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Décisions

Cass. 3e civ., 16 mars 1976, n° 74-13.959

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Costa

Rapporteur :

M. Decaudin

Avocat général :

M. Tunc

Avocat :

Me Ryziger

Paris, ch. 16, du 29 mai 1974

29 mai 1974

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QUE LA SOCIETE ANONYME GRAND GARAGE DESAIX, A LAQUELLE A ETE REFUSE LE RENOUVELLEMENT DU BAIL COMMERCIAL DONT ELLE BENEFICIAIT, FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR FIXE L'INDEMNITE D'EVICTION QUI LUI ETAIT DUE, SANS TENIR COMPTE DU FAIT QU'ELLE ETAIT CONCESSIONNAIRE LOCALE D'UNE MARQUE D'AUTOMOBILES, ALORS, SELON LE MOYEN "QUE, D'UNE PART, L'INDEMNITE D'EVICTION COMPREND NOTAMMENT LA VALEUR MARCHANDE DU FONDS DE COMMERCE ET QUE C'EST AU BAILLEUR, DEBITEUR DE L'INDEMNITE, A PROUVER, LE CAS ECHEANT, QUE TEL OU TEL ELEMENT DU FONDS DE COMMERCE NE SERA PAS PERDU, DE TELLE SORTE QU'EN L'ESPECE ACTUELLE, LES JUGES DU FOND N'ONT PU, SANS INTERVERTIR LA CHARGE DE LA PREUVE, REFUSER DE TENIR COMPTE DE LA PERTE DE LA CONCESSION, S'IL N'ETAIT PAS DEMONTRE QUE CELLE-CI SERAIT CERTAINEMENT CONSERVEE PAR LA SOCIETE ;

D'AUTRE PART, LA COUR D'APPEL N'A PU, SANS OMETTRE DE DONNER UNE BASE LEGALE A SA DECISION ET SANS TIRER LES CONSEQUENCES DE SES PROPRES CONSTATATIONS, CONSIDERER QUE LA PERTE DE LA CONCESSION NE DEVAIT PAS ETRE INDEMNISEE, PAR LE MOTIF QUE CETTE INDEMNITE FERAIT DOUBLE EMPLOI AVEC L'INDEMNITE ALLOUEE POUR LA PERTE D'UN CERTAIN NOMBRE D'EMPLACEMENTS NON LOUES, LA POSSIBILITE POUR L'EXPOSANTE DE RACHETER UN GARAGE SUFFISAMMENT VASTE POUR POUVOIR ABRITER, EN DEHORS DES EMPLACEMENTS LOUES A TITRE DE GARAGE-HOTEL, DES VOITURES MISES EN VENTE, ETANT UNE CONDITION NECESSAIRE POUR POUVOIR CONSERVER LA CONCESSION, MAIS N'ETANT PAS UNE CONDITION SUFFISANTE, PUISQUE LA COUR A ELLE-MEME CONSTATE QUE LE SORT DE LA CONCESSION DE L'EXPOSANTE SE TROUVE LIE A LA POSSIBILITE, POUR LA SOCIETE, DE SE REINSTALLER DANS LE MEME SECTEUR, OU, AU CAS DE REINSTALLATION DANS UN AUTRE SECTEUR, DES CONTRATS PASSES PAR L'IMPORTATEUR DE CES VOITURES, AVEC D'AUTRES GARAGISTES" ;

MAIS ATTENDU QUE, RETENANT QUE LES LIEUX LOUES COMPORTENT 226 PLACES DE GARAGE, LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE 70 SEULEMENT SONT OCCUPEES PAR DES CLIENTS, CETTE ACTIVITE DE GARAGE-HOTEL ETANT EN BAISSE, LE SURPLUS ETANT DESTINE AU GARAGE DES VEHICULES NEUFS ;

QUE, POUR DETERMINER LA VALEUR QUE REPRESENTAIT GLOBALEMENT CETTE BRANCHE D'ACTIVITE, LES JUGES DU FOND, ADOPTANT LE MODE DE CALCUL QUI LEUR PARAISSAIT LE PLUS ADEQUAT, ONT FIXE UN CHIFFRE FORFAITAIRE PAR EMPLACEMENT QU'ILS ONT MULTIPLIE PAR LE NOMBRE TOTAL DE PLACES DE GARAGE, Y COMPRIS CELLE QUI ETAIENT UTILISEES POUR LES VEHICULES NEUFS DESTINES A LA VENTE ;

QU'ILS ONT AINSI TENU COMPTE DES AVANTAGES QUE LA SOCIETE GRAND GARAGE DESAIX TIRAIT DE LA VENTE DES VOITURES NEUVES ET PAR LA-MEME DE LA CONCESSION DONT ILS SOULIGNAIENT QUE LE RENOUVELLEMENT DEMEURAIT ALEATOIRE ;

QUE L'ARRET EST LEGALEMENT JUSTIFIE ;

REJETTE LE PREMIER MOYEN ;

MAIS SUR LE DEUXIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ;

ATTENDU QUE, POUR FIXER LE MONTANT TOTAL DE L'INDEMNITE D'EVICTION, LA COUR D'APPEL, RECAPITULANT LES CHIFFRES AUXQUELS ELLE AVAIT ABOUTI POUR LES DIVERSES BRANCHES D'ACTIVITE, RETIENT POUR "MAIN-D'OEUVRE ET PEINTURE", LA SOMME DE 237 375 FRANCS, QUE, CEPENDANT, DANS LES MOTIFS DE LEUR ARRET, LES JUGES DU SECOND DEGRE AVAIENT DECLARE FAIRE DROIT A L'APPEL INCIDENT DE LA SOCIETE LOCATAIRE ET AVAIENT ELEVE CE POSTE A LA SOMME DE 281 711 FRANCS ;

QU'EN CONSEQUENCE, LES JUGES DU FOND SE SONT CONTREDITS ET QUE LA CONTRADICTION EQUIVAUT A L'ABSENCE DE MOTIFS ;

SUR LE TROISIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 8 DU DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE LOCATAIRE RECLAMAIT, DANS SES CONCLUSIONS ADDITIONNELLES DEVANT LA COUR D'APPEL, LA SOMME DE 154 529 FRANCS POUR TENIR COMPTE DES INDEMNITES DE LICENCIEMENT QU'ELLE AURAIT A VERSER A SON PERSONNEL ;

QUE, POUR ECARTER CETTE DEMANDE, LES JUGES D'APPEL DECLARENT " QUE LA SOCIETE GARAGE DESAIX BENEFICIERA D'UN TERME D'USAGE POUR DONNER CONGE AU PERSONNEL QU'ELLE NE POURRA PAS UTILISER DANS SES NOUVEAUX LOCAUX, QUE LES INDEMNITES QU'ELLE SERA AMENEE A PAYER A DES SALARIES PAR APPLICATION NOTAMMENT DES CONVENTIONS COLLECTIVES, CONSTITUENT UNE DEPENSE REPRESENTANT LA CONTREPARTIE D'UN TRAVAIL DEJA EFFECTUE ET DONC UN SALAIRE DIFFERE, QU'UN ACQUEREUR, BIEN INFORME, DE SON FONDS DE COMMERCE OU DES ACTIONS DE LA SOCIETE AURAIT TENU COMPTE DE CE PASSIF VIRTUEL" ;

QU'EN STATUANT AINSI, SANS RECHERCHER SI LES INDEMNITES DE LICENCIEMENT, QUI NE SONT PAS LA CONTREPARTIE DU TRAVAIL FOURNI ET REPRESENTENT, POUR LE SALARIE, DES DOMMAGES-INTERETS, NE CONSTITUENT PAS UN DES ELEMENTS DU PREJUDICE OCCASIONNE AU LOCATAIRE PAR LE REFUS DE RENOUVELLEMENT DU BAIL, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;

ET SUR LE QUATRIEME MOYEN : VU L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ;

ATTENDU QUE POUR LIMITER A 13 % DU MONTANT DE LA VALEUR DU FONDS, L'INDEMNITE DE REMPLOI QU'ELLE ALLOUE AU PRENEUR, LA COUR D'APPEL DECLARE QUE LA SOCIETE GRAND GARAGE DESAIX SERA AMENEE, NON A ACHETER UN FONDS, MAIS A DEVENIR CESSIONNAIRE DE PARTS OU D'ACTIONS D'UNE SOCIETE AYANT POUR OBJET L'EXPLOITATION D'UN GARAGE ;

QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QU'ELLE NE PRECISE PAS LES CONDITIONS DE REINSTALLATION DE LA SOCIETE GRAND GARAGE DESAIX, LA COUR D'APPEL, QUI A STATUE PAR MOTIFS HYPOTHETIQUES, N'A PAS RESPECTE LES EXIGENCES DU TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS LA LIMITE DES DEUXIEME, TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES LE 29 MAI 1974 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ;

REMET, EN CONSEQUENCE, QUANT A CE, LA CAUSE ET LES PARTIES, AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET, ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORLEANS.