, il convient de dire que les intérêts courront à compter du 2 mai 2019, date de l'assignation devant le tribunal de commerce de Paris.

La capitalisation annuelle des intérêts échus sera ordonnée conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

La société [M], qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel et de première instance. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. La société [M] sera condamnée à payer à la SAS [U] et Associés en la personne de Me [Z] [U] en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Thurmelec la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société [M] au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Met hors de cause la SELARL AJ associés en la personne de Me [B] [R] en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Thurmelec ;

Met hors de cause la SAS [U] et associés en la personne de Me [Z] [U] en qualité de mandataire judiciaire de la SAS Thurmelec ;

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Dit que la société [M] a brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société Thurmelec ;

Condamne la société [M] à payer à la SAS [U] et associés en la personne de Me [Z] [U], en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Thurmelec, une somme de 16.794,23 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2019 ;

Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts échus conformément à l'article 1343-2 du code civil à compter du 2 mai 2019, date de la demande en ce sens ;

Condamne la société [M] à payer à la SAS [U] et Associés en la personne de Me [Z] [U] en qualité de liquidateur à la liquidation de la société Thurmelec la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société [M] au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société [M] aux dépens de première instance et d'appel.