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Décisions

TUE, 10e ch., 4 octobre 2023, n° T-598/21

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

European Association of Non-Integrated Metal Importers & distributors (Euranimi)

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Porchia

Juges :

M. Jaeger (rapporteur), M. Nihoul

Avocats :

Me Campa, Me Rovetta, Me Gjørtler, Me Villante

TUE n° T-598/21

4 octobre 2023

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, European Association of Non-Integrated Metal Importers & distributors (Euranimi), demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2021/1029 de la Commission, du 24 juin 2021, modifiant le règlement d’exécution (UE) 2019/159 de la Commission afin de proroger la mesure de sauvegarde à l’encontre des importations de certains produits sidérurgiques (JO 2021, L 225 I, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

Antécédents du litige

2 La requérante est une association d’entreprises de l’Union européenne représentant les intérêts d’importateurs, de distributeurs, de négociants et de transformateurs en ce qui concerne l’acier non intégré, l’acier inoxydable et les produits métalliques.

3 Le 23 mars 2018, les États Unis d’Amérique ont instauré des droits à l’importation au titre de la section 232 du Trade Expansion Act (loi sur le développement du commerce).

4 Au regard des données statistiques collectées à la suite de la mise en place de mesures de surveillance, la Commission européenne a ouvert une enquête de sauvegarde afin d’examiner la situation de plusieurs catégories de produits sidérurgiques.

5 Dans la mesure où son analyse des données l’a conduite à conclure à titre provisoire que l’industrie sidérurgique de l’Union se trouvait menacée d’un préjudice grave en ce qui concernait 23 des 28 catégories de produits ayant fait l’objet de l’enquête de sauvegarde, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/1013, du 17 juillet 2018, instituant des mesures de sauvegarde provisoires concernant les importations de certains produits sidérurgiques (JO 2018, L 181, p. 39).

6 Estimant ensuite que l’industrie sidérurgique de l’Union se trouvait menacée d’un préjudice grave concernant 26 catégories de produits sidérurgiques, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/159, du 31 janvier 2019, instituant des mesures de sauvegarde définitives à l’encontre des importations de certains produits sidérurgiques (JO 2019, L 31, p. 27). Ce règlement d’exécution a mis en place une mesure de sauvegarde définitive pour une période de trois ans, avec une possibilité de prolongation pouvant aller jusqu’à huit ans, sous la forme de contingents tarifaires spécifiques par catégorie dont le plafond quantitatif était fixé au volume moyen des importations des pays concernés pendant la période allant de 2015 à 2017, majoré de 5 %, pour garantir que les flux commerciaux habituels soient maintenus et que l’industrie utilisatrice et importatrice existante dans l’Union reçoive un soutien suffisant. Le taux du droit hors contingent, fixé à 25 % au stade de la mesure provisoire, a été confirmé lors de l’adoption de la mesure définitive.

7 Contrairement à la situation qui prévalait dans le cadre de la mesure de sauvegarde provisoire, le règlement d’exécution 2019/159 a établi des contingents spécifiques par pays pour les pays ayant un intérêt significatif en tant que fournisseurs (c’est-à-dire les pays avec une part de plus de 5 % des importations en ce qui concernait la catégorie de produits en cause). Un contingent tarifaire « résiduel » ou « global » a également été établi pour les autres pays exportateurs vers le territoire de l’Union. La Commission a aussi estimé que, lorsqu’un pays fournisseur avait épuisé son contingent tarifaire spécifique, il devait être autorisé à avoir accès au contingent tarifaire résiduel pour assurer le maintien des flux commerciaux habituels, mais aussi pour éviter que, le cas échéant, certaines parties du contingent tarifaire résiduel demeurent inutilisées.

8 Du 2 février 2019, date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2019/159, au 30 juin 2021, la mesure de sauvegarde a été régulièrement réexaminée et progressivement libéralisée, à intervalles réguliers, afin d’augmenter peu à peu les seuils quantitatifs pour permettre à l’industrie de l’Union de s’adapter.

9 À l’occasion des réexamens effectués au cours des mois de septembre 2019 et juin 2020, la Commission a apporté des changements dans l’administration du système des contingents tarifaires afin, notamment, de prendre en compte les données commerciales les plus récentes.

10 Le 15 janvier 2021, la Commission a reçu une demande motivée de la part de douze États membres de l’Union l’invitant à examiner, conformément à l’article 19 du règlement (UE) 2015/478 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2015, relatif au régime commun applicable aux importations (JO 2015, L 83, p. 16, ci après le « règlement de base sur les sauvegardes »), si la mesure de sauvegarde en vigueur devait être prorogée.

11 Le 26 février 2021, la Commission a publié un avis d’ouverture au Journal officiel de l’Union européenne, par lequel elle a invité les parties intéressées à participer à une enquête relative à la prorogation éventuelle de la mesure de sauvegarde en présentant leurs observations et des éléments de preuve à l’appui.

12 Le 24 juin 2021, estimant, d’une part, que, dans le contexte de la pandémie de COVID-19, une suppression de la mesure de sauvegarde était susceptible de provoquer une vague soudaine d’importations qui aggraverait sérieusement la situation financière encore fragile de l’industrie sidérurgique de l’Union et, d’autre part, que les utilisateurs, en ce qui concernait toutes les catégories de produits, avaient eu la possibilité de s’approvisionner en acier en franchise de droits auprès de sources multiples étant donné qu’environ 11 millions de tonnes de contingents tarifaires exonérés de droits demeuraient inutilisées, soit 36 % du total des contingents tarifaires disponibles, la Commission a adopté le règlement attaqué prorogeant la mesure de sauvegarde pour une période de trois ans allant jusqu’au 30 juin 2024.

Conclusions des parties

13 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué ;

– condamner la Commission aux dépens.

14 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant irrecevable ;

– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur la recevabilité

15 Sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité, la Commission conteste la recevabilité du présent recours, estimant que la requérante n’a ni intérêt à agir ni qualité pour agir. La requérante, quant à elle, fait valoir qu’elle a intérêt à agir et qualité pour agir contre le règlement attaqué.

Sur l’intérêt à agir

16 En premier lieu, la Commission considère que, au stade de l’introduction du présent recours, la requérante n’a pas démontré qu’elle satisfaisait aux conditions relatives à la démonstration d’un intérêt à agir.

17 Tout d’abord, le règlement attaqué n’empêcherait pas les importations des catégories de produits sidérurgiques concernées vers l’Union, le droit de sauvegarde ne s’appliquant qu’en cas d’apparition d’un préjudice grave dû à l’augmentation des importations au-delà des flux commerciaux habituels. Ainsi, en ce qui concerne l’obligation de payer le droit hors contingent de 25 %, l’intérêt de la requérante serait hypothétique.

18 Ensuite, au moment où le recours a été introduit, le contingent tarifaire concernant les catégories de produits importées par les sociétés représentées par la requérante n’aurait pas été épuisé. Dès lors, selon la Commission, l’annulation du règlement attaqué ne pourrait procurer aucun bénéfice à la requérante, étant donné que ce règlement n’a pas encore produit d’effets juridiques à son égard ou à l’égard de ses membres. Ainsi, l’intérêt à agir de la requérante ne serait ni né ni actuel.

19 Dans ce contexte, la Commission considère que le fait que les membres de la requérante tiennent compte de l’existence de contingents tarifaires dans leur planification commerciale ne signifie pas que leur situation juridique a été modifiée par le règlement attaqué. D’ailleurs, l’hypothèse selon laquelle les contingents tarifaires produiraient des effets aurait déjà été rejetée par le Tribunal dans l’arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission (T 790/19, non publié, EU:T:2021:706). En outre, la Commission soutient que le fait que les importations restent constantes alors que le niveau des contingents tarifaires non utilisés augmente montre que la mesure de sauvegarde ne produit pas les effets négatifs sur les flux commerciaux allégués par la requérante.

20 Enfin, le fait que les importations soient soumises à des contingents tarifaires n’imposerait pas de charge spécifique aux importateurs. La requérante ne tirerait donc aucun bénéfice de l’annulation du règlement attaqué à cet égard.

21 En deuxième lieu, la Commission souligne que, dans la mesure où elle procède à des réexamens à intervalles réguliers pendant la période d’application de la mesure de sauvegarde, le fait que le règlement attaqué puisse avoir à un moment donné des effets juridiques sur les produits importés par les membres de la requérante est incertain.

22 En troisième lieu, la Commission indique que le fait que la requérante et ses membres auront un intérêt à agir si et quand le droit hors contingent de 25 % s’appliquera ne signifie pas qu’il n’existe pas de recours effectif. En effet, selon la Commission, dans cette situation, la possibilité de contester la perception de ce droit par les autorités douanières nationales devant les juridictions nationales leur sera ouverte, ces dernières pouvant alors saisir la Cour de la question de la validité du règlement attaqué, conformément à l’article 267 TFUE.

23 La requérante conteste les arguments de la Commission.

24 Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est ainsi recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (voir arrêt du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 32 et jurisprudence citée).

25 En l’espèce, il ressort du mécanisme mis en place par le règlement attaqué que le régime juridique applicable à l’activité d’importation dans l’Union des produits en cause est moins favorable que celui qui s’appliquait en l’absence des mesures de sauvegarde (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 33).

26 Ainsi, l’annulation du règlement attaqué par une décision favorable à la requérante serait susceptible, par elle même, d’avoir des conséquences juridiques et serait apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la requérante, qui, partant, dispose d’un intérêt à agir (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 34).

27 À cet égard, les considérants 85 et 86 du règlement attaqué prévoient un processus de réexamen et de libéralisation de la mesure de sauvegarde (voir, dans ce contexte, point 8 ci dessus). Ce processus vise, notamment, à permettre la mise en place d’un régime d’importation plus ouvert, profitant ainsi aux importateurs. La libéralisation progressive des contingents tarifaires modifie la situation juridique dans laquelle se trouvent les importateurs. Une annulation du règlement attaqué serait, alors, comparable à une libéralisation totale desdits contingents. Il est, par conséquent, indéniable qu’il existe pour la requérante un intérêt à voir ledit règlement annulé, afin d’exercer son activité dans le cadre d’un régime juridique dépourvu de contraintes liées à des seuils quantitatifs.

28 En outre, contrairement à ce qu’avance la Commission (voir point 18 ci dessus), cet intérêt était né et actuel au jour de l’introduction du recours. En effet, il ressort du considérant 1 du règlement attaqué que le mécanisme de sauvegarde mis en place comporte deux étapes, la première consistant en l’imposition de contingents tarifaires, la seconde consistant en l’application d’un droit additionnel aux importations lorsque les seuils quantitatifs fixés de ces contingents tarifaires sont dépassés. Si, par définition, la seconde étape ne se produit que de manière différée par rapport à la première, cette dernière existe à la date d’application du règlement qui la prévoit, à savoir, en l’espèce, le 1er juillet 2021. Or, la requérante a introduit son recours le 20 septembre 2021.

29 De la même manière, conformément à la jurisprudence constante selon laquelle l’intérêt à agir ne peut concerner une situation future et hypothétique et ne se saurait découler de simples hypothèses (voir ordonnance du 28 septembre 2021, Airoldi Metalli/Commission, T 611/20, non publiée, EU:T:2021:641, point 42 et jurisprudence citée), l’intérêt de la requérante en l’espèce est certain, contrairement à ce que soutient la Commission (voir points 17 et 21 ci dessus), dans la mesure où, par l’effet de l’article 2 du règlement attaqué, le système de contingentement devient effectif à la date d’application dudit règlement. À cet égard, il convient de relever le défaut de pertinence de l’argument de la Commission fondé sur l’existence de réexamens périodiques (voir point 21 ci dessus), dans la mesure où, entre chaque réexamen, la situation ne présente aucune incertitude quant à l’imposition de contingent et, par voie de conséquence, quant aux effets juridiques liés au système de contingentement.

30 La position de la Commission consistant à considérer que l’intérêt à agir ne peut exister qu’au jour, éventuel, de l’imposition du droit additionnel du fait du dépassement des seuils semble procéder d’une confusion entre les deux étapes mentionnées au point 28 ci-dessus. L’intérêt de la requérante ne se limite pas à la contestation de l’imposition du droit additionnel, mais s’étend à la contestation du régime de contingentement qui, par son existence même, vient modifier la situation juridique de ses membres. L’annulation du règlement attaqué emporterait, dès lors, l’inversion de cette modification en ce qu’elle rétablirait la situation juridique précédente des membres de la requérante, laquelle était plus favorable que celle de la soumission à un système de contingentement, leur procurant ainsi un bénéfice, contrairement à ce qu’allègue la Commission (voir point 20 ci-dessus).

31 À cet égard, il est dénué de pertinence de mettre en avant, comme le fait la Commission (voir point 19 ci-dessus), d’une part, le fait que les contingents tarifaires préservent prétendument les niveaux d’importation historiques et, d’autre part, le fait que le règlement attaqué n’empêche pas les importations, à plus forte raison au regard de l’absence d’épuisement des contingents tarifaires. Sans se pencher sur les difficultés avancées par la requérante, dans ses écritures et lors de l’audience, afin d’expliquer les raisons du défaut d’épuisement des contingents tarifaires, il convient de souligner que, en tout état de cause, ces considérations relèvent de conséquences non pas juridiques, mais factuelles, destinées à se produire, le cas échéant, ultérieurement.

32 Par ailleurs, conditionner l’existence de l’intérêt à agir de la requérante relatif à la contestation du régime de contingentement à l’imposition d’un droit additionnel pourrait avoir comme conséquence d’obliger la requérante à importer des volumes au dessus des seuils quantitatifs afin de pouvoir contester ledit régime et à ignorer la situation défavorable, pour un importateur, que représente l’application d’un tel régime en elle-même.

33 Enfin, il convient de relever le défaut de pertinence de l’argumentation de la Commission, rappelée au point 19 ci dessus et réitérée lors de l’audience, visant à affirmer que le Tribunal a, dans l’arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission (T 790/19, non publié, EU:T:2021:706), rejeté l’hypothèse selon laquelle les contingents tarifaires produiraient des effets.

34 Premièrement, dans l’arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission (T 790/19, non publié, EU:T:2021:706), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur la recevabilité du recours dont il était saisi. Les considérations sur lesquelles s’appuie la Commission sont, ainsi, dénuées de pertinence dans le cadre de l’examen de l’intérêt à agir de la requérante dans le cadre du présent recours.

35 Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission (T 790/19, non publié, EU:T:2021:706), le Tribunal a relevé que la partie requérante n’avait pas démontré à suffisance de droit l’existence d’effets avant l’application du droit hors contingent. Or, cette conclusion résulte d’un examen des effets des contingents tarifaires visant à déterminer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de la Commission. Dans ce contexte, le degré de contrôle du Tribunal est un élément essentiel, qui est, en revanche, étranger à l’examen auquel cette juridiction doit se livrer dans la vérification de l’existence de l’intérêt à agir d’une partie requérante.

36 Troisièmement, dans le cadre de cette vérification, les effets dont il est question doivent être de nature juridique, comme cela est souligné par la jurisprudence citée au point 24 ci dessus. Or, l’examen du Tribunal dans l’arrêt du 20 octobre 2021, Novolipetsk Steel/Commission (T 790/19, non publié, EU:T:2021:706), porte sur les preuves apportées pour démontrer l’existence d’effets satisfaisant au degré d’intensité requis avant épuisement des contingents tarifaires. Ainsi, le raisonnement auquel le Tribunal procède repose sur des données statistiques de flux et la déclaration d’un importateur visant à démontrer l’existence d’effets commerciaux d’une intensité suffisante, telle qu’exigée par la législation en cause dans cette affaire.

37 Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la requérante doit être rejetée.

Sur la qualité pour agir

38 Selon une jurisprudence constante, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas la destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui ci la concerne directement (voir arrêts du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C 204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 26 et jurisprudence citée, et du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 35 et jurisprudence citée).

39 Au regard des éléments du dossier, il y a lieu d’examiner d’abord le second cas de figure.

40 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la requérante, en tant qu’association représentant les intérêts d’importateurs, de distributeurs, de négociants et de transformateurs en ce qui concerne l’acier non intégré, l’acier inoxydable et les produits métalliques, n’est recevable à introduire un recours en annulation que si elle peut faire valoir un intérêt propre ou, si tel n’est pas le cas, si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel (arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C 384/16 P, EU:C:2018:176, point 87).

41 En l’espèce, conformément à l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, si, d’une part, l’acte attaqué est un acte réglementaire qui concerne directement les membres de la requérante et, d’autre part, cet acte ne comporte pas de mesures d’exécution, la qualité pour agir de ces membres sera démontrée.

42 Dans ce contexte, la Commission estime que la requérante ne saurait former un recours tendant à l’annulation du règlement attaqué sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans la mesure où, d’une part, elle n’a pas démontré que ses membres étaient directement concernés par ledit règlement et, d’autre part, elle n’a pas établi l’absence de mesures d’exécution à l’égard de ses membres.

–  Sur la nature réglementaire de l’acte attaqué

43 Selon une jurisprudence constante, la notion d’acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, vise, en principe, tous les actes de portée générale à l’exclusion des actes législatifs (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2018, Scuola Elementare Maria Montessori/Commission, Commission/Scuola Elementare Maria Montessori et Commission/Ferracci, C 622/16 P à C 624/16 P, EU:C:2018:873, points 23 et 28 et jurisprudence citée). La distinction entre un acte législatif et un acte non législatif repose, selon le traité FUE, sur le critère de la procédure, législative ou non, ayant mené à son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C 643/15 et C 647/15, EU:C:2017:631, point 58, et ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T 18/10, EU:T:2011:419, point 65).

44 Or, en l’espèce, d’une part, le règlement attaqué, en tant qu’il proroge une mesure de sauvegarde à l’encontre des importations de certains produits sidérurgiques, présente une portée générale. D’autre part, ce règlement n’est pas un acte législatif, puisqu’il n’a pas été adopté selon une procédure législative ordinaire ou spéciale.

45 Dès lors, le règlement attaqué est un acte réglementaire au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

–  Sur l’affectation directe

46 La condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C 461/18 P, EU:C:2020:979, point 58 et jurisprudence citée).

47 En l’espèce, la Commission soutient que la situation de la requérante ne satisfait pas aux conditions relatives à l’affectation directe. En effet, elle considère que les effets juridiques du règlement attaqué ne sauraient se matérialiser d’office par ce seul règlement, dans la mesure où, au moment de l’introduction du recours, les membres de la requérante pouvaient continuer d’exercer leurs activités de la même manière qu’avant l’adoption dudit règlement.

48 À cet égard, la Commission affirme que tout importateur de l’Union ne serait affecté qu’une fois que les autorités douanières des États membres auraient pris position sur le montant du droit de sauvegarde en mettant en œuvre le règlement attaqué sous la forme d’une notification de la dette douanière ou d’une déclaration similaire.

49 En ce qui concerne la satisfaction du premier critère rappelé au point 46 ci dessus, il convient de relever que le règlement attaqué détermine le cadre juridique et les conditions dans lesquelles les membres de la requérante ont la faculté d’importer vers l’Union, en termes de volume comme de prix, leurs produits étant soumis à un système de contingentement, et non plus à une mise en libre circulation dans l’Union, laquelle n’impose ni détermination de quantités ni autorisation de la part de la Commission. Dans un tel système de contingentement, la faculté pour les membres de la requérante d’utiliser le contingent à droit nul dépend de la détermination par la Commission de quantités dans ce contingent en ce qui concerne leurs produits (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 44). Dès lors, il y a lieu de conclure que le règlement attaqué produit des effets directs sur la situation juridique des membres de la requérante.

50 Dans ce contexte, il convient de souligner que suivre la position de la Commission reviendrait à amoindrir l’importance de la séparation des deux étapes du mécanisme de sauvegarde (voir point 28 ci dessus) ainsi que de la différence substantielle entre les effets de nature juridique et les effets de nature commerciale (voir point 31 ci dessus).

51 En ce qui concerne la satisfaction du second critère rappelé au point 46 ci dessus, le test juridique pertinent est celui de l’inexistence de tout pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de l’acte en cause qui sont chargés de sa mise en œuvre (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T 507/13, EU:T:2015:23, point 40).

52 Or, en l’espèce, le règlement attaqué ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux autorités compétentes de l’État membre dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde [voir, par analogie, arrêts du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C 461/18 P, EU:C:2020:979, point 59, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T 643/11, non publié, EU:T:2014:1076, point 28], tant dans le cadre de la première étape du mécanisme de sauvegarde, le système de contingentement devenant effectif à la date d’application du règlement attaqué (voir point 28 ci dessus), que dans le cadre de la seconde étape de ce mécanisme, les autorités compétentes étant tenues d’appliquer un droit hors contingent de 25 % une fois les contingents tarifaires épuisés (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, point 46).

53 Par conséquent, les membres de la requérante sont directement affectés par le règlement attaqué, au sens de la jurisprudence citée au point 46 ci dessus.

–  Sur l’absence de mesures d’exécution

54 Selon la Commission, les effets de la politique commerciale commune se matérialisent par le biais de mesures d’exécution que les États membres appliquent à la situation individuelle de l’importateur. En effet, dans le domaine de la politique commerciale commune, les mesures d’exécution seraient les seules à matérialiser les effets d’un règlement.

55 Dès lors, ledit importateur pourrait contester ces mesures d’exécution devant les juridictions nationales concernées, ces dernières ayant, ensuite, la possibilité de saisir la Cour d’une question préjudicielle en appréciation de la validité du règlement sur lequel se fondent lesdites mesures, au titre de l’article 267 TFUE.

56 À cet égard, la Commission indique que les limitations contestées par la requérante, résultant de la complémentarité des voies de droit, trouvent leur fondement dans le traité FUE et ne peuvent ainsi être ignorées.

57 En l’espèce, il convient de relever que le règlement attaqué proroge la mesure de sauvegarde qui consiste, d’une part, en l’établissement de contingents tarifaires applicables à certains produits sidérurgiques et, d’autre part, en l’application d’un droit hors contingent de 25 % pour toutes les importations effectuées au delà des seuils quantitatifs de ces contingents. Résultent ainsi de ce système l’instauration d’une condition liée à un niveau volumétrique des importations et, pour les importateurs souhaitant s’approvisionner en dépassant ce niveau, l’application d’une majoration tarifaire.

58 À cet égard, à supposer même que les mesures appliquées en l’espèce à la situation individuelle d’un importateur soient des mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, il ressort de la jurisprudence que le fait qu’un acte réglementaire de l’Union comporte des mesures d’exécution, de telle sorte que certains effets juridiques dudit règlement ne se matérialisent qu’au moyen de ces mesures, n’exclut pas pour autant que ce règlement produise, sur la situation juridique d’une personne physique ou morale, d’autres effets juridiques qui ne dépendent pas de l’adoption de mesures d’exécution (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2018, European Union Copper Task Force/Commission, C 384/16 P, EU:C:2018:176, point 45).

59 En l’espèce, l’instauration du système de contingentement, laquelle constitue un effet du règlement attaqué au même titre que l’application du droit hors contingent, est concomitante à l’adoption dudit règlement. Dès lors, un importateur doit agir dans un cadre juridique nouveau, à partir de l’adoption du règlement attaqué, qui diffère du cadre juridique précédent. Or, la production des effets juridiques du système de contingentement, tels qu’identifiés au point 49 ci dessus, ne dépend d’aucune mesure d’exécution. À cet égard, il peut être relevé que les mesures sur lesquelles se fonde la Commission pour considérer que le critère relatif à l’absence de mesures d’exécution n’est pas rempli ne concernent pas lesdits effets juridiques (voir point 58 ci dessus).

60 Il s’ensuit que, avant l’épuisement du contingent tarifaire, il n’existe pas nécessairement de mesures d’exécution que les membres de la requérante dont la situation juridique se trouve affectée par l’établissement du système de contingentement pourraient contester devant les juridictions nationales.

61 Par conséquent, les importateurs, tels que les membres de la requérante, se trouvent dans une situation correspondant au cas de figure prévu à l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE et sont ainsi recevables à former un recours contre le règlement attaqué.

62 Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci dessus, la requérante, en tant qu’association représentative, a qualité pour agir, sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE, à l’encontre du règlement attaqué.

63 Partant, le recours doit être déclaré recevable.

Sur le fond

64 La requérante soulève deux moyens au soutien de son recours.

65 Par son premier moyen, la requérante allègue que les conditions pour la prorogation de la mesure de sauvegarde au titre de l’article 19 du règlement de base sur les sauvegardes ne sont pas remplies.

66 Par son second moyen, la requérante soutient que ladite prorogation n’est pas dans l’intérêt de l’Union.

67 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2019, Trace Sport, C 251/18, EU:C:2019:766, point 47 et jurisprudence citée, et du 18 mai 2022, Uzina Metalurgica Moldoveneasca/Commission, T 245/19, EU:T:2022:295, points 74 et 75).

Sur le premier moyen, tiré de la violation par la Commission de l’article 19 du règlement de base sur les sauvegardes

68 En substance, le premier moyen de la requérante se divise en deux branches.

69 Par la première branche, la requérante estime que les données sur lesquelles se fonde l’analyse de la Commission pour adopter le règlement attaqué ne permettent pas de conclure que la prorogation de la mesure de sauvegarde était nécessaire pour prévenir ou réparer un dommage grave, au sens de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes.

70 Par la seconde branche, la requérante considère que la Commission a commis une erreur en concluant qu’il existait des éléments prouvant que l’industrie de l’Union procédait à des ajustements, comme l’exige l’article 19, paragraphe 2, sous b), du règlement de base sur les sauvegardes.

71 La Commission conteste le bien fondé du premier moyen.

–  Sur la première branche du premier moyen, relative au caractère nécessaire de la prorogation de la mesure de sauvegarde pour prévenir ou réparer un dommage grave

72 En vertu de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes, une mesure de sauvegarde peut être prorogée s’il est déterminé qu’une telle prorogation est nécessaire pour prévenir ou réparer un dommage grave.

73 Premièrement, la requérante estime que, en ne prenant pas en compte certains aspects du marché, pendant la période couverte par l’enquête relative à la prorogation éventuelle de la mesure de sauvegarde, à savoir les années 2018 à 2020 (ci-après la « période d’enquête »), qui viennent contredire la conclusion selon laquelle la prorogation de la mesure de sauvegarde était nécessaire pour réparer un dommage grave, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du caractère nécessaire de la prorogation au sens de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes.

74 En premier lieu, la requérante reproche à la Commission l’absence de prise en considération des facteurs relatifs aux capacités de production de l’industrie de l’Union et aux parts de marché détenues par cette industrie dans l’Union.

75 Dans un premier temps, il y a lieu de nuancer la pertinence qu’accorde la requérante à chacun de ces facteurs.

76 D’une part, la requérante soutient que les capacités de production de l’industrie de l’Union sont restées stables. Cependant, il ressort de manière explicite de l’analyse figurant au considérant 12 du règlement attaqué, mettant en relation l’évolution du volume de production, des capacités de production et de l’utilisation de ces capacités, que l’utilisation des capacités de production a diminué de 13 points de pourcentage.

77 D’autre part, la requérante indique que les parts de marché de l’industrie de l’Union ont augmenté d’année en année. Cette tendance positive ressortirait également de l’analyse supplémentaire par famille ou catégorie de produits effectuée par la Commission. Cependant, comme cela ressort du considérant 13 du règlement attaqué, cette augmentation était conjuguée à une baisse de la consommation tout au long de la période concernée. Ainsi, la signification de l’augmentation des parts de marché dans le cadre d’une analyse de la situation économique de l’industrie sidérurgique de l’Union doit être relativisée, puisque, en pratique, cette augmentation ne s’est pas traduite par une amélioration de la rentabilité. À cet égard, il convient de relever que cette situation est spécifiquement visée au considérant 15 du règlement attaqué, qui précise que l’industrie de l’Union est devenue déficitaire entre 2018 et 2019 et que la rentabilité a continué de diminuer entre 2019 et 2020.

