Cass. 1re civ., 10 février 2004, n° 02-13.785
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Attendu que M. Z..., qui avait déjà conclu des contrats avec la société d'assurances Euralliance, à qui il avait donné une autorisation de prélèvement automatique des primes, a signé, le 18 juillet 1996, une proposition d'assurance "Eurépargne" auprès de cette même société, devenue depuis Fortis assurances, par l'intermédiaire de M. Coelho Y..., courtier d'assurances ; que le souscripteur a remis à ce dernier un chèque de 80 000 francs émis à l'ordre de "CME" ; que M. Coelho Y... n'a transmis à l'assureur ni la proposition d'assurance, ni le chèque qu'il a encaissé à son profit ; que, le 13 mars 1997, M. A... B... a signé une proposition de même nature et a remis à M. Coelho Y... un chèque de 25 100 francs à l'ordre de "CEA" ; que ni cette proposition ni le chèque n'ont été davantage transmis à l'assureur, le courtier ayant encaissé le chèque à son profit ; que les époux A... avaient aussi, antérieurement, conclu d'autres contrats avec Euralliance qui bénéficiait d'une autorisation de prélèvement automatique ; que M. Z... a assigné la société Fortis assurances pour obtenir sa condamnation à lui payer une somme en réparation de son préjudice sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, lui reprochant d'avoir conclu un accord avec M. Coelho Y... sans vérifier que celui-ci était assuré pour sa responsabilité professionnelle et s'il présentait une garantie financière ; que les premiers juges ont, par jugement du 25 mai 2000, rejeté cette demande, retenant que la demande n'était pas formée sur le fondement de l'article 1384 du Code civil et que, sur celui des articles 1382 et 1383 du même Code, il n'était pas établi de faute à l'encontre de Fortis assurances ; que les époux A... ont, par ailleurs, assigné devant le même tribunal la société Fortis assurances sur le fondement de l'article 1384, alinéa 5, du Code civil ; que, par un jugement du 22 juin 2000, les premiers juges ont accueilli la demande en son principe sur le fondement d'un mandat apparent que l'assureur aurait donné au courtier ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Fortis assurances fait grief à l'arrêt attaqué, qui a joint les deux instances, d'avoir confirmé le jugement rendu au profit des époux A... et réformé le jugement rejetant la demande de M. Z... pour accueillir celle-ci, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel a relevé d'office le moyen selon lequel le courtier exécutait en réalité un mandat d'intérêt commun avec la compagnie d'assurances pour en déduire qu'aux yeux de personnes non averties en matière d'assurance, il pouvait légitimement apparaître comme mandataire de l'assureur, violant ainsi l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait estimé que les époux A... avaient pu légitimement croire que le courtier agissait en vertu d'un mandat et dans les limites imparties par celui-ci puisque des contrats avaient été souscrits par eux et par l'intermédiaire du même courtier dans des conditions similaires, sans rechercher s'il ne résultait pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles la proposition d'assurance litigieuse avait été souscrite étaient totalement différentes des précédentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / qu'en confirmant le motif du jugement aux termes duquel aucune faute n'apparaissait résulter de l'émission d'un chèque à l'ordre du CEA dès lors que cette indication n'avait été apposée qu'à la demande du courtier et que s'était établie avec celui-ci une relation de confiance excluant toute suspicion de détournement, la cour d'appel s'est fondée sur un motif dubitatif et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt, qui ne se fonde pas exclusivement sur l'existence d'un mandat d'intérêt commun, retient aussi, par motifs propres et adoptés, que les époux A... ont pu légitimement croire que le courtier agissait en vertu d'un mandat et dans les limites de celui-ci puisque M. Coelho Y... utilisait des imprimés établis par Euralliance et que des contrats avaient été souscrits par eux et par l'intermédiaire du même courtier dans des conditions que les juges du fond ont souverainement estimé similaires ; qu'estimant, par ces motifs qui caractérisent l'existence d'un mandat apparent, et écartant, par un motif qui n'est pas dubitatif, toute faute de la part des époux A... qui n'avaient apposé sur le chèque litigieux le nom d'un bénéficiaire qu'à la demande du courtier avec lequel ils avaient établi une relation de confiance excluant toute suspicion de détournement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en infirmant le jugement du 25 mai 2000 par référence aux motifs du jugement du 22 juin 2000 intervenu entre la société Fortis assurances et les époux A..., alors que M. Z... n'y était pas partie, et sans rechercher si les circonstances dans lesquelles celui-ci avait souscrit à la proposition d'assurance litigieuse lui permettaient de ne pas vérifier les pouvoirs du courtier, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la troisième branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions réformant le jugement rendu 25 juin 2000 entre M. Z... et la société Fortis assurances, l'arrêt rendu le 5 février 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims.