Cass. soc., 29 septembre 2010, n° 09-41.543
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauviré
Rapporteur :
Mme Agostini
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 mars 2009), qu'engagée le 1er janvier 1998 en qualité de collaboratrice par M. X..., député, Mme Z... a été licenciée pour faute grave le 18 avril 2005 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'en affirmant que le premier grief énoncé par M. X... relatif aux fausses accusations formulées par Mme Z... auprès du procureur de la République de Strasbourg n'était pas établi dans la mesure où le lieutenant de police chargé de l'enquête avait conclu dans son rapport du 5 octobre 2005 qu'un faisceau d'indices tendait à prouver le caractère fictif de l'emploi de la fille du député dans sa permanence parlementaire, quand ces seules constatations n'étaient pas de nature à lui permettre de conclure à la véracité des accusations contestées dès lors que la plainte pénale, dans le cadre de laquelle cette enquête s'inscrivait, avait été classée sans suite, le 29 juin 2006, au motif que l'infraction n'était pas caractérisée, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L.1235-1 L.122-14-31 du code du travail ;
Mais attendu que le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l'entreprise qui lui paraissent anormaux, qu'ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute ;
Et attendu que la cour d'appel a constaté que la salariée avait informé le procureur de la République de ce que M. X... avait établi une attestation destinée à l'Assedic mentionnant inexactement qu'il employait sa fille, et relevé qu'il résultait des procès-verbaux d'enquête que celle-ci n'avait exercé aucune activité au profit de son père, que les sommes payées à titre de salaire pour cette prétendue activité, d'abord versées sur son compte bancaire, avaient été transférées sur celui de M. X... et que les bulletins de paie correspondants avaient été envoyés à une adresse à laquelle seul ce dernier pouvait accéder ; qu'ayant ainsi fait ressortir que les faits dénoncés par la salariée n'étaient pas mensongers, elle a exactement décidé que, peu important la décision de classement sans suite prise par le procureur de la République au motif que l'infraction était insuffisamment caractérisée, la salariée n'avait commis aucune faute en les lui révélant ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :
Attendu que l'employeur fait également grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que le fait pour un salarié de rendre publiques les accusations qu'il porte à l'encontre de son employeur, avant même que leur véracité n'ait pu être vérifiée, constitue un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail de nature à justifier la rupture immédiate des relations contractuelles, a fortiori lorsque l'employeur est un représentant élu de la Nation française et que ces accusations sont susceptibles d'entacher gravement sa réputation ; qu'en affirmant que l'information à la presse et au président du Groupe socialiste à l'Assemblée nationale, le 8 février 2005, du prétendu emploi fictif dont la fille de M. X... aurait bénéficié de la part de son père, ne pouvait caractériser ni une faute grave ni une faute sérieuse de nature à justifier la rupture alors que la véracité des accusations que Mme Z... avait portées à l'encontre de ce dernier n'était nullement établie à cette date et qu'elles avaient donné lieu de surcroît, 16 mois plus tard, à une décision de classement sans suite, la cour d'appel a violé ensemble les articles L.1222-1 ancien article L.120-4 , L.1234-1 ancien article L.122-6 et L.1235-1 ancien article L.122-14-3 du code du travail ;
2°/ qu'en affirmant, pour écarter le grief relatif à la divulgation dans la presse et auprès de l'Assemblée nationale des accusations d'emploi fictif que Mme Z... avait formulées à l'encontre de son employeur, que ni la presse nationale, ni l'Assemblée n'auraient été mentionnées dans la lettre de notification du licenciement de sorte que ces éléments ne pouvaient être examinés, quand ladite lettre évoquait la divulgation à « la presse », sans distinction de son caractère régional ou national, et énonçait, de manière générale, la « formulation d'accusations d'emploi fictif » à l'encontre de M. X... sans avoir expressément limité sa critique à certains destinataires, la cour d'appel a manifestement dénaturé les termes de ce document et violé en conséquence l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté, hors toute dénaturation, qu'il était reproché à la salariée d'avoir divulgué à un journal régional les faits qu'elle avait révélés au ministère public et qui a estimé que les informations communiquées étaient exactes, a fait ressortir l'absence d'abus de la salariée dans l'exercice de sa liberté d'expression ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.