78 Dans un second temps, il y a lieu de relativiser la méthode sous tendant l’analyse proposée par la requérante à l’égard de ces facteurs.

79 D’une part, l’approche de la requérante pâtit d’une absence de contextualisation. En effet, il est important de ne pas négliger le fait que, afin de déterminer la signification d’une évolution, positive ou négative, d’un facteur, celle ci doit être replacée dans le contexte approprié. Ainsi, l’augmentation des parts de marché de l’industrie de l’Union sur la période considérée doit être appréciée au regard du fait que le niveau des parts de marché en question en 2019 et en 2020 était proche de celui de 2017, lorsque l’industrie de l’Union était touchée par une augmentation des importations. Dès lors, il ne peut être déduit de l’augmentation des parts de marché de l’industrie de l’Union que la situation de l’industrie de l’Union n’était plus fragile ou vulnérable. En outre, étant donné que la mesure de sauvegarde repose sur le maintien des flux commerciaux habituels en matière de volume d’importations sur la base de la période allant de 2015 à 2017, une augmentation des parts de marché de l’Union à ces niveaux ne démontre pas l’absence de préjudice.

80 D’autre part, il doit être rappelé que l’analyse de la situation économique de l’industrie sidérurgique à laquelle la Commission doit procéder requiert la prise en compte de plusieurs facteurs, aucun n’étant isolément déterminant. Ainsi, l’identification d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans la conduite de son analyse doit tenir compte de la méthode qu’elle a suivie. Or, il ressort, notamment, des constatations figurant de manière explicite au point 3.1 du règlement attaqué que la conclusion à laquelle la Commission est parvenue au considérant 17 de ce règlement, à savoir le caractère fragile et vulnérable de la situation de l’industrie de l’Union, se fonde sur de nombreux autres indicateurs de préjudice qui, dans leur quasi totalité, affichaient de fortes tendances négatives. Ainsi, les indicateurs relatifs à la production, aux ventes, au rendement du capital et à l’emploi ont tous affiché une baisse dans un contexte où les ventes et les prix de vente sur le marché intérieur avaient également diminué, ce qui a entraîné une réduction de la rentabilité de l’industrie de l’Union.

81 Au regard de ce qui précède, il convient de constater le caractère fragmentaire et isolé des appréciations de la requérante.

82 En second lieu, la requérante reproche à la Commission l’absence de prise en compte de la diminution des importations au cours de la période d’enquête, telle qu’elle ressort des données figurant dans le règlement attaqué.

83 Cependant, pour écarter ce grief, il suffit de relever que la pertinence des appréciations de la requérante fait défaut, dans la mesure où celles ci sont dépourvues de contextualisation. En effet, d’une part, le niveau volumétrique atteint par les importations en 2020 correspond à celui de 2015, déjà considéré comme étant préjudiciable, et, d’autre part, la diminution des importations en termes de parts de marché conduit à un niveau équivalent à celui observé en 2017, comme cela est expressément indiqué au considérant 25 du règlement attaqué. D’ailleurs, il convient de noter que la requérante n’apporte aucune contradiction directe à la conclusion de la Commission selon laquelle, au regard de l’approche contextualisée décrite ci dessus, les importations sur le marché de l’acier de l’Union ont plutôt augmenté en termes relatifs au regard de la période antérieure à l’institution de la mesure de sauvegarde.

84 Dès lors, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte la prétendue diminution des importations.

85 Deuxièmement, la requérante allègue que, sur la base d’un examen positif et objectif des données mentionnées aux points 74 et 82 ci-dessus, la Commission ne pouvait pas conclure à la nécessité d’une prorogation de la mesure de sauvegarde pour prévenir un dommage grave sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement de base sur les sauvegardes.

86 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort du règlement attaqué que la Commission s’est livrée à un examen prospectif, ce que ne conteste pas la requérante. À cet égard, cette dernière formule deux griefs.

87 D’une part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération l’augmentation des bénéfices des principaux acteurs de l’industrie de l’Union. Cependant, dans la mesure où ce grief s’appuie sur des éléments dont la temporalité dépasse la période considérée par la Commission, il doit être écarté comme étant inopérant.

88 D’autre part, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir pris en considération l’absence de pression sur l’industrie de l’Union par les importations provenant de la République populaire de Chine. Cependant, il ressort des considérants 39 et 43 du règlement attaqué que l’examen prospectif auquel la Commission s’est livrée a tenu compte de l’état de la surproduction et de la surcapacité à l’échelle mondiale. Ainsi, ce grief doit également être rejeté.

89 Il résulte de ce qui précède que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a ignoré ni certaines données ni leur importance. Or, dans la mesure où la requérante fonde sa contestation sur cette prétendue absence de prise en compte de données, il convient de conclure, en application des principes rappelés au point 67 ci dessus, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse qui l’a conduite à estimer que la prorogation de la mesure de sauvegarde était nécessaire pour prévenir ou réparer un dommage grave.

90 Enfin, troisièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir mené une analyse de non imputation appropriée concernant les circonstances exceptionnelles du marché au cours de l’année 2020, causées par la pandémie de COVID 19. À cet égard, elle relève que cette question n’est abordée que de manière accessoire dans le règlement attaqué.

91 À titre liminaire, il convient de relever que, d’une part, il n’est pas contesté qu’il ressort de nombreux passages du règlement attaqué que la Commission a examiné les effets de la pandémie de COVID 19 dans le cadre de son analyse et que, d’autre part, l’argumentation de la requérante n’identifie pas précisément lesdits passages, qui révèlent, selon elle, que cet aspect a été traité de manière insuffisante, mais se contente de qualifier d’incomplète l’analyse effectuée par la Commission à cet égard. Dès lors, le caractère vague de ce grief fait obstacle à l’identification d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission.

92 En tout état de cause, d’une part, lors de l’audience, en réponse à la demande du Tribunal de préciser le contenu de ce grief, la requérante a maintenu ses objections relatives au caractère incomplet de l’analyse de la Commission au regard des données disponibles à l’époque. Cependant, elle s’est abstenue de préciser la teneur desdites données et s’est référée, de manière générale, au fait que la Commission avait disposé d’informations détaillées sur la situation en raison d’enquêtes réalisées dans le cadre d’autres mesures de défense commerciale. En outre, la requérante est restée en défaut de déterminer spécifiquement les insuffisances des considérations figurant dans le règlement attaqué à cet égard.

93 D’autre part, dans le cadre du contrôle qu’il appartient au Tribunal d’exercer en l’espèce, conformément aux principes rappelés au point 67 ci dessus, il convient de prendre en compte le facteur d’incertitude particulièrement important lié à une crise extraordinaire dans l’appréciation des analyses prospectives effectuées par la Commission. Or, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait pu se fonder sur des données plus précises, prétendument en sa possession, pour effectuer une analyse de non imputation ne prend pas en considération le très haut degré d’incertitude lié à l’évolution d’une crise d’une ampleur exceptionnelle telle que la pandémie de COVID 19.

94 Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

–  Sur la seconde branche du premier moyen, relative à la preuve des ajustements

95 En vertu de l’article 19, paragraphe 2, sous b), du règlement de base sur les sauvegardes, une mesure de sauvegarde peut être prorogée s’il est déterminé qu’il y a des éléments de preuve indiquant que les producteurs de l’Union procèdent à des ajustements.

96 Premièrement, la requérante considère que la Commission a commis une erreur en concluant que de tels éléments de preuve existaient, dans la mesure où le règlement attaqué ne contient pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de conclure que l’industrie de l’Union prenait des mesures adéquates pour s’adapter à l’augmentation des importations. À cet égard, la requérante relève qu’aucun plan d’ajustement n’a été fourni et affirme qu’il apparaît clairement que les producteurs de l’Union n’ont pas pris de mesures d’ajustement adéquates au cours des deux dernières années et demie.

97 À titre liminaire, il ressort du règlement attaqué que la Commission a pris en compte un certain nombre d’éléments révélant des mesures d’ajustement adoptées par l’industrie de l’Union. S’il est indiqué au considérant 68 du règlement attaqué que des informations confidentielles relatives aux mesures d’ajustement adoptées par les producteurs de l’Union ont été transmises à la Commission, des informations détaillées figurent néanmoins aux considérants 69 et 70 dudit règlement. Force est de constater que la requérante s’est dispensée de toute analyse de ces informations et s’est contentée d’affirmer que toutes les références aux activités d’ajustement rapportées par la Commission n’étaient étayées par aucune preuve.

98 Or, en vertu des principes rappelés au point 67 ci dessus, il importe peu que, en l’absence de contestation spécifique des éléments sur lesquels est fondée l’analyse de la Commission, la requérante indique que d’autres types d’informations auraient été pertinents.

99 Deuxièmement, selon la requérante, aucune preuve tant du manque de capacité de production de l’industrie de l’Union que de l’incapacité de celle-ci à fournir toutes les marchandises nécessaires au marché de l’Union n’a été apportée.

100 Ce grief doit être écarté pour défaut de pertinence, étant donné que, si toutes les mesures prises par l’industrie de l’Union concernaient des actions visant à accroître l’efficacité des actions visant à soutenir l’efficacité de l’industrie de l’Union et à soutenir correctement la concurrence dans un scénario de marché caractérisé par une augmentation des importations, ces mesures ne visaient pas, en revanche, à rendre l’industrie de l’Union capable de couvrir les besoins d’approvisionnement sur le marché de l’Union.

101 À cet égard, les allégations de la requérante relatives à l’absence de prise en compte, par la Commission, de l’augmentation des parts de marché de l’industrie de l’Union et de la baisse des importations, réitérées dans ce contexte, doivent être rejetées pour les raisons exposées aux points 77, 83 et 84 ci-dessus.

102 Troisièmement, la requérante considère que l’industrie de l’Union n’a procédé à aucun ajustement, dans la mesure où elle n’était pas dans une situation de dommage ou de menace de dommage, comme l’illustrent les bénéfices substantiels réalisés par les entreprises productrices de l’Union et l’absence de pression provenant des importations de la République populaire de Chine. À cet égard, il suffit de rappeler qu’il a été conclu, aux points 87 et 88 ci-dessus, au rejet des prémisses de ce raisonnement.

103 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen comme étant non fondée.

104 Dans la mesure où il a été conclu à l’absence de fondement des deux branches constituant le premier moyen, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.

Sur le second moyen, tiré d’erreurs manifestes commises par la Commission dans l’appréciation de l’intérêt de l’Union à proroger la mesure de sauvegarde

105 Par son second moyen, la requérante fait valoir que la position de la Commission selon laquelle il n’existe pas de raisons économiques impérieuses qui pourraient conduire à la conclusion qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’Union de proroger la mesure de sauvegarde existante est erronée.

106 En premier lieu, la requérante conteste le bien-fondé de l’affirmation, figurant dans le règlement attaqué, selon laquelle les contingents tarifaires exonérés de droits étaient à la hauteur de la demande. En effet, la requérante indique que, lors de la reprise économique générale qui a suivi la pandémie de COVID-19, un déséquilibre s’est produit entre la forte demande de matières premières et la faible offre des producteurs de l’Union qui n’ont pas pu la satisfaire, entraînant une importante hausse des prix au sein de l’Union. Dans ce contexte, la requérante relève que, au troisième trimestre de l’année 2021, l’épuisement des contingents des principaux fournisseurs d’acier de pays tiers a rendu difficile l’approvisionnement en acier des utilisateurs et des importateurs.

107 Force est de constater que l’argument de la requérante repose sur une approche ne prenant pas en compte le mécanisme de la mesure de sauvegarde, qui conduit l’importateur à diversifier ses sources d’approvisionnement en s’adressant, le cas échéant, à des producteurs situés dans des pays tiers pour lesquels le contingent tarifaire n’est pas épuisé. Or, en l’espèce, il ressort du dossier que des contingents exonérés de droits demeuraient inutilisés, ce que la requérante ne conteste pas.

108 Dans ce contexte, il convient de conclure qu’aucune erreur manifeste d’appréciation affectant l’analyse de la Commission n’a été démontrée.

109 En deuxième lieu, la requérante soutient que les affirmations, figurant dans le règlement attaqué, selon lesquelles, d’une part, il n’existe pas de lien direct entre la mesure de sauvegarde et la hausse des prix de l’acier et, d’autre part, le niveau de ces prix ne serait pas maintenu après l’adaptation du marché à la situation postérieure à la pandémie de COVID-19 ne sont pas corroborées par les données sur lesquelles se fonde l’analyse de la Commission.

110 Cependant, tout d’abord, il y a lieu de relever que, si la hausse des prix était due à la mesure de sauvegarde, il ressortirait alors des données de l’analyse que l’industrie sidérurgique de l’Union pouvait s’affranchir de toute pression concurrentielle contraignante. Or, la Commission ne pouvait arriver à une telle conclusion en présence d’un grand nombre de contingents exonérés de droits non épuisés provenant de plusieurs sources dans pratiquement toutes les catégories de produits au cours de la dernière période de la mesure de sauvegarde, ce qui était le cas en l’espèce, comme cela est relevé au point 107 ci-dessus.

111 Ensuite, l’impact d’autres facteurs – tels que la hausse parallèle des prix des matières premières indiquée au considérant 100 du règlement attaqué – ne peut être exclu dans la détermination des causes responsables de la hausse des prix sur le marché de l’Union.

112 Enfin, il ressort des éléments du dossier que, étant donné que ces hausses de prix ont été observées sur les principaux marchés de l’acier à l’échelle mondiale, où la mesure de sauvegarde ne s’appliquait pas, les observations de la requérante relatives au lien de causalité entre la mesure de sauvegarde et la hausse des prix ne sont pas convaincantes.

113 Par conséquent, l’appréciation de la Commission quant à la hausse des prix dans le cadre de l’évaluation de l’intérêt de l’Union à voir la mesure de sauvegarde prorogée n’est pas manifestement erronée.

114 En troisième lieu, la requérante conteste le fait que la Commission qualifie, dans le règlement attaqué, de « transitoires » les problèmes d’offres rencontrés après la reprise économique générale, dans la mesure où, contrairement à celle-ci, elle estime que le retour à l’exploitation des usines mises à l’arrêt par l’industrie de l’Union n’est pas en mesure de garantir le rétablissement, dans un délai raisonnablement court, des conditions normales d’approvisionnement en acier existant avant la pandémie de COVID-19.

115 En effet, la requérante fait valoir que l’augmentation de la demande après la reprise économique générale a, notamment, entraîné une pénurie progressive des matières premières, affectant l’activité des transformateurs de ces matières. Ainsi, les livraisons seraient régulièrement annulées ou suspendues. En outre, les frais de transport maritime auraient augmenté de manière exponentielle et la logistique deviendrait de plus en plus difficile à gérer.

116 Tout d’abord, il convient de rappeler que, étant donné que les contingents tarifaires n’étaient pas épuisés (voir point 107 ci-dessus), la mesure de sauvegarde ne peut être la cause des prétendues incapacités de l’industrie de l’Union à couvrir la demande sur le marché de l’Union.

117 Ensuite, la requérante n’ayant pas démontré l’insuffisance de l’offre sur le marché de l’Union, ses arguments tirés des délais de livraison et des frais de logistique sont dénués de pertinence.

118 Enfin, les informations figurant aux considérants 110 et 111 du règlement attaqué, relatives à la capacité de l’industrie de l’Union de garantir le rétablissement, dans un délai raisonnable, des conditions d’approvisionnement normales, ne peuvent être contestées par une simple affirmation contraire de la requérante sans qu’elle apporte d’éléments de preuve à son soutien.

119 Par conséquent, la requérante reste en défaut de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission en ce qui concerne l’intérêt de l’Union à proroger la mesure de sauvegarde.

120 À titre surabondant, le caractère inopérant des arguments de la requérante fondés sur des données relatives à l’évolution postérieure à la période d’enquête peut être relevé, dans la mesure où ces arguments ne sont pas susceptibles de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation affectant l’analyse de la Commission quant à l’intérêt de l’Union à voir la mesure de sauvegarde prorogée, ces données ne pouvant pas être prises en considération pendant l’enquête relative à la prorogation éventuelle de la mesure de sauvegarde.

121 Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

122 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

123 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

Déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) European Association of Non-Integrated Metal Importers & distributors (Euranimi) est condamnée aux dépens.